samedi 5 juillet 2008

Le Net donne un coup d'accélérateur à l'édition de livres à la demande

N'importe quel auteur anonyme peut aujourd'hui publier ses livres sur le Net grâce aux sites d'édition à la demande comme Lulu.com ou Thebookedition. Certains ambitionnent d'ailleurs de distribuer leurs auteurs dans le réseau physique de librairies.

La « long tail » (longue traîne) chère à Chris Anderson (1) s'appliquerait-elle désormais à l'édition ? Les sites d'édition à la demande en font le pari. Leur idée commune : vendre quelques exemplaires de milliers d'auteurs, plutôt que de vendre 1 500 livres de dix écrivains.

Sur ces sites, tout un chacun peut faire éditer son livre. Le prix de vente inclut les frais de fabrication et d'impression, et la marge que l'auteur fixe lui-même. Point non négligeable : en principe, l'auteur n'a pas à négocier de contrat de droit d'auteur ; il conserve le contrôle légal de ses écrits.

Dans ce business naissant se distinguent autoédition et édition à la demande. « L'autoédition implique que l'auteur publie sans éditeur intermédiaire, tandis que pour l'édition à la demande, il passe par un prestataire de services, qui propose une solution d'édition clés en main », souligne Lorenzo Soccavo, conseil R&D en édition (2).

L'auteur aux commandes

L'un des premiers à s'être lancé, le site américain Lulu.com en 2002 (et en 2006 en France) revendique 98 000 nouveaux titres par an et 15 000 inscriptions par semaine. Pour se rémunérer, il prélève 20 % sur le bénéfice des ventes d'un livre.

En France, Thebookedition a été lancé en octobre 2007 par l'imprimerie numérique lilloise Reprocolor. L'internaute peut y publier son livre dans l'une des neuf collections (romans, BD, livres pour enfants...), ou le publier en « mode expert » en créant sa propre collection.

Sur la plate-forme d'auto-édition, l'internaute « met en ligne son manuscrit, choisit sa collection et sa couverture », explique Maxence Windal, responsable marketing de Thebookedition.com. Son modèle économique repose sur la production d'un nombre limité de livres tarifés environ 10 euros à l'internaute, qui peut les acheter directement sur le site en format PDF ou les faire imprimer.

Résultat, Thebookedition.com a déjà publié 900 livres et estime parvenir à 200 000 euros de chiffre d'affaires pour sa première année d'activité. Et « pour cet automne, nous voulons mettre en place un tarif dégressif selon le nombre d'exemplaires demandés par livre », poursuit Maxence Windal.

BoD propose un réseau de distribution physique

Le service allemand Books on demand (BoD), lancé en 2001 et disponible en France depuis mars 2008, veut aller plus loin, en proposant à ses clients un réseau de distribution. Le principe est le même : l'auteur indique sur le site plusieurs critères tels que le nombre de pages, le format standard ou de poche, et le tirage qu'il souhaite. Il peut y ajouter des options payantes, comme la relecture ou du conseil marketing.

Le livre est mis en vente gratuitement sur le site, mais BoD propose, moyennant 39 euros, la commercialisation sur un réseau de distribution, via Amazon.fr et Alapage.com. Un prix qui inclut « du conseil via Internet, la maquette numérique, la mise en vente sur notre site, et l'attribution d'un numéro ISBN, indispensable pour la vente en librairie », argumente Friederike Künzel, porte-parole de BoD.

« L'attribution d'un numéro ISBN par l'Afnil (Agence francophone pour la numérotation internationale du livre) est gratuite », souligne toutefois Lorenzo Soccavo.

BoD ambitionne même de vendre ses livres dans des librairies physiques : « Cela sera le cas cette année en France, et nous le faisons déjà en Allemagne, en Suisse, en Autriche, en Finlande, et au Danemark », affirme Friederike Künzel.

Un modèle viable ? Dans un contexte où les librairies sont déjà surchargées, « le libraire est libre de le mettre en rayonnages, puis dans ses stocks s'il le souhaite », rappelle Lorenzo Soccavo.

Réimpression à la demande

À la différence des autres sites, BoD impose en outre un contrat de droits d'auteur. « Le client signe un contrat et nous cède ainsi pour cinq ans le droit de vendre et distribuer son livre, mais conserve ses droits pour le contenu (par exemple pour faire un film). Il devra nous payer 299 euros s'il veut aller dans une autre maison », précise Friederike Künzel. Actuellement, Books on Demand a édité 40 livres de particuliers en France et en publie 500 par mois en Allemagne, pour un chiffre d'affaires d'un montant non communiqué.

Autre nouveau-venu sur le marché, le britannique Faber &Faber qui a lancé début juin en Grande-Bretagne son service Faber Finds. Là, il s'agit de rééditer essentiellement des classiques introuvables, pour environ 9 £ (11 euros). Une expérience qui aura valeur de test pour le secteur de l'édition. Ainsi l'agence britannique PFD, qui représente des auteurs et leurs ayants droit, va s'associer à l'imprimeur de livres à la demande américain Lightning Source pour proposer en ligne, sur son site et sur Amazon.com, des rééditions de titres épuisés de ses auteurs.

(1) Rédacteur en chef du magazine Wired et inventeur de l'expression « long tail »
(2) Auteur de J'ose éditer mon livre (Entrecom, 2004).

Par Capucine Cousin, ZDNet France

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