La bisexualité a une histoire universelle, selon la plupart des sources historiques et littéraires. Les gens dans la plupart des sociétés connues ont montré des degrés variables de bisexualité et ce sans que ce comportement ait été jugé anormal. La plupart des relations bisexuelles étaient attachées soit à une période de la vie (comme pour le shudo dans le Japon pré-moderne), soit à un troisième genre (comme pour les Deux-Esprits nord-amérindiens ou les bacchás d'Asie centrale). Les comportements hétérosexuels et homosexuels masculins, bien qu'également présents, semblent constituer des exceptions partout, sauf dans les sociétés influencées par les religions abrahamiques (judaïsme, islam et certaines églises du christianisme), où les comportements bisexuels et homosexuels sont fortement réprimés et l'hétérosexualité encouragée. La plupart de ce que l’on appelle homosexualité dans les cultures anciennes est en fait une forme de bisexualité.
L'histoire de la bisexualité agie féminine est plus difficile à établir, dans la mesure où les sociétés les mieux connues étaient généralement patriarcales, pour lesquelles les sources dont l'on dispose émanent principalement d'hommes.
Dans la Grèce antique, il semble que les hommes avaient successivement des comportements homosexuels, bisexuels puis majoritairement hétérosexuels. L'homosexualité était associée à l'adolescence, suivie par une phase de bisexualité caractérisée par des relations pédérastes, suite à quoi l'homme adulte se mariait, enfantait et adoptait un comportement principalement hétérosexuel. La Rome antique, les pays arabes (y compris aujourd'hui), la Chine et le Japon connaissent également des modèles de comportement similaires. Le cas le plus célèbre est sans nul doute celui d'Alexandre le Grand qui a eu beaucoup de femmes, mais entretenait aussi des relations avec au moins deux hommes, dont son ami proche Héphaestion. Mais les comportements bisexuels étaient également courants chez les empereurs romains et chinois, ou encore chez les shogun japonais.
Les termes d’hétérosexualité, bisexualité, d’homosexualité et généralement d'orientation sexuelle correspondent à des constructions sociologiques modernes qui ne sont pas forcément adaptées dans ces contextes historiques. Dans la plupart des sociétés anciennes, les comportements ont pu être considérés comme homosexuels sans que l’on ait pour autant utilisé de tels termes.
Grèce antique
Pour les Grecs, "celui qui aime la beauté humaine sera favorablement et équitablement disposé envers les deux sexes, au lieu de supposer que les hommes et les femmes différent sous le rapport de l'amour comme sous celui du vêtement" (Plutarque).
Rome
Les Romains sont bisexuels sans état d'âme. Leur règle de comportement moral et social, très contraignante, suppose qu'un homme libre doit être "actif", c'est-à-dire être celui qui pénètre : la passivité chez un citoyen libre est infamante, fait perdre tout honneur à celui qui s'est fait pénétrer.
En conséquence, on ne peut pénétrer, en dehors de sa femme, aucune femme libre, célibataire ou mariée, et aucun homme libre : si deux hommes libres ont des rapports, le passif est sévèrement puni (en théorie). Si un adulte a des rapports avec un jeune citoyen non pubère, il sera puni (et là l'indulgence est rare). Restent à la libre disposition des maîtres tous les esclaves et tous ceux qui ne sont pas Romains, hommes et femmes, enfants, adolescents ou adultes… Ce que résume le philosophe Sénèque : "la passivité sexuelle chez un homme libre est un crime, chez un esclave, une obligation, chez l'affranchi, un service".
Ainsi Cicéron, qui a dirigé un moment l'Empire, a une femme (et un fils), mais lui préfère les charmes de son jeune esclave-secrétaire favori.
Japon
Le shudō (衆道) est la tradition japonaise d'une homosexualité de type pédérastique pratiquée au sein des samourais de l'époque médiévale jusqu'à la fin du XIXe siècle. Le terme est en fait l'abréviation de wakashudō (若衆道), « la voie des jeunes hommes » (若 waka, jeune, et 衆 shū, homme). Le terme dō (道, voie, chemin) est apparenté au mot chinois tao, chemin menant à l'éveil.
Aspects culturels du shudo
Les principes du shūdō font partie de la tradition littéraire du Japon ; on les trouve par exemple énoncés dans des ouvrages comme le Hagakure (葉隠) « à l’ombre des feuilles » ou divers manuels destinés aux samouraïs. Par ses aspects pédagogiques, militaires et aristocratiques, le shūdō s'apparente fortement à la pédérastie grecque.
La pratique en était tenue en haute estime et se voyait encouragée au sein du groupe des samouraïs. On la considérait comme bénéfique pour le garçon, en ce qu'elle lui enseignait vertu, honnêteté et sens du beau. Lui était opposé l'amour pour les femmes, accusé de féminiser les hommes.
Aussi bien les annales que les récits de fiction de cette période sont nombreuses à louer la beauté et la valeur des garçons dévoués au shūdō. L'historien Jun'ichi Iwata a pu ainsi établir une liste de quatre cent cinquante-sept références rien que pour les XVIIe et XVIIIe siècles, considérées comme « corpus de pédagogie érotique » (Watanabe & Iwata, 1987).
Avec l'ascension de la classe marchande, certains aspects du shūdō sont adoptées par les classes moyennes et l'homosexualité au Japon commence à être davantage associée aux acteurs de kabuki itinérants, les tobi-ko, qui bien souvent font aussi office de prostitués.
Durant l'ère Edo (1600-1868) les onnagata, acteurs de kabuki adultes interprétant des rôles féminins travaillaient également souvent comme prostitués. Les kagema étaient des garçons prostitués oeuvrant dans des maisons closes spécialisées appelées kagemajaya (陰間茶屋: maison de thé des kagema). Tant les kagema que les onnagata étaient très prisés des gens raffinés de l'époque, souvent adeptes du danshoku/nanshoku ou amour mâle.
Avec le début de la restauration Meiji et l'influence croissante de la culture occidentale, le shūdō et l'ensemble des pratiques homoérotiques commencent à faire l'objet de sanctions pénales et connaissent un rapide déclin à la fin du XIXe siècle.
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