jeudi 12 avril 2018

"Le capitalisme est le moins mauvais des systèmes économiques"

Si le "capitalisme est le moins mauvais des systèmes", il reste "mauvais" et il nous faut donc inventer un nouveau système qui soit "bon".

Par "mauvais", je comprends :
- pour la majeure partie des humains (mais très rentable pour la minorité propriétaire des moyens de production)
- mais aussi pour l'environnement puisque l'exploitation abusive des ressources de la planète met en danger les générations futures (nos enfants et petits-enfants).

Je distingue également plusieurs formes de capitalisme :
- celui des XVIIIème et XIXème siècles où les ouvriers étaient traités comme des serfs (avec des violences policières, l'interdiction des syndicats, l'usage de briseurs de grèves ...);
- celui du milieu du XXème siècle où les luttes syndicales avaient permis aux travailleurs d'obtenir des droits pour humaniser leur labeur et obtenir des protections en cas de maladie, accident, vieillesse;
- et celui que nous connaissons depuis une trentaine d'années que je qualifierais de "capitalisme financier" et qui consiste à délocaliser les capitaux et donc la production vers les pays où la main d’œuvre est la moins coûteuse possible (retour aux "briseurs de grèves").

 Avant d'envisager une alternative au "capitalisme", il faut définir ce que recouvre ce terme.

Étymologiquement, "capitalisme" provient du mot latin « caput », qui signifie « la tête », à l'origine la tête de bétail (le cheptel).

Cela permet d'utiliser le terme pas seulement pour le monde industriel contemporain (depuis la révolution industrielle du XVIIIème siècle) mais aussi pour ce qui existait avant :
- les troupeaux détenus par les éleveurs (nomades ou sédentaires)
- et les terres agricoles détenues par les propriétaires terriens (seigneurs aristocrates ou ecclésiastiques).

Défini ainsi, le capitalisme peut être confondu avec la notion de propriété privée. Mais c'est simplificateur, caricatural.

Heureusement, certains économistes comme le Français Bernard Friot, apportent un éclairage très pertinent. Il distingue ce qui est fondamental, de mon point de vue :
- la propriété privée lucrative
- et la propriété privée d'usage.

Cette distinction permet d'éclairer la citation (hélas tronquée) de Pierre-Joseph Proudhon "La propriété, c'est le vol."
En réalité, Proudhon n'interdit pas la propriété privée mais condamne la séparation entre :
- la propriété de l'outil de production par un "capitaliste" (propriété lucrative)
- et le travail fourni par le "salarié" (qui n'est pas propriétaire de son outil de production).

Pour l'anecdote, le mot "capitalisme" est apparu en France au milieu du XIXe siècle et c'est justement Pierre-Joseph Proudhon qui l'emploie le premier, en 1852, dans sa correspondance privée.
(cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Capitalisme#Ambigu%C3%AFt%C3%A9s_de_significations)

Karl Marx se rendra quant à lui célèbre par son ouvrage "Le Capital. Critique de l'économie politique" paru en 1867. (cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Capital).

Mais il ne faut surtout pas faire l'amalgame entre les deux hommes. Ils seront en constante opposition. Les recommandations de l'un (Marx) vont aboutir à un État centralisateur et dictatorial ; les recommandations de l'autre (Proudhon) ne seront que très brièvement ou trop partiellement appliquées (syndicalisme, système mutualiste, fédéralisme, anarchisme politique).
(En ce qui concerne le duel entre Marx et Proudhon : cf. https://www.histoire-en-citations.fr/citations/proudhon-la-propriete-c-est-le-vol)

Quand on utilise la formule "Le capitalisme est le moins mauvais des systèmes", on sous-entend généralement l'opposition entre le marxisme et le capitalisme. Mais il existe deux autres grandes familles de systèmes :

- d'abord le fascisme qui réunit l'autoritarisme de l’État (avec généralement un militaire à sa tête) et la concentration des richesses dans les mains de grands possédants [qu'on peut assimiler à l'Ancien régime monarchique, féodal]

- et l'anarchisme politique (tellement caricaturé et diffamé que dans le langage courant il est devenu synonyme de désordre ... alors que le terme exact pour désordre est anomie (https://fr.wikipedia.org/wiki/Anomie) et que l'anarchisme ("absence de chef") doit être compris comme étant synonyme de démocratie ("le pouvoir [directement] au peuple [sans chef au-dessus avec un pouvoir coercitif]").

C'est dans cette direction que se trouve la solution selon moi.

Et c'est à la lecture de penseurs anarchistes du siècle dernier (Proudhon, Kropotkine, Bakounine ...) ou contemporains (David Graeber, Noam Chomsky, Cornelius Castoriadis ...) que je suis en train de me consacrer.

Pour en revenir à Proudhon, et à l'inflation évoquée plus haut, il tenta de créer une banque nationale pratiquant des prêts sans intérêts, similaire d'une certaine façon aux mutuelles d'aujourd'hui.

La clé de voûte de l'économie étant la monnaie, il est crucial de déterminer (c'est un choix politique) qui est habilité à créer la monnaie.

La dérive de notre société actuelle, c'est que l'immense majorité de la monnaie en circulation (de l'ordre de 98% quand on compare l'économie réelle et l'économie financière; mais déjà plus de 90% pour les prêts aux particuliers) est de la monnaie scripturale créée ex nihilo par les banques privées.

C'est délirant, de mon point de vue.

Selon moi (ainsi que de l'avis d'économistes et de penseurs politiques dont je suis en train de découvrir les ouvrages), seule la banque publique, centrale, devrait être autorisée à créer de la monnaie.

Les banques privées, pour leur part, devraient être cantonnées à un rôle d'établissement financier ne pouvant prêter que de la monnaie déjà en sa possession (contre rémunération étant donné la prise de risque et la nécessité de rémunérer leur personnel) mais absolument pas autorisées à créer de la monnaie.

Cela reste toutefois un sujet théorique à approfondir pour moi, notamment :
- en lisant "5000 ans de dette" par David Graeber
- en écoutant les conférences de Stéphane Laborde sur la TRM, "théorie relative de la monnaie" (https://www.youtube.com/watch?v=PdSEpQ8ZtY4)
- et en me documentant sur le chartalisme (https://fr.wikipedia.org/wiki/Chartalisme).

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