Encore une remarquable synthèse de John Pilger :
"une guerre mondiale a commencé - Brisez le silence".
Mon commentaire : j'aime lire John Pilger. Mais, je désespère de ne trouver, même chez lui, toujours pas un mot sur *la cause première* de toutes ces grandes misères : notre consentement au faux "suffrage universel" (élire des maîtres au lieu de voter les lois), procédure ploutocratique qui donne (toujours) le pouvoir de décider aux ultras-riches et qui conduit donc -- mécaniquement, depuis 200 ans -- au capitalisme, et à la guerre.
Nous aurons la guerre tant que nous adorerons (idiotement) l'élection comme une vache sacrée.
La seule procédure qui retire toute prise aux escrocs politiciens est aussi la seule procédure authentiquement démocratique, c'est le tirage au sort.
Pas de paix sans démocratie et pas de démocratie sans tirage au sort.
Mais, pas de tirage au sort sans processus constituant populaire => Vous n'y couperez pas, il va falloir travailler : si vous voulez une vraie constitution, il faudra apprendre à l'écrire vous-même.
Sinon, comme toujours, les pires gouverneront.
John Pilger est un journaliste de nationalité Australienne, né à Sydney le 9 Octobre 1939, parti vivre au Royaume-Uni depuis 1962. Il est aujourd’hui basé à Londres et travaille comme correspondant pour nombre de journaux, comme The Guardian ou le New Statesman.
Il a reçu deux fois le prix de meilleur journaliste de l’année
au Royaume-Uni (Britain’s Journalist of the Year Award). Ses
documentaires, diffusés dans le monde entier, ont reçu de multiples
récompenses au Royaume-Uni et dans d’autres pays.
John Pilger est membre, à l’instar de
Vandana Shiva et de Noam Chomsky, de l’IOPS (International Organization
for a Participatory Society), une organisation internationale et
non-gouvernementale créée (mais encore en phase de création) dans le but
de soutenir l’activisme en faveur d’un monde meilleur, prônant des
valeurs ou des principes comme l’autogestion, l’équité et la justice, la
solidarité, l’anarchie et l’écologie.
Article initialement publié le 20 mars 2016 en anglais, sur le site officiel de John Pilger, à cette adresse.
Je suis allé filmer aux îles Marshall,
qui se situent au Nord de l’Australie, au milieu de l’océan Pacifique. A
chaque fois que je raconte cela à des gens, ils demandent, « Où est-ce ? ». Si je leur donne comme indice « Bikini », ils répliquent, « vous parlez du maillot de bain ».
Bien peu semblent savoir que le maillot
de bain bikini a été ainsi nommé pour commémorer les explosions
nucléaires qui ont détruit l’île de Bikini. Les États-Unis ont fait
exploser 66 engins nucléaires aux îles Marshall entre 1946 et 1958 –
l’équivalent de 1,6 bombe d’Hiroshima chaque jour, pendant 12 ans.
Bikini est silencieuse aujourd’hui,
mutante et contaminée. Des palmiers y poussent sous une étrange forme de
grille. Rien ne bouge. Il n’y a pas d’oiseaux. Les stèles du vieux
cimetière sont vibrantes de radiations. Mes chaussures ont été déclarées
“dangereuses” sur un compteur Geiger.
Debout sur la plage, j’ai regardé le
vert émeraude du Pacifique disparaître dans un vaste trou noir. Il
s’agissait du cratère laissé là par la bombe à hydrogène qu’ils avaient
appelée « Bravo ». L’explosion a empoisonné les gens et leur environnement sur des centaines de kilomètres, peut-être pour toujours.
Lors de mon voyage de retour, je me suis arrêté à l’aéroport d’Honolulu, et j’ai remarqué un magazine états-unien intitulé « Women’s Health » (la Santé des Femmes) . Sur la couverture, une femme souriante dans un maillot de bain bikini, et comme titre : « Vous aussi, vous pouvez avoir un corps bikini ». Quelques jours auparavant, aux îles Marshall, j’avais interviewé des femmes qui avaient des « corps bikini » très différents ; elles souffraient toutes de cancer de la thyroïde ou d’autres cancers mortels.
Contrairement à la femme souriante du
magazine, elles étaient toutes pauvres, victimes et cobayes d’un
superpouvoir vorace, aujourd’hui plus dangereux que jamais.
Je relate cette expérience en guise
d’avertissement et pour mettre un terme à une distraction qui a consumé
beaucoup d’entre nous. Le fondateur de la propagande moderne, Edward
Bernays, a décrit ce phénomène comme « la manipulation consciente et intelligente des habitudes et des opinions » des sociétés démocratiques. Il l’a appelé le « gouvernement invisible ».
Combien sont au courant qu’une guerre
mondiale a commencé? En ce moment, il s’agit d’une guerre de propagande,
de mensonges et de distraction, mais cela peut changer instantanément
au moindre ordre mal interprété, avec le premier missile.
En 2009, le président Obama se tint devant une foule en liesse au centre de Prague, au cœur de l’Europe. Il s’engagea à « libérer le monde des armes nucléaires ».
Les gens applaudirent et certains pleurèrent. Un torrent de platitudes
jaillit des médias. Par la suite, Obama reçut le prix Nobel de la paix.
Un tissu de mensonge. Il mentait.
L’administration Obama a fabriqué plus
d’armes nucléaires, plus de têtes nucléaires, plus de systèmes de
vecteurs nucléaires, plus de centrales nucléaires. Les dépenses en têtes
nucléaires à elles seules ont plus augmenté sous Obama que sous
n’importe quel autre président. Le coût sur 3 ans s’élève à plus d’1
billion de dollars.
Une mini- bombe nucléaire est prévue.
Elle est connue sous le nom de B61-12. C’est sans précédent. Le Général
James Cartwright, ancien vice-président de l’état-major interarmées, a
expliqué que: « Miniaturiser [rend l’utilisation de cette bombe] nucléaire plus concevable ».
Au cours des dix-huit derniers mois, la
plus grande concentration de forces militaires depuis la seconde Guerre
Mondiale — opérée par les USA — a lieu le long de la frontière
occidentale de la Russie. Il faut remonter à l’invasion de l’Union
Soviétique par Hitler pour trouver une telle menace envers la Russie par
des troupes étrangères.
L’Ukraine — autrefois membre de l’Union
Soviétique — est devenue un parc d’attraction pour la CIA. Ayant
orchestré un coup d’état à Kiev, Washington contrôle efficacement un
régime frontalier et hostile envers la Russie, un régime littéralement
infesté de Nazis. D’importantes personnalités du parlement Ukrainien
sont les héritiers politiques des partis fascistes OUN et UPA. Ils font
ouvertement l’apologie d’Hitler et appellent à la persécution et à
l’expulsion de la minorité russophone.
Tout cela est rarement rapporté en Occident, quand ce n’est pas inversé pour travestir la vérité.
En Lettonie, Lituanie et en Estonie — à
côté de la Russie — l’armée US déploie des troupes de combat, des tanks,
des armes lourdes. Cette provocation extrême de la seconde puissance
nucléaire du monde est passée sous silence en Occident.
La perspective d’une guerre nucléaire est d’autant plus dangereuse qu’une campagne parallèle a été lancée contre la Chine.
Il est rare qu’un jour passe sans qu’on parle de la Chine comme d’une « menace ». Selon l’Amiral Harry Harris, le commandant en chef US du Pacifique, la Chine « construit un grand mur de sable dans le Sud de la Mer de Chine ».
Il fait référence à la construction par
la Chine de pistes d’atterrissage dans les îles Spratly, qui font
l’objet d’un conflit avec les Philippines — un conflit sans importance
avant que Washington ne mette la pression sur le gouvernement de Manille
et ne tente de le soudoyer, et que le Pentagone ne lance une campagne
de propagande appelée « liberté de navigation ».
Qu’est-ce que cela veut vraiment dire?
Cela signifie la liberté pour les navires de guerre états-uniens de
patrouiller et de dominer les eaux côtières de la Chine. Essayez
d’imaginer la réaction états-unienne si les navires de guerre chinois
faisaient la même chose au large de la Californie.
J’ai réalisé un film appelé « La guerre invisible »,
dans lequel j’ai interviewé d’éminents journalistes aux USA et au
Royaume-Uni: des reporters comme Dan Rather de CBS, Rageh Omar de la
BBC, et David Rose de The Observer.
Source : https://youtu.be/hJh_7Xjq1ek
Tous
déclarèrent que si journalistes et radiodiffuseurs avaient joué leur
rôle en remettant en question la propagande selon laquelle Saddam
Hussein possédait des armes de destruction massive, que si les mensonges
de George W. Bush et de Tony Blair n’avaient pas été amplifiés et
colportés par les journalistes, l’invasion de l’Irak de 2003 aurait pu
ne pas avoir eu lieu, et des centaines de milliers de femmes, d’hommes
et d’enfants seraient encore en vie aujourd’hui.
La propagande préparant actuellement le
terrain pour une guerre contre la Russie et/ou la Chine n’est en
principe pas différente. A ma connaissance, aucun journaliste du « mainstream »
Occidental — un équivalent de Dan Rather, disons — ne pose la question
de savoir pourquoi la Chine construit des pistes d’atterrissage dans le
Sud de la mer de Chine.
La réponse devrait être flagrante. Les
USA encerclent la Chine d’un réseau de bases militaires, de missiles
balistiques, de groupes de combat, de bombardiers nucléaires.
Cet arc létal s’étend de l’Australie aux
îles du Pacifique, les Mariannes, les îles Marshall et Guam, les
Philippines, la Thaïlande, Okinawa et la Corée, et à travers l’Eurasie,
jusqu’à l’Afghanistan et l’Inde. Les USA ont passé la corde autour du
cou de la Chine. Cela ne fait pas l’objet d’un scoop. Silence
médiatique. Guerre médiatique.
En 2015, dans le plus grand secret, les
USA et l’Australie ont effectué le plus important exercice militaire
air-mer de l’histoire contemporaine, sous le nom de Talisman Sabre. Il
visait à répéter un plan de bataille Air-Mer, bloquant les voies
maritimes, comme les détroits de Malacca et de Lombok, ce qui couperait
l’accès de la Chine au pétrole, au gaz et à d’autres matières premières
vitales provenant du Moyen-Orient et de l’Afrique.
Dans le cirque que constitue la
campagne présidentielle états-unienne, Donald Trump est présenté comme
un fou, un fasciste. Il est certainement odieux; mais il est aussi un
pantin de haine médiatique. Ce simple fait devrait suffire à éveiller
notre scepticisme.
Les idées de Trump sur l’immigration
sont grotesques, mais pas plus que celles de David Cameron. Ce n’est pas
Trump le Grand Déportateur des USA, mais le prix Nobel de la Paix,
Barack Obama.
Selon un prodigieux commentateur libéral, Trump « déchaîne les forces obscures de la violence » aux USA. Il les déchaîne?
Ce pays est celui où des bambins tirent
sur leur mère et où la police mène une guerre meurtrière contre les
noirs américains. Ce pays est celui qui a attaqué et tenté de renverser
plus de 50 gouvernements, dont de nombreuses démocraties, qui a bombardé
de l’Asie au Moyen-Orient, entraînant la mort et le déplacement de
millions de gens.
Aucun pays n’atteint ce niveau record de
violence systémique. La plupart des guerres états-uniennes (presque
toutes contre des pays sans défense) n’ont pas été déclarées par des
présidents républicains mais par des libéraux démocrates: Truman,
Kennedy, Johnson, Carter, Clinton, Obama.
En 1947, une série de directives du
conseil de sécurité national illustrent l’objectif primordial de la
politique étrangère états-unienne : « un monde considérablement fait à l’image [de l’Amérique] ».
L’idéologie de l’américanisme messianique. Nous étions tous américains.
Ou autres. Les hérétiques seraient convertis, subvertis, soudoyés,
calomniés ou broyés.
Donald Trump est un symptôme de tout
cela, mais c’est aussi un anticonformiste. ll dit que l’invasion de
l’Irak était un crime; il ne veut pas de guerre contre la Russie et la
Chine. Le danger pour nous n’est pas Trump, mais Hillary Clinton. Elle
n’a rien d’une anticonformiste. Elle incarne la résilience et la
violence d’un système dont « l’exceptionnalisme » tant vanté n’est qu’un totalitarisme au visage occasionnellement libéral.
A mesure que se rapproche l’élection
présidentielle, Clinton sera saluée comme la première femme présidente,
sans considération aucune de ses crimes et de ses mensonges — tout comme
Obama fut acclamé en tant que premier président noir, et que les
libéraux gobaient ses propos absurdes sur « l’espoir ». Et l’illusion se perpétue.
Dépeint par le chroniqueur du Guardian Owen Jones comme « drôle, charmant, tellement cool qu’il éclipse pratiquement tous les autres politiciens »,
Obama a récemment envoyé des drones massacrer 150 personnes en Somalie.
Il tue habituellement des gens le mardi, selon le New York Times,
lorsqu’on lui remet une liste de personnes à tuer par drone. Tellement
cool.
Lors de la campagne présidentielle de 2008, Hillary Clinton a menacé de « totalement oblitérer »
l’Iran par voie d’armes nucléaires. En tant que secrétaire d’état sous
Obama, elle a participé au renversement du gouvernement démocratique du
Honduras. Sa contribution à la destruction de la Libye en 2011 fut une
quasi-jubilation. Lorsque le leader Libyen, le colonel Kadhafi, fut
publiquement sodomisé avec un couteau — un meurtre rendu possible par la
logistique états-unienne — Clinton se réjouit de sa mort : « Nous sommes venus, nous avons vu, il est mort ».
L’une des plus proches alliés de Clinton
est Madeleine Albright, l’ancienne secrétaire d’état, qui s’en est pris
à des jeunes filles parce qu’elles ne soutenaient pas « Hillary ». La tristement célèbre Madeleine Albright qui célébra à la télévision la mort d’un demi- million d’enfants irakiens comme « valant le coup ».
Parmi les plus importants soutiens de
Clinton, on retrouve le lobby Israélien et les compagnies d’armement qui
ont alimenté la violence au Moyen-Orient. Elle et son mari ont reçu une
fortune de la part de Wall Street. Et pourtant, elle s’apprête à se
voir affublée du titre de candidate des femmes, à même de triompher du
diabolique Trump, le démon officiel. On dénombre également de nombreux
féministes parmi ses supporters: ceux de la trempe de Gloria Steinem aux
USA et d’Anne Summers en Australie.
Une génération auparavant, un culte post-moderne que l’on appelle aujourd’hui « la politique identitaire »
a bloqué de nombreux esprits libéraux intelligents dans leur examen des
causes et des individus qu’ils soutenaient — comme les fraudes que sont
Obama et Clinton; comme le mouvement progressiste bidon Syriza en
Grèce, qui a trahi son peuple en s’alliant avec ses ennemis.
L’auto-absorption [le narcissisme, NdT], une forme « d’égocentrisme »,
devint le nouvel esprit du temps dans les sociétés occidentales
privilégiées et signala la défaite des grands mouvements collectifs
contre la guerre, l’injustice sociale, l’inégalité, le racisme et le
sexisme.
Aujourd’hui, ce long sommeil prend
peut-être fin. Les jeunes s’agitent à nouveau. Progressivement. Les
milliers de britanniques qui ont soutenu Jeremy Corbyn comme leader du
parti travailliste font partie de cette agitation — ainsi que ceux qui
se sont ralliés au sénateur Bernie Sanders.
Au Royaume-Uni, la semaine dernière, le
plus proche allié de Jeremy Corbyn, le trésorier de l’opposition John
McDonnell, a engagé le gouvernement travailliste au paiement des dettes
frauduleuses des banques, et, dans les faits, à continuer sa politique
de soi-disant austérité.
Aux USA, Bernie Sanders a promis de
soutenir Clinton si ou lorsqu’elle sera nominée. Lui aussi a voté pour
l’utilisation de la violence par les USA contre d’autres pays lorsqu’il
jugeait cela « juste ». Il dit qu’Obama a « fait un excellent travail ».
En Australie, il règne une sorte de
politique mortuaire, dans laquelle des jeux parlementaires assommants
sont diffusés dans les médias tandis que les réfugiés et les peuples
indigènes sont persécutés et que croissent les inégalités, ainsi que la
menace d’une guerre. Le gouvernement de Malcolm Turnbull vient
d’annoncer un budget de la soi-disant défense de 195 milliards de
dollars, véritable incitation à la guerre. Il n’y eut aucun débat.
Silence.
Qu’est devenue la grande tradition
populaire d’action directe, libre de tout parti? Où sont le courage,
l’imagination et l’engagement qu’exige la lutte pour un monde meilleur,
juste et paisible? Où sont les dissidents de l’art, du cinéma, du
théâtre, de la littérature?
Où sont ceux qui oseront briser le silence? Devons-nous attendre que le premier missile nucléaire soit tiré?
John Pilger
Traduction: Nicolas Casaux
Édition & Révision: Héléna Delaunay
1 commentaire:
Terrifiant ! Nos dirigeants politiques nous trahissent, corrompus et évadés fiscaux. Les grands industriels (de l'armement et du pétrole en tête) tirent les ficelles. Et les médias sont complices. C'est terrifiant !
Enregistrer un commentaire