dimanche 20 septembre 2015

Jean Meslier

Jean Meslier, ou Mellier, né à Mazerny (Ardennes) le , est un prêtre et philosophe des Lumières français, curé d'Étrépigny où il est mort au début de l'été 1729. Son existence n'a été connue qu'à partir de la publication en 1762 par Voltaire, sous le titre de Testament de J. Meslier, d'un texte qu'il présentait comme un extrait d'un texte beaucoup plus volumineux, retrouvé chez lui et dans lequel un curé professait avec détermination son athéisme et se livrait à une critique radicale des injustices de la société de son temps.
Ce texte, au titre original de Mémoires des pensées et sentiments de Jean Meslier..., est considéré comme le texte fondateur de l'athéisme et de l'anticléricalisme militant en France.


Biographie


Étrépigny, l'église dont Jean Meslier fut curé de 1689 à 1729.
Né d'un père ouvrier en serge ou propriétaire et fabricant de laine2 du village de Mazerny, Gérard Meslier (ou Mellier), et de Symphorienne Braidy, il fit quelques études à l'école publique de sa paroisse où le curé le trouva doué, avant de les poursuivre au séminaire de Reims. Initié au sacerdoce en 1688, très estimé de ses supérieurs, il fut nommé le curé d'Étrépigny et de Balaives dans ses Ardennes natales, où il restera jusqu'à sa mort. Il avait pour amis deux curés, MM Voiri (curé de Guignicourt) et Delavaux (ou Laveaux - curé de Boulzicourt) qui inhumèrent son corps dans le jardin de la cure sans inscrire d'acte mortuaire sur les registres de sa paroisse.
Les éléments biographiques donnés par Voltaire dans ses Lettres à S.A. le Prince de *** sur Rabelais, etc. sont entachés de nombreuses erreurs, il faudra attendre Maurice Dommanget pour avoir la première biographie sérieuse.
D'après Voltaire, il choisissait pour bonnes des femmes n'ayant pas atteint l'âge canonique3, sa conduite scandalisait et lui valait réprimandes et punitions de la part des autorités ecclésiastiques. Ses démêlés avec le châtelain du lieu lui en avaient valu d'autres. En effet, indigné par les mauvais traitements que faisait subir le seigneur de Touilly aux paysans de sa paroisse, Jean Meslier l'avait dénoncé un jour en chaire de vérité. Sévèrement tancé par l'évêché, il aurait alors cessé de faire parler de lui, se réservant pour l'écrit posthume dont il a publié des extraits.
Penseur isolé, nourrissant des idées qu'il ne pouvait échanger, il avait une bibliothèque qui se composait, à côté de la Bible, des Pères de l'Église, et des comptes rendus des conciles, d'auteurs latins comme Tite Live, Sénèque, Tacite, Flavius Josèphe ainsi que de Montaigne, Vanini, La Bruyère, La Boétie, Pascal, Malebranche, du dictionnaire philosophique de Bayle et Fénelon.
À partir des essais de Montaigne et de la Démonstration de l'existence de Dieu de Fénelon4 — qu'il annote dans les marges — il rédige ses propres Pensées et sentiments, volumineux mémoire manuscrit recopié en trois exemplaires manuscrits de trois cent soixante-six feuillets chacun, dédiés à ses paroissiens.

Testament du curé Meslier


Obélisque des penseurs socialistes où figure Meslier en 7e place, dans le jardin Alexandrovski, à Moscou.

Six ans après la mort du curé d'Étrépigny, Nicolas-Claude Thieriot entretient Voltaire de l'existence des manuscrits dans une lettre de novembre 1735. Des copies manuscrites circulent d'abord sous le manteau à Paris, dans le milieu des encyclopédistes. Ce n'est que 27 ans plus tard que Voltaire fait publier en 1762 des extraits de l'œuvre dans un abrégé dont il réécrit certains passages suivant sa conception déiste, disant que l'original était « écrit dans un style de cheval de carrosse ».
Le Baron d'Holbach, de son côté, publie Le Bon Sens du curé Jean Meslier suivi de son testament. Rudolf Charles d’Ablaing van Gissenburg, dit Rudolf Charles Meijer, et le milieu matérialiste-libre penseur hollandais publient une première édition complète en trois volumes in 8º de 350 pages chacun en 1864.
La pensée de Meslier annonce la Révolution française et, bien au-delà, le socialisme utopique, le matérialisme, le communisme et l'anarchisme. Pour Régis Messac, le curé Meslier est un penseur libertin, « précurseur des philosophes qui proclameront bien haut leur croyance au progrès, et en la nécessité de ce progrès ».
Ce testament philosophique fait de lui un précurseur des Lumières de tout premier plan. Il y est le premier à professer un athéisme sans concession tandis qu'il développe avant la lettre un matérialisme rigoureux et pose également en précurseur les bases d'une philosophie anarchiste, ainsi qu'une conception communiste de la société.
Les XVIIe et XVIIIe siècles présentent une grande période de trouble pour la foi chrétienne. Mais les diverses critiques qu'avaient connues le christianisme de l'époque n'égalent pas en puissance de feu le manifeste de l’abbé Meslier, qui influencera les penseurs athées à venir.
Ainsi, Anacharsis Clootz avait-il soumis à la Convention le projet d'ériger une statue à celui qu'il nomme « l'Intrépide », « le Généreux », « l'Exemplaire », comme étant le premier prêtre à avoir « abjuré les idées religieuses et déchiré le voile de la superstition ».
Les bolchéviques ne s'y sont pas trompés, puisque son nom est gravé sur le monument du Jardin Alexandrovski élevé à Moscou pour les Romanov et transformé à la gloire des précurseurs du socialisme moderne, seul monument public qui célèbre la mémoire de Meslier. Le Testament a quant à lui été traduit en russe en 1924.

Postérité

Les textes de l'abbé Meslier, jugés dangereux par ceux qui les ont découverts16, connaîtront une diffusion relativement large pour un texte si iconoclaste qui s’inscrivait dans une époque où la religion chrétienne conservait une mainmise assez forte sur la société et la culture européenne. Le sens du texte ne fut pas toujours respecté, Voltaire en édita un résumé, assez populaire, qui fut cependant extrêmement dilué par ce dernier ; l’athéisme matérialiste conscient et intransigeant de Meslier avait été transformé en une prudente profession de foi déiste où Meslier s’excusait à Dieu d’avoir professé des mensonges sur son compte tout au long de sa vie d’ecclésiastique. Quoi qu'il en soit, la pensée de Meslier, premier texte moderne franchement athée15, libre de l’habituelle prudence littéraire qui entourait les textes dits athées de l’époque comme ceux de Thomas Hobbes, est révélatrice de la présence d’une discrète mais véritable pensée athée au XVIIIe siècle.
La franchise posthume de Meslier, qui n’hésite pas à affirmer que bon nombre de ses paroissiens et d’ecclésiastiques ne croient plus et feignent d’avoir la foi, nous est révélatrice de la difficulté qu’avaient les hommes du XVIIIe siècle d’exprimer en toute liberté leur sentiment profond face à la notion de Dieu. L’athéisme franc de Meslier ne connaîtra que fort peu d’imitateurs au cours du XVIIIe siècle. Cependant, son texte est désormais présenté comme les prémices d'un discours athée systématique et sans compromis, discours encore contenu par des structures politiques certes, mais dont l’imminente disparition (la Révolution française, tout comme le vaste courant libéral qui secouera l’Europe est proche) va permettre l’émergence et l'expression d’un athéisme systématique s'opposant à l’Église ou à l’argument ontologique.

Lire : http://justemonopinion-jeronimo.blogspot.com/2012/05/memoire-des-pensees-et-sentiments-de.html

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