Pas seulement à la Réunion, mais dans le monde entier, la
violence prend de l’ampleur, plus particulièrement au niveau de la
jeunesse. La délinquance est là, les causes sont multiples et les
sociologues se font un malin plaisir de cibler l’éducation des parents,
l’absence d’adultes dans les écoles ou encore le manque de loisirs
actifs pour occuper cette jeunesse en dehors du temps scolaire… Sans
entrer dans les détails de ces approches, il est certain qu’offrir la
possibilité à un jeune d’intégrer un groupe dans le cadre d’une
association, de s’adonner deux à trois fois par semaine à une discipline
sportive qui demande effort et respect de l’autre et de se projeter
dans des compétitions pour éventuellement obtenir des résultats
régionaux voire nationaux, c’est le placer dans la situation de se
construire en tant que futur adulte.
Sur le plan international, au sein du CIO, la lutte olympique a
traversé ces derniers temps une mini-tempête qui l’a obligée à se
remettre en question pour pouvoir continuer à faire partie des
disciplines olympiques jusqu’en 2024. Chose faite. Ce sport qui remonte à
la nuit des temps, ancré au plus profond des entrailles de l’humanité
par le fait même qu’il canalise agressivité et violence tout en
inculquant des valeurs de respect : de l’autre, des règles, de la vie
sociale en général. Ce sport, combien populaire à travers le monde,
populaire dans le sens de « près du peuple » ne fera pas partie des
disciplines retenues par les responsables des Jeux des îles en 2015 à la
Réunion. Les raisons évoquées peuvent être multiples : ce sont les pays
(comités olympiques) qui votent ; le budget a été revu à la baisse -
nous respectons le choix des pays -… Mais nous savons tous que dans ce
genre de décision, la réalité est tout autre. Tout d’abord, connaissant
la diversité de nos îles dans l’océan Indien et le petit nombre de pays
participants, est-il convenable de vouloir à tout prix reproduire, sur
le modèle des grands événements internationaux, des mini-jeux Olympiques
dans notre zone ? Quand on connaît la réalité de nos îles voisines,
peut-on imaginer que Madagascar, les Comores, les Maldives ou les
Seychelles puissent « jouer » à jeu égal dans tel ou tel sport ?
Certaines disciplines sportives demandent des infrastructures et des
équipements de haut niveau qui peuvent être présents à la Réunion, un
peu moins à Maurice, puis ?L’intérêt d’un sport comme la lutte, c’est qu’il n’est pas très gourmand en matière de pratique et de développement et qu’à l’échelle française et internationale, il a permis à des jeunes Réunionnais ou Mauriciens de s’exprimer au plus haut niveau, en faisant ainsi parler de nos îles. Est-ce le cas de tous les sports retenus pour les prochains Jeux des îles ? Pratiquer, s’identifier, se projeter représentent le processus dans lequel s’inscrivent les jeunes lutteuses et lutteurs de l’océan Indien.
En écartant la lutte du programme de ces Jeux, c’est tout un projet d’éducation, de construction et de carrière pour certains qui, du jour au lendemain, est remis en question. Les jeunes des salles de lutte de Tananarive (Madagascar), Vacoas (Maurice), Moroni (Comores) ou Saint-Joseph (la Réunion) ont reçu là, après l’absence de leur sport en 2011, une gifle dont ils auront beaucoup de mal à se remettre. La faute à qui ? A la fédération internationale qui n’a pas su renforcer la vulgarisation de ce sport dans la zone ? Au comité régional local qui n’a pas su anticiper cette décision ? Aux décideurs de la Réunion qui n’ont pas su imposer cette discipline chez eux ? Un peu de tout cela sans doute. Cependant, quand on connaît les dessous des tractations qui interviennent lors du choix des disciplines sportives, on est en droit de se poser la question : des jeux pour des pays ou îles riches ou pauvres ? Des sports pour des fédérations ou ligues riches ou pauvres ? Un événement sportif pour la jeunesse de tout un peuple ou le plaisir, les intérêts de certains ? Ce qui est sûr, c’est que la lutte olympique, absente depuis 2007 aux Jeux de Tananarive, aura beaucoup de mal à s’en remettre.
Pas grave sans doute pour les jeunes Réunionnais qui bénéficient d’une multitude de pratiques sportives, plus ou moins éducatives ; mais combien grave pour le jeune du quartier défavorisé de Besarety à Tana ou de Port-Louis à Maurice.
Ainsi va l’évolution du sport dans nos sociétés (pas forcément modernes pour tout le monde), avec ses victoires, ses émotions, ses larmes et ses défaites… qui peuvent aller parfois jusqu’à la désespérance.
Frédéric Rubio (spécialiste de lutte)
Source : http://www.clicanoo.re/388782-jeux-des-iles%C2%85-c-est-moche.html
1 commentaire:
La présence de "la croche", lutte traditionnelle de la Réunion, en sport de démonstration aux JIOI 2015 aura été une consolation ... sauf que les comités de lutte olympique ont boycotté la compétition de croche. Jalousie ? Peur pour leur "pré carré" ?
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