mercredi 1 mai 2019

Norvège

Description

"Habitée par 4,5 millions de personnes, la Norvège est un pays d'une beauté sauvage offrant des paysages majestueux de montagnes, de fjords et de glaciers. L'exploration est dans la tradition norvégienne depuis l'époque des Vikings et elle a été poursuivie par des explorateurs modernes comme Amundsen, Fridtjof Nansen et Heyerdahl. Malgré sa faible population et son emplacement éloigné, la Norvège a donné naissance à de nombreux artistes de grand talent comme le peintre Edvard Munch, le compositeur Edvard Grieg, le sculpteur Gustav Vigeland et le dramaturge Henrik Ibsen. En outre, trois lauréats du prix Nobel de littérature sont Norvégiens soit, Bjornstjerne Bjornson, Sigrid Undset et Knut Hamsun. La Norvège est le plus riche des cinq pays nordiques en raison principalement de sa florissante industrie pétrolière marine.

Le Royaume de Norvège est une monarchie constitutionnelle gouvernée par le chef d'État, Sa Majesté le roi Harald V, qui a été intronisé le 17 janvier 1991. Le Parlement norvégien, le Storting, est composé d'une seule chambre. Ses 165 membres sont élus au scrutin proportionnel pour un mandat de quatre ans."

Norvège: profil du pays (Canada Europa, Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international du Canada; reproduction pour utilisation publique non commerciale autorisée)
Source: CIA - The World Factbook

Histoire

Histoire
"C'est à l'époque où la Scandinavie se dégagea de l'emprise de la grande calotte glaciaire que les premiers hommes apparurent sur le sol norvégien, surgissant de l'ombre de la préhistoire. Il y a dix mille ans, les ancêtres des Norvégiens chassaient le renne et autre gibier sur leur longue route vers le nord. Comme la terre qu'ils trouvèrent avait été écrasée des millénaires durant par le poids de la calotte glaciaire, la côte, à l'époque, était environ 200 mètres plus haut qu'elle ne l'est aujourd'hui. Les premiers vestiges d'une activité humaine furent découverts sur une colline au sud-est d'Østfold, non loin de la frontière australe avec la Suède. Il est probable qu'à cette époque cette colline était une île côtière au sud de la pointe du glacier.

Les avis divergent sur les origines géographiques des ancêtres des Norvégiens et sur les voies de communication qu'ils empruntèrent en allant vers le nord. Toutefois, certains d'entre eux ont certainement passé par Østfold. Les objets artisanaux trouvés sur les lieux d'anciennes habitations ressemblent à ceux trouvés en Suède du sud et au Danemark. Il est possible aussi que d'autres aient emprunté le chemin de ce qu'on appelle le continent de la mer du Nord pour se diriger vers le sud-ouest de la Norvège.

Les premiers Norvégiens étaient des chasseurs, qui, dès que la nature le leur permettait, se rassemblaient en petits groupes et s'installaient. Nous possédons encore quelques traces de leur présence : des outils en silex, des poteries, et surtout des gravures rupestres. On retrouve des vestiges de leur art aujourd'hui dans toute la Norvège : images taillées ou gravées dans le roc, représentant leur gibier: rennes, cerfs, élans, ours et poissons. Plus rarement, ils représentent hommes et navires.

L'agriculture fit son apparition il y a cinq ou six mille ans dans la région du fjord d'Oslo. Les découvertes archéologiques montrent qu'à l'âge du bronze (1500-500 av. J.C.), dans le sud de la Norvège, les société paysannes prédominaient, alors qu'au nord, selon des vestiges de la même époque, il y avait surtout des chasseurs. Dans le Finmark septentrional, il y a en beaucoup d'endroits des villages de chasseurs d'une dimension assez conséquente, ce qui indique clairement que les gens de l'époque se réunissaient périodiquement pour effectuer des tâches communautaires. Les objets funéraires (ustensiles en bronze, armes, verrerie) trouvés dans les tombeaux datant des Romains (les quatre premiers siècles de notre ère) témoignent de l'existence d'échanges avec les civilisations du Sud. L'écriture runique date de la même époque. Pendant les deux siècles qui suivirent (en fait, de 400 à 550), les grandes migrations qui agitèrent l'Europe continentale n' épargnèrent pas la Norvège, comme le prouvent les vestiges de l'époque.
L'existence de fermes dans des régions isolées atteste d'une colonisation arrivée à saturation. Des analyses de pollen montrent que la côte ouest était alors déboisée. Cette époque troublée amena les habitants à organiser leur défense, comme par exemple par des forts, dont on peut de nos jours voir encore les vestiges sur la rive orientale du lac Mjösa ­ le plus grand lac norvégien ­ et cela sur plus de cinquante kilomètres.

L'époque des Vikings (d'environ 800 à environ 1050)

L'avènement des Vikings marque la fin des temps préhistoriques. Ce que nous savons de cette époque vient essentiellement des découvertes archéologiques, à défaut de tout document écrit. Toutefois les Sagas, qui ont été transmises oralement de génération en génération avant d'être transcrites à une époque ultérieure, sont les témoins d'une période qui, sans conteste, a été l'une des plus riches de toute la préhistoire nordique.

De nombreux historiens font remonter le début de cette période à la mise à sac de l'abbaye de Lindisfarne (nord-est de l'Angleterre) en 793. Aujourd'hui encore, dans beaucoup de régions occidentales et méridionales de l'Europe, les Vikings ont la réputation d'avoir été de cruels prédateurs semant la terreur, brûlant et tuant ceux qui se trouvaient sur leur passage. Ce n'est que partiellement vrai. Ils furent aussi de paisibles voyageurs, venant commercer avec autrui et s'installer en d'autres contrées. Certains Vikings norvégiens firent souche aux Orcades, aux Shetland, aux Hébrides et à l'île de Man, en Ecosse du nord et en Irlande, où ils fondèrent Dublin vers l'an 840, et resta sous administration viking jusqu'en 1171.

Ils découvrirent une Islande et un Groenland jusqu'alors inhabités ; ils s'y installèrent et y fondèrent des communautés. Les Islandais d'aujourd'hui sont les descendants directs de ces Vikings. Il n'en va pas de même pour le Groenland, où, sans que l'on sache pourquoi, les communautés norroises disparurent quelques siècles plus tard.

Ces colons venaient surtout du sud et de l'ouest de la Norvège, là où l'on avait exploité la terre au maximum. Dans le même temps, dans le nord et au sud-est, d'autres communautés (dont les communautés paysannes), s'installaient de plus en plus loin, dans des régions jusque-là désertiques, surtout dans les montagnes et les vallées.

Grands voyageurs, les Vikings avaient besoin de vaisseaux rapides, hauturiers, et d'habiles navigateurs de haute mer. Le fait que ces marins chevronnés aient franchi à plusieurs reprises l'océan pour aller en Amérique prouve, si besoin était, leur totale maîtrise des drakkars. Selon les Sagas, Leif Eriksson aurait découvert "Vinland la fertile" en 1001, mais les historiens d'aujourd'hui prétendent que d'autres Vikings avaient découvert l'Amérique avant lui. L'époque viking devait s'achever en 1066, à la bataille de Stamford Bridge en Angleterre, où le roi norvégien Harald le Sévère et ses compagnons furent défaits.

L'unification de la Norvège

Jusque dans les années huit cent, les différentes régions qui composent la Norvège étaient encore désunies. Des hommes, des peuples voulurent les regrouper, et instituèrent deux principales structures communautaires: des assemblées politiques et judiciaires, ou "tings", réunies autour d'un"Allting" (parlement central), et de petits royaumes locaux. Il y avait sans doute différentes raisons à cela : la principale étant vraisemblablement le besoin de paix et de stabilité des paysans, particulièrement dans les régions côtières, là où les riverains, enrichis par le commerce et le pillage, étaient exposés à de fréquentes incursions de bandes armées et aux ravages que provoquaient les Vikings de retour chez eux. Les roitelets étaient solidement assis sur leurs "trônes", et, grâce aux liens créés par des mariages consanguins, ils formaient un petit groupe uni doté d'un énorme pouvoir.

Les roitelets du Viken (région autour du fjord d'Oslo) jouèrent un rôle déterminant dans cette unification. Etendant progressivement leur contrôle sur les districts avoisinants, leur pouvoir s'accrut considérablement. Après la bataille de Hafrsfjord (près de Stavanger) - vraisemblablement en 872 - le roi Harald "A la Belle Chevelure" renforça son pouvoir sur une grande partie du pays. Cependant l'unification allait se poursuivre pendant plusieurs décennies, ce qui n'alla pas sans de violents conflits aussi bien entre les chefs de guerre norvégiens, qu'avec d'autres habitants du Nord. Cette époque semble avoir pris fin en 1060.

La conversion au christianisme

La christianisation de la Norvège ne se fit que très progressivement, sur une période d'environ deux siècles. Ce n'était que la conséquence des contacts que la Norvège entretenait avec l'Europe chrétienne, grâce aux liaisons commerciales et aux raids vikings.

Des missions des églises d'Angleterre, d'Allemagne et du Danemark avaient également contribué à affaiblir les croyances aux dieux traditionnels nordiques. Cette conversion fut achevée avec l'avènement de trois rois missionnaires, Haakon le Bon, Olaf Tryggvason(Olaf 1er) et Olaf Haraldsson le Gros. Il devait mourir en martyr sur le champ de bataille de Stiklestad en 1030 et y devenir saint Olaf. L'Eglise avait gagné.

Dès le milieu du 11e siècle, chansons, monuments, législation, tout révélait l'emprise du christianisme sur la Norvège. Peu avant l'an 1100 furent fondés les premiers évêchés, parmi lesquels celui de Nidaros (Trondheim) où l'archevêque siégea dès 1152. Les archevêques norvégiens jouaient aussi un rôle politique. La Réforme fut appliquée par décret royal en 1537. A cette époque, la Norvège étant sous tutelle danoise, il a suffi de déclarer la prétendue ordonnance ecclésiastique dano-norvégienne applicable à la Norvège, pour que cette Réforme lui fût imposée. Dès le début du 17e siècle, la Norvège toute entière adopta la doctrine luthérienne.

Le Moyen Age

L'année 1130 marque un tournant de l'histoire norvégienne. Elle entra dans des guerres intestines qui durèrent jusqu'en 1227.

1130 fut aussi le début de ce qu'on appelle le Haut Moyen Age. Durant cette période, la population augmenta, l'Eglise se consolida. Des villes furent fondées et prospérèrent. Au fur et à mesure que le pouvoir royal et l'Eglise étendaient leur emprise sur les districts, les pouvoirs de l'administration centrale se faisaient davantage sentir. Selon les historiens, ce n'est qu'à partir de ce moment que l'on peut parler de royaume norvégien.

Le pouvoir de la monarchie s'accrut tout au long des 12e et 13e siècles, et finit par s'imposer aux prélats et à la noblesse. L'ancienne aristocratie fut remplacée par une nouvelle classe nobiliaire fidèle au pouvoir royal. Chez les paysans, les propriétaires fonciers devinrent des métayers (farmers). Il faut préciser toutefois que ces derniers, le plus souvent locataires de leurs terres à vie, avaient un statut d'homme libre, chose plutôt rare dans l'Europe de l'époque. L'esclavage de l'époque viking disparut également.

Pendant toute cette période le centre de gravité politique norvégien se déplaça du sud-ouest vers les districts autour du fjord d'Oslo. Sous le règne de Haakon V, au 14e siècle, Oslo devint la capitale de la Norvège. Auparavant elle n'était qu'un petit hameau au fin fond du fjord. Lorsque la Peste Noire atteignit la Norvège, en 1350, on pense que la population de la ville n'excédait pas 2 000 habitants, chiffre inférieur à celui de Bergen (7 000) et de Trondheim (3 000).

Si l'on compare les revenus de l'Etat norvégien à ceux d'autres pays européens de l'époque, ils étaient extrêmement modestes. A la fin du Haut Moyen Age, les finances étaient un obstacle à l'expansion de l'appareil de l'Etat et de la Couronne. La Peste Noire avait fait des ravages, réduisant de moitié, ou peut-être même des deux tiers la population recensée avant 1350. Ce drame poussa le Roi et la noblesse à rechercher d'autres revenus, qu'ils tirèrent à l'extérieur d'autres propriétés foncières ou états féodaux, sans trop se préoccuper des frontières nationales, ce qui favorisa l'émergence d'unions politiques dans les terres nordiques.

De 1319 à 1343 la Norvège et la Suède eurent une monarchie commune - phénomène qui devait se prolonger par toute une succession de mariages royaux inter-scandinaves. Haakon VI (1340-1380), fils du roi de Suède Magnus Eriksson, et de la fille de Haakon V, Ingebjorg, était l'héritier légitime du trône de Norvège. Il épousa Marguerite, fille du roi du Danemark, Valdemar Atterdag. Leur fils Olaf fut choisi pour remplacer Valdemar à sa mort en 1375. Il hérita du trône de Norvège à la mort de son père en 1380, unissant ainsi la Norvège au Danemark pour plusieurs siècles, jusqu'en 1814.

L'union avec le Danemark

La fin du Moyen Age fut marquée par la chute brutale de l'économie. La population avait été fortement atteinte par la Peste Noire et par d'autres épidémies au cours du 14e siècle. Beaucoup de fermes dans des régions reculées furent abandonnées, et les revenus s'effondrèrent. Certains en rendent responsables la détérioration du climat et la mainmise de la Ligue Hanséatique sur l'économie norvégienne. D'autres y voient la conséquence d'un appauvrissement progressif du sol.

La dépression économique eut des répercussions politiques. Le Danemark devint le pays nordique le plus important. Les nobles danois et allemands se voyaient confier les plus hautes charges officielles. Les terres et résidences épiscopales tombèrent entre des mains étrangères. La noblesse norvégienne s'affaiblit. C'est pourquoi les Norvégiens perdirent et la volonté et la faculté de s'affirmer en tant que nation.

Dès 1450 la signature d'un traité scella son union avec le Danemark. Une clause de ce traité prévoyait que le Conseil royal norvégien avait son mot à dire lors de la désignation d'un monarque ; mais cette clause ne fut jamais appliquée. Le traité devait aussi ­ en théorie ­ garantir l'égalité entre les deux royaumes. C'était un principe qui resta lettre morte.

En 1536 la Norvège perdit son indépendance, à l'occasion d'une assemblée nationale à Copenhague, où Christian III se vit dans l'obligation de promettre à la noblesse danoise que dorénavant la Norvège serait sous l'autorité de la Couronne danoise, comme tout autre territoire danois. Le Conseil Royal norvégien fut dissous, et l'Eglise norvégienne perdit son indépendance. Dès lors rien ne s'opposait à ce que la noblesse danoise eût accès aux postes officiels en Norvège, et qu'elle en tire également les revenus.

Ce lien politique étroit avec le Danemark entraîna inévitablement la Norvège dans les guerres danoises menées contre la Suède et les puissances de la mer Baltique. C'est ainsi que des terres norvégiennes furent remises à la Suède : le Jämtland et le Härjedalen en 1645, le Bohuslän et le fief de Trondheim en 1658 ; toutefois ce dernier fut rendu à la Norvège deux ans plus tard.

En 1660 l'assemblée des Etats proclama Frédérik III héritier du trône et lui confia la tâche de pourvoir les deux royaumes d'une nouvelle constitution. Ainsi furent-ils mis sous un régime de monarchie absolue, ce qui affecta durablement le statut de la Norvège, et ce jusqu'à la fin de l'union entre les deux pays. Bien que la Norvège fût officiellement gouvernée par Copenhague, les monarques danois avait rarement la stature d'homme d'Etat. Le pouvoir réel était en fait aux mains des hauts fonctionnaires. Ce fut en général une bonne chose, car ces hauts fonctionnaires ne restaient pas insensibles aux vues norvégiennes. Ils écoutaient souvent les avis que leur donnait leurs confrères quand un problème surgissait.

En ces temps de monarchie absolue, il avait été décidé que le Danemark et la Norvège forment une seule entité économique. C'est pourquoi le Danemark eut le monopole de la vente de céréales dans la Norvège du sud-est en 1737, tandis que réciproquement la Norvège avait le monopole de la vente du fer au Danemark. La charte royale de 1662 accorda aux villes certains privilèges, notamment le monopole du commerce du bois, et l'exclusivité d'achat de produits forestiers auprès des fermiers et des propriétaires de scieries. Ces dispositions, qui visaient à la création d'une riche bourgeoisie urbaine, furent pleinement efficaces.

Un certain sentiment national se fit jour dans ces classes moyennes grâce à l'expansion économique, particulièrement au 18e siècle. Cette conscience nationale, ayant certes émergé grâce à la croissance économique, avait surtout son origine dans l'opposition grandissante aux tentatives gouvernementales visant à faire de Copenhague le centre économique des deux pays: les commerçants norvégiens ne faisaient pas le poids face aux puissantes sociétés commerciales du capitalisme danois.

À la fin du 18e siècle, la plupart des importations transitaient par Copenhague. Les détaillants de bois du Sud-Est s'unirent pour exiger la création d'une banque nationale norvégienne, et apportèrent leur soutien aux hauts fonctionnaires qui réclamaient une Université norvégienne. Ces demandes furent rejetées : on craignait en haut lieu toute démarche susceptible de rendre la Norvège plus autonome et d'affaiblir ainsi l'Union. L'idée même d'une Université et d'une banque nationale norvégiennes allait devenir les symboles d'une conscience nationale grandissante.

Ce processus ne fit que s'accélérer au cours des guerre napoléoniennes de 1807-1814. L'Union dano-norvégienne était l'alliée de la France et, en conséquence, le blocus isola la Norvège à la fois du Danemark et des marchés étrangers. Les exportations de bois et les échanges maritimes s'arrêtèrent brutalement, la famine s'étendit au pays tout entier. Comme la Norvège ne pouvait plus être soumise au contrôle direct de Copenhague, on nomma une commission gouvernementale qui prit le relais. Une université fut créée en 1811, le roi Frédérik VI ayant finalement accédé aux demandes des Norvégiens. Ces événements furent le prélude de ce qui devait se produire en 1814.

La sécession

En 1813, à la bataille de Leipzig, Napoléon subit une défaite sévère. L'un de ses adversaires, la Suède, avait dû auparavant remettre la Finlande au tsar, et, ayant ainsi perdu un Etat-tampon à l'est, souhaitait avoir la Norvège pour la protéger sur son flanc occidental. C'est pourquoi les alliés de la Suède s'étaient engagés à lui remettre la Norvège en tant que butin de guerre.

Après la victoire des alliés à Leipzig, le Danemark fut soumis à des pressions diplomatiques et la double monarchie dano-norvégienne fut attaquée par l'ennemi venant du Holstein. En janvier 1814 Frédérik VI se rendait, rompait avec Napoléon, et remettait la Norvège à ses adversaires suédois. C'est ainsi que prirent fin 434 ans d'union entre la Norvège et le Danemark.

Toutefois l'accord conclu entre le Danemark et ses adversaires contenaient des éléments politiques d'une importance capitale pour la Norvège. L'accord stipulait clairement que la Norvège devait reprendre sa place de nation indépendante, en union avec la Suède. Dans une proclamation ultérieure, le roi Charles XIII de Suède déclara que la Norvège devait être un Etat libre, ayant sa propre constitution, sa représentation nationale, son gouvernement, et disposant du droit de lever les impôts.

Les Norvégiens n'acceptaient pas cet état de choses sans réticences. Le Prince Christian-Frédéric, neveu du roi du Danemark, était alors gouverneur de Norvège. En accord avec son oncle, il favorisa la révolte des Norvégiens afin d'empêcher les Suédois de reprendre le pays, et aussi, vraisemblablement, afin de rétablir l'Union dano-norvégienne.

Les manoeuvres du gouverneur aboutirent à la convocation d'une assemblée constituante. Elle se tint à Eidsvoll, à quelque 70 kilomètres au nord d'Oslo. Le 17 mai 1814 la nouvelle constitution fut adoptée, et Christian Frédéric élu roi de la Norvège. Depuis lors le 17 mai est la fête nationale de la Norvège.

Les vainqueurs des guerres napoléoniennes n'étaient guère disposés à accepter que l'on s'écarte des termes de l'accord. Les Suédois tentèrent d'abord de faire pression sur le plan diplomatique, et lorsque cela s'avéra inefficace, ils passèrent à l'offensive militaire, avec des troupes bien entraînées, et réduisirent rapidement la résistance des Norvégiens. Un accord fut signé à Moss (au sud d'Oslo) en août : les Suédois y reconnaissaient la Constitution norvégienne signée à Eidsvoll, avec les amendements rendus nécessaires par l'Union des deux royaumes. Le roi Christian Frédéric abdiqua le 10 octobre 1814, et quitta le pays. La Norvège entrait dans une nouvelle Union.

1814-1905

Dans les années qui suivirent cet événement, la Norvège dut se battre à plusieurs reprises pour sa survie. Elle subit la pire dépression économique jamais vécue. Le marché commun avec le Danemark n'existait plus et le marché britannique se ferma aux exportations de bois norvégiennes. Mines et scieries perdirent leur clientèle étrangère. De nombreux bourgeois du Sud-Est parmi les plus aisés firent faillite. La crise fut longue et dure.

Pendant cette période de revers économiques, le Storting (l'assemblée nationale norvégienne) et la monarchie suédoise s'affrontèrent à plusieurs reprises. On se servit de la Constitution pour supprimer les titres de noblesse, et cela en partie pour empêcher le roi de Suède de se créer des appuis en anoblissant des Norvégiens. Une crise ouverte éclata en 1821 lorsque le roi de Suède réunit des troupes autour d'Oslo pour contraindre le Storting à accepter une autorité accrue du pouvoir royal. Cette tentative échoua.

À partir des années trente, la Norvège entra dans une période de stabilité économique. Il devenait nécessaire d'assouplir les réglementations commerciales et douanières. Les droits d'accès aux activités commerciales furent étendus et des pratiques de libre échange furent autorisées. La participation norvégienne au développement européen prit d'autres aspects. La première voie ferrée, entre Oslo et Eidsvoll, fut construite en 1854. On installa des lignes télégraphiques, on utilisa de nouveaux modes d'exploitation agricole.

Les fondements de l'industrie moderne furent posés en 1840, lors de la création des premières usines textiles et des premiers ateliers de construction mécanique. Entre 1850 et 1880 la marine marchande prit un essor spectaculaire.

Le développement de l'économie fut suivi d'une intensification des conflits sociaux. La révolution de 1848 ne fut pas sans conséquences pour les mouvements politiques dans la classe ouvrière. Les revendications d'une réforme démocratique se firent plus pressantes.

Au sein du Storting les antagonismes s'accentuèrent peu à peu entre les représentants des hauts fonctionnaires, et les représentants des paysans et des radicaux ­ les paysans faisaient partie de la majorité dès 1833. La première tentative de créer un parti, en 1859, se révéla infructueuse, mais dix ans plus tard le premier bloc de la gauche libérale se constitua, sans être toutefois structuré comme un parti. Le premier parti politique, la Gauche radicale, fut constitué en 1884 et sa contrepartie conservatrice, le Parti Conservateur (la Droite) fut créée quelques mois plus tard.

Les désaccords avec la monarchie suédoise firent rapidement leur apparition ; une des principales raisons en était que les autorités suédoises avaient la haute main sur la politique étrangère de l'Union. Dès 1827 le Storting demanda au roi que le Premier ministre norvégien ait son mot à dire en la matière. Les Norvégiens demandèrent d'autres mesures de rééquilibrage, telle l'adoption d'un pavillon national sur les navires de commerce.

Toutefois le principal conflit entre les deux nations portait sur l'instauration d'un régime parlementaire et de l'adoption du principe constitutionnel qui veut qu'un gouvernement ne puisse rester au pouvoir qu'avec l'accord de l'assemblée nationale. C'est dans ce but que le Storting vota des amendements à la Constitution en 1874, 1879 et 1880 et invita à chaque fois des ministres de la couronne aux débats parlementaires. A chaque fois le roi refusa les amendements.

On se demanda donc si les amendements à la Constitution requéraient vraiment les consentements conjoints du roi et du Storting. C'était ce que prétendaient le gouvernement et les représentants du groupe conservateur. Mais les libéraux de gauche décidèrent de précipiter une crise en provoquant une mise en accusation. En 1883, après une campagne électorale d'une violence sans précédent, la gauche libérale envoya 82 députés siéger au Storting, les conservateurs n'en ayant que 32. Le gouvernement Selmer fut poursuivi devant la Haute Cour de justice, puis condamné à abandonner certaines fonctions en 1884, et surtout pour avoir conseillé au roi de refuser les amendements à la Constitution. Après une période de transition où les Conservateurs assurèrent la gestion des affaires publiques, le roi n'eut pas d'autre choix que de confier la direction du gouvernement au chef de la gauche libérale, M. Johan Sverdrup. C'était la consécration du régime parlementaire norvégien.

Les libéraux firent aboutir plusieurs réformes auxquelles ils tenaient, dont l'introduction du jury dans les procès, la réorganisation de l'armée et une nouvelle loi sur l'école primaire.

À la fin du 19e siècle les heurts à propos de l'Union se multiplièrent: les Suédois voulaient que le Ministre des affaires étrangères de l'Union soit suédois, le Storting exigeait la création de consulats exclusivement norvégiens. De part et d'autre le climat se détériorait. L'armée suédoise intervint pour contrecarrer toute initiative. De leur côté, les Norvégiens consacrèrent les dernières années du siècle à la création d'une armée nationale.

Ce fut la question de la représentation consulaire séparée qui déclencha le dernier conflit. Le 11 mars 1905, le gouvernement Michelsen fut constitué pour régler ce problème de façon unilatérale. Le 7 juin, le gouvernement démissionna. Mais le Storting lui demanda de différer son départ, conformément à la Constitution et aux lois en vigueur, et "conformément aux amendements rendus nécessaires du fait que l'Union avec la Suède sous l'autorité d'un seul roi est dissoute et que le roi de Suède est déchargé de ses fonctions de roi de Norvège".

Pour les Norvégiens, l'Union était rompue. Mais les Suédois réclamèrent un référendum pour savoir si la population se ralliait à cette décision. Qui plus est, la Suède exigea des négociations sur les conditions d'une dissolution de l'Union.

Le référendum eut lieu en août 1905. 368 392 Norvégiens se prononcèrent pour la dissolution et 184 furent contre.

Les négociations se tinrent à Kalstad en août et septembre. On se mit d'accord sur une séparation à l'amiable et sous certaines conditions.

La Norvège d'après 1905

De vifs débats eurent lieu sur la forme que devrait prendre le futur gouvernement. Un référendum permit de constater qu'une grande majorité de la population préférait une monarchie à une république. Le 18 novembre 1905, le Storting proclama le prince danois Charles roi de Norvège. Il prit le nom de Haakon VII, et fit son entrée dans la capitale de son nouveau royaume, le 25 novembre, accompagné de son épouse, la reine Maud, fille d'Edouard VII d'Angleterre, et du petit prince héritier Olav, qui devait un jour monter sur le trône sous le nom d'Olav V. Le monarque actuel, Harald V, est le fils du roi Olav V, décédé en 1991.

Après sa séparation d'avec la Suède, la Norvège connut une période d'expansion économique qui dura jusqu'à la Première Guerre mondiale, en 1914. Le PNB augmenta de 55%, ce qui représentait une augmentation annuelle moyenne de 4%. La population s'accrut et la situation de l'emploi s'améliora : c'était la seconde phase de la révolution industrielle, qui se caractérisa par l'exploitation d'une énergie hydro-électrique bon marché et par l'afflux de capitaux étrangers. Les premières industries électro-chimiques et électro-métallurgiques furent construites sur le sol norvégien, et de nouveaux produits firent leur apparition. De grandes entreprises naquirent, telle Norsk Hydro, et plusieurs centres industriels émergèrent.

Malgré cet essor économique, beaucoup de Norvégiens émigrèrent aux Etats-Unis au début du siècle.

Le mouvement travailliste existait déjà, avant même la dissolution de l'Union avec la Suède. Les premiers syndicats se constituèrent en 1872, et le Parti travailliste vit le jour en 1887. Le suffrage universel fut appliqué en 1898 et élargi aux femmes en 1913.

Le parti Travailliste obtint 4 sièges dès les élections de 1903. En 1912, il obtenait 26% des suffrages avec 23 élus. Il devenait le deuxième parti représenté au Storting après le parti de la gauche libérale. Les grèves et les lockouts de 1911 et 1912 le mirent à l'épreuve, et au cours des deux années qui suivirent, jusqu'à la Première Guerre mondiale, il se fortifia et se radicalisa.

Toutefois les deux premières années d'industrialisation n'entraînèrent pas de mutations sociales importantes. En 1910, le secteur agricole et forestier employait 42% de la population active. En 1920, il n'en employait que 37%, et aujourd'hui il n'en emploie plus que 6%.

Après la dissolution de l'Union, la Norvège se vit dans l'obligation de créer un Ministère des Affaires étrangères, des représentations diplomatiques, et cela avec peu de moyens.

La politique étrangère, telle qu'elle avait été définie par le gouvernement Michelsen en 1905, prévoyait que la Norvège s'abstienne de contracter des alliances avec des pays susceptibles de l'entraîner dans des conflits armés. La population apportait un soutien sans réserves à cette politique de neutralité. Cela n'empêcha pas la Norvège de participer activement à tous les efforts faits pour promouvoir des accords d'arbitrage internationaux.

La Norvège resta neutre pendant la Première Guerre mondiale, ce qui n'empêcha pas sa flotte marchande, victime des sous-marins et des mines, de subir de lourdes pertes. Environ deux mille marins y laissèrent leur vie. Mais la guerre engendra aussi des bénéfices financiers considérables, qui permirent de racheter d'importantes compagnies passées sous contrôle étranger (Borregaard, les mines de charbon de Spitsbergen au Spitzberg, etc.). Les accords conclus en 1920 après la guerre reconnurent la souveraineté de la Norvège sur le Spitzberg.

La gauche libérale perdit la majorité aux élections législatives de 1918. Jusqu'en 1945 aucun parti ne fut capable à lui seul d'emporter la majorité des sièges. Cela rendit les travaux parlementaires quelque peu difficiles. En 1928, le parti Travailliste réussit à former son premier gouvernement, mais, renversé par une majorité non-socialiste, il n'avait vécu que 19 jours.

Avant cet épisode il avait traversé une période agitée. De 1921 à 1923 il avait adhéré à l'Internationale communiste. Après avoir rompu, en partie à cause de son refus d'admettre le principe de la "dictature du prolétariat", le parti regagna du terrain aux élections.

La dépression économique, qui avait débuté dans les années 20, n'épargna pas la Norvège. La politique monétaire du gouvernement aggrava les difficultés : les transactions commerciales chutèrent, le transport maritime cessa, de nombreuses banques firent faillite. Le cours de la couronne commença à baisser et le manque de devises étrangères se fit durement sentir. Les revenus de l'Etat diminuèrent, et beaucoup de municipalités furent atteintes de plein fouet. Il fallut réduire les salaires, qui étaient élevés à la suite de la sentence arbitrale de 1920, ce qui provoqua de violentes protestations chez les ouvriers: à cette époque déjà, ils étaient fortement influencés par les idées révolutionnaires. Le chômage fut important jusqu'au début de la Seconde Guerre mondiale.

En 1932 l'économie se redressa, entraînant une spectaculaire amélioration de la balance des paiements. Entre 1935 et 1939, le revenu national augmenta de plus d' 1 milliard 400 millions de couronnes, somme considérable pour l'époque.

En 1920 la Norvège devenait membre de la Société des Nations, renonçant ainsi à sa politique d'isolement. La coopération entre pays nordiques, déjà amorcée pendant la guerre, se poursuivait au sein de cette institution. Ces pays apportaient leur soutien à toutes mesures de maintien de la paix, tout en évitant de participer à des sanctions militaires. Le Président du Storting, Carl Joachim Hambro, était Président de la Société des Nations quand la Seconde Guerre mondiale éclata.

A la fin des années trente, quand les prémices de la guerre se faisaient de plus en plus menaçantes, les problèmes de la Défense nationale furent le thème essentiel des débats politiques. Les socialistes, en partie soutenus par la gauche libérale, s'étaient jusqu'alors fermement opposés à tout octroi de crédits à l'armée. La méfiance des socialistes était partiellement due au fait que le Ministre de la Défense du début des années trente était Vidkun Quisling, (qui plus tard devint national-socialiste), et qu'il faisait partie du cabinet ministériel du gouvernement dirigé par les agrariens. En 1936, le Parti travailliste revenait former un gouvernement, avec le soutien de ces derniers. Johan Nygaardsvold devint Premier Ministre. Les crédits militaires furent votés, mais c'était trop tard pour renforcer réellement le pouvoir de l'armée. Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclata en 1939, la Norvège se proclama neutre une nouvelle fois.

La Seconde Guerre mondiale

La déclaration de neutralité n'avait pas grand sens. Le 9 avril 1940, l'Allemagne attaquait la Norvège, qui fut vaincue après deux mois de résistance, malgré (une assistance)la participation militaire de la Grande-Bretagne et de la France. La famille royale, le gouvernement, certains hauts responsables du Ministère de la Défense et des responsables des armées s'exilèrent en Grande-Bretagne alors que les troupes alliées se repliaient. Le gouvernement norvégien continua à exercer ses fonctions depuis son exil à Londres.

La flotte marchande mise à la disposition des Alliés fut la plus importante contribution de la Norvège à l'effort de guerre. Cela représentait plus de 1000 navires, dont le tonnage était supérieur à 4 millions. Des unités militaires furent constituées sur le sol britannique dans tous les corps d'armée. Elles prirent part aux combats navals de l'Atlantique, à celui qui s'engagea sur le continent européen après 1944, et elles prirent part au conflit dans l'espace aérien britannique et continental. Vers la fin des hostilités, la Suède autorisa la Norvège à constituer des unités militaires sur son propre sol. Certaines d'entre elles prirent part à la lutte contre les forces allemandes, après que l'Union Soviétique eut réussi à libérer une petite partie du territoire norvégien, aux confins septentrionaux du Finmark oriental. En Norvège, la résistance des civils ne cessait de croître et les actions militaires clandestines sur le terrain donnaient aussi du fil à retordre à l'occupant.

Le pays resta sous domination ennemie jusqu'à la capitulation de l'Allemagne en 1945. Il y avait à l'époque 400.000 soldats allemands stationnés en Norvège, ce qui est assez conséquent par rapport à une population d'à peine 4 millions d'habitants. Les Allemands avaient exploité l'économie norvégienne, la terreur nazie provoqué exécutions et massacres, mais si l'on compare la Norvège de 1945 avec d'autres pays sous occupation, on peut dire que celle-ci s'en tira relativement á bon compte.

La Libération

Dès le 8 mai 1945 les unités militaires de la Résistance norvégienne reprirent certaines positions occupées par les nazis. Petit à petit, les armées alliées et norvégiennes, venant de Grande-Bretagne et de Suède, vinrent grossir leurs rangs. Lorsque l'ennemi déposa les armes, les forces alliées prirent le relais, et cela se fit sans problèmes. Le gouvernement en exil quitta la Grande-Bretagne pour rentrer au pays et, le 7 juin, le roi Haakon faisait son entrée dans le port d'Oslo sur un navire britannique.

Les Norvégiens qui survécurent aux camps de concentration rentrèrent chez eux. A la fin de la guerre, 92.000 Norvégiens vivaient encore à l'étranger, dont 46.000 en Suède. Outre les Allemands, il y avait 141.000 étrangers en Norvège, dont la plupart étaient des prisonniers de guerre. Il y avait parmi eux 84.000 Russes.

Les Allemands avaient réquisitionné 40% du produit national brut, et la guerre avait fait des ravages, surtout au Finmark. La politique de la terre brûlée, pratiquée par l'envahisseur lors de son retrait, l'avait en grande partie dévasté. Ailleurs, des villes et des villages furent détruits par les bombardements ou les incendies volontaires.

10 262 Norvégiens trouvèrent la mort dans cette guerre, que ce soit au combat ou dans les camps de prisonniers. Environ 40.000 d'entre eux furent emprisonnés.

Toutes tendances confondues, les Norvégiens firent de la reconstruction du pays la priorité absolue.

Le parti travailliste obtint la majorité aux élections de 1945, et il forma une équipe dirigée par Einar Gerhardsen. Il devait conserver la majorité jusqu'en 1961, mais en 1963 ce gouvernement tomba face à une motion de censure déposée à la suite d'un accident du travail survenu au Spitzberg dans des circonstances bien embarrassantes. C'est ainsi que vint au pouvoir la première formation de coalition non-socialiste de l'après-guerre, sous la houlette du Premier Ministre conservateur John Lyng. Mais ce gouvernement tomba peu après.

Le gouvernement s'était fixé comme but de reconstruire la Norvège en l'espace de cinq ans. Il souhaitait accélérer le rythme de l'industrialisation, en faisant converger ses efforts sur l'industrie lourde. Cela alla plus vite que prévu. Dès 1946, la production industrielle et le produit national brut étaient supérieurs à ce qu'ils étaient en 1938. En 1948/1949 la richesse nationale étaient bien supérieure à celle de l'avant-guerre. Les années qui suivirent furent des années de croissance et de progrès réguliers.

Dans l'immédiate après-guerre, la Norvège adopta un profil très bas en matière de politique étrangère. Elle voulait rester à l'écart de tout conflit éventuel entre grandes puissances ou blocs constitués. Les Norvégiens, dont un de leurs concitoyens était le premier Secrétaire Général des Nations Unies, (M. Trygve Lie), espéraient que cette nouvelle institution seraient une garantie de sécurité suffisante. Elle était censée remplacer dans ce rôle la Grande-Bretagne, à qui les autorités norvégiennes s'en étaient remis avant 1940. Bien que ce système n'ait guère fonctionné quand l'Allemagne occupa la Norvège, celle-ci resta malgré tout fidèle aux Alliés.

Alors que la tension grandissait entre l'Est et l'Ouest, la politique étrangère norvégienne prit une nouvelle orientation. La Norvège bénéficia de l'aide du plan Marshall, encore qu'au début il y eût quelques réticences. Grâce à ce plan, elle reçut 2.5 milliards de couronnes entre 1948 et 1951.

En 1948, la population norvégienne réagit vivement à la prise du pouvoir par les communistes en Tchécoslovaquie et à la proposition soviétique de conclure avec la Finlande un accord de défense commune. Après une période de transition où la Norvège essaya de former une alliance de défense avec les pays nordiques, elle devait rejoindre l'OTAN en 1949 en même temps que le Danemark. Depuis, tous les sondages d'opinion réalisés montrent qu'une écrasante majorité de Norvégiens approuvent cette adhésion.
Le parti social-démocrate s'engagea dans la lutte contre le communisme, sur le terrain politique et sur le terrain syndical. Il finit par l'emporter. Alors que le parti communiste avait pu envoyer 11 députés au Storting (sur un total de 150 députés) aux premières élections de l'après-guerre (en 1945), en 1949 il n'y put envoyer aucun représentant. On peut donc dire que le communisme n'a eu qu'une influence marginale en Norvège, et selon les sondages, les deux partis communistes d'aujourd'hui ne représentent plus rien.

Les années d'après-guerre ont vu l'économie norvégienne se redresser progressivement. Toutes les énergies se mobilisèrent pour créer un Etat-Providence, qui fait de la société norvégienne d'aujourd'hui une société économiquement et socialement beaucoup plus homogène que bien d'autres pays occidentaux.

Puis vint l'ère du pétrole dans les années 60. Les prospections dans la mer du Nord révélèrent des gisements extrêmement riches, et permirent une importante production d'hydrocarbures et de gaz. D'autres gisements furent découverts plus tard dans la mer de Norvège et la mer de Barents. L'essentiel de la production vient à l'heure actuelle de la mer du Nord, au large du pays, entre Valhall et Statfjord.

Ces découvertes ont entraîné une importante restructuration de l'industrie et du commerce. Les industries traditionnelles, aux coûts de production de plus en plus élevés, eurent du mal à faire face à la concurrence internationale, et connurent une importante récession. L'économie norvégienne se trouva confrontée à bien des problèmes que les différents gouvernements qui se sont succédé au pouvoir ont tenté de résoudre.

Le taux de chômage s'est peu à peu accentué, tout en restant parmi les plus faibles d'Europe.

La Norvège et l'Union européenne

La question de l'adhésion à la CEE ­ devenue entre-temps l'UE ­ est le défi politique majeur que la Norvège a dû affronter dans l'après-guerre. Il se pose pour la première fois dans les années soixante. En 1965, un gouvernement de centre droit dirigé par un Premier ministre centriste, Per Borten, accède au pouvoir après la victoire d'une coalition ­ postélectorale ­ des conservateurs, des centristes, des chrétiens populaires et des libéraux. En 1967, la Grande-Bretagne fait acte de candidature, poussant le gouvernement, pourtant peu enclin à prendre position, à sortir de sa réserve. Le Storting décide alors par 136 voix contre 13 de renouveler sa demande, qui datait de 1962.

Cette décision ouvre une véritable boîte de Pandore politique. Les fronts se cristallisent, et le gouvernement Borten finit par éclater, en 1971. Un gouvernement travailliste dirigé par Trygve Bratteli est chargé de mener les négociations. Le résultat de ces pourparlers est soumis au verdict populaire à l'automne 1972. Le référendum se solde par un non à l'adhésion (par 53% contre 47%).

Ce résultat entraîne la démission du gouvernement Bratteli. Un gouvernement de centre droit dirigé par le chrétien populaire Lars Korvald se charge alors de négocier avec la CEE un traité commercial qui régira les relations économiques entre la Norvège et la communauté européenne jusqu'au début des années 90.

Le référendum de 1972 laisse des traces dans les partis, qui pansent leurs blessures. Le parti libéral se scinde en deux, chacune des fractions perdant de ce fait toute audience nationale. Dans les régions excentrées, les travaillistes perdent un grand nombre d'électeurs hostiles à l'adhésion. Ces transfuges vont grossir les rangs des électeurs d'une Alliance électorale socialiste (Sosialistisk Valgforbund), nouvellement créée, qui ratisse large. Elle englobe notamment les anciens dissidents travaillistes de la gauche socialiste (SF) et une bonne partie des voix communistes. L'Alliance socialiste entre au Storting avec 16 députés. Rebaptisée plus tard Gauche socialiste, elle représente de nos jours environ 6% des électeurs.

Malgré son recul en 1973, le parti travailliste conserve le pouvoir et forme un gouvernement minoritaire, qui restera en place jusqu'en 1981. Il doit alors céder la place à une équipe conservatrice, conduite par Kåre Willoch. Ce gouvernement élargit sa base parlementaire en 1983 en s'alliant aux centristes et aux chrétiens populaires. Les gouvernements Willoch successifs disposent d'une majorité au Storting de 1981 à 1985. Après les élections législatives de cette dernière année, les deux députés du parti du progrès (droite thatchérienne) sont en mesure de faire basculer la majorité vers l'un ou l'autre des deux grands blocs parlementaires. Le parti du progrès saisit assez rapidement l'occasion de voter avec le bloc socialiste, ce qui provoque la chute du gouvernement de droite.

Depuis, à l'exception d'une année (1989-1990), le parti travailliste a conservé le pouvoir et formé plusieurs gouvernements minoritaires, tous dirigés par Gro Harlem Brundtland.

Durant l'intermède 1989-90, le pays a été dirigé par une coalition de centre droit, formée de personnalités issues des partis conservateur, chrétien populaire et centriste. Le Premier ministre en a été le conservateur Jan P. Syse.

Si l'alternance ne parvient pas à s'imposer, c'est que la question européenne a refait surface. Les divergences de vue de plus en plus marquées entre les conservateurs (favorables à l'adhésion) et les centristes (farouchement hostiles à la construction européenne) finissent par avoir raison de la coalition gouvernementale.

Lors d'un référendum organisé à l'automne 1994, les Norvégiens refusent une nouvelle fois d'adhérer à l'UE: 52,5% de non contre 47,5% de oui. Une fois encore, la question européenne réveille les passions. La participation au scrutin de 1994 atteint 88,5%, soit 9,4 points de mieux qu'en 1972.

La Suède, la Finlande et l'Autriche, qui viennent de dire oui à l'Europe, quittent l'AELE. Au premier janvier 1995, seuls la Norvège, le Liechtenstein, l'Islande et la Suisse restent membres de l'association européenne de libre-échange.

Contrairement au gouvernement travailliste de Trygve Bratteli, qui avait choisi de démissionner en 1972 après sa défaite sur la question européenne, le gouvernement Brundtland poursuit 22 ans plus tard son action comme si de rien n'était.

A l'occasion du référendum, le clivage entre partisans et adversaires de l'Europe ne recoupait pas les partis. La ligne de front passait parfois au sein même de certains partis, des catégories socio-professionnelles et ravivait la tension entre ville et campagne. La situation ne s'en est pas moins normalisée assez rapidement à l'issue du référendum.

Par la suite, la centriste Anne Enger Lahnstein ­ «reine du non» et chef d'orchestre incontesté de l'opposition à l'UE ­ continue à combattre ce qu'elle appelle «le processus continu d'adaptation à l'UE». Le parti centriste n'en accuse pas moins un recul considérable lors des élections locales de 1995.

Il est probable que les propos de Gro Harlem Brundtland, affirmant que la Norvège ne tenterait sans doute pas d'entamer de nouvelles négociations avec l'UE au cours de ce siècle, aient apaisé nombre de ses concitoyens.

Autre point capital, le traité de l'Espace économique européen (EEE) conclu entre l'UE et l'AELE en 1992 garantit la participation de la Norvège au devenir économique de l'EEE, lui ouvre l'accès au marché unique et lui permet de participer aux projets européens de collaboration lancés dans de nombreux domaines annexes.

Le traité permet aux entreprises norvégiennes de concourir à armes égales sur le marché européen avec les autres pays de l'UE et de l'EEE.

Par ailleurs, des institutions ont aussi été mises en place pour que la Norvège puisse exercer une influence sur la réglementation nouvelle dans les domaines couverts par le traité, dès sa conception."

Tor Dagre, Histoire de la Norvège (Odin, Ministère des Affaires étrangères de la Norvège - reproduction autorisée)


* * *


L'indépendance d'une nation

"Il existe un étrange animal, appelé tardigrade, qui, sous l’effet de la déshydratation, se fige dans les apparences de la mort: on dirait une puce momifiée. Le tardigrade peut rester jusqu’à six ans dans cet état, mais il lui suffit d’une goutte d’eau pour qu’il retrouve toutes les caractéristiques de la vie.

La Norvège, en tant que nation ressemble au tardigrade. De 1397 à 1814, elle a été sous la domination du Danemark. Longtemps avant la fin de cette hibernation, la langue nationale n’était plus qu’un lointain souvenir. On parlait danois à Oslo et jusque dans les fjords les plus reculés. Il est difficile d’imaginer une assimilation plus réussie.

Mais même si leur devise n’était pas Je me souviens, les Norvégiens se souvenaient de quelques chose: les Vikings c’étaient eux. Et ces coureurs des mers n’étaient pas aussi barbares qu’on l’a dit. Revenus dans leurs fermes, ils écoutaient la poésie savante de leurs bardes, les scaldes. Entre le VIIIe et le XIe siècle, ils ont colonisé la Normandie. Tiens! Nous descendons d’eux, mais attention, une bonne partie des Écossais, des Anglais et des Irlandais pourraient en dire autant. Il est même probable qu’ils auraient exploré la côté du Labrador. Ils ne connaissaient pas l’État unitaire. Ce fut leur force, et ce sera leur faiblesse dans un contexte différent. Aujourd’hui, les Norvégiens forment un pays très décentralisé. Et ils construisent toujours des bateaux, mais en acier et, sur la mer, ils pêchent plus de pétrole que de poissons.

C’est Napoléon qui, bien malgré lui, les a libérés. Le Danemark avait commis l’erreur de devenir l’allié de l’empereur des Français. Au plus fort des guerres napoléoniennes, la Russie et l’Angleterre parvinrent à couper les lignes de communication entre le Danemark et la Norvège, laquelle a vite compris où était son intérêt: puisqu’on la rendait ainsi indépendante, il ne lui restait plus qu’à le devenir.

Elle adopta dare-dare la constitution la plus libérale d’Europe, s’inspirant à la fois des anciennes traditions vikings et des constitutions américaines de 1787 et française de 1791. L’assemblée élue à laquelle sont confiés les pouvoirs législatifs est appelée Storting.

Cette aptitudes des Norvégiens à faire jouer les circonstances historiques en leur faveur produisait des résultats hélas! trop beaux pour être vrais. La Suède avait été encore plus habile : elle s’était fait promettre la Norvège en échange de son appui aux ennemis de Napoléon. Et les traités furent respectés. Les Norvégiens toutefois avaient pris goût à l’indépendance et à leur constitution, et c’est armés de cette dernière qu’ils passèrent sous la domination de la Suède.

Après une brève période de tension, un compromis, la convention de Moss, allait être signé entre la Suède et la Norvège. La Norvège s’en tirait honorablement compte tenu des circonstances. Dans l’ancien royaume de Danemark-Norvège, elle n’était ni plus ni moins qu’une province danoise. Par rapport à la Suède, elle conserverait une certaine autonomie. Après l’abdication de Charles-Frédérick, Charles XIII, roi régnant de Suède, devint roi de Suède et de Norvège. Mais, et c’est là un détail important, il n’était roi de Suède que pour les affaires concernant directement la Suède; pour les affaires norvégiennes, il était roi de Norvège. (…) Seules les Affaires étrangères, relevant personnellement du monarque, étaient communes aux deux pays. Un vice-roi (c’est Bernadotte qui sera choisi), représentera Charles XIII en Suède. En l’absence du vice-roi, la représentation sera assurée par un gouverneur général suédois. De plus, pour conseiller le roi ur les questions norvégiennes, un groupe de hauts fonctionnaires de Norvège résidera en permanence à Stockholm. Ces fonctionnaires étaient plus ou moins l’équivalent de ministres norvégiens, la constitution norvégienne ne prévoyant pas de postes de ministres. En échange de la reconnaissance de cette suzeraineté, la Norvège pouvait conserver sa constitution et les institutions qu’elle avait commencé à implanter. Cette entente semblait satisfaire les deux parties. Allait-elle résister à l’épreuve du temps?

Elle dura, ou plutôt elle s’effrita pendant 91 ans. Les Norvégiens l’avaient acceptée dans l’honneur certes, mais non dans l’enthousiasme. Leur enthousiasme, ils le mirent dans la patiente détermination avec laquelle ils reprirent leur marche vers l’indépendance, qu’ils acquirent sans recourir à la violence, bien que de part et d’autre les esprits se soient à quelques reprises échauffés. On en vient à admirer les juristes et leurs coûteuses et cauteleuses manœuvres quand on considère la façon dont ils ont permis à deux nations de se séparer sans s’entre-détruire ni sur le plan militaire ni sur le plan économique. La détermination des Norvégiens était telle qu’ils réussirent à recréer leur langue qui avait été complètement submergée par la danois.

Certains étapes de la marche des Norvégiens vers l’indépendance offrent un intérêt particulier pour le Québec et le Canada. Jane Jacobs les a présentés dans The Question of Separatism. Nous la suivons pas à pas jusque dans ses interprétations.

La déclaration norvégienne d’indépendance de 1905 résulte, nous rappelle Jane Jacobs, comme la Révolution française, de la combinaison de divers facteurs. Tous ces événements qui ont mené à l’indépendance du pays ont toutefois un point commun : le désir de la Norvège d’être la plus autonome possible face à la Suède.

Dès 1816, la Norvège montra des signes de cette autonomie recherchée. La Suède proposa que les postes de fonctionnaires et les postes de militaires soient ouverts aux citoyens des deux royaumes, c’est-à-dire qu’un Suédois puisse travailler comme fonctionnaire en Norvège et vice versa. Le Storting rejeta cette offre. Un peu plus tard au cours de la même année, la Norvège accepta que chacun des deux pays assume sa part de la dette du royaume suédo-norvégien, laquelle ne sera nationale, si l’on peut dire.

Il s’agissait dans les deux cas d’un geste courageux de la part des Norvégiens. Premièrement, il y avait beaucoup plus de postes de fonctionnaires ou de militaires disponibles en Suède qu’il y en avait en Norvège. La population norvégienne serait sortie financièrement gagnante de cette entente si elle l’avait acceptée. Deuxièmement, la Norvège était un pays plus pauvre que la Suède et aurait plus de difficulté à supporter seule le poids de sa dette. Les Norvégiens préférèrent se serrer la ceinture et garder plus de contrôle sur leurs affaires. Le Storting ne tenait pas à voir la fonction publique norvégienne infiltrée par des éléments suédois. Pour ce qui est de la dette, des temps plus durs seraient compensés par une plus grande autonomie. L’entente de 1814 avec la Suède permettait déjà à la Norvège d’utiliser sa propre monnaie (cette devise devait demeurer très instable jusqu’en 1842).

D’autres petits morceaux d’autonomie, plus ou moins symboliques, furent arrachés au cours des ans. En 1821, la Norvège obtint la permission de hisser son propre pavillon à bord de sa marine marchande, même si officiellement le drapeau suédois était toujours le drapeau des deux royaumes. En 1824, le 17 mai fut proclamé jour de fête « nationale ». En 1837, les contribuables locaux eurent le droit de gérer les dépenses locales en matière purement locale.

À partir de 1859, la Norvège se montra plus audacieuse dans ses revendications. Elle avait tout d’abord rejeté deux autres propositions. Dans la première, les Suédois exigeaient que les décisions des tribunaux de l’un ou l’autre des royaumes aient force de loi dans les deux royaumes. La seconde avait pour objet la création d’une union douanière entre les deux pays. Le rejet de cette dernière proposition était encore une fois symbolique. Les tarifs douaniers étaient de toute façon décidés par les fonctionnaires norvégiens travaillant à Stockholm et soumis au gouvernement de Suède.

La Suède accepta comme d’habitude de bonne grâce le rejet de ces propositions. Cette fois-ci cependant, la Norvège passa à l’attaque. Le Storting adopta une résolution visant à abolir le poste de gouverneur général. [...]

 

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