mercredi 16 avril 2014

Il y a longtemps qu'on n'avait plus cassé un thermomètre pour faire disparaître la fièvre.

Une faute, un point en moins. Avec son système de notation ancestral, la dictée voit fleurir en nombre les zéros pointés. Pour éviter de décourager les abonnés aux notes calamiteuses, l'éducation nationale a imaginé un nouveau barème, présenté jeudi 10 avril dans le cadre de la loi sur la refondation de l'école. Les élèves de primaire et de collège évalués selon ce système verront s'additionner les scores obtenus dans trois catégories distinctes : l'orthographe des mots, l'accord des noms et l'accord des verbes.

A l'origine de cette expérimentation, Olivier Barbarant, inspecteur général de français convaincu de la nécessité de réformer la dictée, « monument national » de l'éducation. « Elle passe pour un enseignement de l'orthographe, mais ce n'est rien de plus aujourd'hui qu'une évaluation-sanction, déplore-t-il. La dictée ne fait que certifier un niveau, sans donner aux élèves les moyens de s'améliorer. » Avec le nouveau barème, salué par l'Association française des enseignants de français (AFEF), les professeurs pourraient mieux cerner les difficultés de leurs élèves et adapter leurs cours à ces lacunes.

MARQUER DAVANTAGE LES DIFFÉRENCES DE NIVEAU

L'idée d'en finir avec l'ancienne notation n'est « pas en soi révolutionnaire », précise M. Barbarant. Mais la mise en oeuvre est toujours compliquée. C'est la raison pour laquelle l'éducation nationale propose son système de notation sous la forme d'un logiciel sur Internet. Les professeurs pondéreront chacune des trois catégories de fautes selon leurs attentes pédagogiques. L'expérimentation a été faite sur 1 500 copies du brevet 2013, dans les académies de Poitiers et de Créteil. Globalement, le maniement de cet outil informatique n'a pas posé de problème aux correcteurs.
Le barème graduel devrait permettre de marquer davantage les différences de niveau entre les élèves. Olivier Barbarant prend l'exemple de deux élèves de 3e à l'académie de Poitiers. A la même dictée, ils avaient eu respectivement 0/20 et 2/20 avec l'ancienne notation : deux notes équivalentes, alors que la première copie était « indéchiffrable », et la seconde seulement « lacunaire ». « Les règles de grammaire et de conjugaison, ce deuxième élève les appliquait certes de manière aléatoire, mais il en avait visiblement entendu parler. Ce n'était pas le cas du premier », explique l'inspecteur. Notées selon le nouveau barème, les copies ont reçu 2/20 et 8/20.

DIFFICULTÉS GRANDISSANTES

Comme pouvait le redouter le ministère, certains ont accusé ce système de relever artificiellement les notes sans s'attaquer au problème de fond : des difficultés orthographiques grandissantes. Parmi ces critiques, celles du « champion du monde » d'orthographe et professeur de français dans un lycée nordiste, Bruno Dewaele. « Ce n'est pas un changement de barème qui va apprendre les règles à nos élèves », prévient-il. Pour lui, l'école ne consacre plus assez de temps à l'apprentissage du français, tandis que les fautes d'orthographe ont envahi médias et espace public. « Comment voulez-vous que les jeunes se sentent concernés par quelque chose que tout le monde méprise ? »
Ecoliers et collégiens ne verront pas tous apparaître le nouveau barème du ministère dans leur cahier de dictées. Pour l'instant, il ne s'agit que d'une incitation.

Mélinée Le Priol

Sourcehttp://www.lemonde.fr/societe/article/2014/04/15/la-fin-du-zero-pointe-non-merite-en-dictee_4401365_3224.html

2 commentaires:

Je a dit…

Je suis d'accord avec Bruno Dewaele : « Ce n'est pas un changement de barème qui va apprendre les règles à nos élèves ».
Mais tel n'est pas le but d'une dictée. Celle-ci ne sert qu'à évaluer le niveau de connaissances; pas à l'enrichir. C'est une simple mesure, pas un entraînement. Il faut donc continuer à pratiquer le français oral et écrit pour progresser.

A nouveau je suis d'accord avec lui : « l'école ne consacre plus assez de temps à l'apprentissage du français ». C'est en effet à peine 8 heures sur 26 hebdomadaires qui sont consacrées à l'apprentissage du français à l'école primaire; à peine la moitié par rapport à ce qui lui était consacré voici une ou deux générations. Ce n'est pas étonnant que les Français ne maîtrisent plus leur propre langue à l'écrit.

Je a dit…

Concernant le nouveau barème consistant à distinguer trois catégories d'erreurs (l'orthographe des mots = orthographe lexicale, l'accord des noms = orthographe grammaticale, et l'accord des verbes = conjugaison) c'est très intéressant même si cela demande trois fois plus de travail au correcteur.

Le système ancien « une faute, un point en moins » était non seulement quantitatif (alors que le nouveau est qualitatif : on identifie le type d'erreur donc le type de leçon qu'il faudra enseigner ensuite, en remédiation) mais en plus à caractère moral, culpabilisant : « une faute » au lieu de « une erreur ».

J'imagine que si les notes remontent, c'est un effet secondaire qui va faire plaisir aux bureaucrates amateurs de données chiffrées et leur permettre de mentir sur l'efficacité de l'école mais, peu importe. Sur le terrain, il faut trouver des solutions.

Ceci dit, se contenter de cela serait un sparadrap sur une jambe de bois. Pour maîtriser le français à l'écrit, il ne suffit pas de lui consacrer 8 heures par semaine d'école. Il faudrait probablement doubler cette durée et reporter les matières secondaires au collège et au lycée (études secondaires).