Source : https://www.youtube.com/watch?v=06LB12rAP_0
Conférence gesticulée enregistrée au théâtre 71, dans le cadre du festival Octobre Bouge, à Malakoff (92).
http://octobre-bouge.fr/
OCTOBRE BOUGE à MALAKOFF est un festival libre et autogéré, organisé par les associations :
• Amis (alternatives malakoffiotes pour l’initiative solidaire)
• L’ardeur www.ardeur.net
22 commentaires:
59' : Le sous-titre "L'Éducation Populaire, monsieur, ils n'en ont pas voulu." est une citation de mademoiselle Christiane Faure qui avait mis en place une direction de l'Education Populaire au sein de l'Education Nationale en 1944.
1h08 : Les deux mecs qui ont fait l'Europe [Union Européenne pour être exact] s'appelaient Delors et Monnet. On aurait dû se méfier.
1h10 : Les linguistes nous apprennent un truc absolument génial : on pense avec les mots. C'est pas le contraire. Je ne pense pas la réalité sociale et après je fabrique des mots. Non. J'ai des mots, un vocabulaire, et c'est avec ces mots que je peux penser la situation. Exemple : dans les années 1960, quand on parlait des pauvres, on parlait des exploités. C'était un mot "processus" (un exploité résulte de l'exploitation; et on cherche l'exploiteur...). Aujourd'hui, on utilise des mots "état" comme "défavorisé". C'est Orwell : la novlangue de 1984.
Christiane Faure (née le 30 août 1908 en Algérie, morte le 7 février 1998 à Paris) a été l'instigatrice des politiques culturelles d'éducation populaire au sortir de la Seconde Guerre mondiale en France.
Christiane Faure est la première directrice de l'Éducation populaire au sein du ministère de l'Éducation nationale en 1944. Elle est la sœur de Francine Faure, seconde épouse d'Albert Camus.
Biographie
Christiane Faure est née le 30 août 1908 en Algérie.
Elle obtient la première partie du certificat d’aptitude à l’enseignement secondaire en 1931 à Constantine, et la seconde l'année suivante à l'École normale supérieure de Paris. Elle enseigne ensuite les lettres modernes dans un lycée de jeunes filles à Oran en Algérie. Elle résiste à l'application des lois portant statut des juifs en France, et enseigne clandestinement à son domicile. Cela eut un impact important tant sur sa vie professionnelle que militante et la conduisit à développer l'idée qu'une politique publique quant à la formation culturelle des jeunes devait être mise en place.
En 1944, elle entre dans le cabinet du ministre de l'Éducation du gouvernement provisoire, René Capitant, et de son directeur, Jean Guéhenno. Elle prend la direction de l'Éducation populaire et des mouvements de jeunesse, et recrute les dix-huit premiers instructeurs nationaux d'éducation populaire de ce ministère. À la suite de la fusion de cette direction avec la direction de l'Éducation physique et des activités sportives pour créer une direction générale de la Jeunesse et des sports, elle demande à rentrer en Algérie, où elle prend la direction de l'Éducation populaire non rattachée aux sports. Elle y fût nommée "faisant fonction" d'inspectrice des mouvements de jeunesse et d'éducation populaire. Elle entreprit un projet de création d'un théâtre à Alger avant son retour en métropole en 1960.
À l'invitation de Pierre Moinot, premier directeur de cabinet d'André Malraux, elle revient en métropole en 1960, mais le rattachement de l'éducation populaire au ministère des Affaires culturelles ne se fait pas. Elle travaille à partir de 1967 avec Jean Maheu.
Elle prend sa retraite en 1973, et est faite officier de la Légion d'honneur la même année.
Elle accepte, en 1994, de rencontrer Franck Lepage et de lui faire sa biographie durant une journée.
Décédée 7 février 1998 à Paris, elle est inhumée au cimetière de Lourmarin.
2h03 : "usi et abusi" : droit d'user et d'abuser d'un bien. C'est le droit de propriété de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789; la propriété non pas d'usage mais la propriété lucrative (celle de posséder une usine qui rapporte du profit sans pour autant y travailler soi-même, et d'en abuser).
La limite au droit de propriété c'est le socialisme (à ne pas confondre avec le Parti Socialiste). On a le droit de posséder une petite entreprise mais pas un grand groupe.
Les autres droits (liberté, sécurité et résistance à l'oppression) sont corollaires au droit de propriété :
- liberté de licencier ses salariés même les années de plus grand bénéfice
- sécurité contre les ouvriers qui émettraient des revendications
- et résistance à l'oppression d'Etats qui voudraient réduire ou supprimer le droit de propriété.
2h08 : Le capitalisme c'est le droit d'accumulation illimité.
Le vrai capitalisme (pas l'économie de marché) n'existe que depuis 200 ans.
La sortie du capitalisme ne se fera pas tranquillement. Ils ne se laisseront pas faire. Mais c'est imminent (quelques décennies).
2h09 : "L'école reproduit les rapports sociaux; elle ne les modifie pas." Pierre Bourdieu (1964) 3% de filles et de fils d'ouvriers sortent des grandes écoles avec un diplôme d'excellence.
2h09 : Contrairement à ce qu'on entend dire, le niveau scolaire monte. On estime qu'un bachelier d'aujourd'hui a le niveau culturel d'un ingénieur des années 1950 !
2h10 : Il faut utiliser le mot "travailleur" pour désigner la personne active qui produit les richesses et non le mot "salarié", passif, qui reçoit un salaire parce que le gentil entrepreneur veut bien lui en donner un.
2h11 : L'égalité des chances est un oxymore.Soit c'est l'égalité, soit c'est les chances.
L'égalité des chances ça veut dire que pour le lièvre comme la tortue, la ligne de départ est la même.
2h16 : Entre 1999 et 2017, la France (cinquième pays le plus riche du monde) a doublé sa richesse produite. Qu'elle ne soit pas dans la poche des travailleurs, c'est autre chose ...
2h27 : La démocratie est un processus en quatre temps ; la liberté d'expression n'est que le premier temps.
Selon Paul Ricoeur, est démocratique une société qui se reconnaît divisée, c'est-à-dire traversée par des contradictions d'intérêts mais qui se fixe d'associer à part égale chaque citoyen dans l'expression de ces contradictions (liberté d'expression), l'analyse de ces contradictions, la délibération de ces contradictions en vue d'arriver à un arbitrage de ces contradictions.
La différence entre l'instruction publique et l'éducation nationale.
2h40 : Condorcet distingue l'instruction publique des enfants de l'éducation politique des jeunes adultes, qu'il appelle éducation populaire. Il affirme que si l'on se contente d'une instruction publique, on va fonder une société dans laquelle les inégalités seront fondées sur le savoir; alors que lui prône la démocratie et l'égalité.
En 1944, prenant conscience que les dirigeants fascistes sont des personnes instruites et donc que la démocratie ne dépend pas de l'instruction, mais au contraire qu'elle s'apprend, le ministre de l'éducation nationale confie à Christiane Faure la mission de mettre en place l'éducation populaire.
Gaullistes et communistes se disputent le contrôle de cette éducatino populaire (comprendre "éducation politique des jeunes adultes"). Sentant qu'elle leur échappe au profit des gaullistes, les communistes proposent de fusionner la direction de l'éducation populaire (naissante) la direction des activités physiques et sportives (beaucoup plus grosse) sous prétexte de faire des économies; mais c'est en réalité pour la diluer.
Résultat : naissance de la direction de la jeunesse et des sports. Le terme "jeunesse" signifiant à l'origine "éducation politique des jeunes adultes" (autrement dit : "éducation populaire et des mouvements de jeunesse").
PS : Depuis deux cents ans, l'éducation nationale est divisée en plusieurs directions : primaire, secondaire, supérieur, arts et lettres (beaux-arts) et activité physiques et sportives. L'éducation populaire venait s'ajouter en sixième.
C'est seulement en Algérie que l'éducation populaire ne sera pas rattachée à la direction des sports. C'est là où Christiane Faure se rendra; pendant dix ans.
Tandis qu'en France métropolitaine seront créés les CREPS : centres régionaux d'éducation populaire et de sports.
Aujourd'hui les CREPS ont été rebaptisés en Centre de Ressources, d'Expertise et de Performance Sportive.
2h55 : En 1956, on n'avait connu dans le monde que trois pays ayant un Ministère de la Culture : en Italie sous Mussolini, en Allemagne sous Hitler et en URSS sous Staline.
Un Ministère de la Culture, c'est un concept totalitaire, c'est l'Etat qui dit le sens de la culture et qui la contrôle.
Mais les membres de l'équipe de Christiane Faure étouffent au sein de la direction de la jeunesse et des sports. Il voudraient importer le concept de ministère de la culture mais dans une version démocratique, pour faire de la culture populaire, de l'éducation populaire. Ils sollicitent même Albert Camus (communiste séparé du PCF), qui a d'ailleurs épousé la soeur de Christiane Faure, pour être le ministre de ce ministère de la culture.
Mais c'est André Malraux, écrivain et mythomane mais aussi fidèle "fayot" du général De Gaulle qui obtiendra ce poste.
3h34 : Un ancien directeur de la CIA des années 1950-1960 disait dans un documentaire diffusé sur Arte que l'opération de désinformation la plus réussie de toute l'histoire de la CIA est le financement de l'art contemporain en Europe.
3h35 : Lisez le livre de Florence Saunders (sa thèse d'histoire) qui s'appelle "Qui mène la danse". Elle explique comment la CIA va déstabiliser tous les intellectuels qui sont tous tournés vers le communisme et les ramener vers des formes artistiques totalement régressives "pipi, caca, prout", vers ce qui est transgressif.
Transgressif ne veut pas dire subversif. Faire pipi par terre ne fait pas peur au MEDEF.
Avant Jack Lang, la gauche défendait le travailleur. Après Jack Lang, elle défend l'artiste, l'autiste, l'entrepreneur.
3h42 : La culture c'est ce qui sert à empêcher l'énonciation du conflit social.
3h47 : Questionnaire ouvert aux Français.
Quelles sont les personnalités qui incarnent le plus l'Histoire de France;
N°3 : Napoléon
N°2: Charles de Gaulle
N°1 : Robespierre
La Révolution française c'est 1793-1794. Avant c'est les Socialistes (mais on n'exporte pas la démocratie au bout des baïonnettes !) et après c'est Macron...
Le Ministère de la Culture est là pour rendre le capitalisme ludique et rigolo. Mais il n'en est pas moins dangereux.
3h58 : Les quelques mots qui ne veulent rien dire à utiliser dans les colloques organisés par le Minsitère de la Culture.
Les linguistes appellent ça des "effets de sens".
A la fin des années 1960 cela vient des Etats-Unis), on remplace tous les mots qui permettent de désigner le capitalisme afin de le critiquer par des nouveaux mots qui le désignent positivement.
Ces néologismes empêchent de penser le capitalisme.
Par exemple, au lieu de dire "capitalisme", on va dire "développement".
4h02 : Franck Lepage réalise un tour de force. Il bat des cartes sur lesquelles sont écrits de mots creux et improvise un discours en s'appuyant sur l'ordre complètement aléatoire :
"Habitant, acteur, innovation, vivre ensemble, projet, partenariat, interculturel, diagnostic partagé, territoire, mondialisation, lien social, citoyenneté, développement, local, démocratie, contrat, médiation, évaluation, participation."
Puis il rebat les cartes et, une minute plus tard, recommence avec les mêmes mots dans un ordre différent.
Bluffant !
4h15 : Le management c'est la quintessence du capitalisme : comment extorquer le maximum de productivité de la part du travailleur pour un minimum de rétribution.
Le mot le plus utilisé dans 90 ouvrages de management des années 1960 est : hiérarchie. Aujourd'hui ce mot a disparu des manuels de management ... mais la hiérarchie n'a pas disparu dans les entreprises.
Aujourd'hui, le mot qui apparaît le plus dans 90 ouvrages de management est : projet.
"Projet" remplace donc "hiérarchie" mais nous empêche de penser la hiérarchie comme notre ennemi commun.
4h19 : Une idéologie est dominante si et seulement si elle ne peut pas être perçue comme idéologie.
4h20 : Après 1945, il y a une vague de keynésianisme. On crée des services publics partout. Mais les industriels ne se laissent pas faire. Ils mettent en place une contre-révolution libérale autour de Milton Friedman et de Friedrich van Hayek. Ils investissement massivement dans les universités de sociologie pour mettre au point un monde entièrement marchand avec une théorie/idéologie : "la rationalisation des choix budgétaires" suivie de la "gestion action résultat" et finalement "méthodologie de projet".
Le "projet" est un produit. Les services public qui fonctionnent avec la "méthodologie du projet" créent des produits, se mettent en concurrence pour l'obtention de subventions. Ces services publcis sont prêts à être cueillis par le capitalisme.
4h28 : "Le secret de l'action c'est de commencer", dit le philosophe Alain.
4h30 : On nous a volé des mots et, à la place, on nous a filé de la camelote, de la verroterie, de la pacotille.
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