Lætitia Marie Laure Casta, née le 11 mai 1978 à Pont-Audemer est un mannequin « top model » et une actrice française.
mercredi 30 novembre 2011
mardi 22 novembre 2011
dimanche 20 novembre 2011
L’émergence des « arts martiaux mixtes » dans le monde et à la Réunion (4/4)
Avant de découvrir qui seront les premiers champions officiels de MMA dans l’Océan Indien cuvée 2012, il faut rendre hommage aux courageux précurseurs qui se sont essayés à des règles hybrides dès 2005. Voici donc une liste non exhaustive de combattants classés par poids de corps (avec des informations à actualiser notamment sur la formation technique de chacun). Il faut préciser que les premières rencontres d’arts martiaux mixtes avaient souvent lieu en fin de gala de karaté ou de kick-boxing à cette époque (pas si lointaine) où il valait mieux être discret pour vivre sa passion.
Les pionniers à la Réunion, classés selon les catégories officielles pour 2012 (70, 77, 84, 93 et +93) sachant que le poids des uns et des autres a pu changer depuis l’année 2005
+93kg
Godins Jean René : Gabarit : 1m72, 95 kilos, 28 ans; Styles pratiqués : Kick-Boxing / Sambo; Expérience : champion de France de Kick- Boxing (dans les années 90)
Hugo Fayol : Gabarit : 1m92, 94 kilos, 25 ans; Styles pratiqués : Kick boxing / Jeet Kune Do / Sambo ; Expérience : Combats en Kick-Boxing
-84kg
Jean-Luc Védapodagom : Gabarit :84kg, Styles pratiqués : multiple champion de la Réunion et double champion de France de Kyokushinkaï
-77kg
Johan Julienne : Gabarit : pesé à 77 kg. Styles pratiqués : pratiquant de Lutte Contact, de Grande Fontaine.
Thomas Roussel (77 kg), champion de France de Yoseikan Budo.
Oliver Chane-Ti (du club AMP de Florent Bernard), pesé à 74 kg (Lutte Contact)
Yann Smit (du club AMP de Florent Bernard) pesé à 74 kg, âgé de 16 ans seulement. (Lutte Contact)
Hoarau David : Gabarit : 1m76, 74 kilos, 23 ans; Styles pratiqués : Boxe Thaï / Sambo
-70kg
Jean-Marie ? (pratiquant de Yoseikan Budo, de l’équipe de Jim Nifaut), pesé à 70 kg.
Collet Johnny : Gabarit : 1m73, 70 kilos; Styles pratiqués : Sambo / Viet-Vo-Dao
Laurent Jean-Philippe (pratiquant de Yoseikan Budo, de Saint-Paul), pesé à 69 kg,
Josian Ramanelly (pratiquant de Lutte Contact, coaché par José Puylaurent), pesé à 64 kg
Pierre Payet (spécialiste de Jiu-jitsu Brésilien, s’entraînant chez Raymond Quéland), pesé à 64 kg (Lutte Contact)
Johan Ester (de l’ASKB d’Expedit Valin), pesé à 64 kg.(Lutte Contact)
Johan Vidot, pesé à 63 kg (Lutte Contact)
George Ramsamy-Mouti Gabarit : 60-62 kg ; Styles pratiqués : Lutte Libre / Croche ; Expérience : double champion de la Réunion de Lutte Libre
Willy Torpos (pratiquant de Yoseikan Budo), pesé à 60 kg
David Lorient (du club AMP de Florent Bernard), pesé à 60 kg.(Lutte Contact)
Morile Arne (ancien champion de France Honneur de Boxe Française, aujourd’hui membre du club Impact Réunion de David Becsangele), pesé à 60 kg (Lutte Contact)
Gaston Lebreton (du Tampon, plus spécialiste de Jiu-Jitsu Brésilien), pesé à 60 kg.(Lutte Contact)
Jérôme Sanchez
Les pionniers à la Réunion, classés selon les catégories officielles pour 2012 (70, 77, 84, 93 et +93) sachant que le poids des uns et des autres a pu changer depuis l’année 2005
+93kg
Godins Jean René : Gabarit : 1m72, 95 kilos, 28 ans; Styles pratiqués : Kick-Boxing / Sambo; Expérience : champion de France de Kick- Boxing (dans les années 90)
Hugo Fayol : Gabarit : 1m92, 94 kilos, 25 ans; Styles pratiqués : Kick boxing / Jeet Kune Do / Sambo ; Expérience : Combats en Kick-Boxing
-84kg
Jean-Luc Védapodagom : Gabarit :84kg, Styles pratiqués : multiple champion de la Réunion et double champion de France de Kyokushinkaï
-77kg
Johan Julienne : Gabarit : pesé à 77 kg. Styles pratiqués : pratiquant de Lutte Contact, de Grande Fontaine.
Thomas Roussel (77 kg), champion de France de Yoseikan Budo.
Oliver Chane-Ti (du club AMP de Florent Bernard), pesé à 74 kg (Lutte Contact)
Yann Smit (du club AMP de Florent Bernard) pesé à 74 kg, âgé de 16 ans seulement. (Lutte Contact)
Hoarau David : Gabarit : 1m76, 74 kilos, 23 ans; Styles pratiqués : Boxe Thaï / Sambo
-70kg
Jean-Marie ? (pratiquant de Yoseikan Budo, de l’équipe de Jim Nifaut), pesé à 70 kg.
Collet Johnny : Gabarit : 1m73, 70 kilos; Styles pratiqués : Sambo / Viet-Vo-Dao
Laurent Jean-Philippe (pratiquant de Yoseikan Budo, de Saint-Paul), pesé à 69 kg,
Josian Ramanelly (pratiquant de Lutte Contact, coaché par José Puylaurent), pesé à 64 kg
Pierre Payet (spécialiste de Jiu-jitsu Brésilien, s’entraînant chez Raymond Quéland), pesé à 64 kg (Lutte Contact)
Johan Ester (de l’ASKB d’Expedit Valin), pesé à 64 kg.(Lutte Contact)
Johan Vidot, pesé à 63 kg (Lutte Contact)
George Ramsamy-Mouti Gabarit : 60-62 kg ; Styles pratiqués : Lutte Libre / Croche ; Expérience : double champion de la Réunion de Lutte Libre
Willy Torpos (pratiquant de Yoseikan Budo), pesé à 60 kg
David Lorient (du club AMP de Florent Bernard), pesé à 60 kg.(Lutte Contact)
Morile Arne (ancien champion de France Honneur de Boxe Française, aujourd’hui membre du club Impact Réunion de David Becsangele), pesé à 60 kg (Lutte Contact)
Gaston Lebreton (du Tampon, plus spécialiste de Jiu-Jitsu Brésilien), pesé à 60 kg.(Lutte Contact)
Jérôme Sanchez
L’émergence des « arts martiaux mixtes » dans le monde et à la Réunion (3/4)
C’est en 2005, soit une douzaine d’années après le premier UFC, que plusieurs personnes tentèrent simultanément de développer le MMA sur l’île de la Réunion :
- certains en s’appuyant sur des styles mixtes déjà existants (sambo, ju-jitsu combat, lutte contact, yoseikan budo …),
- d’autres en créant une structure pour accueillir tous les formateurs désireux d’échanger leurs connaissances techniques (qu’ils viennent d’un sport spécialisé ou mixte) pour la prospérité mutuelle : le CRAMM (comité réunionnais d’arts martiaux mixtes).
Jean-Marc Visnelda, référence régionale en matière de sambo combat (puisqu’il fut formé dans la mère-patrie de ce sport, la Russie), proposa en 2005 des règles s’approchant du MMA. Elles furent présentées comme la synthèse du sambo et du yoseikan budo. Louable initiative que d’avoir respecté la loi française mais avec une originalité de ces règles à signaler : il fallait deux soumissions de l’adversaire pour obtenir la victoire … alors qu’un seul KO était suffisant. Plusieurs des élèves directs ou indirects de Jean-Marc Visnelda (dont ceux du groupe de Gérard Félicité qui combinent viet vo dao et sambo) participèrent avec succès aux premiers combats de pseudo-MMA à la Réunion. Parmi eux, il faut citer le premier Réunionnais à s’être exporté pour un combat en cage : Dominique Prix. Il combattit en 2005 à l’OC4 qui se tint en Allemagne.
A peu près à la même époque, les « Kréopolitains » Thierry Grimaud et Gaël Grimaud participaient à des compétitions internationales de ju-jitsu combat. Thierry (plusieurs fois vainqueur des JIOI en judo chez les 90kg) devint médaillé d'argent aux Jeux Mondiaux en 2001 à Akira au Japon tandis que son jeune frère Gaël obtint le titre de champion d’Europe de ju-jitsu en 2007 à Turin en Italie. Ce dernier passa ensuite au MMA professionnel en 2008, rejoignant Christophe Dafreville qui s’y était mis en 2007.
Florent Bernard était également parti en France métropolitaine. Avec Patrick Blanca, il obtint le diplôme d’instructeur de lutte contact en même temps que les frères Schiavo (pour ne citer qu’eux). De retour à la Réunion, il contacta Frédy Dambreville (organisateur expérimenté issu du karaté et du kick-boxing) pour mettre en place la commission de lutte contact sous l’égide du Comité Régional de Lutte). Cette commission regroupait des clubs issus du kick-boxing, de la boxe française, du jiu-jitsu brésilien, du kali escrima, etc. A peine créée, elle organisa des championnats (parfois avec des règles personnalisées par rapport aux directives nationales) et des galas à entrées payantes. Hélas, la lutte contact perdit bientôt son agrément de la part de la FFL et tous ces clubs quittèrent le Comité Régional de Lutte.
Toujours en 2005, Patrice Sadeyen, David Becsangèle (du club de kick-boxing et de lutte contact Impact Réunion) et Jérôme Sanchez (du club de luttes olympiques et traditionnelle Académie La Croche) tentèrent de rassembler toutes les bonnes volontés pour créer le Comité Réunionnais d’Arts Martiaux Mixtes (CRAMM). Des administrateurs et des instructeurs de référence dans les sports principaux pouvant se combiner en MMA se réunirent pour mettre en place cette structure : Patrick Blanca, Jérôme Sanchez, Florent Chaussalet, David Becsangele, Didier Delètre, Axonne Delanux, Patrice Sadeyen, Jean-Marie Guézélot, Long Lapaï, Dominique Prix, Gérard Félicité, Joëlle Beehary, Jocelyn Ramsamy-Mouti, Yannis Adamo et Pascal Lagrave. Malheureusement, l’expérience tourna court faute d’assurance acceptant de couvrir cette pratique composite et non encore associée à une fédération Française.
Vers 2007, une partie des clubs qui avaient tenté l’expérience de la lutte contact revint au Comité Régional de Lutte sous l’autorité de José Puylaurent pour y pratiquer, cette fois, le grappling. Mais à nouveau leur séjour fut de courte durée puisque le dernier championnat de grappling fut organisé en 2009. Les seuls clubs à être restés fidèles au Comité Régional de Lutte furent le Grappling Saint-Pierre d’Arnaud Barrey et l’AOSD Icon Jiu-Jitsu de Jean-Marie Guézélot.
En 2009, grâce à l’union des Ligues de kick-boxing et de muay thaï, la fédération française FFSCDA fut créée. Elle prit dans son giron non seulement la lutte contact mais aussi une nouvelle discipline nommée « pancrace » qui était une sorte de MMA sans frappes au sol. Immédiatement, tous les clubs jadis rassemblés par Florent Bernard et Frédy Dambreville saisirent cette opportunité. Quelques galas ont déjà eu lieu dont le Run Fight Trophy où l’on a pu voir Gaël Grimaud et Christophe Dafreville battre des Australiens néo-professionnels et, entre Réunionnais, Wilfrid Sellaye battre Aurélien Fontaine.
En novembre 2009 Cédric Certenais (ancien judoka de première division individuelle, diplômé d'un master de l’INSEP (entraînement et sport de haut niveau), médaillé européen et mondial en sambo combat 2009 et champion d’Europe de jiu-jitsu brésilien 2010) est nommé conseiller technique régional de la CNMMA (Commission Nationale de MMA) sur l'île de la Réunion; en charge de former les moniteurs de MMA selon le programme de la CNMMA. Il crée l'association MMA 974 en janvier 2010 afin d'organiser la formation et permettre la venue d'intervenants techniques de haut niveau tels que Gaël Grimaud, Christophe Dafreville et même pour la première fois un combattant UFC : Jess Liaudin, le combattant français le plus aimé des fans de MMA. Il organise une formation plébiscitée par 20 inscrits. 12 reçus lors de l'examen en juin 2010 sur la Réunion (Jury: C. Dafreville, Bertrand Boucher et Yann Lamothe, CTN de la CNMMA). En septembre 2010 : assemblée générale constitutive du Comité Régional de MMA de l'île de la Réunion (CRMMA) en présence des 12 moniteurs. 200 licenciés en 6 mois d'existence ! Une première rencontre sportive s’est déroulée au Port en juillet 2011 à mi-chemin d’un entraînement collectif et d’une répétition générale en vue des premières compétitions officielles.
Le 21 janvier 2012, Cédric Certenais présentera le projet d’IOFA (Indian Ocean Fighting Association) aux différentes îles de la zone à l’occasion des 1ers Championnats de l’Océan Indien de Croche (la lutte traditionnelle de la Réunion) qui se dérouleront à Maurice. Cette association est chargée par la FILA de structurer la pratique des arts martiaux mixtes au plan international (MMA amateur et grappling).
Ensuite, après une phase de sélection dans les clubs, deux galas de pancrace (sous l'égide de la FFSCDA) mettront en scène les huit meilleurs combattants de l’Océan Indien dans cinq catégories de poids :
- 77kg et 84kg le 24 mars 2012 au Port
- et 70kg, 93kg et +de 93kg le 30 juin 2012 à la Possession pour désigner les premiers détenteurs de la "ceinture MMA974".
Jérôme Sanchez
Le 21 janvier 2012, Cédric Certenais présentera le projet d’IOFA (Indian Ocean Fighting Association) aux différentes îles de la zone à l’occasion des 1ers Championnats de l’Océan Indien de Croche (la lutte traditionnelle de la Réunion) qui se dérouleront à Maurice. Cette association est chargée par la FILA de structurer la pratique des arts martiaux mixtes au plan international (MMA amateur et grappling).
Ensuite, après une phase de sélection dans les clubs, deux galas de pancrace (sous l'égide de la FFSCDA) mettront en scène les huit meilleurs combattants de l’Océan Indien dans cinq catégories de poids :
- 77kg et 84kg le 24 mars 2012 au Port
- et 70kg, 93kg et +de 93kg le 30 juin 2012 à la Possession pour désigner les premiers détenteurs de la "ceinture MMA974".
Jérôme Sanchez
samedi 19 novembre 2011
L’émergence des « arts martiaux mixtes » dans le monde et à la Réunion (2/4)
Coup de pied dans l’ordre établi
Dans les années 1970, le monde occidental a soudainement (re)découvert que les sports de combat ne se limitaient pas à la boxe avec les poings. Il faut rendre hommage à un petit Sino-américain : l’acteur de cinéma Bruce Lee. Grâce à ses films très réalistes (Big Boss, 1971 ; La fureur de vaincre, 1972, La fureur du dragon, 1972 ; Opération dragon, 1973 ; Le jeu de la mort, 1973) et à son ouverture d’esprit (prendre ce qu’il y a de meilleur dans chaque art martial), il démontra que les coups de pieds et certaines saisies ou blocages pouvaient être plus efficaces que les seuls coups de poings.
Paradoxalement, cette démonstration spectaculaire ne profita pas directement au wing chun (son art martial de base) ni aux wushu en général (les arts martiaux chinois) mais plutôt au karaté (japonais) et au taekwondo (coréen) qui organisèrent respectivement leurs premiers championnats du monde dès 1970 (WKF) et 1973 (WTF) puis furent tous deux admis aux Jeux Mondiaux en 1981 ; le taekwondo devenant même sport officiel des Jeux Olympiques en 2000. Dans leur sillage, de nombreuses boxes pieds-poings se développèrent internationalement : full-contact karaté, boxe française savate, kick-boxing, muay thaï, etc. Finalement, un tournoi annuel rassemblant les meilleurs poids lourds de toutes ces disciplines, le K1 Grand Prix, fut créé en 1993 par Kazuyoshi Ishii, un maître de karatéka et homme d’affaire japonais.
Les combats qu’on y voit ne sont pas sans rappeler ceux d’ "ano pankration" de l’Antiquité. Cette variante du pankration (pancrace) était utilisée dans les tours préliminaires des grandes compétitions de pancrace. Il s’agissait d’une forme sans combat au sol : toute la gamme des percussions et des projections était utilisée mais sans poursuite du combat au sol. Le pancrace complet était pour sa part appelé "kato pankration" et on l’utilisait dans les phases finales des tournois.
Combat en 3D
La redécouverte progressive des techniques « oubliées » ne se limita pas aux coups de pieds. Les trois dimensions du combat (frappes à distance, lutte au corps-à-corps, combat au sol) ressurgirent dans plusieurs disciplines. Du mélange sport de préhension et sport de percussion allait bientôt naître l’expression arts martiaux mixtes.
L’Union Soviétique développa son propre art martial mixte, le sambo, en combinant plus d’une vingtaine des luttes traditionnelles de son immense territoire. Dans la version sambo sportif, on trouve des projections et la lutte au sol (notamment les clés articulaires sur les jambes) et dans la version sambo combat, les frappes pieds-poings s’ajoutent à la panoplie.
En 1977, le ju-jitsu sportif fut structuré par quelques pays européens qui réunirent les atemi-waza (frappes), les nage-waza (projections) et les ne-waza (techniques au sol) qui étaient, à l’époque féodale, les trois parties indissociables des techniques à mains nues des samouraïs japonais.
Ces deux sports organisèrent leurs premiers championnats du monde, respectivement : en 1973 et 1994 puis furent admis aux Jeux Mondiaux en 1985 et 1997.
Mais ces deux exemples ne sont pas les seuls de l’engouement pour des arts martiaux de plus en plus complets, de plus en plus proches du combat réel à mains nues (à finalité militaire ou sportive). En voici d’autres, la liste n’étant bien sûr pas exhaustive.
Au Japon, la volonté de revenir à la (dure) réalité des sports de combat conduisit certains pratiquants de puroresu (catch) à quitter le système des matchs arrangés/chorégraphiés (appelés « work ») pour des oppositions réelles (appelées « shoot »). L’un de ceux à avoir le mieux réussi cette reconversion est Satoru Sayama, élève de Karl Gotch et Antonio Inoki, qui fonda le shooto en 1985 (sans doute inspiré par le célèbre combat du catcheur Inoki contre le boxeur Mohamed Ali en 1976). Sayama organisa son premier événement amateur en 1986, professionnel en 1989 puis le Vale Tudo Japan en 1994 (remporté par Rickson Gracie).
Le Français Régis Renault, pratiquant de vajra mushti indien, découvrit de nombreuses similitudes entre les arts martiaux du subcontinent et l’ancien pancrace des Grecs. Après une recherche historique, il codifia le paradosimos pankration (pancrace traditionnel) en 1990 et organisa les premières compétitions qui continuent de nos jours essentiellement au Portugal, sous la direction de son plus proche élève Francisco Policarpo.
Au début des années 1990, en France, Christian et Michèle Ribert, d'anciens pratiquants de shorinji kempo, créèrent la lutte contact (en synthétisant les gammes techniques des boxes pieds-poings et du judo) et organisèrent le Golden Trophy en 1994. André Panza (champion charismatique de boxe française et expert de judo) en fut le directeur technique national. Momentanément affiliée à la Fédération Française de Lutte, l’Union Française de Lutte Contact est désormais sous l’égide de la FFSCDA depuis 2009.
Explosion médiatique
La révolution ne viendra pourtant pas de tous ces styles complets déjà codifiés et peut-être trop académiques pour un public avide de sensations fortes. Elle sera l’effet secondaire d’une opération publicitaire destinée initialement à promouvoir les écoles de jiu-jitsu appartenant à la famille brésilienne Gracie.
Pour prouver l’efficacité des techniques au sol (ne-waza en japonais), les Gracie avaient l’habitude de défier d’autres écoles (karaté, capoeira, boxe, …) dans leur pays d’origine le Brésil. Désireux de faire fortune aux États-Unis, ils imaginèrent (avec l’aide du cinéaste John Milius, réalisateur de Conan le Barbare, et de l’homme d’affaire Art Davie) un nouveau type de compétition : l’Ultimate Fighting Championship. La première édition eut lieu en novembre 1993. Le principe est simple : une cage octogonale, des compétiteurs sortis de nulle part, avec des palmarès difficilement vérifiables, face à un représentant de la famille Gracie bien rodé à ce type de défi sans règle. Résultat : des oppositions de styles ultra-violentes et au beau milieu de tout cela, un magnifique combattant maîtrisant parfaitement le sol et obligeant tous ses adversaires à l’abandon sans avoir lui-même reçu la moindre égratignure. Stupeur dans le monde entier. Opération publicitaire réussie pour le jiu-jitsu brésilien. Mais aussi, indirectement, renaissance du concept de « pancrace » désormais appelé « arts martiaux mixtes » (mixed martial arts, ou MMA, en anglais).
Les Gracie désertèrent cette compétition deux ans plus tard et l’UFC faillit disparaître car, malgré l’enthousiasme du grand public, les politiques exigèrent que ces compétitions soient mieux encadrées, pour la santé des pratiquants, qu’elles respectent des catégories de poids, que les combats soient découpés en reprises de 5 minutes, etc. Après un détour de quelques années par le Japon (avec le Pride Fighting Championship), les arts martiaux mixtes revinrent aux États-Unis et détrônent aujourd’hui tous les autres sports sur les chaînes de télévision payantes.
Jérôme Sanchez
Dans les années 1970, le monde occidental a soudainement (re)découvert que les sports de combat ne se limitaient pas à la boxe avec les poings. Il faut rendre hommage à un petit Sino-américain : l’acteur de cinéma Bruce Lee. Grâce à ses films très réalistes (Big Boss, 1971 ; La fureur de vaincre, 1972, La fureur du dragon, 1972 ; Opération dragon, 1973 ; Le jeu de la mort, 1973) et à son ouverture d’esprit (prendre ce qu’il y a de meilleur dans chaque art martial), il démontra que les coups de pieds et certaines saisies ou blocages pouvaient être plus efficaces que les seuls coups de poings.
Paradoxalement, cette démonstration spectaculaire ne profita pas directement au wing chun (son art martial de base) ni aux wushu en général (les arts martiaux chinois) mais plutôt au karaté (japonais) et au taekwondo (coréen) qui organisèrent respectivement leurs premiers championnats du monde dès 1970 (WKF) et 1973 (WTF) puis furent tous deux admis aux Jeux Mondiaux en 1981 ; le taekwondo devenant même sport officiel des Jeux Olympiques en 2000. Dans leur sillage, de nombreuses boxes pieds-poings se développèrent internationalement : full-contact karaté, boxe française savate, kick-boxing, muay thaï, etc. Finalement, un tournoi annuel rassemblant les meilleurs poids lourds de toutes ces disciplines, le K1 Grand Prix, fut créé en 1993 par Kazuyoshi Ishii, un maître de karatéka et homme d’affaire japonais.
Les combats qu’on y voit ne sont pas sans rappeler ceux d’ "ano pankration" de l’Antiquité. Cette variante du pankration (pancrace) était utilisée dans les tours préliminaires des grandes compétitions de pancrace. Il s’agissait d’une forme sans combat au sol : toute la gamme des percussions et des projections était utilisée mais sans poursuite du combat au sol. Le pancrace complet était pour sa part appelé "kato pankration" et on l’utilisait dans les phases finales des tournois.
Combat en 3D
La redécouverte progressive des techniques « oubliées » ne se limita pas aux coups de pieds. Les trois dimensions du combat (frappes à distance, lutte au corps-à-corps, combat au sol) ressurgirent dans plusieurs disciplines. Du mélange sport de préhension et sport de percussion allait bientôt naître l’expression arts martiaux mixtes.
L’Union Soviétique développa son propre art martial mixte, le sambo, en combinant plus d’une vingtaine des luttes traditionnelles de son immense territoire. Dans la version sambo sportif, on trouve des projections et la lutte au sol (notamment les clés articulaires sur les jambes) et dans la version sambo combat, les frappes pieds-poings s’ajoutent à la panoplie.
En 1977, le ju-jitsu sportif fut structuré par quelques pays européens qui réunirent les atemi-waza (frappes), les nage-waza (projections) et les ne-waza (techniques au sol) qui étaient, à l’époque féodale, les trois parties indissociables des techniques à mains nues des samouraïs japonais.
Ces deux sports organisèrent leurs premiers championnats du monde, respectivement : en 1973 et 1994 puis furent admis aux Jeux Mondiaux en 1985 et 1997.
Mais ces deux exemples ne sont pas les seuls de l’engouement pour des arts martiaux de plus en plus complets, de plus en plus proches du combat réel à mains nues (à finalité militaire ou sportive). En voici d’autres, la liste n’étant bien sûr pas exhaustive.
Au Japon, la volonté de revenir à la (dure) réalité des sports de combat conduisit certains pratiquants de puroresu (catch) à quitter le système des matchs arrangés/chorégraphiés (appelés « work ») pour des oppositions réelles (appelées « shoot »). L’un de ceux à avoir le mieux réussi cette reconversion est Satoru Sayama, élève de Karl Gotch et Antonio Inoki, qui fonda le shooto en 1985 (sans doute inspiré par le célèbre combat du catcheur Inoki contre le boxeur Mohamed Ali en 1976). Sayama organisa son premier événement amateur en 1986, professionnel en 1989 puis le Vale Tudo Japan en 1994 (remporté par Rickson Gracie).
Le Français Régis Renault, pratiquant de vajra mushti indien, découvrit de nombreuses similitudes entre les arts martiaux du subcontinent et l’ancien pancrace des Grecs. Après une recherche historique, il codifia le paradosimos pankration (pancrace traditionnel) en 1990 et organisa les premières compétitions qui continuent de nos jours essentiellement au Portugal, sous la direction de son plus proche élève Francisco Policarpo.
Au début des années 1990, en France, Christian et Michèle Ribert, d'anciens pratiquants de shorinji kempo, créèrent la lutte contact (en synthétisant les gammes techniques des boxes pieds-poings et du judo) et organisèrent le Golden Trophy en 1994. André Panza (champion charismatique de boxe française et expert de judo) en fut le directeur technique national. Momentanément affiliée à la Fédération Française de Lutte, l’Union Française de Lutte Contact est désormais sous l’égide de la FFSCDA depuis 2009.
Explosion médiatique
La révolution ne viendra pourtant pas de tous ces styles complets déjà codifiés et peut-être trop académiques pour un public avide de sensations fortes. Elle sera l’effet secondaire d’une opération publicitaire destinée initialement à promouvoir les écoles de jiu-jitsu appartenant à la famille brésilienne Gracie.
Pour prouver l’efficacité des techniques au sol (ne-waza en japonais), les Gracie avaient l’habitude de défier d’autres écoles (karaté, capoeira, boxe, …) dans leur pays d’origine le Brésil. Désireux de faire fortune aux États-Unis, ils imaginèrent (avec l’aide du cinéaste John Milius, réalisateur de Conan le Barbare, et de l’homme d’affaire Art Davie) un nouveau type de compétition : l’Ultimate Fighting Championship. La première édition eut lieu en novembre 1993. Le principe est simple : une cage octogonale, des compétiteurs sortis de nulle part, avec des palmarès difficilement vérifiables, face à un représentant de la famille Gracie bien rodé à ce type de défi sans règle. Résultat : des oppositions de styles ultra-violentes et au beau milieu de tout cela, un magnifique combattant maîtrisant parfaitement le sol et obligeant tous ses adversaires à l’abandon sans avoir lui-même reçu la moindre égratignure. Stupeur dans le monde entier. Opération publicitaire réussie pour le jiu-jitsu brésilien. Mais aussi, indirectement, renaissance du concept de « pancrace » désormais appelé « arts martiaux mixtes » (mixed martial arts, ou MMA, en anglais).
Les Gracie désertèrent cette compétition deux ans plus tard et l’UFC faillit disparaître car, malgré l’enthousiasme du grand public, les politiques exigèrent que ces compétitions soient mieux encadrées, pour la santé des pratiquants, qu’elles respectent des catégories de poids, que les combats soient découpés en reprises de 5 minutes, etc. Après un détour de quelques années par le Japon (avec le Pride Fighting Championship), les arts martiaux mixtes revinrent aux États-Unis et détrônent aujourd’hui tous les autres sports sur les chaînes de télévision payantes.
Jérôme Sanchez
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vendredi 18 novembre 2011
L’émergence des "arts martiaux mixtes" dans le monde et à la Réunion (1/4)
Rappel historique
L’Antiquité
Aussi loin que l’on remonte dans l’Histoire, les compétitions sportives ont toujours existé. Les Mésopotamiens organisaient des courses à pied et des épreuves de force en l’honneur de leurs dieux et de leurs héros il y a près de 5000 ans. Idem pour les Egyptiens qui nous laissèrent des planches techniques de lutte et d’un style de combat combinant bâton et coups de pieds datant de plus de 4000 ans.
Cependant, la compétition la plus prestigieuse resta la création des Grecs : les Jeux d’Olympie (ou Jeux Olympiques). Leur rénovation en 776 avant J.-C. servait même d’événement de référence à leur calendrier ; comme la naissance de Jésus-Christ dans le calendrier chrétien. Trois sports de combat extrêmement populaires furent officiellement inscrits au programme olympique antique :
- - l'orthopale (lutte débout) dès 708 avant J.-C.
-- - le pugilat avec cestes (boxe avec des lanières de cuir puis de bois clouté) dès 688 avant J.-C.
- - et le pankration (pancrace) dès 648 avant J.-C.
Les Temps modernes et l’époque contemporaine
Lorsque le baron Pierre de Courbertin ressuscita les Jeux Olympiques en 1896, la lutte française dite « gréco-romaine » (en réalité une lutte traditionnelle provençale : « lucho de la ceinturo en aut ») fut inscrite directement au programme olympique. En 1908, la lutte libre anglo-américaine s’ajouta au programme ainsi que la boxe anglaise amateur.
A partir de là, et pendant des décennies, le grand public occidental pensa que les seuls sports de combat existants étaient :
- - la boxe avec les poings gantés
- - et la lutte (avec ou sans veste) parfois assimilée à un spectacle chorégraphié (le « catch » pour les francophones, « pro wrestling » pour les anglophones).
Mais le souvenir même du pancrace grec avait totalement disparu chez les pratiquants de sports de combat.
Jérôme Sanchez
mardi 15 novembre 2011
La croche s’accroche
La mondialisation n’est pas qu’un phénomène économique. L’uniformisation culturelle, basée sur le système occidental, agit comme un rouleau compresseur sur les traditions locales. Mais ça et là, quelques poches de résistance subsistent et s’accrochent aux pratiques anciennes.
Sur l’île de la Réunion
Passée du statut de colonie française à celui de département d’outre-mer en 1946, l’île de la Réunion a évolué très rapidement de la « génération coco » à la « génération coca ». Le phénomène s’est même considérablement accéléré à partir de 1964/65 avec l’installation des premières télévisions sur l’île ; ouverture d’une fenêtre sur la France métropolitaine et son mode de vie.
Une des conséquences fut l’abandon des jeux et sports traditionnels au profit des disciplines structurées débarquées de la Métropole. On pourrait faire le même constat au niveau mondial puisque la quasi-totalité des 28 sports olympiques d’été sont des inventions anglaises ou françaises, alors que l’UNESCO recense plusieurs milliers de disciplines sportives toutes cultures confondues.
Récit d’une rencontre
Au début des années 2000, Jérôme Sanchez, un instituteur métropolitain (un « Zoreille » comme on dit à la Réunion) s’inscrit dans un club de lutte olympique, l’Académie La Croche, à Saint-Paul de la Réunion. Il sympathise avec le propriétaire des lieux, Patrick Blanca, un Créole d’une quarantaine d’années au parcours martial éclectique. Très bientôt, il lui demande d’où vient le nom « musical » de sa salle pourtant dédiée aux arts martiaux et sports de combat. Sourire aux lèvres, Patrick Blanca raconte que « la croche » est la forme de lutte qui a égayé son enfance. Il y jouait avec ses camarades, sur le sable en bord de mer ou sur l’herbe dans les jardins publics. Intrigué, le Métropolitain veut en savoir plus, notamment sur les différences entre cette lutte réunionnaise et celles qu’il pratique habituellement (lutte libre et lutte gréco-romaine).
« La différence, c’est que le combat ne s’arrêtait pas au sol. On continuait jusqu’à ce qu’un des deux dise « La paix ! » ou bien « Arrête ! » quand il était contrôlé par une prise douloureuse. »
Quelques démonstrations de techniques accompagnent le récit. Immédiatement, le Zoreille reconnaît des clés articulaires et des étranglements identiques à ceux enseignés en judo, ju-jitsu sportif ou jiu-jitsu brésilien (des disciplines qu’il a également pratiquées auparavant). La curiosité s’intensifie ! Il doit rencontrer d’autres anciens crocheurs.
Témoignages
Patrick Blanca, qui était le plus jeune du dernier groupe de crocheurs saint-paulois, réunit ses anciens camarades de jeu. Ces quadragénaires et quinquagénaires sont surpris de l’intérêt porté à leur jeu « longtemps » par quelqu’un issu de l’extérieur. Mais ils sont quand même rassurés par la présence de leur ami et chacun de révéler sa « spéciale », sa technique de projection favorite ou celle qui lui permettait d’obtenir la victoire une fois au sol.
Au fil des témoignages, il s’avère que tous les Créoles âgés d’au moins 50 ans ont pratiqué la croche dans leur jeunesse mais qu’aucun Réunionnais aujourd’hui en âge de pratiquer des sports de combat (c’est-à-dire autour de 20 ans) n’en connaît l’existence. Pire, après une recherche bibliographique, il apparaît qu’aucun ouvrage n’a été consacré à ce sujet. A peine une inscription dans un dictionnaire français/créole des années 1980 ! Si rien n’est entrepris, la croche aura très bientôt disparu, définitivement oubliée. La curiosité se transforme en passion, en mission.
Renaissance d’un sport traditionnel
Pendant trois années, les deux passionnés collectent des centaines de témoignages, identifient des dizaines de techniques et les classent en planches techniques. Grâce à des témoins âgés de plus de 90 ans, il est attesté que la croche était pratiquée au moins depuis la fin du XIXème siècle. Une carte postale de 1905 prouve en tout cas qu’elle l’était au tout début du XXème siècle.
A ce stade, la rencontre avec Frédéric Rubio est déterminante. Cet expert auprès de la FILA (Fédération Internationale des Luttes Associées) et de la CONFEJES (branche sportive de la Francophonie) a milité pendant plus de quinze ans pour la survie des luttes traditionnelles en Afrique. Jadis basé au Sénégal, il a synthétisé les différents styles de lutte africaine pour leur permettre de résister à la déferlante du football.
C’est Frédéric Rubio lui-même qui va analyser les techniques et les pratiques de la croche pour rédiger une règlementation respectant la tradition mais avec l’apport de la modernité (catégories de poids, durée des combats limitée, etc.). Elle est limpide : une projection vaut un point, une immobilisation un point, et la victoire peut s’obtenir avant la limite en cas de renoncement de l’adversaire ou d’arrêt de l’arbitre.
Un livre est publié en 2006 dans une maison d’édition locale, Azalées, avec une préface du président de la FILA lui-même : Raphaël Martinetti. C’est une reconnaissance institutionnelle mais il reste désormais le travail de terrain : former des cadres, ouvrir des clubs et organiser les premières rencontres sportives officielles (interclubs en 2007 et championnats régionaux en 2008).
Grandir pour ne pas mourir
Reconnue par la FILA comme lutte traditionnelle de la Réunion, la croche n’en reste pas moins au stade embryonnaire. Six clubs seulement sur l’île de la Réunion … et donc dans le monde. Elle reste très fragile. Pour ne pas disparaître, elle doit s’exporter. C’est possible car ses règles sont très simples, accessibles au grand public, et parce qu’elle se situe à mi-chemin de la lutte olympique (saisies sur le corps et non sur les vêtements) et du judo (usage de toute la gamme technique au sol, les ne-waza).
Sa première rencontre internationale aura lieu le 22 janvier 2012, au Centre National de Lutte de Vacoas, île Maurice. Ce seront les 1ers Championnats de l’Océan Indien de Croche. Souhaitons à ce sport un avenir ensoleillé ! Parfois, il suffit d’un seul passionné au départ. Souvenons-nous d’un certain Jigoro Kano qui avait fait un rêve dans les années 1880, un rêve nommé judo.
Jérôme Sanchez
Sur l’île de la Réunion
Passée du statut de colonie française à celui de département d’outre-mer en 1946, l’île de la Réunion a évolué très rapidement de la « génération coco » à la « génération coca ». Le phénomène s’est même considérablement accéléré à partir de 1964/65 avec l’installation des premières télévisions sur l’île ; ouverture d’une fenêtre sur la France métropolitaine et son mode de vie.
Une des conséquences fut l’abandon des jeux et sports traditionnels au profit des disciplines structurées débarquées de la Métropole. On pourrait faire le même constat au niveau mondial puisque la quasi-totalité des 28 sports olympiques d’été sont des inventions anglaises ou françaises, alors que l’UNESCO recense plusieurs milliers de disciplines sportives toutes cultures confondues.
Récit d’une rencontre
Au début des années 2000, Jérôme Sanchez, un instituteur métropolitain (un « Zoreille » comme on dit à la Réunion) s’inscrit dans un club de lutte olympique, l’Académie La Croche, à Saint-Paul de la Réunion. Il sympathise avec le propriétaire des lieux, Patrick Blanca, un Créole d’une quarantaine d’années au parcours martial éclectique. Très bientôt, il lui demande d’où vient le nom « musical » de sa salle pourtant dédiée aux arts martiaux et sports de combat. Sourire aux lèvres, Patrick Blanca raconte que « la croche » est la forme de lutte qui a égayé son enfance. Il y jouait avec ses camarades, sur le sable en bord de mer ou sur l’herbe dans les jardins publics. Intrigué, le Métropolitain veut en savoir plus, notamment sur les différences entre cette lutte réunionnaise et celles qu’il pratique habituellement (lutte libre et lutte gréco-romaine).
« La différence, c’est que le combat ne s’arrêtait pas au sol. On continuait jusqu’à ce qu’un des deux dise « La paix ! » ou bien « Arrête ! » quand il était contrôlé par une prise douloureuse. »
Quelques démonstrations de techniques accompagnent le récit. Immédiatement, le Zoreille reconnaît des clés articulaires et des étranglements identiques à ceux enseignés en judo, ju-jitsu sportif ou jiu-jitsu brésilien (des disciplines qu’il a également pratiquées auparavant). La curiosité s’intensifie ! Il doit rencontrer d’autres anciens crocheurs.
Témoignages
Patrick Blanca, qui était le plus jeune du dernier groupe de crocheurs saint-paulois, réunit ses anciens camarades de jeu. Ces quadragénaires et quinquagénaires sont surpris de l’intérêt porté à leur jeu « longtemps » par quelqu’un issu de l’extérieur. Mais ils sont quand même rassurés par la présence de leur ami et chacun de révéler sa « spéciale », sa technique de projection favorite ou celle qui lui permettait d’obtenir la victoire une fois au sol.
Au fil des témoignages, il s’avère que tous les Créoles âgés d’au moins 50 ans ont pratiqué la croche dans leur jeunesse mais qu’aucun Réunionnais aujourd’hui en âge de pratiquer des sports de combat (c’est-à-dire autour de 20 ans) n’en connaît l’existence. Pire, après une recherche bibliographique, il apparaît qu’aucun ouvrage n’a été consacré à ce sujet. A peine une inscription dans un dictionnaire français/créole des années 1980 ! Si rien n’est entrepris, la croche aura très bientôt disparu, définitivement oubliée. La curiosité se transforme en passion, en mission.
Renaissance d’un sport traditionnel
Pendant trois années, les deux passionnés collectent des centaines de témoignages, identifient des dizaines de techniques et les classent en planches techniques. Grâce à des témoins âgés de plus de 90 ans, il est attesté que la croche était pratiquée au moins depuis la fin du XIXème siècle. Une carte postale de 1905 prouve en tout cas qu’elle l’était au tout début du XXème siècle.
A ce stade, la rencontre avec Frédéric Rubio est déterminante. Cet expert auprès de la FILA (Fédération Internationale des Luttes Associées) et de la CONFEJES (branche sportive de la Francophonie) a milité pendant plus de quinze ans pour la survie des luttes traditionnelles en Afrique. Jadis basé au Sénégal, il a synthétisé les différents styles de lutte africaine pour leur permettre de résister à la déferlante du football.
C’est Frédéric Rubio lui-même qui va analyser les techniques et les pratiques de la croche pour rédiger une règlementation respectant la tradition mais avec l’apport de la modernité (catégories de poids, durée des combats limitée, etc.). Elle est limpide : une projection vaut un point, une immobilisation un point, et la victoire peut s’obtenir avant la limite en cas de renoncement de l’adversaire ou d’arrêt de l’arbitre.
Un livre est publié en 2006 dans une maison d’édition locale, Azalées, avec une préface du président de la FILA lui-même : Raphaël Martinetti. C’est une reconnaissance institutionnelle mais il reste désormais le travail de terrain : former des cadres, ouvrir des clubs et organiser les premières rencontres sportives officielles (interclubs en 2007 et championnats régionaux en 2008).
Grandir pour ne pas mourir
Reconnue par la FILA comme lutte traditionnelle de la Réunion, la croche n’en reste pas moins au stade embryonnaire. Six clubs seulement sur l’île de la Réunion … et donc dans le monde. Elle reste très fragile. Pour ne pas disparaître, elle doit s’exporter. C’est possible car ses règles sont très simples, accessibles au grand public, et parce qu’elle se situe à mi-chemin de la lutte olympique (saisies sur le corps et non sur les vêtements) et du judo (usage de toute la gamme technique au sol, les ne-waza).
Sa première rencontre internationale aura lieu le 22 janvier 2012, au Centre National de Lutte de Vacoas, île Maurice. Ce seront les 1ers Championnats de l’Océan Indien de Croche. Souhaitons à ce sport un avenir ensoleillé ! Parfois, il suffit d’un seul passionné au départ. Souvenons-nous d’un certain Jigoro Kano qui avait fait un rêve dans les années 1880, un rêve nommé judo.
Jérôme Sanchez
samedi 5 novembre 2011
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