samedi 16 avril 2011

Portrait de Mike Horn


 


Mike est né à Johannesburg en Afrique du Sud en 1966. A 18 ans, il part en guerre dans les services spéciaux, il combattra en Namibie. Il reste dans l'armée pendant quelques années. Il travaille ensuite pour une entreprise d'import - export mais s'ennuie, il décide alors de tout quitter et prend un billet pour la Suisse. Il a 24 ans. En Suisse il "galère" quelques temps, mais finalement trouve une place d'instructeur dans une entreprise de sports extrêmes : No Limits. Il rencontre Cathy, une jeune infirmière d'origine néo-zélandaise, ils se marient et ont deux filles : Jessica et Annika. Maintenant, Mike alterne entre période à la maison pour préparer ses nouvelles expéditions et réalisations de celles-ci. Sa femme et ses filles le rejoignent très régulièrement sur le terrain quand il passe dans des zones "civilisées".

La descente de l'Amazone à la nage en 1997

Sa première réalisation d'envergure fut la descente de l'Amazone en hydrospeed (flotteur sur lequel il fixe également son matériel) en solitaire et sans assistance. Six mois lui ont été nécessaires pour réaliser ce projet. La première étape consista à rejoindre les sources de l'Amazone dans les Andes à pied en partant de l'Océan Pacifique avec 50 kilos de matériel sur le dos. Il lui restait ensuite à parcourir à la nage les 7.000 kilomètres du fleuve géant et atteindre ainsi l'Océan Atlantique. Ces 7.000 kilomètres furent d'une extrême difficulté ; il dut d'abord affronter les violents rapides du fleuve sur ses 500 premiers kilomètres lors de sa descente sur le flanc des Andes pour ensuite se retrouver au milieu de la jungle amazonienne. L'hostilité du milieu l'obligea à recourir aux techniques de survie qu'il avait apprises au préalable. Mais ce sont les hommes qui seront sa principale menace. En effet la zone est sous l'influence des trafiquants de drogue et les tribus bordant le fleuve sont parfois très agressives. Il se fait tirer dessus puis capturer par l'une d'elles et ne doit son salut qu'à une série d'événements favorables dont il profite pour s'évader et continuer son périple. Il reste parfois plusieurs jours d'affilée sur son hydrospeed pour avancer au plus vite vers son objectif : l'Océan Atlantique. C'est en janvier 1998 qu'il atteint le but de son incroyable voyage.

Latitude 0, le premier véritable tour du monde, années 1999 et 2000

Résumé d'après le livre Latitude 0 aux éditions XO disponible sur http://www.mikehorn.com/ : Dans sa forme la plus épurée, réaliser un tour du monde, c'est tourner autour de la terre en suivant l'équateur. Pour le rendre encore plus élégant, on doit éviter d'utiliser des moyens motorisés. Ce projet colossal implique de traverser 2 continents et 3 océans avec pour seuls moyens la marche, une pirogue, un vélo et un petit trimaran de 8 mètres…

L'Atlantique

Mike se lance donc dans ce challenge depuis le Gabon d'où il part le 2 juin 1999 à bord d'un petit trimaran démontable baptisé du nom de l'expédition, Latitude 0. Il est la troisième personne à tenter ce défi, ses deux prédécesseurs sont malheureusement décédés au cours de leur tentative. Quelques jours après le départ, il manque de percuter les îles São Tomé alors qu'il s'est endormi trop longtemps. Après ce départ difficile, la chance semble tourner et Mike traverse l'Atlantique assez rapidement, en 19 jours seulement, et sans soucis avec un petit bateau normalement réservé (selon la notice) à une utilisation côtière !

L'Amérique du Sud

Ensuite un énorme obstacle s'élève devant lui : le continent sud américain et surtout l'inextricable forêt amazonienne. Lorsque cela est possible, il remonte des fleuves en pirogue ou roule sur les pistes forestières en VTT, le reste du temps il marche à pied traçant son chemin à la machette. Sur certaines sections, il doit porter son VTT sur le dos à travers la jungle. La plupart du temps son chargement dépasse les 50 kilogrammes. Pour survivre, il doit chasser les animaux de la jungle et boire l'eau contenue dans les lianes. La traversée de la forêt humide est extrêmement difficile et la progression journalière parfois bien faible : moins de 2 kilomètres. La moiteur est constante de jour comme de nuit, il apprend à vivre mouillé. Mais chaque soir Mike se sent plus proche du but, il prend plaisir à vivre auprès de cette nature vierge, renouer avec des instincts oubliés. Il prend plaisir à s'endormir avec le bruit des animaux de la forêt, à sentir la vie vibrer autour de lui. Suivre l'équateur l'oblige, après le Brésil, à traverser la Colombie et passer dans des zones tenues par les narcotrafiquants. Encore une fois sa vie ne tient qu'à un fil : les leaders des milices de la drogue doivent décider s'ils lui font confiance et le laissent traverser les zones sous leur contrôle, ou bien s'ils le considèrent comme un espion à la solde des États-Unis et dans ce cas s'apprêtent à lui ôter la vie. Heureusement, ils le laissent passer à la condition de ne pas s'éloigner du cours des rivières sous peine de mort. Après la forêt, il s'élève sur les pentes des Andes et s'offre un sommet, le mont Cayambe, qui culmine à 5790 mètres. En 24 heures, il passe de 30 mètres d'altitude à plus de 5000 et, malgré la fatigue due à ses crises de paludisme et aux conditions météo exécrables, il parvient au sommet. Il ne lui reste plus qu'à enfourcher son vélo et se laisser descendre jusqu'à Pedernales, en Equateur, d'où il partira pour son périple sur le plus vaste océan de la planète : le Pacifique. La traversée de l'Amérique du Sud lui a pris plus de 5 mois.

Le Pacifique

Si sa première traversée d'océan fut presque une formalité, le Pacifique le retiendra près de 3 mois. Les premiers problèmes commencent quelques heures après le départ. Une pièce mal montée occasionne une grosse voie d'eau, Mike se bat pour réparer mais tout est trempé dans le bateau quand il vient à bout de l'avarie. Ensuite c'est au tour des pilotes automatiques de tomber en panne les uns après les autres. Malgré ces problèmes, sa navigation se poursuit bien et il arrive finalement au niveau de l'Indonésie.

L'Indonésie

L'instabilité politique assez sévère à laquelle est confronté ce pays oblige Mike à modifier quelque peu son itinéraire. Il traverse sans encombre Bornéo et Sumatra à pied et en vélo. La forêt, à l'origine très dense, est maintenant complètement criblée de pistes et de routes à cause de l'exploitation forestière. Et si les routes facilitent la progression de Mike, cette exploitation est préoccupante car elle entraîne la disparition progressive de la forêt primaire avec toutes les espèces endémiques qu'elle contient, comme le célèbre orang-outan. En deux mois, la traversée de l'Indonésie est bouclée et un nouvel océan se dresse devant l'aventurier.

L'Océan Indien

Mike attaque maintenant son troisième océan : l'Indien. C'est au cours de cette traversée que les éléments se déchaînent. Il est proche de la saison de la mousson durant laquelle l'Océan Indien est réputé pour ses colères. De plus, cette année là, la mousson arrive quelques semaines en avance avec son cortège de tempêtes, ses vents à plus de 40 noeuds, ses vagues énormes et ses pluies diluviennes. Mike est donc dans le "shaker", comme il le nomme lui-même, de l'Océan Indien. Mais les tempêtes ne sont que la préparation à la suite : un ouragan qu'il compare au coup de poing de Dieu reçu en pleine figure. Le vent rugit à plus de 60 noeuds et les vagues deviennent monstrueuses ! Malgré la petitesse du bout de toile laissé dehors, son mât se fêle et menace de se rompre sous la force du vent. Les vagues retournent presque le petit trimaran lorsqu'il se remet vent arrière après avoir amené son reste de voile. Sans voile, il avancera tout de même à la vitesse impressionnante de 26 noeuds (près de 50Km/h) ! L'ouragan le moleste plusieurs jours de suite faisant des dégâts considérables sur le bateau et sur Mike lui-même, le poussant au bout de ses ressources. Il se sent très proche de sa fin et abandonne même la partie: après avoir fait le nécessaire pour que le bateau dérive seul dans des conditions à peu près correctes, il va se coucher dans sa cabine car il n'en peut plus, advienne que pourra. Il se réveille 24 heures plus tard, la monstrueuse tempête faiblit enfin. Il fait les réparations qu'il peut et continue vers l'Afrique. Après un mois de mer, il arrive sur la côte Ouest du continent africain pour affronter la dernière étape de son voyage.

L'Afrique

L'Afrique, continent sauvage où l'homme peut parfois se montrer d'une cruauté sans limite. Mike est très éprouvé par sa traversée de l'Afrique car il se heurte à l'avidité et à la folie de certains ; il va frôler la mort, encore une fois à cause de l'homme. Il lui faut environ 4 mois pour traverser ce grand continent, principalement à pied et en VTT, mais aussi en pirogue à voile sur le lac Victoria. De nouveau, un sommet est très proche de sa route et il en effectue l'ascension, il s'agit du mont Kenya culminant à 5199 mètres. Après avoir cheminé dans des pays en proie à la famine ou à la guerre, il atteint enfin le Gabon et la plage de son départ 17 mois plus tôt, bouclant ainsi son incroyable tour du monde. Mike Horn relate cette folle aventure dans le palpitant livre Latitude 0 (XO éditions).

Expédition Arktos 2001-2004

Le principe

Ce sont d'autres latitudes que Mike a choisies pour cette expédition. Il remonte vers le nord pour s'attaquer au cercle polaire. Donc cette fois ci, la ligne virtuelle à suivre pour effectuer ce nouveau tour du monde va se situer entre les latitudes 66°5 et 76° nord. Pour ce grand voyage, il n'utilisera, comme à son habitude, aucun moyen motorisé. Il se servira du vent et de ses muscles pour boucler les 20.000 kilomètres de cette épopée. Sur la glace, il utilisera un traîneau, chargé de 100 à 200 Kg de matériel, qu'il tirera skis aux pieds ou à l'aide un cerf-volant quand cela sera possible. Pour les petites distances, dans l'eau non gelée, il utilisera un kayak de mer et pour les grandes traversées, un voilier de 14 mètres en aluminium renforcé nommé "Arktos".

http://www.expemag.com/V0/aventuriers/mikehorn/mile_horn.php

6 commentaires:

Je a dit…

Stigmates et blessures

Evidemment, vous regardez ses doigts. Les deux pouces et l'index gelés sur la banquise. Il faisait moins 65 degrés. Mike Horn avait mis trop de temps à refaire son lacet. Furieux de s'être laissé pren dre, il avait dû se faire rapatrier pour la première fois depuis qu'il joue les aventuriers en solitaire. Les extrémités des phalanges sont comme rabotées. Elles saignent encore à demi, mais il repart au pôle ce week-end sans attendre la cicatrisation définitive.

Il y a aussi le majeur sectionné. Blessure de guerre, du temps où le jeune Sud-Africain blanc intégrait les forces spéciales, faisait du renseignement de l'autre côté des lignes ennemies en Angola. Il se justifie : «La guerre ne m'intéressait pas. Personne n'a jamais gagné une guerre. C'est l'aventure qui me plaisait.» Il est fier d'avoir toujours réussi à ramener vivants ses subordonnés noirs. Il dit : «Je n'étais pas un bon militaire. J'étais trop calme, pas assez agressif, trop libéral dans mes idées.» Mais, il ne renie en rien l'intensité et la gravité d'alors : «J'avais 18 ans. ça m'a rendu responsable. ça m'a appris le respect pour la vie. ça m'a fait comprendre que je ne voulais pas crever. Depuis, je sais ce qui est important et ce qui ne l'est pas. Ce qu'il faut apprendre et ce qui ne sert à rien.»

Je a dit…

Origines

L'aïeule était membre de la famille royale hollandaise, exilée chez les Boers pour avoir fauté, et aggravant son cas via une mésalliance avec un charpentier français. Sa mère est prof d'économie, son père, prof de sport et rugbyman. Il a trois frères et soeurs, une juge, une peintre et un sportif. La famille était très religieuse, très protestante. Comme beaucoup de tenteurs de diable, Mike Horn, lui, a fini par se convaincre que saluer sa bonne étoile, ne pouvait lui nuire. Il dit : «Des fois, quand on s'en tire, ce n'est ni la chance, ni le hasard...» Il précise : «Pour aller seul au bout de l'exploit, il te faut des attaches, des références. L'homme est trop faible, il lui faut Dieu, Bouddha, etc.»

Les parents sont des Afrikaners tolérants et ouverts, pas militants antiapartheid pour autant. Mike Horn évoque avec affection ses copains noirs, ses soldats namibiens. Mais lors de son périple sur la «latitude zéro», traversant la Somalie, le Rwanda, le Congo, et échappant de peu aux soudards flingueurs, il réserve ses flèches les plus venimeuses à son continent déstructuré, buveur de sang et générateur de folie. Comme si d'avoir grandi sur ces terres, lui permettait de dire leur fait à ses «frères». Il écrit : «En Afrique, il vaut mieux faire pitié qu'envie» ou encore : «La pauvreté n'est pas une excuse.» Il sait établir son hamac sur des arbres fins, pour que les jaguars griffent le vide en les escaladant, ou se distrait à flanquer des coups de pagaie sur le nez des caïmans, mais il ne peut s'empêcher d'affirmer : «En Afrique, l'animal, le plus dangereux, c'est l'homme.»

Je a dit…

Jeunesse militaire

Il a 18 ans. Le voici à l'armée. Stages commando, missions de renseignement. C'est là qu'il acquiert les techniques de survie, la capacité à trier les contraintes, à repérer l'essentiel. Ensuite, il lui suffira d'acclimater ces principes aux différents domaines explorés. Il aime être en autosuffisance. S'accepter proie pour mieux devenir chasseur. Il sait piéger ses poursuivants, hommes ou bêtes, parier sur leur fainéantise, brouiller les pistes. Comme ensuite, il nagera au plus fort du courant de l'Amazone car, sur les bords, sommeillent les crocodiles. Il a vécu suffisamment violemment au coeur de la machinerie inhumaine, pour s'habituer sans angoisse aux climats extrêmes, jungle ou Grand Nord. Boire 14 litres d'eau par jour, tout transpirer, ne rien pisser, ou s'acharner des heures à chausser ses chaussures gelées.

Je a dit…

Nouveaux départs

Il a 24 ans. Son père vient de mourir d'un cancer. Il est l'aîné, doit prendre sa famille en charge. Il quitte l'armée sans regrets. Fait vite fortune dans l'import-export de fruits et légumes. Il a maison, voiture, argent. Il s'ennuie, s'interroge. Réalise que «plus tu travailles, moins tu es libre», que le confort corrompt. Il souffre du boycott que subit l'Afrique du Sud, se sent emprisonné dans un système qu'il ne combat pas mais qu'il n'a pas voulu, et qui, surtout, l'assigne à résidence. Il décide de partir. Distribue ses biens à ses proches, lors d'une fête d'adieu. Seules destinations possibles : Israël et la Suisse. Ce sera Zurich. Six mois de galère avec trois sous en poche. Pas de permis de travail, la misère dans une société d'abondance et l'opprobre inversé subi par le «raciste» afrikaner. Il dort dans les étables, sous les ponts, chaparde des fruits, vole à l'étalage.

Je a dit…

Adaptabilité et philosophie

Enfin, on lui fait confiance. Son volontarisme, son méthodisme trouvent à s'employer. Il s'agit de tenir une auberge de jeunesse, à Château-d'Oex. Aujourd'hui, l'aventurier du chaud et du froid réside dans cette petite station de montagne. Entre deux périples, il habite dans un chalet, avec sa femme néo-zélandaise et ses deux filles. Il n'avait jamais fait de ski, il devient moniteur. Il n'avait jamais descendu de torrent, le voilà spécialiste de raft. Et de parapente, et d'hydrospeed. Il apprend vite et bien, engrangeant les compétences nécessaires à ses projets. Un marin ami : «Il pige l'indispensable en deux minutes.» Il a la fibre sportive. Il aurait pu faire carrière au rugby. Il a un potentiel de marathonien. Mais, il minore son exception physique qui époustoufle ses proches, préférant mettre en avant sa capacité d'adaptation. Il dit : «La faiblesse des hommes, c'est de ne plus savoir s'adapter. De vouloir s'attabler tranquillement tous les midis, sans réaliser que ce qui importe c'est de rester vivant. Moi, j'ai une solution pour tous les problèmes. Et s'il n'y a pas de solution, je passe outre.»

Je a dit…

Dans le monde chamarré et peu hiérarchisé de l'aventure, Mike Horn ouvre une voie violente, joyeuse, mélangeant les registres. Il est loin du purisme du Norvégien Borge Outland, l'arpenteur des pôles. Il n'a pas la fibre humaniste et pédagogue de Jean-Louis Etienne, qui vient de dériver sur la banquise. Mais, comme tous les flirteurs avec l'impossible, comme tous les amants de l'inutile, il a un sens aiguisé du temps perdu, du temps gâché. Il dit : «La mort existe, comme la vie. Il n'y a rien entre les deux. Si t'es un mort vivant, ça ne va pas non plus».

Luc Le Vaillant
http://www.liberation.fr/portrait/2002/08/02/attitude-latitudes_411786