samedi 4 octobre 2008

Comment l'appétit pour la viande pèse sur le climat

Baisser de manière drastique la consommation de viande pour contribuer à ralentir le cours du réchauffement climatique : le discours tenu début septembre au Royaume-Uni par le président du Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (GIEC), l'Indien Rajendra Pachauri, lui-même végétarien, avait été très commenté. Un rapport rendu public, mardi 30 septembre, par le Centre pour la stratégie environnementale de l'université du Surrey (Royaume- Uni) formule, en substance, la même conclusion.

Selon un des scénarios les plus frappants, l'humanité devrait viser, en 2050, une consommation moyenne de 500 g de viande et d'un litre de lait par semaine et par personne. Celle-ci est actuellement de 730 g et 1,5 litre rapportée à l'ensemble de la population de la planète, mais de 1,6 kg et de 4,2 litres au Royaume-Uni.

10 % DES ÉMISSIONS BRITANNIQUES
L'étude détaille les émissions de gaz à effet de serre des diverses étapes de la production alimentaire dans ce pays, représentatif du reste de l'Europe occidentale. "Elle compte pour presque un cinquième de ces émissions, explique Tara Garnett (université du Surrey), auteur du rapport. L'agriculture y tient le plus grand rôle." Au total, la production de viande et de produits laitiers représente à elle seule environ 50 % des émissions de l'ensemble de la production alimentaire britannique, soit un peu moins de 10 % des émissions totales du pays.La réduction des émissions du secteur alimentaire passe donc nécessairement "par une optimisation de chaque étape de la chaîne alimentaire (transport, conditionnement, réfrigération, etc.) mais aussi par un changement de nos comportements alimentaires", dit-elle.

Selon le rapport, l'hypothèse optimiste veut que les bonnes pratiques d'élevage et de nouvelles technologies permettent à l'horizon 2050 une réduction de 50 % des émissions engendrées par la production animale. Mais l'augmentation prévue des volumes en annulera le bénéfice : l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) projette en effet un quasi-doublement de la demande mondiale de viande et de lait entre 2000 et 2050.

Réduire de 50 % les émissions de gaz à effet de serre issues du bétail passerait donc par une stagnation de la production. Ce qui, à l'horizon 2050, imposerait cette moyenne de 500 grammes de viande et un litre de lait par semaine.Cependant, prévient Bruno Dorin, chercheur au Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement), "nous manquons encore cruellement de données pour rendre des avis définitifs". De plus, il peut être réducteur de n'évaluer la production animale qu'à l'aune des gaz à effet de serre. "Dans les pays du Nord, les animaux peuvent valoriser des espaces qui stockent du carbone et de la biodiversité par rapport aux terres mises en culture, explique-t-il. Au Sud, le bétail est aussi un moyen d'épargne, de traction, sa production laitière une source de protéines et de lipides. Les bouses servent de combustible, ce qui ralentit la déforestation..."Mais, au-delà de l'enjeu climatique, "les projections de la FAO sont à mon sens simplement impossibles à tenir, étant donné la pression qu'engendrerait un doublement de la production sur l'occupation des sols", estime Mme Garnett.

Stéphane Foucart
Article paru dans Le Monde, édition du 04.10.08.
http://www.lemonde.fr/planete/article/2008/10/03/comment-l-appetit-pour-la-viande-pese-sur-le-climat_1102686_3244.html#xtor =RSS-3208

Aucun commentaire: