samedi 4 juin 2022

La foule peut-elle s'organiser sans chef ?

La foule peut-elle s'auto-organiser ? Comment apparaissent les leaders ? A-t-on toujours besoin d'un chef ? Pour répondre à ces questions, 100 abonnés de ma chaîne ont accepté de participer à une expérience sociale. Voici ce que l'on a découvert...


 

Source : https://www.youtube.com/watch?v=7AktPjxLe8k

et  https://www.chouard.org/2022/05/27/passionnant-la-foule-peut-elle-sorganiser-sans-chef-sur-la-chaine-importante-fouloscopie/

8 commentaires:

Je a dit…

Une difficulté pour expliquer l'anarchisme, c'est de donner une définition. Certains vont simplement dire que c'est l'absence de chef ou de hiérarchie. Mais c'est insuffisant. Je crois indispensable d'ajouter "absence de chef doté d'un pouvoir de coercition" ou "absence de hiérarchie coercitive". Pour ma part, quand j'observe cette expérience, je vois des personnes qui font des propositions, des coordinateurs, des organisateurs, des guides, mais pas des chefs au sens usuel : une personne qui peut recourir à la force pour imposer sans décision autocratique. Ici, je perçois l'adhésion du groupe, la volonté d'agir pour la réussite commune. Cette expérience démontre (à mes yeux) la réussite de l'anarchie/l'anarchisme : une organisation non-coercitive, une libre adhésion.

Pellor a dit…

Je pense qu’il aurait été tout aussi voire plus intéressant d’essayer d’éclaircir ces données sur l’humain au travers des connaissances sociologiques, anthropologiques et historiques en n’essentialisant pas les comportements sociaux qu’à des stratégies naturelles de survie héritées mais aussi et surtout à des comportements construits socialement. Deux éléments pour l’exemple :

- le fait que ce sont en grande majorité des hommes, jeunes, qui se sont sentis légitimes à avoir une opinion, à la faire connaître, à donner des directives. Ça aurait intéressant de le souligner ;

- que l’appartenance sociale présente ou passée comme Alex « le militaire » conditionne un rapport au collectif basé sur les divisions hiérarchisées et autoritaires du pouvoir. Il aurait été hyper intéressant de voir quelles étaient les origines sociales et statuts socio-professionnels des « leaders » et «lieutenants » par exemple.

Pellor a dit…

Tout ça pour dire que les choix et les comportements qui ont été observés ne se seraient sûrement pas déroulés de la même façon si on avait choisi des personnes issues d’une société de chasseurs cueilleurs d’Amazonie, de la communauté autonome zapatiste au Mexique ou des syndicalistes autogestionnaires anarchistes espagnols de 1936, ou même, de façon plus proche, en ne choisissant que des catégories sociales populaires dans l’expérience, au contraire du collectif de volontaire de la vidéo que l’on devine plutôt jeune, diplômée, blanche, de catégorie intermédiaire-supérieure.

Pareil, quel rôle on pourrait donner à une culture habituée au respect de règles incarnées par des individus qui se légitiment à contrôler leur existence et leur avenir, tel qu’on le voit dans les sociétés développées autour d’un État centralisé, d’un régime capitaliste dominé par le salariat, l’esclavagisme ou le servage bref … un rapport culturellement conditionné à l’autorité !

Pellor a dit…

En revanche je trouve le concept très très intéressant car tu montres aussi la contingence du social et le fait que des structures horizontales permettent tout autant de résoudre des conflits internes à une société, soit se mêler de politique au final.

Pour les exemples d’organisation sociale horizontales, je conseillerais les expériences autogestionnaires de travailleurs ayant socialisé leur entreprise; il y en a un paquet partout dans le monde, ça peut partir du modèle des SCOP à des modèles où les ouvriers possèdent à 100% l’entreprise, plus militant et plutôt libertaire.
Exemple dans une vidéo de datagueule sur la démocratie voir à 1h07min35sec : https://youtu.be/RAvW7LIML60.

Je a dit…

A une échelle plus grande, la communauté zapatiste au Chiapas ayant un système de démocratie directe tournée vers la polyvalence des responsabilités politiques qui sont tournantes, révocables, partant du village et de l’association d’habitants la plus réduite à l’échelle géographique pour remonter vers l’échelle régionale, avec mise en commun de la production, justice réhabilitative, respect de l’environnement etc : playlist de petites vidéos sur ce sujet : https://youtu.be/wejpHymmce8 ou aussi cette vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=osJBTvkqAKE&list=LL&index=28

Pellor a dit…

Il y a aussi, dans un autre genre, les milices kurdes, soit un système militaire basé sur l’autonomie des divisions locales sur le terrain qui s’adaptent facilement sans trop de commandement centralisé aux situations, qui élisent leurs commandants, débattent du déroulement des opérations et de l’action du commandant en assemblée en pouvant le démettre de ses fonctions en fin de mandat ou juste le critiquer, faisant qu’il règne dans les unités une forte confiance, une forte unité, une forte adaptabilité etc.

Voir à ce sujet l’interview de ce français engagé au sein des YPG au Rojava en Syrie ! https://youtu.be/B_xPfii-bkw

Pellor a dit…

Enfin je dirais que ces problématiques liées à la question de l’autorité et de la division du travail sont des débats théoriques éminents pour les penseurs anarchistes et qui sont à fond dans ces questionnements. Que ce soit Max Stirner, Kropotkine, Enrico Malatesta, Makhail Bakounine, Daniel Guérin…Par exemple, l’organisation sociale tournée vers la spontanéité et la bonté de tout le monde sans hiérarchie ni organisation sociale est un mot commun à tous les anarchistes, mais on se rend compte que le degré d’organisation sociale prônée est très variable selon les courants, et que, par exemple, le fait de s’organiser collectivement pour décider qui a le droit d’avoir telle ou telle ressource, même selon des principes d’aide aux plus vulnérables, peut être vu pour les anarchistes individualistes comme déjà une forme d’autorité supérieure aliénante qui nécessitera une force armée répressive pour faire appliquer les principes, même avec les meilleures volontés du monde. Alors que des communistes libertaires, des anarchistes plus marxistes, vont défendre ce modèle en disant qu’il n’y aurait pas besoin de force armée comme tout le monde serait intégré au processus de décison, qu’ils verraient l’utilité de certaines contraintes et que ça bénéficierait à tous bref…Je renvoie aux vidéos de Politikon, de Guillaume Deloison, ou du documentaire « Ni Dieu Ni Maître de Tancrède ramontet » qui traîte de ces sujets plus en profondeur.

Le fantôme qui fait grincer ton parquet a dit…

Commentaire nécessaire, merci. J'appuierai sur le fait de lire des anthropologues, notamment ceux qui se sont intéressés aux modes organisationnels sans chefferie que ce soit David Graeber, Pierre Clastres, James C.Scott, et qui mettent sérieusement du plomb dans l'aile pour ce qui est de la "naturalisation" de la figure du chef (le chef qui est une construction occidentale du pouvoir, il n'existe pas de la même manière partout dans le monde), qui est éminemment le fait de choix sociaux. Si l'humanité était "codée" de sorte à accepter le chef comme une figure allant de soi, alors peut-être que nous ne serions même pas prompts à penser qu'on pourrait vivre sans, d'où l'importance du social et des études en histoire, anthropologie, sur ces questions.