Par Romain Metivet
“Si le vote changeait quelque chose, il y a longtemps que ce serait interdit”.
Coluche
Quel fabuleux épitaphe cela ferait sur le tombeau de l’Union Européenne.Coluche
En regardant les visages livides des dirigeants et parlementaires européens le lendemain du vote, d’aucuns auraient pu croire que sa fin était effectivement proche. Pour cela je serai toujours infiniment reconnaissant envers le peuple britannique qui, disposant encore d’un pouce de souveraineté, a envoyé un message on ne peut plus clair à l’attention de la tour de Babel qui se dresse à l’est de Bruxelles.
Mais j’ai comme un doute.
Si je partage l’enthousiasme manifesté sur ce site et savoure l’écume politique à laquelle nous assistons, j’ai toujours été sceptique quant à la concrétisation du Brexit en cas de victoire du “Leave”. Je le suis d’autant plus depuis une semaine, et ce pour trois raisons.
La première est que l’expérience récente concernant ce genre de consultation n’est guère encourageante, particulièrement lorsque l’on commence à s’intéresser sérieusement à la politique lors du referendum sur la Constitution Européenne de 2005 (j’avais à l’époque 15 ans). Alors que mon imaginaire de collégien se souvenait du cours d’Histoire sur le départ de De Gaulle en 1969, l’Union Européenne et ses partisans m’ont appris que le sens de l’honneur n’était plus d’époque et que l’avis du “peuple” n’avait de valeur que lorsque qu’il était sans conséquences. Leçon qui fut d’ailleurs confirmée par la suite avec les deux referendums irlandais (qui auraient pu être trois ou quatre si cela avait été nécessaire), le cas de la Grèce ou encore le “non” de la Hollande il y a quelques semaines concernant l’accord d’association avec l’Ukraine dont la commission a déclaré “prendre note”.
Bien que méprisés, aucun des peuples précédemment cités ne s’est soulevé ou n’a manifesté afin que sa voix soit respectée et que l’Union Européenne arrête sa dérive vers une Union Soviétique en déficit de testostérone. Pourquoi cela serait-il différent cette fois-ci ? La question posée était certes plus claire, mais la réponse demeure non-contraignante juridiquement.
Après avoir sans vergogne fait avancer leur “projet” par le mensonge ou le déni démocratique, je vois mal tous les partisans de l’Union Européenne (pas forcément européens d’ailleurs, les oints du seigneurs outre-atlantique se sont également invités dans la bataille) abandonner si facilement leur plan de carrière parce que quelques “bouseux” des Midlands ou du Yorkshire le leur demande.
La deuxième raison est l’attitude du premier ministre David Cameron. Durant la campagne, il n’a cessé de répéter que l’article 50 permettant le retrait du Royaume-Uni serait invoqué juste après le vote “car le peuple britannique attendrait avec raison que cela se fasse immédiatement“. Or il a annoncé en parallèle de sa démission que ça ne se passerait pas tel qu’il l’avait promis.
Pour le moment, la situation politique britannique et les déclarations des principaux concernés semblent suggérer un délai de plusieurs mois. Ce retournement de veste de la part de David Cameron met une pression immense sur le futur premier ministre britannique dont le passage au 10 Downing Street sera sans aucun doute de très courte durée.
Si ce dernier décide d’invoquer l’article 50, il y a de fortes chances pour que le divorce soit houleux car l’humeur atrabilaire des dirigeants européens démontre (pour ceux qui en doutaient encore) qu’ils ne souhaitent ni coopérer ou négocier avec le Royaume-Uni, mais le punir et le soumettre.
S’il s’y refuse, il perdra tout soutien et crédibilité de la part des conservateurs. Cette décision est également vicieuse sur un autre point: elle donne un délai aux “Remainers” pour organiser la contre-offensive.
La dernière raison est qu’en effet nous assistons à une véritable campagne de la part des opposants aux Brexit pour instiller le doute dans l’esprit des britanniques et de leurs dirigeants. Le but avoué étant que ce référendum demeure sans répercussions, tout au plus un épisode cocasse que l’on racontera la mine joyeusement effrayée autour d’un bon Earl Grey. Notez qu’en moins d’une semaine, nous avons vu émerger:
1) Une pétition
hautement médiatisée pour l’organisation d’un deuxième référendum
comptabilisant près de 3 millions de signatures (pas toutes authentiques
il faut l’avouer).
2) Des centaines
d’articles et reportages tentant de déligitimer le résultat car
principalement le fait de gens modestes, non éduqués, âgés ou racistes
(et pourquoi pas le tout à la fois). Si les idiots sont partout, ils ne
sont certainement pas sous-représentés chez les lapins de coursives
scandant à tue-tête “il faut plus d’Europe”. Tout est fait pour diviser
le pays avec des arguments fallacieux (par exemple, le clivage
jeune/vieux alors que 64% des 18-24 ne sont pas allés voter).
3) Des experts s’efforçant de trouver un moyen “démocratique” de bloquer le Brexit. Notamment en passant par le parlement.
4) Des menaces de sécessions de la part de l’Écosse ou de l’Irlande du Nord. Divide ut regnes.
5) Et pour clouer le
tout, des promesses d’hausses d’impôts et de baisse de
dépenses sans véritable justification macroéconomique à l’heure
actuelle.
Les responsables politiques britanniques font donc aujourd’hui face à une société plus que jamais fracturée, que les médias angoissent d’une main et rassure de l’autre avec la perspective d’un “contre-vote”. J’imagine que d’ici quelques jours nous aurons un sondage déclarant que si le vote était à refaire le Brexit échouerait.
Dans de telles conditions, tout élu marche sur des oeufs et pourrait bien hésiter avant d’engager son pays dans la voie d’un divorce conflictuel et préférer une renégociation ou l’avis du parlement pour se couvrir. À l’heure où j’écris ces ligne, Boris Johnson vient d’annoncer qu’il ne sera pas candidat pour le poste ingrat de premier ministre post-Brexit. Mauvais signe s’il en est.
Depuis avant-hier les marchés ont récupéré les pertes engendrées par le vote. Mais quelque chose me dit que c’est en partie parce qu’ils anticipent que la séparation n’aura pas lieu. J’espère me tromper. Mais si ce n’est pas le cas, le seul arbitre légitime qui pourrait imposer le Brexit serait Sa Majesté la Reine. D’après les rumeurs, elle est plutôt d’accord avec la majorité du peuple.
La démocratie enterrée par les partisans de l’UE et sauvée par la Couronne, avouez que ce serait croustillant.
Source : http://institutdeslibertes.org/malheureusement-je-ne-crois-plus-au-brexit/
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