Texte paru dans "Lectures Françaises" n°670 - février 2013 pages 16 à 18
Monsieur le Président de la République,
J'aurais aimé vous écrire pour vous présenter mes voeux et souhaiter à la France une année 2013 pleine de bonheur, mais l'actualité en a décidé autrement.
Il ne vous a pas échappé que je suis devenu l'ennemi public n°1, celui qui est la cible quotidienne de tous les journalistes autoproclamés, la victime expiatoire jetée en pâture aux Français par le moindre histrion ou plumitif de caniveau, le bouc émissaire de tous les échecs gouvernementaux et Dieu sait s'ils sont nombreux ! Je ne m'en plains pas, c'est la rançon de la gloire et la mienne est immense comparée à celle de ces nabots, de ces nains de jardin qui entendent me dicter ma conduite. Comme disait le grand Bernanos dont j'ai interprété au cinéma Sous le soleil de Satan : "Les ratés, eux, ne vous rateront pas".
Ils croient m'atteindre, ces petits marquis de gauche anoblis le 6 mai 2012, et, à travers moi, ceux qu'ils appellent les "riches" dont vous faites, du reste, partie, Monsieur le Président, mais ils ne renvoient dans le miroir sans tain que l'image de leur haine, de leur jalousie, de leur médiocrité et de leur petitesse. Quelle est l'image de que la France, dont vous êtes le garant, Monsieur le Président, donne à l'étranger avec cette "chasse au Depardieu" à longueur d'antenne ? Nous donnons l'image pitoyable d'une France aux abois, sans cap ni boussole, qui tire sans sommation sur ceux qui créent de la richesse, des emplois, qui paient des impôts, hélas pas assez à votre goût, mais, en plus, qui chasse et fait fuir tous ceux qui donnent à la France un surcroît de grandeur et de gloire...
On aurait aimé, Monsieur le Président de la République, que vous attaquiez avec la même énergie, le même courage, M. Yannick Noah, "l'icône" de la gauche bien pensante, le chantre de l'antiracisme dans les grand-messes socialistes, lui aussi réfugié fiscal à l'étranger, en Suisse précisément, mais cela aurait certainement dépassé votre honnêteté intellectuelle, heurté votre sens de la justice et de l'équité et malmené votre belle conscience de gauche ! Au nom de quel principe supérieur, M. Noah a-t-il droit à un régime de faveur qui rappelle les privilèges d'Ancien Régime, alors que moi, on me voue aux gémonies ? Heureusement que les galères n'existent plus sinon, avec ma gueule et ma force herculéenne, j'étais bon pour le prochain embarquement !
A l'inverse de ce Monsieur, j'incarne le mal absolu et je suis, à moi seul, le symbole de tout ce que vous haïssez et méprisez, Monsieur le Président : Cyrano, le plus Français des Français avec son panache, sa verve, son sens du devoir et du sacrifice, ses traditions gasconnes et bien françaises. Pour aggraver mon cas, je suis un incorrigible récidiviste de la geste gauloise ; je viens, en effet, d'incarner Obélix au cinéma, Obélix résistant à l'envahisseur, défendant sa petite patrie comme la grande avec grand coeur, courage, humour, sens de l'amitié et... force rasades de potion magique ou autre liquide alcoolisé. Bref, l'horreur absolue pour votre vision puritaine, étriquée, constipée et petite-bourgeoise de la vie.
Vous me livrez, Monsieur le Président, au grand Inquisiteur qui a pour nom aujourd'hui la police de la pensée, officiellement pour des raisons fiscales, mais en réalité pour d'autres raisons inavouables comme une maladie honteuse. Je quitte, sans regret, le navire France qui prend eau de toutes parts (vous connaissez ma détestation pour ce liquide), car je n'ai pas envie de travailler pour l'Etat du 1er janvier au 30 septembre, samedis et dimanches inclus, et de ne travailler pour moi qu'à partir du 1er octobre. Que j'aille en Belgique, en Suisse, en Russie, au Sri Lanka ou aux îles Féroé, quelle différence à partir du moment où je quitte l'enfer fiscal que vous avez mis en place.
En fait, Monsieur le Président, vous me reprochez, de manière subliminale, trois griefs que vous n'avez pas le courage d'énoncer publiquement par pudeur de chaisière socialiste ou par crainte du ridicule, mais que je vous livre volontiers pour libérer votre conscience affreusement torturée par ces critiques et soupçons permanents :
1°) Vous me reprochez, tout d'abord, d'avoir choisi la Russie éternelle de Poutine comme exil, celle qui vomit la laïcité de l'Etat, celle qui considère que l'homme a d'abord des droits avant d'avoir des devoirs, celle qui lutte contre l'immigration extra-européenne, facteur d'appauvrissement général et d'affrontements ethniques inévitables, celle qui veut réconcilier la Russie avec son passé glorieux et sa grandeur. Vous aurez remarqué, Monsieur le Président, que c'est l'exact opposé, le négatif parfait de ce que vous faites en France avec le succès que l'on sait. Peut-être, la nuit, avez-vous des remords ?
2°) Vous me reprochez, ensuite, mon côté "franchouillard", grande gueule, peuple (je suis né à Châteauroux, dans une cité HLM), bon vivant, porté sur la chopine et tout ce qui porte juppon (la jaquette, très peu pour moi), d'être à la fois le descendant de Rabelais, du Père Hugo, l'héritier de Dumas, père et fils, de Maupassant et le cousin de Chesterton. Belle ascendance, belle lignée dont je suis fier et dont je ne renie rien. En reprenant un terme flaubertien : rien de ce qui est "hénaurme" ne m'est indifférent. C'est peut-être pourquoi je porte, en toutes circonstances, haut les couleurs de la France à l'étranger avec une légitime fierté. Hors de France, qui vous connaît, Monsieur le Président ?
Il est vrai que votre nom, dont vous n'êtes pas responsable, prête plus à la mollesse, aux rondeurs, au peu de saveur et de goût qu'aux chevauchées fantastiques et à l'épopée victorieuse. Quand on porte le patronyme de Depardieu, on est forcé à la grandeur, au dépassement de soi, en un mot à l'excellence, mot qui a été gommé depuis longtemps de l'école républicaine.
3°) Enfin, vous me reprochez de ne plus faire partie des comités de soutien de la gauche. Comme naguère, de ne plus mettre mon nom au bas des manifestes socialistes et, surtout, horresco referens (j'ai des lettres pour un gars du peuple), d'avoir presque seul, donné mon parrainage à Nicolas Sarkozy en 2012. Cela, vous et vos amis ne me le pardonneront jamais ! Ayez, Monsieur le Président, le courage de le dire, de l'avouer au lieu de me traiter d'émigré de 93, de mauvais citoyen, de "minable" comme votre premier ministre (1) moi qui ai donné à la France un prestige reconnu à l'étranger, qui ai fait rêver des millions de Français, leur ai apporté de la joie et du bonheur dans leur grisaille quotidienne. J'ai acheté un domaine viticole dans la région de Chinon comme feu mon ami Jean Carmet, je fais construire une villa à Trouville, en Normandie, sur les traces du duc de Morny, sont-ce là des signes visibles de mon désintérêt pour la France, de mon départ vers d'autres cieux plus cléments ? Si j'étais mort avant 2007, la gauche m'aurait encensé, les médias m'auraient porté aux nues, le versatile François Hollande aurait demandé pour moi le Panthéon, ce qu'à Dieu ne plaise !
Je préfère être enterré à Chinon, le pays de Rabelais, au pied d'un cep de vigne, au confluent de la Vienne et de la Loire, à l'ombre de saint Martin.
Pour conclure, Monsieur le Président, j'imiterai le grand Soljenitsyne : je reviendrai en France lorsque la terreur fiscale aura disparu, lorsque vous serez, Monsieur le Président, renvoyé dans les poubelles de l'Histoire, dont vous n'auriez jamais dû sortir. En attendant ce jour, je bois une vodka à la santé de la France qui se prive de ses riches et fait crever ses pauvres. Bons baisers de Russie pour rester dans le registre cinématographique et que Dieu redonne à la France sa grandeur passée, foi de Cyrano !
Gérard DEPARDIEU - Citoyen russe. Français de tripes et d'âme
1) Je renvoie M. Aurault au vieux Courteline : "Passer pour un idiot aux yeux d'un imbécile est un plaisir de fin gourmet".
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1 commentaire:
Gérard Depardieu est devenu riche grâce à son travail.
Le problème en France c'est que le travail est considérablement plus imposé que les revenus fonciers (dividendes).
C'est une imposition qui tacle les nouveaux riches tout en préservant les rentiers/héritiers.
Le problème n'est pas d'être riche par son travail mais par le travail des autres.
Or, c'est ce que sont les héritiers, les actionnaires : des parasites sociaux.
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