Dès
les premiers jours de notre existence, notre survie et la construction
de notre psychisme dépendent des soins que nous apporte notre entourage
et de l’influence qu’il exerce sur nous. Cette totale dépendance qui
chez l’humain dure beaucoup plus longtemps que chez les autres
mammifères est inextricablement liée à l’usage de l’autorité et du
pouvoir. Si comme nous l’écrivons auparavant au sujet de l’empathie, la
conscience morale et la psychopathie[1], « l’histoire qui s’écrit a pour grand sujet la pathologie du pouvoir ». La pathologie du pouvoir a elle pour grand sujet les maltraitances infantiles.
Qu’arrive-t-il
lorsqu’on joue au jeu de l’autorité et du pouvoir sans avoir résolu au
préalable nos propres conflits intrapsychiques, seule condition au
développement d’un narcissisme sain ? Quels effets peuvent avoir sur
l’activité d’une organisation les personnes ayant une faible conscience
de soi, des idées de puissance et de grandeur irréalistes ?
Qu’advient-il des organisations pilotées par de tels individus ?
C’est ce à
quoi nous allons maintenant tenter de répondre ici en trois parties en
commençant par la notion de base, véritables fondations sur lesquelles
nous construisons toute notre existence. C’est-à-dire le narcissisme,
aujourd’hui assimilé à l’estime de soi dans son interprétation actuelle
en milieu clinique.
Pour beaucoup
d’entre nous, c’est désormais une évidence : la pathologie du pouvoir
porte un nom, elle s’appelle « perversion narcissique ». Peu importe
vraiment que nous soyons gouvernés par des pervers narcissiques ou des
psychopathes[2] dès lors que ceux qui nous dirigent adhèrent à l’idéologie de la « pensée perverse »[3]. Nous verrons même dans de futurs articles que nous vivons actuellement une mondialisation de la perversion narcissique.
De façon imagée, « le pervers narcissique est un psychopathe qui ne s’est pas fait prendre la main dans le sac. » Ceci résume la distinction que font désormais les chercheurs entre d’une part la psychopathie[4]
primaire, ou « successful », et d’autre part la psychopathie
secondaire, ou « unsuccessful ». Nous l’aurons compris, le pervers
narcissique est l’équivalent en France de ce que les Anglo-saxons
désignent sous l’appellation de « successful psychopath », soit un
individu qui a réussi à combler son retard[5] affectif en surinvestissant le domaine de la parole et du socius
(l’image sociale que l’on donne de soi). Ramené au monde de
l’entreprise, des institutions et du management, c’est donc bien du
pervers narcissique exerçant un leadership dont il sera ici question.
Ces
quelques précisions sont indispensables, car lorsque l’on aborde cette
thématique, un premier constat s’impose : celui de l’absence de
consensus autour du signifiant (cf. réf. 2). Effectivement,
s’il existe un accord relatif autour du signifié, notamment pour décrire
la destructivité de ce type de personnalité, la bataille fait rage
autour du signifiant. Toutefois, compte tenu de la prégnance de cette
problématique dans notre société, cette question s’avère secondaire,
voir superfétatoire, car comme l’inventeur de la notion de « pervers
narcissique » le rappelle : « le plus important dans la perversion narcissique, c’est le mouvement qui l’anime et dont elle se nourrit. »[6]
La difficulté réside dans le fait que ce mouvement n’est « rien de plus difficile à comprendre [et]
rien de plus important à connaître dans les rouages interpsychiques des
familles, des institutions, des groupes et même des sociétés. » [7]
Rien de plus difficile à comprendre parce que les « puissances » destructrices en œuvre dans cette problématique, « sous des formes diverses et surtout masquées [leur] confèrent un caractère que l’humanité s’est toujours représenté sous la figure du Mal. » [8]
En tant que telles, elles sont revêtues d’un imposant voile de déni –
mais un déni spécifique qu’il sera un jour utile de préciser – véritable
écran de fumée interdisant l’accès à la vérité. Aussi faut-il savoir
tendre l’oreille et écouter, car « tous les mythes nés de
l’expérience en parlent avec des métaphores où figure la description
détaillée et d’une pertinence surprenante des processus pervers
démontrés et analysés […] (dans l’ouvrage cité en lien). Nous y
reconnaissons les stratégies du Diable, grand séducteur et
manipulateur, celui qui inverse les valeurs et multiplie les
faux-semblants pour prendre possession de ses victimes et en faire ses
adeptes. Il jouit de répandre le Mal et son rire éclate sur le malheur
du monde. »[9]
Développant son argumentation par la présentation de quelques exemples,
l’auteur termine sa préface par une interrogation stupéfiante : « Comment ne l’avions-nous pas compris ? Et surtout pourquoi ? »
Rien de plus important à connaître
parce que, consciemment ou non, nous en subissons tous – absolument
tous, soit près de 7 milliards d’humains sur Terre – les conséquences
délétères. Et la rapidité à laquelle se répandent ces forces
destructrices nous oblige à ouvrir les yeux avant qu’il ne soit trop
tard… il y va tout simplement de notre survie sociale et celle de notre
civilisation.
Quant aux pervers narcissiques, ce sont des « sujets qui, plutôt que de souffrir des peines ordinaires, font souffrir des tourments extraordinaires au moi des autres […] » [10] et ne s’embarrassent pas des sentiments moraux qui font le liant de toutes relations saines, authentiques et honnêtes.
Le contexte :
Depuis quelques années nous assistons à
un véritable déferlement d’articles de presse abordant le sujet de la
perversion narcissique et de la psychopathie. Fait marquant depuis la
crise financière de 2008, la presse spécialisée dans le domaine
managérial s’est également saisie du problème.
Étonnamment – surtout lorsque l’on sait
que les personnalités atteintes du trouble de la personnalité
narcissique sont avant tout portées à conquérir le pouvoir ou des postes
à hautes responsabilités –, rares sont les études qui mettent
cette pathologie en lien avec les évènements marquants de l’histoire et
les crises qu’elle a traversées.
Connu également sous le nom de
leadership destructeur – dont nous verrons en quoi cela consiste dans la
seconde et la troisième partie de cette série d’articles –, cette
problématique managériale n’est apparue que récemment dans divers
médias, mais ce que ne disent pas les articles publiés sur le sujet,
c’est que la perversion narcissique ou la psychopathie cache une
problématique identitaire – le narcissisme – dont l’étude analytique
vient tout juste de fêter ses 100 ans[11] puisque le texte ayant introduit cette idée dans le champ clinique a été édité en 1914[12].
C’est l’occasion de revenir sur
cette notion dont l’évolution considérable semble prendre une tournure
plus consensuelle qu’à l’époque de son introduction dans les sciences
humaines.
Mais qu’est-ce au juste que le narcissisme aujourd’hui ?
Du mythe de Narcisse[13] au narcissisme clinique :
« Le mythe de Narcisse s’offre tel un miroir aux altérations de l’univers qu’il reflète »[14] et résume chaque moment de l’évolution de la conscience humaine. Son « évolution
thématique dans l’histoire de la littérature se concentre autour de
deux problématiques majeures, l’amour et l’identification, chacun
participant à des degrés différents à l’acte ultime de la révélation »[15].
D’un point de vue clinique, de
l’interprétation psychanalytique du conte d’Ovide d’un amour excessif de
l’image de soi, en passant par diverses représentations identitaires
d’idéal du moi et de moi idéal ou d’une structure paradoxale du
narcissisme (dualité : narcissisme Vs antinarcissisme ou narcissisme de
mort Vs narcissisme de vie), etc. ce concept polyvoque a été investi par
de nombreux courants de pensée et fait aujourd’hui référence à
plusieurs états psychiques sains ou pathologiques.
Notre société hypermédiatisée[16]
exalte le culte du narcissisme comme ont très bien su le démontrer de
nombreux philosophes, psychologues, anthropologues ou sociologues, etc.
(Guy DEBORD, Christopher LASCH, Pierre BOURDIEU, Bernard STIEGLER, etc.)
qui bien souvent ne l’ont présenté que sous l’un de ses aspects les
plus sombres. Ce qui se comprend lorsque l’on désire tirer des sonnettes
d’alarme et prévenir le peuple et ses dirigeants des dangers qui les
guettent.
Aussi, et comme en atteste également le
dictionnaire, ce que nous retenons principalement du mythe de Narcisse,
c’est l’amour inconsidéré de l’image de soi telle que la imprégnée la
psychanalyse. Cependant, cette représentation réductionniste ne tient
absolument pas compte de toute la richesse symbolique de l’histoire.
Outre les tragédiens principaux, ce
conte met aussi en scène un tout autre acteur qui occupe une place
majeure dans cette métamorphose : c’est la source d’une pureté sans
égale dans laquelle Narcisse découvre son reflet. Autrement dit, c’est
le rôle du miroir dans la construction identitaire qui est également
mise en lumière par le mythe. De plus, dans la mythologie antique –
n’oublions pas que Les Métamorphoses sont des légendes orales
de traditions beaucoup plus anciennes mises en écrit par Ovide –, la
source d’eau pure et vierge symbolisait alors la vitalité, la
créativité, la pureté de l’âme, etc. Appliquée à ce conte, cette
richesse symbolique ne manque pas de nous entraîner dans d’autres
directions jusqu’alors inexplorées comme celle initiée par la découverte
des neurones miroirs aux débuts des années 90 puisque la fonction
miroir est indissociable de ce que nous nommons aujourd’hui sous le
vocable d’empathie.
Or, le manque d’empathie, et non pas l’absence, est bien ce qui de nos jours caractérise le mieux le psychopathe, ou le pervers[17], tous deux atteints de profonds troubles narcissiques.
Je me dois ici d’apporter une
précision : la polysémie du vocable « manque » est ambiguë et est
souvent interprétée à tort comme une totale absence. Néanmoins,
« manque » signifie également « insuffisance ». L’interprétation
correcte de cette caractéristique de la psychopathie devrait donc être :
« témoigne d’une absence ou d’une insuffisance d’empathie ». Cette
distinction est extrêmement importante, car nous croyons faussement que
le pervers narcissique n’a aucune empathie, ce qui est totalement faux.
Cette croyance entraîne de nombreuses confusions lorsqu’il s’agit de
faire connaître ce trouble.
Pour en revenir à notre sujet : « la
lecture psychanalytique fait du bel adolescent un personnage imbu de
lui-même, avide de reconnaissance et parfaitement égocentrique,
incapable de s’intéresser aux autres et encore moins à la marche du
monde. De fait, “narcissisme” est aujourd’hui synonyme d’égocentrisme.
C’est là presque une injure proférée à l’encontre du personnage si, du
moins, on se donne la peine de lire attentivement l’histoire rapportée
par Ovide. »[18]
Désormais, les nouvelles traductions du
narcissisme laissent une place prépondérante à la fonctionnalité
représentée par le miroir qui symbolise la capacité empathique de
l’individu. Cette réinterprétation du mythe de Narcisse a permis
d’enrichir la notion de narcissisme de nouveaux paradigmes qui
s’appliquent aujourd’hui à tout un chacun évoluant entre narcissisme
sain et narcissismes pathologiques.
Narcissisme sain et narcissismes pathologiques :
L’explication moderne de la construction
de la personnalité désigne le narcissisme comme étant un facteur
important de l’estime de soi matérialisé par trois composantes
inséparables et interdépendantes que sont la confiance en soi, l’image
de soi et l’amour de soi.
Le narcissisme se présente donc sous
plusieurs formes correspondantes à différentes facettes relatives à
notre vision du monde et nos rapports à autrui (d’où la symbolique du
miroir).
Si l’individu possédant un narcissisme
sain, s’aime assez pour mener à bien ses projets et interagir avec ses
proches et son environnement de façon juste et mesurée, il le doit à
l’amour de soi, à l’image de soi et à la confiance en soi qu’ont su lui
inculquer ses parents où ses proches avec qui il a tissé pendant
l’enfance ses premiers liens d’attachements (cf. Théorie de l’attachement
de John BOLWBY). Ayant évolué dans un milieu sécure, possédant une
bonne estime de soi, il lui sera facile d’affronter les vicissitudes de
la vie sans développer de sentiment de frustration ou de
toute-puissance. Il sera également capable d’affronter ses peurs, de
faire ses deuils, de vivre une rupture, un licenciement, etc. sans se
désorganiser ni s’effondrer psychiquement ; il saura se remettre en
cause, rebondir et se montrer résiliant après une chute, un échec ou une
erreur de parcours.
Ainsi en va-t-il de la personne qui a
pu/su développer un narcissisme sain. Tout autre est cependant
l’individu au narcissisme pathologique.
L’historique de la définition du trouble
de la personnalité narcissique (narcissisme pathologique) dans le DSM
corrobore et éclaire sous un autre angle les nouvelles interprétations
du mythe de Narcisse. Elle revêt donc un caractère important dans la
compréhension des pathologies narcissiques.
La définition de ce trouble est apparue pour la première fois en 1980[19] dans le DSM-III.
En voici le résumé :
- DSM-III (1980): Les quatre premiers critères (1-4)
sont obligatoires pour diagnostiquer un trouble de la personnalité
narcissique, deux des quatre derniers critères énumérés ci-dessous et se
rapportant aux perturbations des relations interpersonnelles doivent
également être présents :
- sens grandiose de son importance ou de son unicité (exagération de
ses réalisations personnelles et de ses talents et insistance sur le
caractère spécial de ses problèmes) ;
- préoccupation pour les fantaisies de succès illimités, de pouvoir, de splendeur, de beauté et d’amour idéal ;
- inclination à l’ostentation (recherche constante d’attention et d’admiration) ;
- froide indifférence envers les autres ou de vifs sentiments de rage,
d’infériorité, de honte, d’humiliation ou de vide lorsque devant faire
face à la critique ou l’indifférence des autres ou, encore, la défaite ;
- certitude de mériter des privilèges (surprise et colère lorsque les gens ne font pas ce qui est attendu) ;
- exploitation des autres (abus des autres au service de ses propres
désirs et de son épanouissement personnel ; mépris pour le respect de
l’intégrité et des droits d’autrui) ;
- alternance de positionnements relationnels extrêmes se soldant par l’idéalisation et la dévalorisation des autres ;
- manque d’empathie (incapacité à prendre conscience de l’existence des émotions et des sentiments des autres).
- DSM-III-R (1987): Cette version révisée apporte des
changements appréciables dans la définition de ce désordre
psychologique. Elle subdivise en deux le premier critère « un sens
grandiose de son importance ou de son unicité » et synthétise les quatre
options facultatives listées supra (5 à 8) en trois autres critères
obligatoires (les trois premiers ci-dessous 6-8). Enfin, elle rajoute à
cela un neuvième et dernier critère qui est le sentiment d’envie :
- exploitation des autres ;
- certitude de mériter des privilèges ;
- absence d’empathie ;
- sentiment d’envie.
- DSM-IV (1994) et DSM-IV-R (2000) : Ces deux manuels ont pour l’essentiel repris les critères contenus dans la grille diagnostique du DSM-III-R.
Sur la base de cette description
nosographique du trouble de la personnalité narcissique, de nombreuses
critiques, études et analyses ont été accumulées au fil des ans ; tant
et si bien que durant la phase de consultation pour la rédaction du
nouveau DSM-5, éditée en mai 2013, il a tout bonnement été envisagé de
supprimer ce type de désordre psychologique du manuel diagnostique.
Finalement, la pertinence des objections
émises par certains opposants à cette classification a contraint les
rédacteurs du DSM à élaborer un système original d’évaluation
qualitative du fonctionnement de l’individu et des troubles de la
personnalité qu’il peut rencontrer au cours de son développement. Cela
s’est traduit par l’adoption d’une définition radicalement nouvelle
comportant des modifications notoires : conception hybride et non plus
univoque (approches catégorielle et dimensionnelle) ; subdivision du
narcissisme pathologique en deux sous-classes (narcissisme grandiose et
narcissisme vulnérable) ; intégration de la variabilité de ce trouble
(degré de sévérité : fonctionnement qui s’échelonne de normal et adapté =
niveau 0, à perturbation légère = niveau 1, modérée = niveau 2, sévère =
niveau 3 ou extrême = niveau 4) ; etc.
Cette nouvelle grille de lecture n’ayant
pas encore été traduite en français, il serait hasardeux d’en préjuger
la portée et de connaître par avance l’impact que pourra avoir ce
nouveau modèle de référence, mais concernant plus particulièrement la
description du trouble de la personnalité narcissique, alors que jusqu’à
présent seul le narcissisme « grandiose » était pris en considération
par les versions antérieures du DSM, l’apparition du narcissisme
« vulnérable », associé à l’aspect dimensionnel – et non plus
exclusivement catégoriel –, constitue une véritable petite révolution
dans le domaine des sciences humaines puisque c’est dans cet aspect-là
de la problématique que nous rencontrons le « mouvement pervers
narcissique » et son avatar le « pervers narcissique ».
« Petite révolution », car « individualiser [les troubles de l’identité]
sous la forme de catégories diagnostiques paraît de plus en plus
contestable, même si les médecins – psychiatres ou non – sont plus à
l’aise avec ce type de classification qu’avec le continuum des
différentes dimensions psychologiques. »[20]
D’où la très grande pertinence de la théorie de la perversion
narcissique qui dès le tout début des années 80 avait subsumé cette
interprétation des troubles de l’identité.
Par ailleurs, la complexité de la
personnalité est tel qu’un individu peut également alterner les phases
de « narcissisme grandiose » avec celles de « narcissisme vulnérable »
momentanément en fonction du contexte. C’est notamment ce qui arrive au
pervers narcissique pris en flagrant délit d’incompétence dans son rôle
de manager ou à l’occasion d’une séparation : il passe d’un narcissisme
grandiose à un narcissisme vulnérable et il est « pervers » lorsqu’« il
entend faire activement payer à autrui le prix de l’enflure narcissique
et de l’immunité conflictuelle à laquelle il prétend. »[21]
Conclusion :
Tel le dieu JANUS
aux deux visages, entre narcissisme sain et narcissismes pathologiques –
grandiose ou vulnérable –, l’idée de narcissisme pose la question de la
problématique identitaire dans une société de consommation
hypermédiatisée qui traite les Humains non plus comme des êtres humains,
mais comme des objets ou des marchandises que l’on peut posséder avec
quelques billets. Il n’est donc absolument pas étonnant que ce concept
soit de plus en plus usité pour exprimer les craintes et les angoisses
d’un Moi confronté aux crises d’une époque charnière, à l’apogée de ce
qui apparaît très justement à certains comme la fin d’un monde.
C’est également ce que nous enseigne ce
conte qui peut aussi s’interpréter comme une sorte de rite de passage
puisqu’à la mort de Narcisse, son corps fit place à « une fleur au cœur couleur de safran, entouré de pétales blancs. »
Plus pragmatiquement, tenant lieu des
modifications de la représentation de ce concept et de son importante
évolution confirmée par les nouveautés du DSM-5, les futures études qui
seront effectuées sur la base de cette nouvelle définition plus
psychodynamique devraient prochainement permettre d’affiner certaines
comorbidités patentes entre le trouble de la personnalité narcissique et
le diagnostic de psychopathie ou de pervers narcissique. Ce faisant,
d’influence essentiellement comportementaliste, la bible de l’APA, après
avoir acté son divorce avec la psychanalyse par l’introduction du
DSM-III, effectue – volontairement ou non – un nouveau rapprochement
avec la partie de cette discipline qui s’est spécialisée dans l’étude et
la recherche sur les thérapies d’orientations groupale et familiale, à
mi-chemin entre sociologie et psychanalyse. C’est-à-dire, des
traitements davantage tournés vers l’interpsychique en lien avec
l’intrapsychique.
Ce rapprochement, tout du moins dans le
cas du trouble de la personnalité narcissique, est un incontestable
progrès. Toutefois, saurons-nous comprendre à temps l’importance de
cette notion et les enseignements qu’il faudrait que nous en tirions
pour la conduite et le devenir de nos sociétés ?
À la vitesse à laquelle les choses se
détériorent de par le monde – gérer par des narcissiques pathologiques
et pervers –, il est permis d’en douter, mais les histoires que nous
racontent les personnes ayant échappé à l’emprise de ces individus nous
invitent à une prise de conscience salvatrice porteuse d’espoir.
Fin de la première partie
Philippe VERGNES
[1] Empathie, conscience morale et psychopathie (partie 1/3, 2/3 et 3/3).
[2] Pour la distinction entre ces deux terminologies, lire Le match : psychopathes Vs pervers narcissiques.
[3] cf. Les pervers narcissiques manipulateurs (suite).
[4]
Les psychopathies ont recouvert, et recouvre encore pour certains, tout
un ensemble de pathologies psychiques (« maladie de l’âme »). Depuis
les travaux d’Hervé CLECKLEY et, à leurs suites, ceux de Robert HARE, « le
mot psychopathie désigne un trouble permanent de la personnalité
essentiellement caractérisé par un sévère manque de considération pour
autrui découlant d’une absence de sentiment de culpabilité, de remords
et d’empathie envers les autres (Hare, 2003). Affichant une apparente
normalité en matière de moralité et d’expression émotionnelle, le
psychopathe se révèle incapable d’éprouver au plus profond de lui-même
des émotions sociales dont entre autres : l’amour, l’empathie, le
sentiment de culpabilité, la contrition, la honte et la gêne » (Gérard OUIMET).
[5]
Le mot « retard » est ici employé sans préjuger des facteurs causaux X
ou Y (génétique, psychogenèse, etc.) qui ont été déterminant dans
l’apparition de ce trouble de la personnalité.
[6] Paul-Claude RACAMIER, Le génie des origines, Payot, 1992, p. 280.
[7] Paul-Claude RACAMIER, Pensée perverse et décervelage, in Gruppo, Revue de Psychanalyse Groupale n° 8, p. 137, 1992.
[8] Dr Robert DREYFUS, préface du livre de Maurice HURNI et Giovanna STOLL, Saccage psychique au quotidien, p. 5, 2002.
[9] Ibidem, p. 5.
[10] Paul-Claude RACAMIER, Pensée perverse et décervelage, in Gruppo, Revue de Psychanalyse Groupale n° 8, p. 137, 1992.
[11] cf. Revue Française de Psychanalyse, Cent ans de narcissisme, Volume 78 — 2014/1, P.U.F., 312 p.
[12] Sigmund FREUD, Pour introduire le narcissisme.
[13]
Dans la courte présentation qui s’ensuit, il ne saurait être question
d’évoquer toute la richesse de ce mythe qui indique également une sorte
de rite de passage, de « métamorphose », de l’âme humaine. Cette
introduction n’a donc que pour but d’exposé le narcissisme du point de
vue de la conscience psychologique actuelle (cf. Empathie, conscience morale et psychopathie – Une nouvelle conscience pour un monde en crise – partie 3/3).
[14] Negin DANESHVAR-MALVERGNE, Narcisse et le mal du siècle, p. 60.
[15] Ibidem, p. 59.
[16] Nous passons en moyenne 3 h 50 par jour devant notre poste de télévision. Ces données issues d’une étude publiée sur le site du CSA
ne prennent pas en compte le temps passé devant nos autres écrans tels
que les ordinateurs, les tablettes et les téléphones portables.
[17] Pour la distinction entre psychopathe et pervers, lire l’article Le Match : psychopathe Vs pervers narcissique.
[18] Luc BIGÉ, L’éveil de Narcisse, Les éditions de Janus, 2013, p. 9.
[19] Cette date est TRÈS
importante pour comprendre l’étiologie du concept de pervers
narcissique que je vous révèlerais dans un prochain article relatant son
historique.
[20] Sous la direction de Roland COUTANCEAU et Joanna SMITH, Trouble de la personnalité, ni psychotiques, ni névrotiques, ni pervers, ni normaux…, édition DUNOD, 2013, p. XI.
[21] Paul-Claude RACAMIER, Le génie des origines, Payot, 1992, p. 288.
Source : https://perversionnarcissiqueetpsychopathie.com/2014/09/04/pathologie-du-pouvoir-psychologie-des-leaders-psychopathes-question-de-narcissisme-13/