mardi 28 septembre 2021

Trahison des institutions : la mort de l'Etat ? - Politique & Eco n°313 avec Valérie Bugault - TVL

 "Les institutions françaises n'existent plus... l'Etat est mort !" L'invitée de "Politique & Eco", Valérie Bugault, explique pourquoi l'Etat français a disparu avec la première loi d'urgence sanitaire du 23 mars 2020 et en quoi elle viole la Constitution de la Vème République. Dès cette date, l'exécutif s'est affranchi des règles institutionnelles françaises au profit d'entreprises mondialisées, en témoigne la réception par Emmanuel Macron du club du Dolder (Big Pharma), en août dernier, présidé par le PDG de Pfizer, Albert Bourla. Dans cet état de vide juridique, nous sommes désormais entrés dans une période de transition. Période débouchant le 1er janvier 2022 sur la présidence française de l'UE qui, selon Valérie Bugault, actera une liquidation de l'Etat français au profit d'une intégration de l'Europe fédérale, antichambre d'un gouvernement mondial. En attendant, Valérie Bugault appelle les Français à prendre conscience de la scission entre l'exécutif et les institutions dans le but d'imposer un projet alternatif.


 

Source : https://www.youtube.com/watch?v=sm4DJyZ_R7M

samedi 25 septembre 2021

Astrid Stuckelberger : commission d’enquête francophone

 Sources : https://peertube.tux.ovh/w/nNstLzT866tPo4o3FvX55b

et https://runtube.re/w/nNstLzT866tPo4o3FvX55b

 Voici ce que j’ai retenu à la volée …

Dr Stuckelberger :

« Tribunal citoyen et militaire » !

Waouh !

On ne peut pas continuer avec un système pareil et ce n’est pas que médical, c’est l’éducation, etc.

De puis 2002, l’OMS, GAVI (Alliance pour la vaccin) et la Banque Mondiale collaborent (avec nos impôts !) pour mettre en place « l’immunisation globale »

… sauf qu’on se doute bien que la Banque Mondiale ne fait pas dans la philanthropie. Comme dans les partenaires qu’elle cite, elle oublie ID2020, il s’agit d’utiliser la « vaccination » pour inoculer des nanoparticules à tout le monde et en faire des objets connectés. Une fois tout le monde inoculé, la monnaie deviendra à 100% numérique. Et les banques auront un pouvoir de vie et de mort sur tous les individus.

Ils ont remplacé les médecins par un outil technologique (chimique) : le PCR. C’est une fraude monumentale !

La moitié de la société et plus doit se mobiliser pour créer une nouvelle société hors du système.

Et la dernière intervenante, Dr Bodin :

Nous tous, ensemble, nous allons faire ce monde nouveau.

Vaccins Covid-19, de plus en plus d’effets secondaires

 

 Source : https://runtube.re/w/quVg5WbhiTEuZ3qhjUW13F

vendredi 24 septembre 2021

Richard Boutry :"Il faut mettre fin à la dictature de la Franc-Maçonnerie en Politique et Médecine"

 

Richard Boutry sur la question sensible de la Franc-Maçonnerie ne botte pas en touche ni ne verse dans la langue de bois : "Les décisions sont prises dans les loges ; c'est pas cette caste qui va aujourd'hui diriger le monde ; il faut mettre fin à cette dictature de la Franc-Maçonnerie sur la Politique, sur la Médecine et sur les Médias"
 
 


Source de l'extrait (3mn) : https://www.youtube.com/watch?v=0q4WZPDDJ4U

Source RadioLoupDi (25mn) : https://www.youtube.com/watch?v=uuFMlQmKFw4

Pathologie du pouvoir : Psychologie des leaders psychopathes – Sommes-nous complices ? (3/3)

 

« Lorsque tout va bien, les fous sont dans les asiles, en temps de crise ils nous gouvernent. » [Carl Gustav Jung].

N’en déplaise à ceux qui croient encore au Père Noël, Carl Gustav Jung ne s’y est pas trompé, car comme le disait Frédéric Lordon dans l’émission radio de Daniel Mermet, Là-bas si j’y suis du vendredi 16 septembre 2011 (partie 3/12 à 3’10) au sujet de la crise qui sévit depuis 2008 : « […] Lorsque l’on est confronté à des phénomènes sociaux bizarres, il faut se rendre aux hypothèses psychiatriques en tout dernier ressort, quand on a épuisé toutes les autres. Mais malgré tout il faut bien dire que toute cette affaire[1] à tous les aspects d’une histoire de fous, et très honnêtement, je ne sais pas comment l’expliquer autrement. Donc j’essaie de résister et de ne pas me rendre à cette hypothèse, mais tout m’y porte… »

Et effectivement, certaines hypothèses psychiatriques expliquent très bien la crise mondiale actuelle au travers du concept de psychopathie – ou son équivalent français : la perversion narcissique (« succesful psychopath ») – qui a tendance à sérieusement interroger certains médias comme en témoigne l’impressionnante série d’articles publiés récemment dans la presse spécialisée et dont voici une liste non exhaustive :

Précisons toutefois que compte tenu des études actuelles sur le problème psychopathique, et comme maintes fois rappelées au fil de mes écrits, le terme « psychopathie » devrait s’écrire au pluriel, car la perversion narcissique n’en est que la forme la plus « aboutie » correspondant, dans la présentation qu’en fait Gérard Ouimet, au « renard bien cravaché » ou au « psychopathe en col blanc » également appelé « criminel en col blanc ». Ce dernier terme désignant des personnalités qui telle que le tristement célèbre Bernard Madoff se livre à la criminalité la plus répandue à l’heure actuelle, mais pourtant la plus méconnue et la moins sanctionnée de toutes. Rien d’étonnant à cela, car dans un monde où l’imposture est institutionnalisée, ceux qui s’y livrent le plus sont ceux-là mêmes qui nous dirigent.

Un avis partagé par de plus en plus d’observateurs et de chercheurs comme Clive  Boddy, ancien professeur de marketing à l’université de Nottingham et auteur de Corporate Psychopaths : Organisational destroyers, pour qui ce sont les psychopathes d’entreprises, notamment ceux que l’on trouve à Wall Street ou sur toutes les places boursières qui sont responsables de la crise actuelle.

Ni plus, ni moins !

Et il faudra s’y faire, car tant que ce problème ne sera pas réglé, les psychopathes qui détiennent actuellement le pouvoir continueront à étendre leur emprise sur la planète entière, car leur désir de puissance ne connaît aucune limite.

S’ils représentent moins de 1% de la population (bien moins en réalité, car sur les 1 % de psychopathes statistiquement présent parmi nous, seule une infime partie occupe des postes stratégiques pouvant influer sur les décisions des États) ils provoquent au minimum deux fois plus de désastres que de bienfaits (cf. les études présentées à la partie 2/3 de cet exposé).

Mais ce que ne révèlent cependant pas les quelques études portant sur le sujet, c’est la permanence des décisions catastrophiques prises par de tels individus et leurs impacts sur le long terme.

De fait, si l’on mesure désormais assez bien l’impact d’une mauvaise décision d’un dirigeant psychopathe, on limite cet impact à la durée du mandat qu’il a exercé. Or, certaines décisions ont des conséquences qui perdurent et continuent à nuire à ceux qui les subissent durant de nombreuses années encore – parfois même des décennies – après les mauvais choix effectués par ce type de leader. Par ailleurs, lorsque nous prenons conscience de la situation, c’est toujours après que le mal ait été fait. Jamais avant.

Subséquemment, si pendant la période de présence à des postes à hautes responsabilités on enregistre deux fois plus de mauvaises décisions que de bonnes chez les leaders au narcissisme pathologique, sur la durée d’influence de leurs mauvaises décisions, on peut estimer leurs impacts dans un rapport d’échelle de dix contre un en moyenne² (les exemples tels que Madoff & co sont beaucoup plus fréquents que ce qui nous est présenté dans les médias mainstreams).

Autrement dit, un leader psychopathe génère en moyenne dix (10) fois plus de problèmes qu’ils n’apportent de solutions.

On comprend le cercle vicieux dans lequel s’enferment et nous enferment ces personnalités pathologiques qui suite à une décision prise dans l’unique but de satisfaire leur narcissisme pathologique créent un évènement ou une situation catastrophique qu’ils ont ensuite à charge de devoir corriger compte tenu de leur statut. Mais comme la solution qu’ils apportent aux problèmes qu’ils ont eux-mêmes engendrés est uniquement motivée par leur désir de satisfaction égocentrique, ils génèrent une nouvelle catastrophe. Et ainsi de suite ad vitam æternam jusqu’à ce que la chute – la leur et celle dans laquelle ils nous entrainent tous – les arrête.

C’est la stratégie du pompier pyromane qui en se faisant passer pour le sauveur d’une situation dont il est lui-même responsable, en tire un bénéfice narcissique. Peu importe les dégâts occasionnés à son entourage, seul le plaisir personnel importe pour ses individus au narcissisme pathologique marqué par une absence de limite entre soi et autrui et un déni d’altérité.

C’est dire si le développement de cette pathologie au « carrefour du social, du politique, du juridique et du psychiatrique »[2] peut rapidement conduire à une véritable catastrophe si nous n’y prenons pas garde. C’est dire également combien il est important, comme le disait Frédéric Lordon, de se pencher sur les hypothèses psychiatriques.

Dans les deux premières parties de cette série d’articles, nous avons beaucoup insisté sur le narcissisme et la façon dont cet aspect de la personnalité est désormais envisagé par le nouveau DSM-5. Nous avons également évoqué les nombreuses incidences négatives de ses personnalités tant pour leur entourage que pour eux-mêmes et l’organisation qu’ils dirigent.

Rappelons-en à grands traits les principales caractéristiques :

  • autosuffisance;
  • solitude revendiquée, mais non assumée;
  • toute-puissance de la pensée;
  • idéal grandiose de perfection;
  • sentiment d’ennui et de monotonie;
  • angoisses d’engloutissement et/ou d’étouffement;
  • perception de son identité insuffisante[3], floue des limites soi/autrui;
  • besoin constant de s’affirmer vis-à-vis des autres d’où son autoritarisme.

Outre ces aspects quelque peu rébarbatifs de la personnalité narcissique, son système de pensée a ceci de particulier que « la logique du narcissisme pathologique est : le monde et moi nous ne faisons qu’un, tout sera uniforme, tout sera à mon service. »[4]

D’où nous comprenons comment ils organisent le monde autour d’une pensée unique à laquelle ils adhérent. Dans notre société d’aujourd’hui, cette pensée unique porte un nom, c’est celle de l’homo œconomicus qui sans être nommée est bel et bien celle qui prédomine au sein du nouvel ordre mondial actuel (cf. « Peut-on se fier à notre jugement, la fiabilité des “experts*” en cause »).

Dès lors, de plus en plus de professionnels se posent la question de savoir comment une logique de pensée spécifique s’actualise dans le monde réel en produisant les malheurs que nous pouvons tous constater désormais. L’un de ces chercheurs, Manfred Ket de Vries, auteur du dernier article cité en lien ci-dessus, a été le premier à mettre en relation le narcissisme pathologique des dirigeants avec les dysfonctionnements de l’organisation qu’ils dirigent. Ses ouvrages peu connus sont d’une remarquable perspicacité. Il y souligne l’extrême difficulté à faire la distinction entre le génie professionnel et le psychopathe (cf. tableau comparatif de chacun de ces deux archétypes) et passe en revue les nombreuses facettes de cette problématique, tant du point de vue des leaders narcissiques que des personnes qu’ils séduisent.

D’un point de vue psychiatrique, les travaux de Manfred Ket de Vries rejoignent ceux de nombreux auteurs qui se sont penchés sur la clinique de l’imposteur (cf. « La fabrique des imposteurs, si le pervers narcissique m’était “compté” ou comment le paradoxe de l’idéologie néolibérale influence nos personnalités ») qui sous une autre approche ont donné lieu à la théorie de la perversion narcissique développée sur ce site tout au long de mes articles.

Mais pour qu’une imposture se réalise, il lui faut un public, car « le mensonge et la crédulité s’accouplent et engendrent l’opinion » (Paul Valery). C’est ainsi que « d’une manière symbolique, les imposteurs semblent assumer le rôle d’une mère archaïque, très protectrice, qui satisfait d’immenses désirs, permettant de réaliser le vœu de capter une totale attention, un vœu qui date de l’enfance, presque oublié, mais auquel on n’a jamais vraiment renoncé. Pour leur public, les imposteurs représentent quelqu’un qui comprend tous leurs besoins, qui peut exprimer leurs désirs les plus profonds et qui se souciera d’eux. Pour l’imposteur, l’avidité similaire du public le stimule constamment. Le monde de rêves du public, une fois que l’imposteur est parvenu à y pénétrer, recèle des demandes infinies. Ainsi, imposteur et public sont liés par des intérêts qui coïncident, pour former une entente inconsciente ; comme l’a dit W.C. Fields, “vous ne pouvez pas tromper un honnête homme”. Le public est heureux, car il attend ce qui va satisfaire sa demande. Quant à l’imposteur, il a besoin du public pour neutraliser un sentiment de vide intérieur et réaffirmer une certaine sorte d’identité. Bien sûr, le public est davantage prédisposé en temps de crise et d’agitation, lorsque l’imposture peut atteindre une grande échelle, car il a un besoin, conscient ou informulé, de sauveur. »[5]

En de telles circonstances, de nombreux chercheurs parleront de complicité d’un peuple crédule dans la genèse de l’émergence du leader narcissique. Toutefois, rares sont ceux qui ont également interrogé cette crédulité qu’ils reconnaissent – ou non – au peuple, même lorsque ceux-ci, comme Manfred Ket de Vries qui parle également de complicité, ont pourtant bien cerné la dualité bourreau/victime comme en témoigne cet extrait : « La plupart des gens rentrent dans le droit chemin et deviennent complices, passivement ou activement, des représailles du leader contre ceux qui ne sont pas disposés à rentrer dans le moule. Ce comportement vise à s’autoprotéger de deux façons. D’abord, cela limite le risque de devenir soi-même victime du leader. Ensuite […] s’identifier à l’agresseur est une façon de résoudre son sentiment d’abandon et d’impuissance en face du totalitarisme. Se sentir proche du leader – s’intégrer au système – crée l’illusion de devenir puissant soi-même. Ce processus d’identification à l’agresseur, l’incitation à participer à une forme de pensée commune, cela s’accompagne de certaines exigences. La moins subtile de ces exigences, c’est de participer à la violence perpétrée contre les ennemis désignés de l’agresseur. Partager de cette manière une même culpabilité devient le signe de son engagement. C’est ainsi que le leader fabriquera constamment des traîtres. La majorité des partisans, partagés entre l’amour et la crainte du leader, se soumettront aux demandes qui leur seront faites. Ils ont à leur disposition beaucoup de boucs émissaires commodes sur lesquels venger le groupe, si les choses ne vont pas comme le souhaite le leader – des entités bien réelles sur lesquelles projeter tout ce dont on a peur, tout ce qui est perçu comme le mal et qui menace le système. Une telle démarche peut aboutir à des résultats désastreux. Elle peut conduire à la destruction complète de l’organisation par elle-même ou, dans le cas d’un leader politique, à la perte de la nation tout entière. »[6]

C’est ce mécanisme d’autoprotection qu’avait cherché à saisir Étienne de la Boétie dans son Discours de la servitude volontaire écrit en 1549 à l’âge de 18 ans, sans toutefois parvenir à l’expliquer malgré une brillante analyse psychologique des tyrans au pouvoir.

Mais à la connaissance de ce mécanisme de protection, il convient également d’ajouter la compréhension des conflits intra- et interpsychique que seule la théorie de la perversion narcissique a pu conceptualiser. Ce n’est qu’à cette unique condition que nous pouvons appréhender la destructivité dont sont porteurs les leaders psychopathes, car ils exportent leur propre mal-être dans le monde extérieur du fait de leur absence de limite. Ces techniques très particulières d’export des conflits intrapsychiques sont ce que Paul-Claude Racamier qualifie de « rien de plus difficile à comprendre [et] rien de plus important à connaître dans les rouages interpsychiques des familles, des institutions, des groupes et même des sociétés » (cf. « Pathologie du pouvoir : Psychologie des leaders psychopathes – Question de narcissisme »).

Conclusion :

L’importance du narcissisme individuel dans les organisations a longtemps été minorée. Manfred Ket de Vries s’en désole : « il est regrettable de constater que les systèmes de protection, de freins, et de contrepoids, qui fonctionnent dans les grandes organisations, parviennent rarement à déceler les signes d’une personnalité narcissique dangereuse avant que le mal n’ait été déjà fait. »[7]

Quant à Gérard Ouimet, il conclut ainsi l’un des chapitres de sa thèse : « Les ostensibles qualités enjôleuses du leader narcissique camouflent une dynamique psychologique à  maints égards socialement dysfonctionnelle. L’engouement collectif suscité par l’étalage d’une saisissante prestance de la part du leader narcissique fait rapidement place à la dérive organisationnelle et à la souffrance humaine. »[8]

Il n’est plus possible aujourd’hui de douter sur les causes de cette souffrance humaine, car nous en connaissons désormais les mécanismes grâce aux importants travaux réalisés ces dernières années depuis l’apparition du concept de harcèlement moral dans les années 90 qui ont abouti en 2002 à une loi et à la mise en place de nombreuses structures luttant contre les risques psychosociaux. Les incidences négatives telles que listées lors de la seconde partie de cette série d’articles sont innombrables et nous en mesurons tous un peu plus chaque jour la gravité. Tout reste encore à faire afin de circonscrire ce fléau qui, quoique l’on puisse en penser nous affecte tous sans exception aucune. À vrai dire, nous ne faisons seulement que commencer à le comprendre.

C’est pourquoi nous pouvons dire avec Gérard Ouimet que : « le choix judicieux d’un leader se doit d’aller au-delà du superficiel vernis maquillant de profonds défauts structuraux… »[9]

Cela remet directement en question le moyen de sélection de nos leaders politiques, car lorsqu’un système tel que celui que nous connaissons à l’heure actuelle, ne nous propose plus que de voter pour des narcissiques pathologiques, cela revient à n’avoir pas d’autres alternatives que celle de choisir entre la peste ou le choléra. Il est donc essentiel de penser à un véritable changement qui laisse place à des organisations ne favorisant pas ce type de personnalité.

Toutefois, si nous sommes certes en droit de nous poser des questions sur le fait que nous laissions agir ces psychopathes en toute impunité. Nous pouvons aussi nous demander pourquoi prolifèrent-ils ainsi au sein de certaines organisations et en particulier les institutions d’États. Nous pouvons même pousser la réflexion jusqu’à nous interroger sur notre responsabilité dans l’apparition de ce phénomène et il semblerait même que ce soit par là qu’il faille commencer, car quelle que soit l’organisation future envisagée, le problème psychopathique leur survivra et menacera toujours d’une façon ou d’une autre toute structure qui sera mise en place.

Gardons toujours à l’esprit que ces personnalités sont de véritables caméléons et que tant que nous n’aurons pas éradiqué la cause des causes de ce fléau qui puise sa source dans les maltraitances infantiles et les traumatismes transgénérationnels, le problème du narcissisme pathologique ne sera pas réglé et son incessante lutte pour le pouvoir perdurera quelle que soit la forme de société qui émergera.

Il est donc primordial, que dis-je… il est donc fondamentalement vital, de se pencher sur cette cause des causes, car comme le disait Nelson Mandela : « Il ne peut y avoir plus vive révélation de l’âme d’une société que la manière dont elle traite ses enfants » et nous vivons justement dans une société qui a bel et bien perdu son âme.

Ainsi, et pour répondre à la question soulevée par le titre de cet article, s’il est très difficile de parler de complicité, car d’une certaine manière ce terme – pris au sens juridique – est en opposition avec celui de crédulité qu’évoque Paul Valery, nous pouvons parler de manque de responsabilité ou d’autonomisation  –  qu’il faut probablement cherché dans une certaine peur de la liberté – dans la façon dont nous éduquons et instruisons nos enfants. C’est-à-dire que non content de mal investir sur notre avenir, nous le détruisons inconsciemment en le contraignant.

Philippe Vergnes

[1] « Cette affaire » fait référence à la crise de 2008 et aux politiques d’austérité qui depuis plombent notre économie.

[2] Rapport d’audition publique de la Haute Autorité de Santé Prise en charge de la psychopathie, p. 169.

[3] Cf. théorie de l’attachement de John Bowlby.

[4] Alberto Eiguer, « La perversion narcissique un concept en évolution » , in L’information psychiatrique Vol. 84, n° 3, mars 2008.

[5] Manfred Ket de Vries, Leaders, fous et imposteurs, éditions ESKA, 1995, pp. 106-107.

[6] Ibidem, p. 123.

[7] Ibidem, p. 44.

[8] Gérard Ouimet, Psychologie des leaders narcissiques organisationnels, p. 88.

[9] Ibidem, p. 88.

Sourcehttps://perversionnarcissiqueetpsychopathie.com/2014/09/24/pathologie-du-pouvoir-psychologie-des-leaders-psychopathes-sommes-nous-complices-33/

Pathologie du pouvoir : Psychologie des leaders psychopathes – Narcissismes sain et pathologiques – (2/3)

 

Lors de la première partie de cet exposé, nous avons vu à quel point les modifications apportées au DSM-5, en ce qui concerne les troubles de la personnalité, étaient pour ainsi dire révolutionnaires. S’agissant plus spécifiquement du trouble de la personnalité narcissique, caractéristique d’une grande majorité de nos dirigeants, l’introduction dans la « bible » de l’APA de la notion de narcissisme vulnérable en complément de celle de narcissisme grandiose ouvre désormais directement la voie d’une conceptualisation plus riche qui se rapproche de plus en plus de la théorie de la perversion narcissique dont nous avons vu précédemment à quel point elle concerne la pathologie du pouvoir et le leadership.

Le leadership a généré au cours des vingt dernières années un nombre impressionnant – quelques milliers – d’études scientifiques (pour toutes les références, se reporter à la thèse de Gérard OUIMET[1] ayant fortement inspiré ce travail). Quoiqu’il existe plusieurs variantes définitionnelles, la plupart des chercheurs s’entendent pour reconnaître que le leadership s’avère être globalement la capacité d’un individu à mobiliser intentionnellement et momentanément les membres d’un groupe, relevant ou non hiérarchiquement de lui, afin d’atteindre des objectifs communs. Le management qui en découle s’appuie donc sur les aptitudes relationnelles dont le dirigeant responsable témoigne dans ses fonctions.

Lorsque cette mobilisation est au service du bien commun, à savoir la réalisation éthique de la mission d’un collectif ou d’une collectivité (groupe, organisation, institution ou société), et ce dans le respect des droits individuels, le leadership reçoit l’appellation de constructif. Dans le cas contraire, il est considéré comme destructif[2]. Selon Gérard OUIMET, il est possible d’associer trois types passablement distincts de leadership à la forme constructive, soit les types transactionnel, transformationnel et servant. Quant à la forme destructive, elle comprend principalement les types toxique et narcissique.

La taxinomie que propose ce chercheur est effectuée au regard des différentes composantes du narcissisme et du trouble de la personnalité – narcissisme pathologique de type « grandiose » ou « vulnérable » –, décrites dans la première partie de cette série d’articles (cf. Pathologie du pouvoir : Psychologie des leaders psychopathes – Question de Narcissisme).

Les leaderships constructifs et destructifs :

Le type transactionnel de leadership fait référence à la mobilisation des membres d’un regroupement par le leader dont l’obtention est rendue possible grâce à un processus d’échange qui prévoit une récompense matérielle ou symbolique définie à l’avance. Cette transaction s’appelle le renforcement contingent. Si tout se passe bien, il est fortement recommandé au leader de se faire discret, dans le cas contraire, il se doit d’intervenir en apportant des mesures correctives.

Pour sa part, le type transformationnel de leadership transcende le simple respect des normes régissant une relation contractuelle considérée équitable entre le leader et les membres d’un regroupement. Plutôt que de se contenter de l’atteinte des objectifs initialement déterminés, le leader transformationnel aspire au  dépassement de ceux-ci. Pour ce faire, il exploitera son charisme à l’aide d’une communication verbale imagée et d’une communication non verbale expressive, influencera idéalement ses membres en se préoccupant de leur plein épanouissement, les motivera et les stimulera tout en leur portant une considération individualisée (gestion personnalisée des  besoins et des aspirations de chacun). Cette mise en valeur pousse les membres d’une équipe à s’affirmer eux-mêmes en tant qu’agents autonomes de changement.

Le type servant de leadership se définie comme étant l’obligation du  leader à assumer une responsabilité de nature morale tant envers l’épanouissement de l’organisation que de ses membres, des clients et d’autres acteurs pouvant être affectés par ses actions. Sept caractéristiques sont le propre du leader servant, à savoir : 1) agir de façon éthique ;  2) démontrer de la sensibilité à l’endroit des préoccupations personnelles d’autrui ; 3) donner la préséance aux subordonnés et non à soi-même ; 4) aider ceux-ci à croître et à réussir ; 5) habiliter les gens évoluant dans son environnement ; 6) créer de la valeur pour le mieux-être de la communauté ; et 7) posséder des connaissances et des habiletés nécessaires au  soutien judicieux et efficace des subordonnés dans l’exécution de leur mandat. Similaire au type transformationnel, le leadership servant se souci non seulement de son entreprise et de ses subordonnés, mais également du bien-être des ses clients, fournisseurs et collaborateurs gravitant dans son champ d’influence ainsi que de celui de la population en général. Ensuite, il ajoute une dimension morale à son action mobilisatrice ce qui n’est pas le cas chez le leader transformationnel qui se contente de galvaniser son équipe pour le bien collectif (ce qui n’est déjà pas si mal). Autrement dit le leader servant actualise son action dans une perspective la plus globalement éthique.

Comme nous pouvons le constater d’après la lecture de leurs caractéristiques respectives, ces trois types de leadership peuvent très bien s’inscrire sur un continuum qui va d’une position plutôt neutre (leadership transactionnel ou « contractuel ») à un leadership de plus en plus empathique (transformationnel puis servant)[3]. Cette considération est importante à retenir pour la comparaison à venir entre le leadership constructif et le leadership destructif.

Le leadership toxique[4] consiste à influencer et abuser les gens relevant de son autorité en utilisant une vaste panoplie de moyens directs ou détournés, tous moralement condamnables[5]. La marginalisation, l’ostracisme, la moquerie, le harcèlement, l’humiliation, la coercition, la compétition malsaine entre individus, l’agression physique, la menace, le mensonge et la tromperie constituent les procédés mis de l’avant par ce dernier pour arriver à ses fins personnelles ou réaliser les mandats qui lui sont confiés. Le leader toxique campe l’expression de son pouvoir sur l’établissement d’un régime de terreur. Quoique ses agissements puissent très bien servir la cause – il va sans dire de façon non éthique – de l’organisation – en matière strictement de performance – qui l’emploie, ceux-ci s’avèrent considérablement délétères sur la motivation, le bien-être et la satisfaction au  travail des  subordonnés.

Enfin, le leadership narcissique constitue le second type afférent à la forme destructive de leadership. Le leadership narcissique se manifeste lorsque les actions du leader sont essentiellement motivées par l’adhésion à des croyances et la satisfaction de besoins égomaniaques[6], et ce, au détriment de l’épanouissement des gens de son entourage ainsi que du  regroupement qu’il est censé diriger. Les croyances et les besoins égomaniaques font référence aux éléments suivants : un sens grandiose de son importance, des fantaisies de puissance et de succès illimités, un besoin excessif d’admiration, une certitude de mériter des privilèges, un manque d’empathie, un sentiment d’envie et une hypersensibilité aux  réactions d’autrui. Quant à l’actualisation du leadership narcissique, celle-ci est rendue possible au moyen des actions du leader suivantes : la mise à profit de son charisme ; la promotion de fascinants projets utopiques ;  le recrutement de collaborateurs dépendants et serviles ; et le traitement machiavélique des  dossiers. En  somme, la manipulation d’autrui et la gestion des apparences se révèlent grandement exploitées par le leader narcissique afin de valider ses croyances et de satisfaire ses besoins égomaniaques.

Ces deux types de leadership destructifs – toxique ou narcissique – proposés par Gérard OUIMET, se veulent archétypaux du narcissisme grandiose pour le premier et du narcissisme vulnérable pour le second. Nous remarquons que leur description s’effectue selon deux registres distincts : le premier de type comportemental et le second plutôt sous forme intrasubjective motivationnelle. D’un point de vue dimensionnel, si l’on reporte ces portraits sur un continuum psychologique tel que l’envisage la théorie de la perversion narcissique, cela signifie clairement que le leader narcissique et le leader toxique peuvent n’être qu’une seule et même personne adoptant des attitudes différentes en fonction du contexte. C’est cette dernière hypothèse que nous retiendrons pour notre comparatif ci-dessous.

Précisons que quelles que soient les critiques que l’on peut opposer à cette nosographie, elle a au moins le mérite de poser la problématique du leadership destructif au regard du leadership constructif. Ce qui n’est pas sans grand intérêt pour notre sujet.

Par ailleurs, certaines recherches sur les leaders au narcissisme pathologique ont permis de leur associer de nombreuses incidences négatives, tant pour leur environnement immédiat que pour eux-mêmes[7]. Les variables sont les suivantes :

  • l’évaluation négative du leader au chapitre de sa maîtrise des habiletés de gestion et de son intégrité professionnelle par son supérieur hiérarchique immédiat ;
  • l’évaluation faite par les subordonnés consacrant le leader en tant qu’acteur inefficace et non éthique ;
  • la surestimation de la véritable valeur du leader effectuée tant par lui-même que par autrui ;
  • la promotion par le leader d’une image de soi grandiose (moi idéal) ;
  • la facilité d’émergence du leader, et ce, nonobstant la qualité de la performance de son groupe ;
  • l’inhibition de l’échange d’informations entre les membres d’un groupe et, conséquemment, la diminution de leur performance ;
  • la promotion d’une vision téméraire dissociée de la défense des intérêts collectifs ;
  • l’incapacité d’établir des relations interpersonnelles sur une base équitable ;
  • la projection du blâme sur autrui ;
  • l’établissement d’un climat de travail malsain ;
  • la réalisation d’une faible performance contextuelle, à savoir la création d’un climat psychologique et social peu favorable au développement de l’organisation ;
  • la production de résultats financiers inconstants ;
  • l’insensibilité aux données objectives associée à la propension à l’obtention de louanges sociales ;
  • et la perpétration de crimes en col blanc.

Les conséquences négatives pour les autres, induites par le narcissisme pathologique – qu’ils soient leaders ou non – sont :

  • l’intimité émotionnelle superficielle ;
  • l’infidélité ;
  • le stress généré par la prodigalité ;
  • le stress généré par l’addiction au jeu pathologique ;
  • la souffrance psychologique ;
  • la violence verbale et physique ;
  • les attitudes inclémente (aversion au pardon) et revancharde (propension à la vengeance) envers les gens considérés malveillants ;
  • l’agressivité à la suite d’une rétroaction négative de la part d’autrui ;
  • l’humeur et le comportement colériques induits par la présence de menaces à l’intégrité de soi ;
  • les agressions sexuelles ;
  • et la destruction de biens publics.

De plus, les comportements d’individus narcissiques engendrent également pour eux-mêmes des conséquences négatives :

  • les prises de décisions présomptueusement élaborées et conséquemment déficientes ;
  • la faible capacité d’apprendre des rétroactions reçues ;
  • l’emprisonnement ;
  • la détresse psychologique dont notamment la dépression et l’anxiété ;
  • l’actualisation de comportements autodestructeurs et suicidaires ;
  • et l’émergence de graves problèmes psychiatriques.

Pour clore ce sous-chapitre, rappelons que l’individu au narcissisme pathologique génère – à l’endroit d’eux-mêmes et des autres – près de deux fois plus d’incidences négatives que d’incidences positives durant leur présence au sein de l’organisation, mais que les effets délétères de ces incidences perdurent longtemps encore après son départ ou l’interruption de son contrat de travail.

Narcissisme sain Vs narcissisme pathologique :

Avant de comparer ces deux formes de narcissisme, précisons d’abord en quoi consiste la différence du narcissisme pathologique qui, selon l’approche catégorielle, postule l’existence de deux troubles narcissiques essentiellement distincts, à savoir les narcissismes grandiose et vulnérable (cf. première partie de cet exposé). Alors que le narcissisme grandiose est foncièrement constitué d’une image de soi prétentieuse, de manifestations comportementales ostentatoires, d’un besoin irrépressible d’être admiré et d’une propension à recourir à l’exploitation des autres, le narcissisme vulnérable se compose pour l’essentiel d’affects négatifs (colère et honte), d’un mélange ambivalent de sentiments de supériorité et d’infériorité, d’une hypersensibilité à la critique et d’une fragile confiance en soi.

Pour sa part, la conception dimensionnelle émet l’hypothèse d’un seul trouble narcissique composé de deux dimensions : les dimensions grandiose et vulnérable. La grandiosité narcissique consiste en la réaction compensatoire visant à pallier l’incapacité de l’individu à réguler adéquatement son estime de soi et à gérer les émotions afférentes. Cette réaction englobe trois stratégies d’agrandissement de soi, à savoir : l’exploitation d’autrui, l’agrandissement sacrificiel de soi et la fantaisie grandiose. Lorsque ces stratégies deviennent inopérantes, l’individu sombre dans une décompensation narcissique correspondant à la vulnérabilité narcissique. Cette seconde dimension narcissique est constituée de : l’estime de soi contingente, la dissimulation de soi, la dévalorisation de soi et des autres et la rage de l’affront.

C’est dans cette seconde conception du narcissisme pathologie que la rage narcissique de KOHUT et la perversion narcissique de Paul-Claude RACAMIER trouvent tout leur intérêt.

De ce qui précède sur les leaderships constructifs et destructifs, nous pouvons nous représenter ces deux formes de management, non pas en opposant deux à deux différents types de leaders (tel est le choix de Gérard OUIMET pour la rédaction de sa thèse), mais plutôt en les présentant sous forme de polarités variant entre d’un côté le leadership constructif et de l’autre le leadership destructif.

D’après une recension détaillée des principaux facteurs idiosyncrasiques, culturels, environnementaux et structurels participant à la manifestation du leadership narcissique dans les organisations, Gérard OUIMET identifie cinq composantes psychologiques du leader « psychopathe », soit le charisme, l’influence intéressée, la motivation fallacieuse, l’inhibition intellectuelle et la considération simulée. Les principales conséquences négatives pour une organisation sont :

  • la production de prises de décisions volatiles et risquées;
  • la création d’un climat organisationnel toxique;
  • la destruction de la confiance des subordonnés;
  • la détérioration de l’efficacité organisationnelle;
  • l’émergence d’une gestion dysfonctionnelle;
  • et la manifestation de comportements non éthiques.
Leadership constructif Leadership destructif
Charisme

Communication verbale imagée :

Utilisation de figures de style (allégorie, analogie, métaphore et symbole) qui suscitent des réactions émotionnelles

Communication non verbale expressive :

Exploitation du balayage visuel, de la modulation de la voix, des expressions faciales et des mouvements des bras

Influence idéalisée :

Satisfaction des besoins des autres

Préoccupation pour le plein épanouissement d’autrui

Influence intéressée :

Satisfaction de ses propres besoins

Préoccupation exclusive pour l’agrandissement de son « moi »

Motivation inspirationnelle :

Vision excitante du futur

Présentation d’un projet d’avenir à  la  fois exigeant, exaltant et réalisable

Motivation fallacieuse :

Vision chimérique du futur

Présentation d’un projet d’avenir à  la  fois téméraire, spectaculaire et utopique

Stimulation intellectuelle :

Invitation à la critique

Sollicitation de remises  en  question intelligentes de l’ordre établi

Inhibition intellectuelle :

Intolérance à la critique

Recherche exclusive de la validation de ses positions

Considération individualisée :

Attention et respect portés envers les autres

Gestion personnalisée des  membres du personnel

Considération simulée :

Manipulation et exploitation des autres

Gestion machiavélique des  membres du

personnel

Ayant pour point commun le charisme qui dans un premier aperçu ne permet pas de différencier le leadership constructif du leadership destructif, nous constatons que le leader narcissique nourrit avant tout des ambitions personnelles ce qui aura pour conséquence de l’éloigner de plus en plus de ses obligations officielles. Les désirs personnels étant inconciliables avec la promotion des intérêts de l’organisation et de ses membres, force est d’admettre que les enjeux fondamentaux de gestion inhérents à l’actualisation du  leadership narcissique dans un contexte organisationnel sont foncièrement de nature éthique.

Dans une conjoncture marquée par des incertitudes économiques, politiques, sociales et environnementales, certaines caractéristiques de la personne narcissique, à savoir sa confiance en soi exacerbée, sa nette prédisposition à l’affirmation de sa dominance et son charisme, font d’elle la candidate toute désignée – le leader – pour juguler avec succès les effets déstabilisants, voire pernicieux, des forces conjoncturelles.

En fait, en période d’incertitude, l’émergence des leaders narcissiques s’en trouve accrue, et ce, nonobstant le fait que les gens de leur entourage leur reconnaissent des caractéristiques négatives, telles l’arrogance et l’inclination à exploiter autrui. Cependant, la capacité salvatrice prêtée aux leaders narcissiques s’étiole rapidement pour faire place aux manifestations de leurs véritables intentions : la poursuite de leurs intérêts personnels bien souvent inavouables. À l’engouement initial des gens pour leur leader narcissique se substitue une amère déception chez ceux-ci.

C’est dans une telle perspective de potentialité d’abus de pouvoir – enjeux éthiques –, initialement tacites (tromperie) puis davantage manifestes (autocratie), que l’analyse du leadership narcissique organisationnel prend tout son sens.

Conclusion :

La profusion d’études sur le leadership organisationnel a toujours porté sur des distinctions faites vis-à-vis du caractère affiché par le leader. Rares sont celles qui ont pu mettre en lumière les failles d’une institution en rapport à celles du leader qui la dirige.

Ceci explique probablement une partie des difficultés que nous avons à reconnaître notre implication, voir notre complicité tacite, dans le mouvement perpétuel aliénant des organisations dysfonctionnelles qui peuvent rendre fou au point de susciter une série de drames comme en ont vécu certaines entreprises.

Pour faire face à ce véritable fléau de société, il n’existe guère d’autre remède que celui d’informer sur les processus mis en œuvre par les personnalités narcissiques et la façon dont ces forces agissent sur notre santé physique et mentale, car le mouvement perversif qu’elles entrainent ne se nourrit que de notre ignorance. Pour stopper cette roue infernale, il est donc vital de nommer et d’identifier l’origine de notre mal-être et son vecteur de diffusion – la communication déviante – qui ronge notre civilisation.

Ce n’est ni simple ni aisé, car le « totalitarisme rampant »[8] que nous subissons tous active des comportements régressifs qui nous font voir la vie sur un mode binaire… sans nuance. « Ou vous êtes avec nous, ou vous êtes contre nous », semble être la phrase que tous les tyrans de la planète ont un jour prononcée en situation de conflit, invitant les peuples à une vision manichéenne des choses et stigmatisant par là même les personnes plus modérées en les assimilant à « l’ennemi ». Tel a été le discours de George W. BUSH à la suite des attentats du 11 septembre 2001 exhortant tous les pays alliés à se joindre à sa guerre impérialiste sous prétexte de combattre le terrorisme : « Either you are with us, or you are with the terrorists. »

Notre déclin est le prix que nous payons pour avoir donné caution à un leader pervers narcissique. Tant que nous n’aurons pas compris cela, nous continuerons à sombrer encore un peu plus dans le chaos. Toutes les victimes de ces personnalités toxiques qui ont su leur échapper sauront vous le dire mieux que quiconque.

Philippe VERGNES

[1] Gérard OUIMET est professeur titulaire de psychologie organisationnelle au service de l’enseignement en management à HEC MONTRÉAL. Cet article fait de nombreux emprunts à sa thèse, qu’il soit ici remercié pour son autorisation à en disposer librement.

[2] Bien qu’il s’avère également préjudiciable à autrui, le leadership inefficace se distingue du leadership destructif en ce sens que sa nocivité ne dépend pas d’une intentionnalité malveillante envers autrui, mais plutôt de l’incompétence, de la négligence ou de la fainéantise de la personne devant assumer le rôle de leader.

[3] Ce constat se réfère ici à la précédente série d’articles sur l’empathie, la conscience morale et la psychopathie, partie 1/3, 2/3 et 3/3.

[4] La dénomination « leadership toxique » cohabite avec d’autres désignations, tels les leaderships abusif, despotique, tyrannique et intimidant, affichant entre elles un appréciable chevauchement définitionnel. Puisqu’entre toutes ces appellations, c’est celle de « leadership toxique » qui s’avère la plus globalisante au chapitre des comportements nocifs, nous avons décidé de la retenir. Pour une analyse comparative de la teneur de ces différentes appellations pour l’essentiel synonymiques, se référer aux travaux de KRASIKOVA et al. (2013), PELLETIER (2010) et SCHYNS & SCHILLING (2013).

[5] Propos de Gérard OUIMET soulignés par mes soins.

[6] Également soulignés par mes soins.

[7] Bien qu’ayant colligé les résultats d’études empiriques réalisées auprès d’individus narcissiques n’assumant pas nécessairement un rôle de leader au sein d’une organisation, une récente métaanalyse de CAMPBELL et CAMPBELL (2009) indique que ces individus génèrent, à l’endroit d’eux-mêmes et des autres, près de deux fois plus d’incidences négatives que d’incidences positives. De plus, alors que les incidences positives pour les individus narcissiques et les gens de leur entourage se révèlent à la fois essentiellement concentrées au tout début d’un épisode relationnel et de courtes durées (phase d’émergence), les incidences négatives pour ces mêmes acteurs se manifestent surtout immédiatement après la brève phase d’émergence et ont tendance à perdurer (phase de persistance).

[8] Ariane BILHERAN, Tous des harcelés ?, Armand Colin, 2010.

Sourcehttps://perversionnarcissiqueetpsychopathie.com/2014/09/12/pathologie-du-pourvoir-psychologie-des-leaders-psychopathes-narcissismes-sain-et-pathologiques-23/

Pathologie du pouvoir : Psychologie des leaders psychopathes – Question de narcissisme – (1/3)

Dès les premiers jours de notre existence, notre survie et la construction de notre psychisme dépendent des soins que nous apporte notre entourage et de l’influence qu’il exerce sur nous. Cette totale dépendance qui chez l’humain dure beaucoup plus longtemps que chez les autres mammifères est inextricablement liée à l’usage de l’autorité et du pouvoir. Si comme nous l’écrivons auparavant au sujet de l’empathie, la conscience morale et la psychopathie[1], « l’histoire qui s’écrit a pour grand sujet la pathologie du pouvoir ». La pathologie du pouvoir a elle pour grand sujet les maltraitances infantiles.

Qu’arrive-t-il lorsqu’on joue au jeu de l’autorité et du pouvoir sans avoir résolu au préalable nos propres conflits intrapsychiques, seule condition au développement d’un narcissisme sain ? Quels effets peuvent avoir sur l’activité d’une organisation les personnes ayant une faible conscience de soi, des idées de puissance et de grandeur irréalistes ? Qu’advient-il des organisations pilotées par de tels individus ?

C’est ce à quoi nous allons maintenant tenter de répondre ici en trois parties en commençant par la notion de base, véritables fondations sur lesquelles nous construisons toute notre existence. C’est-à-dire le narcissisme, aujourd’hui assimilé à l’estime de soi dans son interprétation actuelle en milieu clinique.

Pour beaucoup d’entre nous, c’est désormais une évidence : la pathologie du pouvoir porte un nom, elle s’appelle « perversion narcissique ». Peu importe vraiment que nous soyons gouvernés par des pervers narcissiques ou des psychopathes[2] dès lors que ceux qui nous dirigent adhèrent à l’idéologie de la « pensée perverse »[3]. Nous verrons même dans de futurs articles que nous vivons actuellement une mondialisation de la perversion narcissique.

De façon imagée, « le pervers narcissique est un psychopathe qui ne s’est pas fait prendre la main dans le sac. » Ceci résume la distinction que font désormais les chercheurs entre d’une part la psychopathie[4] primaire, ou « successful », et d’autre part la psychopathie secondaire, ou « unsuccessful ». Nous l’aurons compris, le pervers narcissique est l’équivalent en France de ce que les Anglo-saxons désignent sous l’appellation de « successful psychopath », soit un individu qui a réussi à combler son retard[5] affectif en surinvestissant le domaine de la parole et du socius (l’image sociale que l’on donne de soi). Ramené au monde de l’entreprise, des institutions et du management, c’est donc bien du pervers narcissique exerçant un leadership dont il sera ici question.

Ces quelques précisions sont indispensables, car lorsque l’on aborde cette thématique, un premier constat s’impose : celui de l’absence de consensus autour du signifiant (cf. réf. 2). Effectivement, s’il existe un accord relatif autour du signifié, notamment pour décrire la destructivité de ce type de personnalité, la bataille fait rage autour du signifiant. Toutefois, compte tenu de la prégnance de cette problématique dans notre société, cette question s’avère secondaire, voir superfétatoire, car comme l’inventeur de la notion de « pervers narcissique » le rappelle : « le plus important dans la perversion narcissique, c’est le mouvement qui l’anime et dont elle se nourrit. »[6]

La difficulté réside dans le fait que ce mouvement n’est « rien de plus difficile à comprendre [et] rien de plus important à connaître dans les rouages interpsychiques des familles, des institutions, des groupes et même des sociétés. » [7]

Rien de plus difficile à comprendre parce que les « puissances » destructrices en œuvre dans cette problématique, « sous des formes diverses et surtout masquées [leur] confèrent un caractère que l’humanité s’est toujours représenté sous la figure du Mal. » [8] En tant que telles, elles sont revêtues d’un imposant voile de déni – mais un déni spécifique qu’il sera un jour utile de préciser – véritable écran de fumée interdisant l’accès à la vérité. Aussi faut-il savoir tendre l’oreille et écouter, car « tous les mythes nés de l’expérience en parlent avec des métaphores où figure la description détaillée et d’une pertinence surprenante des processus pervers démontrés et analysés […] (dans l’ouvrage cité en lien). Nous y reconnaissons les stratégies du Diable, grand séducteur et manipulateur, celui qui inverse les valeurs et multiplie les faux-semblants pour prendre possession de ses victimes et en faire ses adeptes. Il jouit de répandre le Mal et son rire éclate sur le malheur du monde. »[9] Développant son argumentation par la présentation de quelques exemples, l’auteur termine sa préface par une interrogation stupéfiante : « Comment ne l’avions-nous pas compris ? Et surtout pourquoi ? »

 Rien de plus important à connaître parce que, consciemment ou non, nous en subissons tous – absolument tous, soit près de 7 milliards d’humains sur Terre – les conséquences délétères. Et la rapidité à laquelle se répandent ces forces destructrices nous oblige à ouvrir les yeux avant qu’il ne soit trop tard… il y va tout simplement de notre survie sociale et celle de notre civilisation.

Quant aux pervers narcissiques, ce sont des « sujets qui, plutôt que de  souffrir des peines ordinaires, font souffrir des tourments extraordinaires au moi des autres […] » [10] et ne s’embarrassent pas des sentiments moraux qui font le liant de toutes relations saines, authentiques et honnêtes.

Le contexte :

Depuis quelques années nous assistons à un véritable déferlement d’articles de presse abordant le sujet de la perversion narcissique et de la psychopathie. Fait marquant depuis la crise financière de 2008, la presse spécialisée dans le domaine managérial s’est également saisie du problème.

Étonnamment – surtout lorsque l’on sait que les personnalités atteintes du trouble de la personnalité narcissique sont avant tout portées à conquérir le pouvoir ou des postes à hautes responsabilités –, rares sont les études qui mettent cette pathologie en lien avec les évènements marquants de l’histoire et les crises qu’elle a traversées.

Connu également sous le nom de leadership destructeur – dont nous verrons en quoi cela consiste dans la seconde et la troisième partie de cette série d’articles –, cette problématique managériale n’est apparue que récemment dans divers médias, mais ce que ne disent pas les articles publiés sur le sujet, c’est que la perversion narcissique ou la psychopathie cache une problématique identitaire – le narcissisme – dont l’étude analytique vient tout juste de fêter ses 100 ans[11] puisque le texte ayant introduit cette idée dans le champ clinique a été édité en 1914[12]. 

C’est l’occasion de revenir sur cette notion dont l’évolution considérable semble prendre une tournure plus consensuelle qu’à l’époque de son introduction dans les sciences humaines.

Mais qu’est-ce au juste que le narcissisme aujourd’hui ?

Du mythe de Narcisse[13] au narcissisme clinique :

« Le mythe de Narcisse s’offre tel un miroir aux altérations de l’univers qu’il reflète »[14] et résume chaque moment de l’évolution de la conscience humaine. Son « évolution thématique dans l’histoire de la littérature se concentre autour de deux problématiques majeures, l’amour et l’identification, chacun participant à des degrés différents à l’acte ultime de la révélation »[15].

D’un point de vue clinique, de l’interprétation psychanalytique du conte d’Ovide d’un amour excessif de l’image de soi, en passant par diverses représentations identitaires d’idéal du moi et de moi idéal ou d’une structure paradoxale du narcissisme (dualité : narcissisme Vs antinarcissisme ou narcissisme de mort Vs narcissisme de vie), etc. ce concept polyvoque a été investi par de nombreux courants de pensée et fait aujourd’hui référence à plusieurs états psychiques sains ou pathologiques.

Notre société hypermédiatisée[16] exalte le culte du narcissisme comme ont très bien su le démontrer de nombreux philosophes, psychologues, anthropologues ou sociologues, etc. (Guy DEBORD, Christopher LASCH, Pierre BOURDIEU, Bernard STIEGLER, etc.) qui bien souvent ne l’ont présenté que sous l’un de ses aspects les plus sombres. Ce qui se comprend lorsque l’on désire tirer des sonnettes d’alarme et prévenir le peuple et ses dirigeants des dangers qui les guettent.

Aussi, et comme en atteste également le dictionnaire, ce que nous retenons principalement du mythe de Narcisse, c’est l’amour inconsidéré de l’image de soi telle que la imprégnée la psychanalyse. Cependant, cette représentation réductionniste ne tient absolument pas compte de toute la richesse symbolique de l’histoire.

Outre les tragédiens principaux, ce conte met aussi en scène un tout autre acteur qui occupe une place majeure dans cette métamorphose : c’est la source d’une pureté sans égale dans laquelle Narcisse découvre son reflet. Autrement dit, c’est le rôle du miroir dans la construction identitaire qui est également mise en lumière par le mythe. De plus, dans la mythologie antique – n’oublions pas que Les Métamorphoses sont des légendes orales de traditions beaucoup plus anciennes mises en écrit par Ovide –, la source d’eau pure et vierge symbolisait alors la vitalité, la créativité, la pureté de l’âme, etc. Appliquée à ce conte, cette richesse symbolique ne manque pas de nous entraîner dans d’autres directions jusqu’alors inexplorées comme celle initiée par la découverte des neurones miroirs aux débuts des années 90 puisque la fonction miroir est indissociable de ce que nous nommons aujourd’hui sous le vocable d’empathie.

Or, le manque d’empathie, et non pas l’absence, est bien ce qui de nos jours caractérise le mieux le psychopathe, ou le pervers[17], tous deux atteints de profonds troubles narcissiques.

Je me dois ici d’apporter une précision : la polysémie du vocable « manque » est ambiguë et est souvent interprétée à tort comme une totale absence. Néanmoins, « manque » signifie également « insuffisance ». L’interprétation correcte de cette caractéristique de la psychopathie devrait donc être : « témoigne d’une absence ou d’une insuffisance d’empathie ». Cette distinction est extrêmement importante, car nous croyons faussement que le pervers narcissique n’a aucune empathie, ce qui est totalement faux. Cette croyance entraîne de nombreuses confusions lorsqu’il s’agit de faire connaître ce trouble.

Pour en revenir à notre sujet : « la lecture psychanalytique fait du bel adolescent un personnage imbu de lui-même, avide de reconnaissance et parfaitement égocentrique, incapable de s’intéresser aux autres et encore moins à la marche du monde. De fait, “narcissisme” est aujourd’hui synonyme d’égocentrisme. C’est là presque une injure proférée à l’encontre du personnage si, du moins, on se donne la peine de lire attentivement l’histoire rapportée par Ovide. »[18]

Désormais, les nouvelles traductions du narcissisme laissent une place prépondérante à la fonctionnalité représentée par le miroir qui symbolise la capacité empathique de l’individu. Cette réinterprétation du mythe de Narcisse a permis d’enrichir la notion de narcissisme de nouveaux paradigmes qui s’appliquent aujourd’hui à tout un chacun évoluant entre narcissisme sain et narcissismes pathologiques.

Narcissisme sain et narcissismes pathologiques :

L’explication moderne de la construction de la personnalité désigne le narcissisme comme étant un facteur important de l’estime de soi matérialisé par trois composantes inséparables et interdépendantes que sont la confiance en soi, l’image de soi et l’amour de soi.

Le narcissisme se présente donc sous plusieurs formes correspondantes à différentes facettes relatives à notre vision du monde et nos rapports à autrui (d’où la symbolique du miroir).

Si l’individu possédant un narcissisme sain, s’aime assez pour mener à bien ses projets et interagir avec ses proches et son environnement de façon juste et mesurée, il le doit à l’amour de soi, à l’image de soi et à la confiance en soi qu’ont su lui inculquer ses parents où ses proches avec qui il a tissé pendant l’enfance ses premiers liens d’attachements (cf. Théorie de l’attachement de John BOLWBY). Ayant évolué dans un milieu sécure, possédant une bonne estime de soi, il lui sera facile d’affronter les vicissitudes de la vie sans développer de sentiment de frustration ou de toute-puissance. Il sera également capable d’affronter ses peurs, de faire ses deuils, de vivre une rupture, un licenciement, etc. sans se désorganiser ni s’effondrer psychiquement ; il saura se remettre en cause, rebondir et se montrer résiliant après une chute, un échec ou une erreur de parcours.

Ainsi en va-t-il de la personne qui a pu/su développer un narcissisme sain. Tout autre est cependant l’individu au narcissisme pathologique.

L’historique de la définition du trouble de la personnalité narcissique (narcissisme pathologique) dans le DSM corrobore et éclaire sous un autre angle les nouvelles interprétations du mythe de Narcisse. Elle revêt donc un caractère important dans la compréhension des pathologies narcissiques.

La définition de ce trouble est apparue pour la première fois en 1980[19] dans le DSM-III.

En voici le résumé :

  • DSM-III (1980): Les quatre premiers critères (1-4) sont obligatoires pour diagnostiquer un trouble de la personnalité narcissique, deux des quatre derniers critères énumérés ci-dessous et se rapportant aux perturbations des relations interpersonnelles doivent également être présents :
  1. sens grandiose de son importance ou de son unicité (exagération de ses réalisations personnelles et de ses talents et insistance sur le caractère spécial de ses problèmes) ;
  2. préoccupation pour les fantaisies de succès illimités, de pouvoir, de splendeur, de beauté et d’amour idéal ;
  3. inclination à l’ostentation (recherche constante d’attention et d’admiration) ;
  4. froide indifférence envers les autres ou de vifs sentiments de rage, d’infériorité, de honte, d’humiliation ou de vide lorsque devant faire face à la critique ou l’indifférence des autres ou, encore, la défaite ;
  5. certitude de mériter des privilèges (surprise et colère lorsque les gens ne font pas ce qui est attendu) ;
  6. exploitation des autres (abus des autres au service de ses propres désirs et de son épanouissement personnel ; mépris pour le respect de l’intégrité et des droits d’autrui) ;
  7. alternance de positionnements relationnels extrêmes se soldant par l’idéalisation et la dévalorisation des autres ;
  8. manque d’empathie (incapacité à prendre conscience de l’existence des émotions et des sentiments des autres).
  • DSM-III-R (1987): Cette version révisée apporte des changements appréciables dans la définition de ce désordre psychologique. Elle subdivise en deux le premier critère « un sens grandiose de son importance ou de son unicité » et synthétise les quatre options facultatives listées supra (5 à 8) en trois autres critères obligatoires (les trois premiers ci-dessous 6-8). Enfin, elle rajoute à cela un neuvième et dernier critère qui est le sentiment d’envie :
  1. exploitation des autres ;
  2. certitude de mériter des privilèges ;
  3. absence d’empathie ;
  4. sentiment d’envie.
  • DSM-IV (1994) et DSM-IV-R (2000) : Ces deux manuels ont pour l’essentiel repris les critères contenus dans la grille diagnostique du DSM-III-R.

Sur la base de cette description nosographique du trouble de la personnalité narcissique, de nombreuses critiques, études et analyses ont été accumulées au fil des ans ; tant et si bien que durant la phase de consultation pour la rédaction du nouveau DSM-5, éditée en mai 2013, il a tout bonnement été envisagé de supprimer ce type de désordre psychologique du manuel diagnostique.

Finalement, la pertinence des objections émises par certains opposants à cette classification a contraint les rédacteurs du DSM à élaborer un système original d’évaluation qualitative du fonctionnement de l’individu et des troubles de la personnalité qu’il peut rencontrer au cours de  son développement. Cela s’est traduit par l’adoption d’une définition radicalement nouvelle comportant des modifications notoires : conception hybride et non plus univoque (approches catégorielle et dimensionnelle) ; subdivision du narcissisme pathologique en deux sous-classes (narcissisme grandiose et narcissisme vulnérable) ; intégration de la variabilité de ce trouble (degré de sévérité : fonctionnement qui s’échelonne de normal et adapté = niveau 0, à perturbation légère = niveau 1, modérée = niveau 2, sévère = niveau 3 ou extrême = niveau 4) ; etc.

Cette nouvelle grille de lecture n’ayant pas encore été traduite en français, il serait hasardeux d’en préjuger la portée et de connaître par avance l’impact que pourra avoir ce nouveau modèle de référence, mais concernant plus particulièrement la description du trouble de la personnalité narcissique, alors que jusqu’à présent seul le narcissisme « grandiose » était pris en considération par les versions antérieures du DSM, l’apparition du narcissisme « vulnérable », associé à l’aspect dimensionnel – et non plus exclusivement catégoriel –, constitue une véritable petite révolution dans le domaine des sciences humaines puisque c’est dans cet aspect-là de la problématique que nous rencontrons le « mouvement pervers narcissique » et son avatar le « pervers narcissique ».

« Petite révolution », car « individualiser [les troubles de l’identité] sous la forme de catégories diagnostiques paraît de plus en plus contestable, même si les médecins – psychiatres ou non – sont plus à l’aise avec ce type de classification qu’avec le continuum des différentes dimensions psychologiques. »[20] D’où la très grande pertinence de la théorie de la perversion narcissique qui dès le tout début des années 80 avait subsumé cette interprétation des troubles de l’identité.

Par ailleurs, la complexité de la personnalité est tel qu’un individu peut également alterner les phases de « narcissisme grandiose » avec celles de « narcissisme vulnérable » momentanément en fonction du contexte. C’est notamment ce qui arrive au pervers narcissique pris en flagrant délit d’incompétence dans son rôle de manager ou à l’occasion d’une séparation : il passe d’un narcissisme grandiose à un narcissisme vulnérable et il est « pervers » lorsqu’« il entend faire activement payer à autrui le prix de l’enflure narcissique et de l’immunité conflictuelle à laquelle il prétend. »[21]

Conclusion :

Tel le dieu JANUS aux deux visages, entre narcissisme sain et narcissismes pathologiques – grandiose ou vulnérable –, l’idée de narcissisme pose la question de la problématique identitaire dans une société de consommation hypermédiatisée qui traite les Humains non plus comme des êtres humains, mais comme des objets ou des marchandises que l’on peut posséder avec quelques billets. Il n’est donc absolument pas étonnant que ce concept soit de plus en plus usité pour exprimer les craintes et les angoisses d’un Moi confronté aux crises d’une époque charnière, à l’apogée de ce qui apparaît très justement à certains comme la fin d’un monde.

C’est également ce que nous enseigne ce conte qui peut aussi s’interpréter comme une sorte de rite de passage puisqu’à la mort de Narcisse, son corps fit place à « une fleur au cœur couleur de safran, entouré de pétales blancs. »

Plus pragmatiquement, tenant lieu des modifications de la représentation de ce concept et de son importante évolution confirmée par les nouveautés du DSM-5, les futures études qui seront effectuées sur la base de cette nouvelle définition plus psychodynamique devraient prochainement permettre d’affiner certaines comorbidités patentes entre le trouble de la personnalité narcissique et le diagnostic de psychopathie ou de pervers narcissique. Ce faisant, d’influence essentiellement comportementaliste, la bible de l’APA, après avoir acté son divorce avec la psychanalyse par l’introduction du DSM-III, effectue – volontairement ou non – un nouveau rapprochement avec la partie de cette discipline qui s’est spécialisée dans l’étude et la recherche sur les thérapies d’orientations groupale et familiale, à mi-chemin entre sociologie et psychanalyse. C’est-à-dire, des traitements davantage tournés vers l’interpsychique en lien avec l’intrapsychique.

Ce rapprochement, tout du moins dans le cas du trouble de la personnalité narcissique, est un incontestable progrès. Toutefois, saurons-nous comprendre à temps l’importance de cette notion et les enseignements qu’il faudrait que nous en tirions pour la conduite et le devenir de nos sociétés ?

À la vitesse à laquelle les choses se détériorent de par le monde – gérer par des narcissiques pathologiques et pervers –, il est permis d’en douter, mais les histoires que nous racontent les personnes ayant échappé à l’emprise de ces individus nous invitent à une prise de conscience salvatrice porteuse d’espoir.

Fin de la première partie

Philippe VERGNES

[1] Empathie, conscience morale et psychopathie (partie 1/3, 2/3 et 3/3).

[2] Pour la distinction entre ces deux terminologies, lire Le match : psychopathes Vs pervers narcissiques.

[3] cf. Les pervers narcissiques manipulateurs (suite).

[4] Les psychopathies ont recouvert, et recouvre encore pour certains, tout un ensemble de pathologies psychiques (« maladie de l’âme »). Depuis les travaux d’Hervé CLECKLEY et, à leurs suites, ceux de Robert HARE, « le mot psychopathie désigne un trouble permanent de la personnalité essentiellement caractérisé par un sévère manque de considération pour autrui découlant d’une absence de sentiment de culpabilité, de remords et d’empathie envers les autres (Hare, 2003). Affichant une apparente normalité en matière de moralité et d’expression émotionnelle, le psychopathe se révèle incapable d’éprouver au plus profond de lui-même des émotions sociales dont entre autres : l’amour, l’empathie, le sentiment de culpabilité, la contrition, la honte et la gêne » (Gérard OUIMET).

[5] Le mot « retard » est ici employé sans préjuger des facteurs causaux X ou Y (génétique, psychogenèse, etc.) qui ont été déterminant dans l’apparition de ce trouble de la personnalité.

[6] Paul-Claude RACAMIER, Le génie des origines, Payot, 1992, p. 280.

[7] Paul-Claude RACAMIER, Pensée perverse et décervelage, in Gruppo, Revue de Psychanalyse Groupale n° 8, p. 137, 1992.

[8] Dr Robert DREYFUS, préface du livre de Maurice HURNI et Giovanna STOLL, Saccage psychique au quotidien, p. 5, 2002.

[9] Ibidem, p. 5.

[10] Paul-Claude RACAMIER, Pensée perverse et décervelage, in Gruppo, Revue de Psychanalyse Groupale n° 8, p. 137, 1992.

[11] cf. Revue Française de Psychanalyse, Cent ans de narcissisme, Volume 78 — 2014/1, P.U.F., 312 p.

[12] Sigmund FREUD, Pour introduire le narcissisme.

[13] Dans la courte présentation qui s’ensuit, il ne saurait être question d’évoquer toute la richesse de ce mythe qui indique également une sorte de rite de passage, de « métamorphose », de l’âme humaine. Cette introduction n’a donc que pour but d’exposé le narcissisme du point de vue de la conscience psychologique actuelle (cf. Empathie, conscience morale et psychopathie – Une nouvelle conscience pour un monde en crise – partie 3/3).

[14] Negin DANESHVAR-MALVERGNE, Narcisse et le mal du siècle, p. 60.

[15] Ibidem, p. 59.

[16] Nous passons en moyenne 3 h 50 par jour devant notre poste de télévision. Ces données issues d’une étude publiée sur le site du CSA ne prennent pas en compte le temps passé devant nos autres écrans tels que les ordinateurs, les tablettes et les téléphones portables.

[17] Pour la distinction entre psychopathe et pervers, lire l’article Le Match : psychopathe Vs pervers narcissique.

[18] Luc BIGÉ, L’éveil de Narcisse, Les éditions de Janus, 2013, p. 9.

[19] Cette date est TRÈS importante pour comprendre l’étiologie du concept de pervers narcissique que je vous révèlerais dans un prochain article relatant son historique.

[20] Sous la direction de Roland COUTANCEAU et Joanna SMITH, Trouble de la personnalité, ni psychotiques, ni névrotiques, ni pervers, ni normaux…, édition DUNOD, 2013, p. XI.

[21] Paul-Claude RACAMIER, Le génie des origines, Payot, 1992, p. 288.

Sourcehttps://perversionnarcissiqueetpsychopathie.com/2014/09/04/pathologie-du-pouvoir-psychologie-des-leaders-psychopathes-question-de-narcissisme-13/