(Article paru dans La Croix le 5 avril 2013.)
« Dans
une démocratie digne de ce nom, les citoyens devraient avoir toute la
place. Leurs représentants devraient être des serviteurs, empêchés de
devenir des maîtres par le tirage au sort des charges, par des mandats
courts et non renouvelables, et par de nombreux contrôles avant, pendant
et après leur mandat. Dans la réalité, chacun peut constater que c'est
exactement le contraire qui se produit: sitôt élus, nos « représentants »
se comportent comme s'ils étaient nos maîtres, tout en se mettant au
service exclusif des cartels et des banques, contre l'intérêt général.
Notre
problème fondamental n'est donc pas technique mais politique: nos «
représentants » ne nous représentent pas, pour la bonne raison qu'ils ne
nous doivent rien. C'est mécanique: celui qui passe le plus à la télé
est élu, c'est tout. Il a donc suffi aux banques d'acheter les médias de
masse pour être sûres de gagner les élections à tous les coups. Les
élus ne représentent que les banques parce qu'ils leur doivent tout.
Quant
à nous, simples électeurs (pas citoyens), nous sommes privés de toute
institution pour nous défendre contre ces faux « représentants »: nous
n'avons pas de Constitution.
Une Constitution, c'est un texte
supérieur qui sert à protéger le peuple contre les abus de pouvoir, en
surplombant tous les pouvoirs, publics et privés. Une Constitution digne
de ce nom doit être crainte par les pouvoirs: il ne faut donc à aucun
prix laisser les pouvoirs en question l'écrire eux-mêmes, ce n'est pas
aux hommes au pouvoir d'écrire les règles du pouvoir, ce n'est pas aux
parlementaires, ni aux ministres, ni à aucun professionnel de la
politique, d'écrire ou de modifier la Constitution.
Une bonne
Constitution – que les « élus » n'écriront jamais, à cause de leur
intérêt personnel – prévoirait de (vrais) référendums d'initiative
populaire (RIP législatif, abrogatoire, révocatoire et constituant), la
séparation des pouvoirs dangereux (législatif, exécutif, judiciaire,
médiatique et monétaire) pour les affaiblir, une des Chambres
législatives tirée au sort pour une représentation fidèle du pays, des
mandats courts et non renouvelables pour éviter la professionnalisation,
la responsabilité illimitée (et la révocabilité) des décideurs publics,
des chambres de contrôle tirées au sort pour surveiller tous les
pouvoirs sans exception, une création monétaire uniquement publique et
des banques toutes publiques aussi, des services publics d'information
rendus indépendants (sur le modèle des juges) mais eux aussi contrôlés
par des jurys citoyens tirés au sort, etc.
Aucune de ces
institutions, nécessaires à la justice sociale, ne verra jamais le jour
tant qu'on n'aura pas compris et éliminé le conflit d'intérêts majeur
qui est à la racine commune de toutes nos impuissances: il faut que les
constituants soient désintéressés.
Alors, comment faire? Soit on
réunit une Assemblée constituante dans chaque commune ou quartier (où
viendront ceux qui le voudront) et on en dégage une synthèse pour
fédérer les principales exigences citoyennes. Soit on tire au sort une
seule Assemblée constituante (au lieu de l'élire!) : c'est beaucoup plus
simple et ça donnera probablement le même résultat, parce que
finalement, nous avons tous intérêt aux mêmes institutions
fondamentales.
Pour que cela advienne, il suffirait que nous
soyons des millions à le vouloir; c'est donc à nous de faire passer le
message de façon virale, autonome, souterraine, insaisissable, pour
devenir rapidement très nombreux à dire ensemble: « Nous voulons avant
tout une Assemblée constituante tirée au sort – car tout le reste
suivra. »
C'est une vraie cause commune: instituons d'abord notre
puissance, on se disputera après. On n'échappera pas autrement aux
usuriers, qui ont déjà volé presque tous les pouvoirs: si on veut une
Constitution, il faudra l'écrire nous-mêmes.
Nous, on a commencé; si le cœur vous en dit, rejoignez-nous (1). »
Étienne Chouard,
enseignant et blogueur.
(1) Site: http://etienne.chouard.free.fr/Europe
Source : La Croix, http://www.la-croix.com/Archives/2013-04-05/Repenser-le-long-terme.-Pour-une-nouvelle-Constituante.-Etienne-Chouard-enseignant-et-blogueur-2013-04-05-929560
Source : https://www.facebook.com/notes/etienne-chouard/pour-une-assembl%C3%A9e-constituante-sans-aucun-professionnel-de-la-politique/10152521996017317
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