6 L’EGALITE
6.1 Définitions
Selon le dictionnaire Robert l’égalité est le « rapport entre individus égaux ». En fait, on peut distinguer trois formes d’égalité : l’égalité naturelle ou morale définie dans l’article « Egalité » de l’Encyclopédie comme étant « celle qui est fondée sur la constitution de la nature humaine commune à tous les hommes qui naissent, croissent, subsistent et meurent de la même manière ». Le chevalier De Jaucourt, auteur de l’article, comme d’ailleurs plus tard Rousseau, associe fortement égalité et liberté et affirme « c’est la violation du principe d’égalité naturelle qui a établi l’esclavage politique et civil ». Par ailleurs, il montre que la société fait perdre aux hommes cette égalité naturelle et qu’ils ne redeviennent égaux que par les lois ; l’égalité matérielle ou réelle : égalité de fait entre personnes ayant mêmes avantages naturels, mêmes aptitudes, même fortune ; l’égalité formelle ou extérieure : égalité définie par le législateur, égalité devant la loi, civile, politique, sociale. Les domaines d’application de l’égalité sont de nature civile, politique, sociale, économique.
Comme la liberté, l’égalité est présente dans la pensée politique, philosophique et sociale depuis l’Antiquité. Chez les Grecs, le concept « égalité » est la condition de la liberté même si l’inégalité entre les hommes est la base de la société grecque. Le christianisme s’inscrit dans cette évolution puisqu’il proclame l’égalité de tous les hommes et la fraternité universelle. Au XVIIIe siècle, les philosophes, notamment Montesquieu, Voltaire et Rousseau y réfléchissent et soulignent les difficultés de sa mise en oeuvre.
En France, l’égalité en droits (à la naissance) et l’égalité politique se construisent par étapes. L’égalité en droits est proclamée dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 et dans celle de 1793. L’égalité est le corollaire de la liberté. De même, au sein de l’association politique, l’égalité de tous les citoyens est affirmée ainsi que l’égalité devant la loi. Le suffrage masculin, institué en 1848, met fin à la distinction entre ceux qui ont le droit de vote et ceux qui ne peuvent pas participer à la vie politique en raison de la faiblesse de leurs revenus. En accordant le droit de vote aux femmes en 1944, le général de Gaulle met en place l’égalité politique entre les hommes et les femmes.
A partir du milieu du XIXe siècle s’est posé le problème de l’égalité économique et sociale. Jean Jaurès déclare notamment : « A mesure que l’égalité politique devenait un fait plus certain, c’est l’inégalité sociale qui heurtait le plus les esprits ». L’égalité des chances par l’école se généralise avec les lois Ferry-Goblet. L’égalité dans le travail et devant les loisirs se met en oeuvre progressivement dans la 2e moitié du XIXe siècle et au cours du premier XXe siècle. L’égalité devant la maladie, les accidents et la mort est une conquête du second XXe siècle. Dans certains pays, l’égalité en droits a été plus longue à s’installer. Aux Etats-Unis, une guerre est nécessaire, la guerre de Sécession, pour aboutir à l’abolition de l’esclavage. La ségrégation raciale qui existait jusque dans les années 60 dans certains états du Sud et l’apartheid en Afrique du Sud, aboli plus récemment, sont des formes d’inégalité juridique institutionnalisée. Dans de nombreux pays du monde d’aujourd’hui, l’égalité en droits reste à construire.
6.2 Histoire
La construction de l’égalité en droits a nécessité une lutte contre le racisme sous toutes ses formes. Les premières théories racistes apparaissent au Moyen Age dans l’Espagne catholique. En 1449, sous l’influence de l’Inquisition est défini à Tolède le statut de « pureté de sang », « limpieza de sangre », interdisant aux Juifs convertis, les conversos, l’accès à certaines fonctions officielles. Après la chute du royaume de Grenade en 1492, les conversos comme les descendants des musulmans sont chassés d’Espagne et du Portugal parce que leur origine n’est pas considérée comme « pure ».
L’esclavage est une forme particulièrement importante du racisme. Il existe depuis la plus haute Antiquité. Il y avait des esclaves noirs en Egypte, en Grèce, à Carthage et à Rome. A Rome, les esclaves étaient exclus de la société mais pouvaient être affranchis. La conquête musulmane joue un rôle important dans « l’invention de la traite ». On distingue 3 types de traites : la traite orientale, la traite intra-africaine et la traite occidentale. La traite occidentale prend les routes de ce qu’on appelle le commerce triangulaire : les produits européens comme les textiles, les haches, les métaux, les vins et spiritueux, les armes, les produits de luxe, sont acheminés vers l’Afrique, les captifs africains vers les colonies et les produits tropicaux vers l’Europe.
Jusqu’en 1685, aucune loi ne protégeait les esclaves des colonies françaises contre les excès de leur maître. En 1685, dans le Code noir, Colbert définit la condition juridique des esclaves et précise les devoirs de chacun. Ce texte a pour objectif d’adoucir l’esclavage mais en pratique, il n’a pas modifié les comportements des colons qui ont continué à faire comme bon leur semblait.
A partir du XVIIIe siècle, des voix s’élèvent pour dénoncer l’esclavage, notamment chez les philosophes. L’esclavage est aboli par étapes. En 1833, l’Angleterre supprime l’esclavage, suivie par la France en 1848 et par les Etats-Unis en 1865. A la fin du XIXe siècle, l’égalité juridique est la règle dans l’ensemble des pays d’Europe et d’Amérique du Nord. En France, la lutte contre l’esclavage est symbolisée par deux hommes : Toussaint Louverture, ancien esclave de l’île de Saint-Domingue et Victor Schoelcher, représentant de l’Etat français aux Antilles.
Au Moyen Age, se développe en Europe une autre forme de racisme, l’antijudaïsme. Celui-ci aboutit à isoler les Juifs dans certains quartiers des villes, les ghettos. On leur interdit de posséder de la terre car on les considère comme « le peuple déicide ». En cas de crise, les Juifs sont fréquemment victimes de massacres, les pogroms, de la part de la population ou des autorités religieuses. L’antijudaïsme devient l’antisémitisme à la fin du XIXe siècle lorsque des théories se développent à ce sujet et qu’éclate « L’Affaire Dreyfus ». L’antisémitisme s’institutionnalise dans l’Allemagne nazie à partir des lois de Nuremberg de 1935 et dans la France de Vichy qui publie en 1940 un Statut des Juifs. Les Juifs sont privés d’une partie de leurs droits et ils sont obligés de porter un signe distinctif, l’étoile jaune. Le point culminant de l’horreur de l’antisémitisme est atteint pendant la Seconde Guerre Mondiale lorsque le régime nazi entreprend « la Solution Finale » c’est à dire l’extermination de tous les Juifs d’Europe, appelée aujourd’hui la Shoah (mot hébreu qui signifie catastrophe) qui provoque la mort de 6 millions d’hommes, de femmes et d’enfants.
6.3 Les enjeux actuels
Dans la vie quotidienne, beaucoup d’inégalités subsistent. Le champ d’application de l’égalité en droits s’est élargi à la fin du XXe siècle avec le principe de discrimination positive et la mise en oeuvre d’une plus grande justice sociale. La devise de la République « Liberté, Egalité, Fraternité » accorde une place de choix à ce concept en l’associant très fortement aux valeurs de liberté et de fraternité. L’égalité en droits est garantie par l’Etat. La Constitution de 1958 affirme (article Ier) : « La France est une république indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. » . Cet article rappelle le principe de non-discrimination entre les hommes qui est un des fondements de la République française. L’égalité des droits existe dans tous les services publics, en matière de justice, grâce à l’aide juridictionnelle et devant l’impôt. Enfin, en France, le racisme est un délit et, à ce titre, puni par la loi. La législation française se base sur les textes fondateurs et sur une série de lois plus récentes. L’égalité entre tous les hommes suppose un combat de tous les instants contre le racisme sous toutes ses formes (antisémitisme, xénophobie, esclavage...) et contre les inégalités économiques.
Le racisme n’a pas disparu aujourd’hui. Il joue sur un double registre : celui du « droit à la différence » et celui de l’idée d’inégalité et de hiérarchie entre les races. Il peut prendre différentes formes : celle d’un mépris à l’égard des immigrés notamment d’origine maghrébine qui peut conduire à la violence et au crime raciste ou celle d’un racisme et d’un antisémitisme déclarés. L’esclavage existe toujours en France et dans le monde. Il s’agit d’un esclavage domestique qui concerne essentiellement les femmes dans les pays industrialisés et les enfants dans le monde entier. Faire triompher l’égalité entre les hommes et les femmes, c’est d’abord combattre le sexisme au quotidien dans les mentalités mais aussi dans le travail. Une Journée internationale des femmes a lieu chaque année le 8 mars et permet aux femmes de faire entendre leur voix au niveau international. L’égalité entre les enfants, c’est lutter contre le travail des enfants, c’est aussi lutter contre la discrimination filles/garçons qui existe encore dans de nombreux pays aujourd’hui.
Une question reste en suspens : une société peut-elle se fonder uniquement sur l’égalité ? N’est-ce pas le piège de l’égalitarisme ? En fait, le modèle démocratique européen s’appuie sur un réseau conceptuel : liberté, égalité, pluralisme, représentativité qui fonde les droits de l’homme. L’égalité seule est une valeur nécessaire mais pas suffisante. Aux XVIIIe et XIXe siècles, on prend conscience qu’il n’y a pas de hiérarchie de valeurs et d’importance entre les êtres humains. Tous ont les mêmes droits fondamentaux. Mais chacun est unique donc chacun a des attentes et des besoins différents. Se battre pour l’égalité, c’est accepter, par-delà les différences, l’identité et la dignité de chacun.
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