mardi 31 juillet 2018

Hannah Arendt (film)

Hannah Arendt est un drame biographique franco-allemand réalisé par Margarethe von Trotta, sorti en 2013.

1961. Hannah Arendt est une philosophe américaine respectée. Juive et d'origine allemande, elle a fui l'Allemagne nazie en 1933. À sa demande, elle est envoyée à Jérusalem par le New Yorker pour assister au procès d'Adolf Eichmann, criminel de guerre nazi responsable de la déportation de millions de Juifs. Sa lecture du procès, des motivations et de la personnalité d'Eichmann, sa mise en lumière de la collaboration des Judenräte avec les nazis lui attirent de vives réprobations et des manifestations d'inimitié non seulement parmi les rescapés de la Shoah, mais aussi parmi ses proches. Kurt Blumenfeld et Hans Jonas lui reprochent notamment son arrogance et une absence d'émotions. Malgré la clarté et la réaffirmation des nuances de sa réflexion — elle dit vouloir d'une part tenter de réconcilier la banalité de la personne d'Eichmann et l'ampleur de ses crimes, et d'autre part imaginer l'existence d'une troisième voie possible entre la collaboration et la résistance pour les Judenräte —, l’exigence de sa pensée se heurte à l'incompréhension de beaucoup et entraîne son isolement.

Hannah Arendt et la banalité du mal

Extrait du film "Hannah Arendt" de Margarethe von Trotta


Hannah Arendt, née Johanna Arendt à Hanovre le et morte le à New York, est une politologue, philosophe et journaliste allemande naturalisée américaine, connue pour ses travaux sur l’activité politique, le totalitarisme, la modernité et la philosophie de l'histoire.
Elle soulignait toutefois que sa vocation n'était pas la philosophie mais la théorie politique (« Mein Beruf ist politische Theorie »). C'est pourquoi elle se disait « politologue » (« political scientist ») plutôt que philosophe. Son refus de la philosophie est notamment évoqué dans Condition de l'homme moderne où elle considère que « la majeure partie de la philosophie politique depuis Platon s'interpréterait aisément comme une série d'essais en vue de découvrir les fondements théoriques et les moyens pratiques d'une évasion définitive de la politique ».

Ses ouvrages sur le phénomène totalitaire sont étudiés dans le monde entier et sa pensée politique et philosophique occupe une place importante dans la réflexion contemporaine. Ses livres les plus célèbres sont Les Origines du totalitarisme (1951), Condition de l'homme moderne (1958) et La Crise de la culture (1961). Son livre Eichmann à Jérusalem, publié en 1963 à la suite du procès d'Adolf Eichmann en 1961, a fait l'objet d'une controverse internationale.

lundi 30 juillet 2018

"L'Etat et les banques, les dessous d'un hold-up historique" (texte intégral -ou presque- de la conférence de 2011) Crise financière grecque, origine américaine, explications françaises

Pour comprendre le déclenchement de la crise financière grecque. Edifiant ! 


L'Etat et les banques, les dessous d'un hold-up historique. 

Depuis le temps qu'on vous dit que les gangters d'aujourd'hui sont en costard/tailleur et font sauter la banque depuis chez eux !

Voici des extraits (en italique) de la vidéo qui m'ont paru pertinents. 
Peut-être pas objectifs; alors je vous invite quand même à écouter la vidéo en entier.
 
Source : http://creersamonnaie.over-blog.com/article-crise-financiere-grecque-origine-americaine-explications-francaises-96733594.html
 

Myret Zaki : origine technique de la crise financière en Europe 
 


Que s'est-il vraiment passé ?

"(...) Février 2010, cinq 5 Hedge Funds [fonds spéculatifs] décidèrent d'attaquer l'Euro (...) pour s'engraisser (...) George Soros essayait de recréer le même coup que celui de la livre anglaise (...)''


Comment est-ce arrive ?


''(..) Quand vous vendez à découvert en très grande quantité la dette d'un pays, les taux d'intérêts montent et le pays fait faillite (...) la Grèce ne pouvait plus se financer sur les marchés financiers'' (0:6:00)


Qui est à l`origine ? Comment ont-ils fait ?


''(...) Goldman Sachs avait conseillé et inventé des instruments financiers très complexes pour masquer la vraie situation de la Grèce.'' (0:6:49)


''Goldman Sachs a été raconter à ses gros clients (Hedge Funds) que la Grèce était en réalité plus endettée. (délit d'initié flagrant)''  (0:7:10)

update du 26/02/2012 : voici un article de zerohedge.com qui illustre ça : http://www.zerohedge.com/news/two-year-reminder-fed-how-investigation-goldmans-greek-currency-swaps-going


"(...) Les 5 Hedge Funds se sont mis à vendre (vente à decouvert ou ''short'') en masse, (...) et puis les autres investisseurs également, ils ne comprenaient pas ce qu'il se passait et ont paniqué'' (0:8:00)


"(...) Voyant que cela avait bien marché, les Hedge Funds ont continué avec l'Irlande (...) et même la France et l'Allemagne '' (0:09:00)  

''(...) Le marché des produits dérivés n'est pas règlementé et ce sont ces instruments qui sont utilisés'' (0:10:00)


Quels sont les deux pays qui sont le plus en faillite aujourd'hui (date de la conférence : 3 décembre 2011) ? 


''Les USA et l'Angleterre (...) les USA empruntent à des taux très bas du fait de la crise en Europe'' (0:11:43)


Et George Soros dans tout ça ?


"(...) Il n'attend qu'une chose : c'est que l'euro fasse faillite pour faire son dernier grand coup (...) il a misé des millions sur l'effondrement de l'euro  (...) et des banques comme la Société Générale.'' (0:14:55)


Des spéculateurs en masse ?

"(...) En septembre dernier (date de la conférence : 3 déc..2011), j'ai vu les chiffres du marché des produits dérivés (Chicago) et j'ai vu les spéculateurs attaquer les banques européennes (...) mais ça n'a pas vraiment marché car la Chine achète toujours de la dette euro'' (0:16:41)


Ce serait donc le marché des produits dérivés, le responsable ?


''(...) C'est un marché opaque et comment peut-il gouverner la dette souveraine  ? Et pourtant c'est ce qu'il se passe. (...) 5 fonds spéculatifs (Hedge Funds) mettent en faillite les pays de la Zone euro'' (0:17:50)


Qui sont ces Hedge Funds ?


''(...) Il y a une oligarchie, une élite de la finance qui échappe à toute règlementation''' (0:20:05)


Pourquoi si peu de règlementation sur les produits dérivés et les Hedge Funds ?


''(...) Les lobbys financiers sont les lobbys les plus puissants aux USA (...) Les 10 hedge Funds [dirigeants] les plus riches gagnent 1 milliard annuel. (...) Wall Wtreet est très puissante (...) aucune loi ne passe sans eux ''(0 :21:28)


Obama dans tout ça ?


'' (...) Obama a essayé de règlementer mais les Hedge Funds avaient financé sa campagne et ils ont changé de bord; ils sont passés Républicains (...) tout est imbriqué (Fed, Wall Street, Tresor)'' (0:24:50)



''Les chefs d'Etats européens sont devenus les CEO des marches financiers; ils obéissent aux ordres des actionnaires (...) les citoyens servent à payer les crises (....)'' (0:27:15)


Le rapport entre les agences de notation et le marché des dérivés ?


''(...) Les agences de notation ne font que se calquer sur les opinions du marché des dérivés, les CDS. '' (0:27:40)

'' (...) Le marché des CDS (Credit Defaults Swaps), c'est une sorte d'assurance sous forme de produit financier qui régit toutes les décisions d'investissements des banques....''(0:28:08)


Quel est le marché des CDS, sa taille ?


''(...) C'est un marche qui est régi par une poignée de spéculateurs (...) marché minuscule et opaque, manipulé (...) qui répand de fausses rumeurs (....) , c'est un marché d'escrocs si vous voulez. '' (0:29:03)

''(...) Les Hedge Funds sont secrets, ils ne disent pas ce qu'ils font, ni même à leurs clients.'' (0:30:05)


L'évasion fiscale ?


'' Depuis les années 2000 (...) l'évasion fiscale est devenue un produit de riches : le trust fiscal discrétionnaire'' (0:33:00)


Etienne Chouard, origine politique de la perte de souveraineté de la France : (très intéressant !)

 
 

''Cette crise n'en est pas une, tout se passe comme prévu (....) La tenaille de la dette ne tombe pas du ciel (.....) Sur le plan politique (...) le mode opératoire de l'endettement (...) a été longuemet rodé dans les pays du tiers-monde avant de s'appliquer dans les pays riches. '' (0:35:00)


Droit régalien ?


''(..) Les Etats auraient besoin d'un outil dont on les a privés : la création monétaire, (...) C'est un droit régalien, c'est-à-dire normalement réservé aux Etats (...) de créer eux-mêmes la monnaie dont ils ont besoin.'' (0:36:00)


Ecoutez le mécanisme monétaire, actifs et passifs d'une banque, expliqués par Etienne Chouard (0:37:00)

''(........) La monnaie apparaît quand vous empruntez et disparait quand vous remboursez'' (0:38:49)

''(...) L'Etat pourrait emprunter auprès de la Banque Centrale (au lieu de sur les marchés) (...) l'Etat et la BC c'est NOUS normalement.....si on n'avait pas perdu le contrôle de nos acteurs politiques. '' (0:39:00)

BC : Banque Centrale.
 
A qui appartient la BC et quel est son rôle ?
 

BC = création monétaire = prête à l'Etat, sans intérêts. (ce n'est plus le cas depuis 1973)

.''(...) la BC c'est nous, c'est une autre institution qui devrait NOUS appartenir et avec laquelle on devrait pouvoir créer la monnaie dont on a besoin pour financer les investissements publics dont on a besoin (...) avant que les financiers ne nous la volent (...) L'Etat remboursait sans intérêts, puisque la BC et l'Etat c'est NOUS. (....) La clé de l'endettement c'est d'avoir abandonné le droit à la création monétaire. Loi Pompidou. '' (0:40:00)

UPDATE MARS 2013 : une autre "lecture" de cette Loi 1973 Giscard : http://h16free.com/2011/11/28/11407-pour-en-finir-avec-la-loi-de-1973


La Loi Pompidou (1973) ?


"(...) Le président de la République Pompidou et son ministre Giscard d'Estaing (...) ont decidé qu'à partir de maintenant, l'Etat ne peut plus emprunter auprès de sa BC (...) donc ça veut dire que l'Etat doit emprunter sur les marchés, avec paiement désormais d'intérêts, à la merci des spéculateurs.  '' (0:41:15)


''(...) Vous savez, ce sont toujours les mêmes : Pompidou était directeur de la banque Rothschild avant d'être président de la république, et ce n'est pas un hasard. (...) L'asservissement des Etats aux marchés financiers est le résultat d'une décision politique : c'est la première partie de la pince. '' (0:42:00)

''(...) La deuxième partie de la pince, c'est d'endetter l'Etat : lui faire dépenser plus que ses recettes (....) et ce sont les parlementaires qui ont voté les budgets en déséquilibre depuis 40 ans (....) Le premier emprunt a été l'emprunt Giscard; on a remboursé beaucoup plus que ce que l'on avait emprunté.'' (0:43:00) 

 UPDATE MARS 2013 : une autre "lecture" de cette Loi 1973 Giscard : http://h16free.com/2011/11/28/11407-pour-en-finir-avec-la-loi-de-1973


 Le remboursement de la dette publique ?
 

 ''(...) Après 1973, la dette publique s'est envolée (...) d'ailleurs on ne rembourse que les intérêts, c'est ce qui les intéresse (...). On ne pourra pas rembourser le principal (1600 milliards en -déc. 2011-) '' (0:44:20)



Regardez le graphique sur ce document page 16 : la dette a commencé à exploser à partir de 1980 (coïncidence ?) : http://www.performance-publique.budget.gouv.fr/fileadmin/medias/documents/ressources/PLF2012/rapport_depense_2012.pdf

 

Quel rôle joue le TCE dans tout ça  ?
 

''(.....) en 1992 (...) Cette pince de l'endettement a été montée au plus haut niveau du droit, au niveau constitutionnel  et au niveau international dans le traité de Maastrich, article 104 et reproduit dans le TCE (Traite Constitutionnel Europeen) (...) mais en fait les traités européens sont tous anti-constitutionnels (...)  '' (0:48:00)



''(...) C'est un viol politique (....)  en intégrant le traité de Lisbonne dans notre Constitution (...) l'article 104 (....) c'est maintenant l'article 123 de Lisbonne. '' (0:48:55)



'' (...) L'article 123 du traité de Lisbonne nous asservit aux marchés financiers, (...) Il interdit aux Etats d'emprunter auprès de leur BC donc impose aux Etats d'emprunter sur les marchés financiers. '' (0:49:40)


Qu'est-ce qu'un suffrage universel aujourd'hui ?
 

''(...) Les élus sont élus grâce à l'argent des riches. (...) Le mécanisme de l'élection n'est pas seulement aristocratique (aristos en grec signifie le meilleur), il est anti-démocratique d'ailleurs, (...) mais surtout l'élection du gouvernement représentatif, qui a été mis en place pendant la révolution francaise (1789) et américaine, (...) nous conduit à élire des gens que nous n'avons pas choisis, ils ont été choisis par des partis politiques. ''(0:51:15)



''Ceux qui sont élus sont ceux qui ont fait la meilleure campagne électorale, or la meilleure c'est celle qui coûte le plus cher. (...) Il y a des exceptions de temps en temps mais c'est rarissime'' (0:52:00)



''(...) Nous défendons comme une vache sacrée l'outil de notre oppression politique : le suffrage universel, mais c'est un faux suffrage universel ! (...) Aujourd'hui, on appelle suffrage universel la désignation de maîtres politiques qui vont tout décider à notre place pendant 5 ans.'' (0:52:35)



''(...) Qui va faire la politique, après les élections ? Vous ou les gens que vous avez nommés ?  (.....) Ce sont vos maîtres (....) et quand vous le foutez dehors à la fin des 5 ans parce que vous n'êtes pas content, qui allez-vous élire a la place ? Celui que vous aviez jeté 5 ans avant. (...) Nous désignons des gens que nous n'avons pas choisis. '' (0:52:50)



'' (...) En fait, ce qu'on appelle suffrage universel aujourd'hui, c'est désigner :

-  parmi des gens que l'on a pas choisis,

-  des maîtres politiques qui vont tout décider à notre place,

- contre lesquels nous ne pourrons rien faire pendant leur mandat (mais en Suisse vous avez le référendum d'iniative populaire).

En France, nous ne pouvons pas : abroger une loi, imposer une loi que les parlementaires ne veulent pas, revoquer quelqu'un. '' (0:53:20)


La France : Monarchie, Démocratie ou Oligarchie ?


''(...) C'est une Monarchie au service d'ultras-riches qui cumulent tous les pouvoirs, ce n'était déjà pas gai mais (...) le système oligarchique qui résulte du gouvernement représentatif en France c'est épouvantable et on n'a pas encore tout vu. '' (0:54:10)


Hiérarchie d'une Constitution
 

"Un pouvoir va jusqu'à ce qu'il y ait une limite (citation de Montesquieu) (...) donc il faut que le pouvoir arrête le pouvoir. '' (0:55:40)

'' (...) Une Constitution c'est un texte qui est au-dessus des pouvoirs. ''  (0:56:00)



''(...) Il ne faut pas que ce soit les élus qui écrivent la Constitution (sottise dans laquelle nous sommes aujourd'hui).(...) Ce texte devrait servir à tenir : les Elus, le Gouvernement, les Juges, les Policiers, l'Armée, la Banque, les Médias (Montesquieu n'avait pas pensé à la Banque et aux médias) (...), ce texte devrait leur faire peur . '' (0:56:55)


Electeurs ou  Citoyens, quelle différence ? Qui écrit la Constitution ?
 

''(...) Nous avons voté (nos parents) la Constitution de1958, la 5e République, un texte qui instituait notre impuissance définitive. '' (0:57:30)



''En France, on n'est pas citoyens, on est électeurs, ce n'est pas du tout pareil. Un citoyen vote SES lois. Je consens à obéir à des lois auxquelles je participe directement, c'est ça un citoyen. Sinon, je suis électeur.''(0:57:57)



''(...) C'est Sieyes, en France, (et ses complices), qui a écrit le mécanisme du gouvernement représentatif, c'est Madison aux USA. Ce sont des élus qui ont écrit les règles qui nous ont réduit à élire nos maîtres. Ce n'est pas ça, la Démocratie. '' (0:58:44)



'' (.....)  Apres 200 ans de cette Démocratie, qui n'en est pas une, (...) c'est Goldman Sachs qui va gouverner toute la planète. C'est progammé dans l'élection qui donne le pouvoir à celui qui a fait la plus belle campagne, celui qui arrive à mentir le mieux. '' (0:59:19)

 
Des solutions ? L'arrière de la scène du President (et des élus) :
 

''(..) Il faut sortir de ce faux suffrage universel. (...) Sarkozy fait ce que veulent ceux qui l'ont élu. Les créanciers de Sarkozy (et des élus), ceux envers qui ils doivent quelque chose, ce n'est pas du tout les électeurs. Ils s'en tapent des électeurs ! Il suffit de mettre des milliards et les électeurs viennent. '' (1:00:00)



''Ceux qui sont élus sont les plus beaux menteurs. Mais ce n'est pas une fatalité du tout. '' (1:00:55)



''(....) On est sorti d'un système féodal (...) pour ce régime [de 1789, monarchie constitutionnelle, à la 5e Repubique], il y a 200 ans.

Peut-être qu'à l'époque, ils croyaient que c'était mieux, (...) mais aujourd'hui, après 200 ans de pratique du gouvernement représentatif, on n'est pas obligé d'être idiots........ en croyant que ce qui fait notre liberté c'est le suffrage universel. NON !  '' (1:01:18)



''Le suffrage universel nous conduit à élire nos maîtres, qui obéissent aux banques. Il y a 3 ans cela ne se voyait pas, aujourd'hui ça se voit, c'est criant, on ne peut pas rater ça. Ils servent ceux qui les ont fait élire, c'est-à-dire les banques. Ce n'est pas une fatalité'' (1:01:50)


Qu'est-ce que le Keynesianisme ?


''A l'époque où les Etats ont consenti à emprunter sur les marchés, au lieu des BC (...), il y avait la montée du dogme Keynesien qui veut que l'on ait un regard très positif sur le fait qu'un Etat s'endette en vue d'une croissance future.'' (1:02:23)



''A l'époque de John Maynard Keynes déjà il y a toujours eu l'idée de guerre '' .(1:02:55)



''(...) Le keynesianisme ne s'applique qu'en période de crise  (...) Il y a un  système qui fait que nous créons de moins en moins de monnaie. ''(1:03:05)

 
Qu'est-ce que la masse monétaire ?
 

"C'est l'ensemble des crédits nouveaux (cf début) (...) La masse monétaire, c'est ce qui nous permet de faire nos échanges, de vivre. ''  ECOUTEZ l'exemple pris pour expliquer ce qu'est le signe monétaire. (1:03:35)



''(...) Nous avons un système qui régule la masse monétaire suivant l'humeur (euphorie = les banques prêtent à fond = trop de monnaie, pessimisme = les banques ne prêtent plus = chômage augmente, etc...) des acteurs (consommateurs, institutions, etc...) (...) c'est un système débile !'' (1:06:00)



''(...) En période de dépression comme maintenant, il n'y a un qu'un acteur qui soit capable d'avoir une politique contra-cyclique, c'est-à-dire de faire confiance, de dépenser beaucoup d'argent pour relancer la machine (1:06:45)


Dépenser. Une des solutions pour sortir de la crise ?
 

'' On a vu l'échec complet de cette politique pendant ces 10 dernières années.....Pourquoi ? Le keynesianisme est une bonne solution en période normale d'euphorie et de dépression. Mais aux USA ils ont fait monétarisme sur monétarisme (=keynesianisme) c'est un échec complet. Alors pourquoi ça n'a pas marché ? Car les USA étaient déjà noyés sous les crédits donc vous ne pouvez pas régler ça en créant encore plus d'endettement.''(1:07:00) .Les crédits sont donc de la monnaie.



''Quand on est surendettés, la solution c'est l'austérité. (...) Les USA sont déjà techniquement en faillite. La seule chose qui les tient c'est la manipulation de l'information. ''(1:08:00). J'ai déjà entendu parler de manipulations de cours de bourse par des courtiers, d'infos par des médias, donc ça ne m'étonnerait pas trop si c'est prouvé un jour.


Oui mais dépenser utile  


'' Il faut faire attention aux poches dans lesquelles on met l'argent, dans une politique keynesienne, (....) il est evident que si les 700 milliards dépensés par le plan Paulson vont dans les banques ou dans des compagnies d'assurances qui sont toutes fraduleuses...(...) toutes les injections faites aux USA ne sont pas allées dans l'économie réelle '' (1:08:58)



'(...) Les financiers n'influencent plus le gouvernement , ils sont le gouvernement '' (1:10:17)


Etienne Chouard : '' J'ai une solution, un vrai truc ''
 

''(...) On n'en parle nulle part (de cette solution), et vous allez comprendre pourquoi on n'en parle nulle part ...pourtant c'est un veritable antidote.''  (1:11:00)


''Il s'agit de reprendre le contrôle des politiques, de la monnaie, pour en finir avec cette histoire de l'argent-dette, il faudrait sortir de ces Constitutions qui partout dans le monde organisent notre impuissance politique. '' (1:11:30)



''(...) Comment se fait-il que l'impuissance des citoyens soit à chaque fois programmée ? Cela vient de ceux qui ont écrit les constitutions. Ils sont élus parmi un parti politique imposé, et écrivent des règles pour eux-mêmes. '' (1:12:00)



''Ils savent qu'ils seront dans les textes qu'ils écrivent (...) , donc situation de conflits d'intérêts (...) et c'est toute l'assemblée constituante qui est élue, (...) Je n'ai pas dit qu'ils sont malhonnêtes, mais conflit d'intérêts. (...) Ce n'est pas une fatalité mais c'est parce que nous, citoyens, les avons laissés écrire les règles (...) Ce n'est pas aux parlementaires d'écrire les règles.  '' (1:13:00)
 
Pourquoi nous le voyons mais n'y pouvons rien ?


''(...) Parce que nos institutions ne nous donnent aucun droit. Nous ne pouvons élire que nos maîtres, qui sont choisis par ceux qui les paient. (....) Ce qu'il faut bien comprendre , c'est que nous nous battons (écologistes, humanitaires, etc..)  contre des conséquences (....), mais la racine commune, c'est la Constitution. '' (1:15:20)


Ce qu'il faudrait changer ?
 

''(....) Je ne dis pas qu'il faut changer la Constitution, mais ceux qui l'écrivent. (....) Tant que nous laisserons écrire les règles par des parlementaires, des ministres, des juges ou des hommes de parti qui sont financés par les plus riches et qui doivent tout leur pouvoir aux plus riches, ils (les élus) sont débiteurs des plus riches (....) ''(1:16:00)



Exemple :

''Obama a l'air d'être un chic type, (....) mais la première chose qu'il a faite quand il est arrivé au pouvoir, (...) c'est d'élire Geithner (ex-président de la Fed, il est actuellement à la tête du Trésor américain !! ). (....) Tout se passe comme prévu. ''(1:17:20)


Mais alors, Qui devrait écrire la Constitution Européenne ?
 

" Ma solution est communale, nationale, continentale, mondiale, c'est la même. A mon avis une Démocratie, ça part de la base. Plus le niveau d'aggrégation est large, plus nous sommes loin des acteurs politiques, plus c'est difficile de les contrôler. Il est très important, sur le modèle de la fédération de communes de Proudhon,(comme en Suisse), que la Démocratie soit au niveau communal , cantonal, donc avec une fédération en partant du bas et pas du haut, impérial, imposée par les banques. '' (1:18:30)


Les Questions du Public (rappel : la conférence a lieu en Suisse) :


- Pourrait-on avoir la situation de la Suisse quant à la création monétaire ? (1:22:20)
 

"La BNS est dans la même situation que les autres banques nationales, la dette de la confédération Suisse est cotée sur les marchés internationaux, mais comme la Suisse est très faiblement endettée (40% de son PIB),le taux d'intérêt est très bas. Un pays faiblement endetté n'a pas tous ces problèmes. Le CHF est très fort grâce à sa tenue budgétaire et son frein à l'endettement.  "



- Quand a-t-on abandonné la creation monétaire Suisse aux marchés ? (1:24:50)

" Je ne sais pas. (...) C'est quelquechose que les citoyens suisses devraient savoir car vous comprendrez ce qu'il faut changer. Cela s'est fait quand on a découvert que le Gouvernement pouvait lever des fonds sur les marchés de capitaux.".



- Connaissez-vous les différents créanciers de la Suisse, qui tient la BIS ? (1:25:25)


"Ceux qui tiennent la dette gouvernementale Suisse, ce sont : les cantons et les communes, ce sont aussi les caisses de pension helvétiques, et les investisseurs internationaux. Beaucoup d'entre eux sont listés dans des paradis fiscaux. " 



"La BIS est régie par la fédération des banques centrales, elle siègent toutes à la BIS. (Les BC sont privées, elles n'appartiennent pas aux Etats.) La BIS est une congrégation de banquiers centraux qui décident entre eux ( des intérêts à payer, des capitaux que les banques doivent avoir, etc...), elle est extrêmement puissante."




" Aujourd'hui Banquiers centraux et Gouvernements sont extrêmements liés, ce qui ne devrait jamais être le cas, les BC devraient être indépendantes des gouvernements mis en place. " (1:27:35)



Suggestions par Etienne Chouard sur le procédé à mettre en place
 

"C'est simplement par corruption que les gens les plus riches ont réussi à prendre le contrôle de la puissance politique et économique (.....) Plutôt que de continuer à jouer avec des gens qui trichent , on ferait mieux de réfléchir aux nouvelles règles du jeu à mettre en place. (....) Il va falloir que l'on se prépare à inventer et imposer une autre monnaie. C'est pas compliqué une monnaie, ça repose sur la confiance. (....) Si nous avions envie de le faire, n'importe quelle commune pourrait le faire . Il faudrait en fait décider que du jour au lendemain la monnaie d'hier ne vaille plus rien, comme ça tous ces tas d'or qu'ils fabriquaient, ils ne valent plus rien. Et maintenant c'est une nouvelle monnaie. Et on surveille. Car il y a un effet d'accumulation qui les rend extraodinairement corrupteurs. " (1:28:25)



" Donc l'idée que je vous propose, sachant qu'en face on a des gens qui ont tout l'argent du monde, tous les pouvoirs politiques, médiatiques.......Si on établit un rapport de force, on est cuits, donc c'est d'être plus malins. Il faut sortir de l'escroquerie. (....) Il faut comprendre que la Démocratie actuelle est une escroquerie.  "  (1:30:10)



Pour comprendre : Lectures recommandées :
 


Etienne Chouard : Le livre traite de termes démocratiques oubliés, par exemple le "tirage au sort" (avant 1789), hyper-important et aujourd'hui disparu.




Etienne Chouard : Le modèle décrit n'est pas à prendre en entier mais par exemple durant cette période (200 ans), pas une seule fois les riches n'ont gouverné. Ce n'était pas le chaos. Les pauvres gouvernaient mais ils ne volaient pas les riches.

"Comment ça marchait ?  200 ans de gouvernement des pauvres, avec une société prospère, stable politiquement :  Le 'tirage au sort.' (...) Les tirés au sort n'écrivaient pas les lois. (...) Le tirage au sort protégeait les citoyens contre les voleurs de pouvoirs. (...) D'ailleurs le régime Suisse se rapproche de la Démocratie par plein de points. " (1:34:15)



- 1ere question : La BC doit recouvrer une souveraineté : fermeture des frontières, échelle de salaires, contrôle des capitaux et des personnes. Mais je doute que les citoyens veuillent revenir à cela ?

- 2e question : Votre thèse du complot des 5 Hedges Funds qui ont mis la main sur la Grèce et qui continuent ? (1:37:00)


" Il n'y a pas besoin de complot pour dire que les spéculateurs se concertent pour faire des attaques spéculatives efficaces. C'est le Wall Street Journal qui le dit. (....) A dette égale, les pays ne se financent pas au même taux sur les marchés. "

    .

''(....) Avant 1973, (les 30 glorieuses),  (..) on a eu un Etat qui ne s'endettait pas,  car il empruntait auprès de sa BC sans charge d'intérêts, et on n'avait pas de chômage. On avait un peu d'inflation, pas beaucoup, et une indexation des salaires sur les prix. (...) Ce n'est pas une recette magique, il faut simplement que ceux qui sont au pouvoir soient au service du bien public. " (1:44:20) Ecoutez la réponse.



- C'est intéressant, on va peut-être réinventer la Démocratie grâce à la Grèce (tirage au sort, Démocratie athénienne), par exemple :

- en 2008 l'Isande a refusé de renflouer les banques et un groupe de citoyens a ré-écrit la Constitution (en attente de validation) (1:48:00)


'' En Islande, ils ont élu leur assemblée consituante libre, (....) c'est-à-dire qu'il n'y a pas 100% d'hommes politiques.  (..) Mais je vous parlais de tirage au sort vraiment c'est-à-dire un citoyen lambda ( pas forcément des notables, comme en Islande).''(1:50:02)



Exemple comme quoi le tirage au sort , c'est possible :  

 ''En Colombie britanique, (...) un homme politique fait tirer au sort une assemblée constituante, faite de citoyens qui n'y connaissaient rien et qui se demandaient comment ils allaient faire, (...)mais ils se mettent à penser sérieusement, (..) progressent rapidement, (...) et comprennent : l'intérêt de la séparation des pouvoirs, les rendre révocables, respecter l'initiative citoyenne, etc.. (..) . Ecrire un texte c'est possible !   '' (1:51:40)



- Compétence des citoyens (connaissances) pour mettre en place un système similaire à celui de la Démocratie athénienne ? (1:53:55)
 

Ecoutez la reponse. ''Il faut faire un choix entre aristocratie et Démocratie''.  ''(..) ll faut surtout que la base (les citoyens) soient informés. La Suisse a une Démocratie très proche de ce que tu décris Etienne, mais elle est sujette à des blocs politiques (....) .''



- Comment les gens gagnent de l'argent en misant sur la faillite d'un pays ?(2:01:53)
 

'' La dette de cet Etat est cotée sur les marchés financiers, et il y a une technique qui permet de miser sur la baisse d'un titre, (..) c'est-à-dire parier sur un prix beaucoup + bas à l'avenir (short + CDS) ''.

Mécanisme : Vente en grande quantité (Goldman Sachs) d'actifs représentant la dette (OAT,etc..) = peur des autres investiseurs (institutionnels) et donc ils vendent eux aussi = gros volumes de vente = montée des taux d'intérêts car actifs considérés comme à risque = vendeurs reçoivent des intérêts au taux élevé (Goldman Sachs).


- Taxe sur les transactions financières, une solution ?  (2:05:55)
 

''(..) La taxe Tobin dépend entièrement à ce jour de Londres (la City) et des USA (Wall Sreet) et ils ne veulent pas. (...) Et puis la cause n'a pas changé : (...) les élus sont au service des plus riches. (...) Des traitres à l'intérêt général. ''


- Qu'est-ce que vous nous conseillez de faire, nous, petits épargnants ? Achetez de l'or et argent, achetez du terrain agricole, se mettre en réseau de gens ? (2:18:20)
 

''(...) La taxe pourrait freiner cet énorme flux qui circule. (....) Comment se réfugier ? J'ai pensé que le mouvement des indignés pouvait créer une sorte de prise de conscience, ça semble être un mouvement bien informé (...) mais comment peuvent-ils avoir du poids face (..) aux gens du pouvoir ?''



''Donc première chose à faire : s'informer, être activiste, et puis ne pas travailler dans des multi-nationales car elles vous payeront toujours en EURO et en USD (sortir du système monétaire pour créer une autre monnaie), travailler dans des entreprises locales qui utilisent une monnaie locale comme le WIR (Suisse), utilisée par des acteurs qui sont productif sdans l'économie locale. (...) Acheter des pièces d'or et d'argent, en prévision. (l'Utah aux USA a autorisé l'utilisation de pièces d'or comme monnaie ). ''  (2:12:50)


 

'' Le système doit se nettoyer (...) même dans la communauté des financiers, ils veulent que ça change car ils n'arrivent plus à gagner de l'argent dans ce système en décomposition, ils maudissent les autres financiers.

C'est une minorité en ce moment qui gagne de l'argent, (...) il n'y a que quelques spéculateurs. (...) on est en bout. '' (2:25:25)


''Il est possible de mettre son argent à la banque alternative (WIR en SUISSE, NEF en FRANCE)'' (2:27:50)


Ce qu'il faut retenir :
1 - La Constitution est le Droit du Droit et ne devrait être accessible à aucun homme de pouvoir, elle devrait contenir les règles de vie du Peuple, écrites par le Peuple, pour le Peuple Citoyen.
2 - Un Etat devrait pouvoir contrôler sa masse monétaire :  c'est-à-dire emprunter de l'argent pour les besoins des citoyens (infrastructures, social, etc..) auprès de sa BC, et rembourser sans intérêts.
3 - L'Assemblée Constituante devrait être créée par tirage au sort parmi les citoyens, et surtout pas créée par des personnes choisies ou imposées par les plus riches.
4 - D'une manière générale, un Etat devrait garder sa souveraineté, sans comptes à rendre à d'autres institutions privées ou pays. Une BC devrait être étatique et non privée, gérée par des personnes qui servent l'intérêt général.
5 - Une monnaie pourrait être locale, investie dans l'économie et favorisant cette économie locale (emplois, entrepreneurs). (convertible en or ou argent ; liberté d'echanges internationaux.)


Abréviations dans cette page :
BC : Banque Centrale.
cad : c'est-à-dire.





Source de la vidéo : http://www.jovanovic.com/blog.htm

Liens utiles :


Banques alternatives : WIR (SUISSE), NEF (France)

Liste des Banques Ethiques (FEBEA) : http://www.febea.org/

Propositions pour une vraie Democratie, et historique des impôts, taxes (hallucinant !) : http://www.le-message.org/

Le corps législatif francais n'est plus élu (en allemand) : http://www.29mai.eu/


A lire : Extraits de la Constitution de 1958 : http://www.contreculture.org/AL%20Constitution%20de%201958.html


Source : http://creersamonnaie.over-blog.com/article-crise-financiere-grecque-origine-americaine-explications-francaises-96733594.html

«L'État et les banques, 5 ans après, le hold-up continue» par Myret Zaki et Etienne Chouard

Cinq ans après leur première rencontre, Myret Zaki, rédactrice en chef du magazine économique suisse «Bilan» et Étienne Chouard, professeur, blogueur et militant politique français, se retrouvent pour faire le point sur la situation des relations entretenues entre l’état et les banques. Dérivés financiers, finance de l’ombre, crash systémique, monnaies (locale, scripturale, pleine), banques centrales, keynésianisme, démocratie, constitution, élections, tirage au sort, sont les sujets qui ont été abordés lors de cette longue discussion. La seconde partie de la conférence (questions et discussions avec le public) sera publiée prochainement. Fonderie Kugler - Genève - février 2017 Captation - icyprod Montage et son - usfprod Musique : Mountain Range - It's lonely around People, Too - Bad Panda Records



Source : https://www.youtube.com/watch?v=ckIGqArQI2E&t=3s

«L'État et les banques, 5 ans après» - Questions du public à Myret Zaki et Etienne Chouard.



Source : https://www.youtube.com/watch?v=ymHJd_m3r5o

Cinq ans après leur première rencontre, Myret Zaki, rédactrice en chef du magazine économique suisse «Bilan» et Étienne Chouard, professeur, blogueur et militant politique français, se retrouvent pour faire le point sur la situation des relations entretenues entre l’état et les banques. Après 2 heures de discussion débute une série de questions-réponses avec le public. Fonderie Kugler - Genève - février 2017

La Bajon - La plus riche héritière du monde



Source : https://www.youtube.com/watch?v=pQuoN13Kcsw

Démocratie, sort et décroissance

Seules des assemblées populaires peuvent préparer une société de décroissance

 Beaucoup de démocrates sincères, y compris parmi les objecteurs de croissance, font toujours de l’élection un horizon indépassable de l’expression démocratique ( ce qui cautionne par ailleurs les guerres extérieures pour permettre la tenue « d’élections démocratiques » ). Ils attribuent en général les manquements démocratiques du système représentatif à sa mauvaise utilisation, à la manière d’élire, aux restrictions du suffrage, au non respect des promesses électorales, au manque d’éthique des élus, etc… mais jamais à l’élection en elle-même.
Pourtant, il nous faudra admettre que l’élection, qui légitime le système représentatif, est depuis ses origines un sérieux frein à la démocratie ; qu’elle comporte des traits oligarchiques jusque dans les partis ouvriers dès le 19° S. ( voir les classiques M. Ostrogorski, 1890 et R. Michels, 1911 ) ; que ces traits s’accentuent depuis plusieurs décennies et qu’ils participent à l’oligarchisation en cours des sociétés, au point qu’aujourd’hui « nous ne sommes déjà plus en démocratie, mais en oligarchie » ( H. Kempf, « l’oligarchie ça suffit.. », 2009 ).
Nous montrerons donc que l’élection possède intrinsèquement de solides propriétés aristocratiques incompressibles, qui font obstacle à une démocratisation politique ; et que les élites représentatives ont des difficultés structurelles à agir dans l’intérêt des petites gens. ( 1° partie )
Cependant, nous ne sombrerons pas – comme E. Chouard par exemple –  dans la vision « moniste » du tout ou rien ; nous renouerons avec la sagesse antique pour montrer que l’élection peut coexister avec d’autres modes de désignation, en particulier avec le tirage au sort, qui est intrinsèquement plus démocratique. Il nous faudra donc réfléchir aux conditions d’une complémentarité de ces deux modes de désignation. ( 2° partie )
Enfin, nous essayerons de démontrer que le tirage au sort d’une partie au moins du personnel politique est une condition politique indispensable à une décroissance effective des inégalités, à une appropriation populaire de la contrainte écologique, et à la possibilité de construction d’une société de décroissance sereine. ( 3° partie )


Le procès de l’élection

Il est assez bien établi depuis deux décennies.
1 : l’élection est de la nature de l’oligarchie : pour toute la philosophie politique jusqu’à Rousseau, la démocratie est directe ou n’est pas :« Le suffrage par le sort est de la nature de la démocratie ; le suffrage par le choix est de celle de l’oligarchie » écrivait Montesquieu ( « De l’esprit des  lois », livre 2, chapitre 2 ), en complète adéquation avec Aristote : « Il est démocratique, par exemple, de tirer au sort les magistrats ; oligarchique, de les élire » ( « Les politiques », livre 3, chapitre 9 ) ; mais il s’agit pour tous les auteurs d’une évidence qui n’a pas à être expliquée.
2 : écarter le peuple en corps : lorsque les révolutionnaires des 17° et 18° siècles en Angleterre, aux Etats-unis et en France ont mis en place le régime d’élections que nous connaissons encore aujourd’hui, ils ne voulaient pas instaurer une démocratie, et l’expliquaient : « il faut écarter le peuple en corps du gouvernement » pour créer un « corps choisi de citoyens » appelés à devenir « une classe de professionnels de la politique » écrivait ainsi l’abbé Sièyès, qui a inspiré toutes les constitutions de la période révolutionnaire (« dires de l’abbé Sièyès sur la question du veto royal »,1789 ).
3 : la distinction élective : la science politique a confirmé, certes tardivement, les intuitions des anciens concernant la nature aristocratique ou oligarchique de l’élection ( voir Bernard Manin, « principes du gouvernement représentatif », 1995 ). Au delà des analyses sujettes à controverses, quatre facteurs, qu’on ne peut pas supprimer complètement, contribuent indiscutablement à donner des résultats inégalitaires et expliquent que les élus ne peuvent pas ressembler à leurs électeurs.
L’élection sélectionne préférentiellement les plus connus ( contrainte cognitive ), ceux qui paraissent les meilleurs ( contrainte de choix ), ceux qui disposent de temps, d’argent ou de relations ( contrainte de temps ) et enfin ceux qui disposent de traits psychologiques particuliers susceptibles de plaire à leurs concitoyens, comme paraître sympathique, car l’élection est irréductiblement un choix de personnes ( contrainte de personnes ).
Lorsqu’il y a plusieurs degrés d’élections, le principe distinctif constitutif de l’élection est démultiplié ; ainsi, les élus de deuxième niveau comme ceux des exécutifs ressemblent encore moins à leurs concitoyens que ceux élus directement. Le principe de distinction constitutif de l’élection l’emporte alors nettement sur le principe de ressemblance qui caractérise une
démocratie.
4 : des traits oligarchiques cachés mais renforcés : si l’élection possède en elle même des propriétés aristocratiques, elle a aussi des traits indiscutablement démocratiques comme l’égalité des suffrages. Or, on n’est pas habitué à voir dans un acte unique et simple comme le vote deux propriétés opposées ; de plus, l’avènement du suffrage universel au 19°siècle puis des partis politiques au tournant du 20°siècle ont incontestablement démocratisé les systèmes représentatifs, mais du même coup, ont contribué à obscurcir notre perception de l’élection ; c’est pourquoi la réflexion philosophique contemporaine a été comme « frappée de cécité » ( B. Manin, ibid. ) sur les propriétés aristocratiques de l’élection, même lorsque celles-ci l’ont emporté à nouveau ; la double face – aristocratique et démocratique – de l’élection entretient aussi l’ambiguïté et permet d’y voir ce que l’on préfère. Comme le dit joliment P. d’Iribarne, « Compte tenu du caractère sacré du secret de l’isoloir, la pureté de la procédure fournit un voile pudique à l’impureté du résultat. » (« Vous serez tous des maîtres, la grande illusion…. »,1996, p.126 )
A partir des années 1960, l’avènement de la télévision a inversé le rapport de force entre les grands élus et leur parti ; la notoriété médiatique, principalement télévisuelle, a dans une large mesure affranchi les élus du contrôle de leurs partis ; significativement, ils reversent aujourd’hui à leur parti une part de leurs indemnité nettement inférieure à celles qu’ils reversaient dans les années 1950 ; paradoxalement, la proximité subjective induite par la télévision a accru la distance objective entre élus et électeurs, comme le montrent toutes les études sociologiques : les grands élus d’origine populaire sont beaucoup moins nombreux qu’il y a seulement 40 ans.
5 : une promesse d’obéissance : l’élection moderne est issue du moyen âge et était d’abord comprise comme une promesse d’obéissance, fiscale à l’origine ( et plus tard seulement comme un acte de consentement source de légitimité politique ). En effet, la notion de représentant n’existait pas sous l’antiquité, elle fut inventée empiriquement par les monarchies anglaises puis françaises aux 12°-13° siècle : en faisant élire dans les corporations des représentants chargés de négocier avec l’administration royale le montant des impôts, les monarchies ont pu constater que les impôts rentraient mieux. « Ce beau système a été inventé dans les bois », notait Montesquieu. ( « Esprit des lois », livre 11, chapitre 6 ). On retrouve avec la modernité un écho de cette promesse d’obéissance médiévale les soirs d’élections : la faiblesse de la participation est déplorée, pourtant les résultats ont été annoncés avec certitude avant la fin du dépouillement, ce qui devrait suffire à prouver l’inutilité de la participation quant au résultat. Dès lors, pourquoi déranger tout le corps électoral si le même résultat peut être obtenu à partir d’un échantillon ? Quel est non dit suffisamment puissant, dans une société qui se targue d’être rationnelle, qui permet de déranger inutilement et sans problème des dizaines de millions de citoyens ? Et si ce n’est le résultat, que peut-il y avoir d’important sinon la participation en elle même ?
En votant, l’électeur délègue une part de sa souveraineté théorique et a le sentiment de «participer», même indirectement, ce qui lui crée en retour un sentiment d’obligation quant à l’acceptation du résultat, et c’est ce qui importe réellement.Dès lors, il n’est pas exagéré d’affirmer que la fonction principale de l’élection est de mieux garantir l’obéissance populaire à des décisions souveraines prises par une aristocratie élective se partageant les postes dans un jeu de chaises musicales.
6 : capitalisme et représentation font système : la proximité chronologique entre l’avènement du capitalisme et le triomphe du système représentatif aux 17°-18° siècles devrait être le signe décisif d’une complémentarité des deux ; la représentation professionnelle est elle même un produit de la division du travail ; pour la bourgeoisie, la politique exercée directement est une perte de temps, alors qu’il lui faut travailler et accumuler ; mais il lui faut aussi contrôler les décisions politiques pour contrôler les impôts et continuer à faire des affaires ; l’élection permet cela car elle est essentiellement une procédure de jugement, à intervalles réguliers, sur le pouvoir en place ; d’où la préférence de la bourgeoisie pour l’élection et sa tendance à vouloir en faire l’unique source de légitimité. On est donc fondé a considérer avec T. Fotopoulos ( « Vers une démocratie générale », 2002, assez peu repris malgré S. Latouche, 2006 et 2010 ) que capitalisme et représentation font système. il paraît donc illusoire de vouloir combattre l’un en se servant de l’autre.
Malgré quelques aménagements démocratiques, le système représentatif est toujours perçu comme une « déception permanente » ( B. Manin ). C’est que les directions habituellement évoquées pour le démocratiser paraissent presque toutes contre productives, illusoires ou insuffisantes, principalement parce qu’elles n’intègrent pas cette dimension oligarchique du principe électif ; les propositions de réformes nous paraissent même souvent naviguer aux confins de la naïveté et de l’hypocrisie, mais nous devons être brefs ; par exemple, l’ouverture à la société civile : la cooptation d’élites de la société civile par les partis renforce logiquement les propriétés aristocratiques de l’élection, car il s’agit justement d’élites qui prennent la place de militants moins distingués ; l’interdiction du cumul dans le temps aboutirait certes à une dé professionnalisation politique relative, mais les élites électives deviendraient alors irresponsables sans échéances électorales, ce qui renforcerait les traits aristocratiques de l’élection ; le mandat impératif est depuis les origines un mythe complémentaire du mythe de la représentation, tous les mandats étaient même réputés impératifs jusqu’à l’époque moderne, mais il n’a jamais pu avoir de réalité juridique ; la révocabilité des élus peut être effective mais est toujours restée rare, car il s’agit en fait d’élections bis, etc…
Le référendum est effectivement un outil de démocratie directe à forte légitimité, mais sa répétition pose problème car les citoyens n’auraient tout simplement pas le temps de s’informer ; le référendum permanent ressemblerait alors à de gros sondages coûteux qui rendraient des décisions irréfléchies. Il est la preuve par l’absurde que la gestion du temps est décisive dans tout projet de démocratie directe.

Revenir sur le monopole de l’élection

Quelque soit la manière d’élire, le principe électif crée donc naturellement une aristocratie élective qui est une des composantes de l’oligarchie ; la fonction de cette aristocratie élective est de faire accepter – avec l’aide d’autres pouvoirs, comme le pouvoir médiatique actuellement, des décisions favorables à l’oligarchie, par exemple les privatisations ou les baisses d’impôts, tout en tenant compte d’une possible sanction électorale populaire.
C’est justement cette insécurité qui vassalise le personnel politique à ses intérêts de carrière et aux autres composantes de l’oligarchie. La collusion des élites électives, économiques et médiatiques, régulièrement évoquée, ne nous apparaît donc plus comme un dysfonctionnement à dénoncer, pour y remédier par d’illusoires amendements à la représentation. Mais plutôt une norme à prendre en compte : il faut alors sortir de la représentation pour pouvoir démocratiser le champ politique.
Pour autant, il n’est ni possible ni souhaitable de supprimer l’élection, principalement parce qu’elle crée un sentiment d’obligation facteur de cohésion et d’obéissance sociale, comme on l’a vu, contrairement aux autres modes de désignation. Mais aussi parce que l’élection, bien qu’elle soit irréductiblement un choix de personnes, est aussi le plus souvent un choix de projet politique exprimant pacifiquement les oppositions au sein d’une société ; en bref, l’élection, bien qu’elle soit aussi source de blocages. de par la concurrence qu’elle génère automatiquement, comme par exemple le clivage mécanique gauche – droite, divise et crée du dissensus qui politise et dynamise une société.
Ce qui devrait plutôt importer pour les démocrates sincères, c’est de revenir sur le monopole de l’élection comme source exclusive de légitimité politique. Pour cela, nous devons nous inspirer des fondamentaux de la philosophie politique ancienne. Nous verrons donc que le tirage au sort est le seul mode de désignation intrinsèquement démocratique, mais qu’il possède des propriétés qu’il faut connaître pour pouvoir l’utiliser efficacement.
Le sort comme mode de désignation politique nous paraît déficient par définition, n’appelant pas à des commentaires particuliers. Cependant, pour arriver à une telle perception du sort, il nous aura fallu expliquer pourquoi les anciens athéniens, qui étaient loin d’être politiquement naïfs, ont pu généraliser l’usage du sort pour la majorité des fonctions politiques pendant près de deux siècles sans soucis majeurs ; pour expliquer ce paradoxe, nous avons réinterprété l’histoire : alors que les anciens associaient le sort à la démocratie, les modernes ont associés le sort au divin ; si les athéniens utilisaient le sort, c’était pour des raisons religieuses ; inutile donc d’y réfléchir pour nos sociétés sécularisées.
Cette Interprétation commode, qui permet de justifier le monopole de l’élection, reste dominante depuis deux siècles, mais résiste mal à l’analyse, c’est pourquoi d’autres interprétations, moins limpides, ont été plus récemment ajoutées : société de face à face, étroitesse géographique de la cité – état, existence de l’esclavage, primauté des postes électifs, etc..Ces interprétations ne tiennent pas principalement parce qu’elles oublient que les anciens athéniens avaient généralisé le tirage au sort en politique bien après avoir inventé l’élection, qu’ils utilisaient toujours régulièrement aussi : auraient-ils constaté que les aristoï ( qui signifie les « bons, beaux, riches, honnêtes, qui ne travaillent pas » ) occupaient tous les postes électifs ? Dans une société élitiste mais sourcilleuse sur l’égalité politique, ils semblent que les athéniens admiraient leurs aristoï, mais pas au point de leur laisser tous les postes de décisions politiques ; d’où le recours de plus en plus fréquent au tirage au sort tout au long des deux siècles de démocratie ; à partir du IV° siècle avant JC, seuls des tribunaux tirés au sort et présidés par dix Nomothètes, eux même tirés au sort parmi des volontaires, avaient le pouvoir de modifier les lois ( voir la magistrale démonstration de M. H. Hansen, « la démocratie athénienne à l’époque de Démosthènes », 1992 ).
C’est que le sort présente certaines qualités.

« Le sort est de la nature de la démocratie » ( Montesquieu )

1 : le sort seul est automatiquement représentatif : un échantillon sélectionné au hasard ressemble à l’ensemble, contrairement à un échantillon sélectionné par tous autres moyens comme le concours, la cooptation, ou l’élection comme on l’a vu. Cette benoîte évidence, qui explique l’absence d’explications des anciens, a dû être disséquée, face à l’incrédulité, par l’allemand Peter Dienel, père de la théorisation des conférences du consensus dans les années 1970, à l’aide de la métaphore du pot de confiture, expliquée en ces termes : « si vous touillez bien dans le pot avec la cuillère, le contenu prélevé avec la cuillère a exactement la même composition que le contenu du pot. » Si l’on souhaite connaître ce que pense ou veut le peuple, la première démarche est donc de convoquer un peuple en miniature, de la même manière qu’avec une cuillère dans un pot. On reste stupéfait des sommes d’éruditions déployées pour tourner autour de cette évidence sans jamais l’évoquer ( voir par exemple P. Rosanvallon, « Le peuple introuvable », 2001 )
Insistons : le sort incarne divinement la démocratie, pourrait-on dire; l’individu tiré au sort ne doit son poste qu’au hasard et à rien d’autre, ce qui semble déficient à priori ; pourtant, l’ensemble des individus tirés au sort ressemble logiquement à l’ensemble de la population et un tel résultat est impossible avec tout autre mode de désignation ; comme il est vraisemblable que la composition d’une instance de décision influe sur la décision, le sort devient une condition nécessaire, bien que non suffisante, pour garantir que les décisions seront prises dans l’intérêt du plus grand nombre. On reste étonné que le sort ait pu être le grand oublié de la philosophie politique contemporaine ; l’oubli du sort pourrait même être considéré comme une preuve récurrente de la « trahison des clercs » chère à Julien Benda ( 1926 )
2 : le sort garantit mieux l’impartialité des décisions et limite la corruption ; on peut supposer qu’un échantillon sélectionné correctement par le hasard sera plus apte à résister à des considérations extérieures à l’intérêt général, tandis que les soucis de carrières sont constitutifs d’une professionnalisation induite quasi mécaniquement par la procédure du concours ou par la procédure élective. De même, le sort rend plus difficile la corruption pour le corrupteur, en raison de la rotation excessive des potentiels corrompus ; la corruption s’ancre naturellement dans les positions établies ou les carrières en élaboration ; il est plus compliqué de corrompre quelqu’un qu’on ne connaît pas, qui n’est que temporairement en poste, et qui de surcroît n’est jamais en position de prendre seul des décisions ; la corruption devait être un aspect important dans l’Athènes classique, au vu du luxe de précautions entourant les tirages au sort pour l’empêcher….
3 : le sort organise le partage du pouvoir, par une rotation généralement courte des postes ( le maximum était un an ) : le cumul est peu probable, les incompatibilités sont faciles à faire accepter, tandis que pour l’élection, la liberté du choix de l’électeur et donc les droits du citoyen peuvent être invoqués pour refuser toute limitation. Significativement, les anciens athéniens avaient d’abord tenté de corseter l’élection ; Périclès fut le seul magistrat connu du 5° siècle avant J.C. à enchaîner les mandats malgré l’interdiction de la loi ; au 4° siècle avant J.C. plus aucune interdiction n’entravait la liberté de choix lors des élections ; les magistrats en place étaient le plus souvent réélus, et parfois pendant fort longtemps. Les athéniens avaient-ils constaté que les limitations et interdictions étaient peu efficaces ? Auraient-ils sentis qu’elles contrariaient la nature profonde de l’élection ? toujours est-il qu’ils avaient préféré étendre le tirage au sort ( voir Mogens Hansen, ibid. ). Le sort est donc l’antidote naturelle à la professionnalisation politique.
4 : le sort est plus égalitaire du point de vue du citoyen espérant obtenir une fonction politique. Le citoyen est habituellement vu comme sujet du choix ( son choix de vote ) et pas comme objet du choix ( sa chance d’obtenir un poste), alors que cette dimension existe mais doit passer par le filtre de la politique organisée et de l’élection ; les citoyens qui s’intéressent à la chose politique mais qui ne peuvent ou ne veulent pas passer par ces filtres sont nombreux. Contrairement à l’élection, le sort garantit un « égal accès » aux postes politiques pour tous les citoyens volontaires ; il garantit aussi une forme « d’égalité des chances » dans l’accès à un bien public.
5 : le sort est intrinsèquement participatif. Il n’était d’ailleurs que la conséquence pratique de la conception de la citoyenneté classique, condensée par la formule d’Aristote : « Le citoyen est celui qui est capable de gouverner et d’être gouverné » ; l’égale probabilité d’obtenir un poste incite à participer et stimule les vertus civiques, tandis que l’élection délègue, déresponsabilise et « dissuade de participer » ( C. Castoriadis, « La montée de l’insignifiance »,1998 ).
L’usage du sort rejoint la notion aristotélicienne d’institutions publiques façonnant de nombreux citoyens actifs, citoyens qui en retour renforcent individuellement et collectivement leurs institutions. L’impact du tirage au sort sur le civisme pourrait aussi ressembler à certains passages de Tocqueville décrivant les effets positifs des assemblées populaires sur les mentalités ( par exemple « combattre l’égoïsme individuel, qui est comme la rouille des sociétés », in « De la démocratie en Amérique », 1835-1840 )
6 : le tirage au sort responsabilise tandis que l’élection infantilise. En déléguant sa part de souveraineté par le vote, l’électeur donne un « chèque en blanc » à l’élu et abandonne de fait toute responsabilité sur la conduite des affaires publiques ; la délégation dissuade logiquement d’une participation active ; « il y a des millions de citoyens en France. Pourquoi ne seraient-ils pas capables de gouverner ? Parce que la vie politique vise précisément à le leur désapprendre, à les convaincre qu’il y a des experts à qui il faut confier les affaires. Il y a une contre éducation politique […] C’est un cercle vicieux. Plus les gens se retirent, plus quelques bureaucrates, politiciens, soit disant responsables, prennent le pas. Ils ont une bonne justification : je prends l’initiative parce que les gens ne font rien. Et plus ils dominent, plus les gens se disent : « ce n’est pas la peine de s’en mêler, il y en a qui s’en occupent, et puis, de toute façon, on n’y peut rien » ( Castoriadis, ibid.)
Le citoyen est alors infantilisé : il exige beaucoup, connaît peu les contraintes, se comporte en consommateur de prestations politiques et attend qu’on lui apporte des solutions ; l’électeur est comme un enfant capricieux, souverain dans l’isoloir, devant lequel l’élu tremble, et dont les désirs deviennent des promesses électorales. Les hommes politiques promettent « des lendemains qui chantent » et doivent oublier les problèmes qui n’ont pas de solutions évidentes. Ils ignorent donc ce qui pourrait inquiéter ou fâcher tout le monde, par exemple les effets des pics pétroliers et énergétiques ; mais même s’ils étaient informés, ils devraient tout oublier pour ne pas compromettre leur carrière, tant ils sentiraient bien qu’il est électoralement suicidaire d’évoquer le problème, sans propositions qui satisfassent leurs concitoyens ; par exemple, lors des dernières élections de 2011, le mot « pic » n’apparaît pas dans les documents de campagne, y compris dans les partis de la gauche anti-productiviste, malgré les déclarations du commissaire européen à l’énergie de novembre 2010. Les prises de positions des politiques sur l’énergie sont en général optimistes ( malgré Y. Cochet ) jusqu’à en devenir pathétiques et inquiétantes. C’est peu dire que le principe électif est aujourd’hui source de blocages dans la résolution des problèmes collectifs.
Au contraire, le tirage au sort permet aux citoyens de participer directement aux affaires publiques, de prendre conscience des enjeux, d’aborder les problèmes sans chercher à les évacuer, de se construire une opinion plus ancrée dans la réalité et de tenter d’apporter des réponses collectives, ce qui les responsabilise et les grandit ; cette élévation de la citoyenneté élève en retour le niveau de conscience global de la société et la rend plus forte. Il y a une importante dimension pédagogique dans la participation directe ; « le jury, qui est le moyen le plus énergique de faire régner le peuple, est aussi le moyen le plus efficace de lui apprendre à régner » ( Tocqueville, ibid. ). Pour reprendre l’exemple du pic pétrolier, des citoyens tirés au sort seraient d’abord certainement surpris de la situation, mais ils aborderaient ensuite le problème de front, car ils n’auraient aucun intérêt à l’évacuer, contrairement aux élus.
7 : le sort apaise les tensions. « Nul n’est affligé par le choix du sort », notait Montesquieu ; le sort était souvent employé dans les villes marchandes italiennes du moyen âge, le plus souvent dans une optique aristocratique : on craignait une alliance d’une faction de l’aristocratie avec le peuple, comme ce fut le cas à Athènes en 507-6 avant J.C. Plus rarement, le sort était aussi utilisé pour permettre l’expression du petit peuple, comme dans la Florence de Machiavel.
Dans l’Athènes antique, le sort prévenait les tensions et renforçait la cohésion sociale, même les opposants à la démocratie le reconnaissaient ; ainsi ce superbe passage chez Platon : « N’oublions pas que l’équité et l’indulgence sont toujours des entorses à la parfaite exactitude aux dépends de la stricte justice ; aussi doit-on recourir à l’égalité du sort pour éviter le mécontentement populaire » ( « Les lois », 6, 757 )

Sort et décroissance

Dans une perspective décroissante, ces avantages prennent un relief plus marqué :
Simplicité et sobriété : les élus par le sort auraient tendance à préférer les solutions simples, sobres, favorables au plus grand nombre, tandis que les élus par l’élection ont tendance à trouver des solutions complexes, car ils sont eux même un produit de la complexification sociale et tendent à la renforcer en préférant l’hétéronomie à l’autonomie ; leurs décisions sont aussi plus favorables à l’oligarchie dont ils sont une composante. Il y a d’ailleurs quelque paradoxe à affirmer que nos sociétés vont dans le mur, mais que nous pourrions nous en tirer grâce à la compétence des élites, alors que leur responsabilité est grande dans la situation actuelle ; « les élites n’ont pas de solution au problème car ils font partie du problème », pourrait-on dire ( sur les sociétés qui s’effondrent à cause des valeurs dont profitent leurs élites, voir par exemple Jared Diamond,  » effondrement « , 2005 )
Ralentissement : l’usage du sort implique un ralentissement de la vie politique qui ralentirait aussi sérieusement les projets productivistes, voire les bloquerait ; pour ne prendre qu’un exemple, l’aéroport Notre de Dame des Landes à été programmé par des élus qui prennent majoritairement l’avion ; croit-on sérieusement que cet aspect des choses n’a aucune influence sur la décision ? Des élus par le sort ressembleraient davantage à la majorité des gens, qui ne prennent majoritairement pas l’avion, en tout cas pas régulièrement ; Il faudrait alors beaucoup de propagande et de manipulation pour les convaincre ( par exemple en leur faisant croire que leurs enfants en profiteront davantage qu’eux ) et parvenir à leur faire voter des dépenses importantes, alors qu’ils savent qu’ils n’en profiteront pas ou peu ; on pourrait multiplier à l’infini les exemples de projets pharaoniques du productivisme, avalisés sans sourciller par les élus, mais que des élus tirés au sort auraient eu plus de difficultés à approuver ( TGV entre autres ) Les résistances au productivisme sont d’abord des résistances populaires ( F. Jarrige, P. Ariès,..) auxquelles il faudrait donner une expression politique au travers d’assemblées tirées au sort.
Décroissance des inégalités : élection signifie étymologiquement « choix des meilleurs » ; il n’y a pas lieu de s’étonner que les « meilleurs » aient tant de mal à limiter les inégalités ; une chambre populaire tiré au sort aurait moins de réticences à instaurer, par exemple, un revenu maximal autorisé, etc…
Rationnement, gratuité, mesure : une assemblée élue tend à perpétuer le rationnement par les prix car c’est dans l’intérêt de l’oligarchie, tandis qu’une assemblée tirée au sort serait plus favorable à un rationnement des quantités par individu ; de même, l’élite élective souffre peu de la marchandisation de tous les aspects de l’existence, tandis que la gratuité des services de base profite davantage aux petites gens ; enfin, une assemblée élue hésite à taxer le mésusage au nom de la liberté, tandis qu’un échantillon représentatif aurait moins de scrupules, parce qu’il en souffrirait moins, etc…
L’usage du sort en politique contrebalancerait donc la dérive oligarchique du système représentatif, pour se rapprocher du régime mixte d’Aristote ; il ralentirait aussi sérieusement les logiques productivistes du capitalisme. Cependant le sort présente des inconvénients qu’il faut connaître pour pouvoir l’utiliser efficacement.

Tenir compte des inconvénients du sort

1 : l’incompétence : c’est le problème a priori le plus évident ; mais on est surpris de constater que les nombreux aristocrates athéniens détracteurs de la démocratie comme Platon ou Isocrate ne centraient pas leurs critiques sur les mauvaises décisions dues à l’incompétence du peuple, mais plutôt sur l’injustice d’une « égalité numérique » inférieure à une égalité supérieure,« l’égalité géométrique », proportionnelle au mérite ; c’est que la démocratie athénienne a pratiqué le sort pendant près de deux siècles sans soucis majeurs. Aristote en donne une explication : « Comment se fait-il que les assemblées d’hommes de peu rendent des décisions aussi bonnes, voire meilleures, que les assemblées d’hommes de bien ? C’est que le bon sens et le discernement, présents chez chacun en proportion infime, s’additionnent au cours de la discussion, pour rendre une décision satisfaisante ; tandis que les assemblées d’hommes de bien font souvent preuve d’égoïsme. » ( « Les politiques » ).
Pour les anciens athéniens, toutes les opinions politiques se valent ( c’est encore la justification ultime du suffrage universel de nos jours ), la prise de décision est affaire de bon sens politique – que Zeus à donné à tous – et la compétence se résume à du temps passé à réfléchir et à discuter ; c’est pourquoi toutes les magistratures tirées au sort ( Conseil des 500, tribunaux politiques, magistrats ) étaient rémunérées la valeur d’une demi-journée de travail, pour inciter ceux qui travaillent à participer , tandis que, surprenant pragmatisme, les magistratures élues n’étaient pas rémunérées, car elles étaient de fait occupées par des aristoï qui ne travaillaient pas. Les athéniens avaient donc trouvés des mécanismes limitant le problème de l’incompétence :
– le volontariat : seuls les volontaires se présentaient aux tirages au sort : on évalue aujourd’hui entre un tiers et la moitié « les citoyens qui avaient bien de la répugnance à se présenter aux tirages au sort » ( Montesquieu, ibid. )
– le contrôle : les magistrats tirés au sort étaient systématiquement contrôlés en début et en sortie de charge, et ils pouvaient aussi être révoqués en cours de charge, ce qui arrivait rarement bien qu’il suffise de trois citoyens pour les traîner devant un tribunal
– des magistratures systématiquement collectives pour réduire l’influence des incompétents volontaires et honnêtes : trois citoyens minimum pour les petites fonctions exécutives, dix pour d’autres, plusieurs centaines pour le conseil des 500 ( une sorte de Sénat ) et la majorité des tribunaux, plusieurs milliers pour modifier les lois.
2 : une faible légitimité individuelle : c’est l’inconvénient principal du sort ; la procédure du hasard ne crée pas de légitimité individuelle forte comme le fait l’élection ; les élus par le sort ne doivent leurs postes qu’à la chance – et à leur volonté – ce qui ne crée aucun sentiment d’obligation ou aucune promesse d’obéissance chez leurs concitoyens ; contrairement à l’élection, les heureux élus ne peuvent invoquer la légitimité du vote en leur faveur pour justifier leurs décisions ; ils ne suscitent pas de respect particulier, encore moins de passions ou d’élans ; ils ne sont porteurs d’aucun projet collectif et ne créent aucune synthèse politique autour de leur personne ; envisagés individuellement, ils créent donc peu de cohésion sociale.
Ce déficit de légitimité est en partie compensé par la représentativité : les élus du sort ne représentent qu’eux mêmes, mais ils ressemblent à tout le monde, pourrait-on dire, contrairement aux gagnants des élections ; ce déficit incite aussi à la participation, car les citoyens demandent plus facilement des explications à un élu par le sort qu’à un élu auréolé par le suffrage universel.
Cependant, il est préférable de tenir compte de cette faiblesse en ne tirant au sort que pour des postes collectifs dans des assemblées, pour ainsi minimiser la faible légitimité individuelle des élus du sort.
3 : le consensus mou : c’est le pendant négatif de l’apaisement des tensions ; les individus en groupe ont naturellement tendance à gommer leurs divergences pour parvenir à un accord, sauf si une procédure les incite à exprimer leurs oppositions, comme c’est le cas avec l’élection ; mais l’expérience des jurys citoyens ( à Berlin par exemple ), des sondages délibératifs ( Australie ) et autres assemblées citoyennes ( Canada ) a permis de formaliser des procédures de discussion permettant l’expression du dissensus dans des échantillons tirés au sort.
Il est enfin délicat de mélanger le sort avec l’élection car « on ne voit que les défauts des deux », d’après Aristote ( « les politiques », qui rappelons le, analysait ce qu’il voyait concernant le sort en politique, contrairement à nous ) Il en va ainsi du sort utilisé avant ou après une sélection par élection ( voir aussi les modes de désignation politique des villes italiennes du Moyen Age )

Du bon usage du sort

C’est pourquoi, dans une perspective démocratique, le sort a été utilisé principalement pour des postes collectifs, où ses qualités, comme la représentativité, la participation ou la tempérance s’expriment le mieux, tandis que ses défauts, comme la faible compétence individuelle ou la faible légitimité individuelle des heureux élus, peuvent être réduits.
Lorsque le sort à été redécouvert dans les années 1980 et pratiqué la décennie suivante dans les pays scandinaves et anglo-saxons lors de « conférences du consensus » ou de « jurys citoyens », c’est toujours avec un nombre allant de plusieurs dizaines à plusieurs centaines de participants ; les méthodes de sélections par le sort sont au point ( tirage large, deuxième tirage pour départager les volontaires en tenant compte de la représentativité, rémunération des participants…) et suscitent des débats mineurs ; les méthodes de discussions sont elles aussi éprouvées et les résultats – c’est à dire les recommandations écrites de l’échantillon – de bon niveau.
De même, le bilan de deux siècles de jurys d’assises est loin d’être aussi négatif que le suggère la vision élitiste dominante, dérivée de la critique libérale du 19° siècle, qui avait réussi à limiter le champ d’action des jurys et à les vider de leur potentiel politique, comme la jurisprudence ( sur tous ces points, voir la remarquable synthèse en français d’Yves Sintomer, « Le pouvoir au peuple », 2007 )
Par contre, le tirage au sort pour un poste unique était en général utilisé dans une perspective aristocratique, pour empêcher les querelles de factions, qui avec l’élection, pouvaient être tentées d’en appeler à la populace pour l’emporter.
C’est aussi pourquoi il nous parait peu efficace, y compris d’un point de vue démocratique, d’utiliser le sort pour une élection à poste unique requérant une forte légitimité individuelle comme par exemple l’élection présidentielle ; on pourrait même estimer qu’une telle option discréditerait et le tirage au sort et la décroissance.
Pour aller plus loin, la dissociation exécutif / législatif est aujourd’hui peu pertinente, car c’est le gouvernement, dans toutes les « démocraties représentatives », qui propose la très grande majorité des lois ; les députés ne peuvent qu’approuver ou non les lois, car le droit d’amendement est de fait inexistant sans l’accord du gouvernement. La distinction proposition de la loi / jugement sur la loi proposée paraît plus réaliste pour décrire la réalité de la formation de la loi.
Il nous semble alors que le sort peut parfaitement remplir la fonction de jugement sur la loi, un peu pour les mêmes raisons qu’un jury d’assise peut juger après audition de la défense et de l’accusation, qu’un jury citoyen peut se faire une opinion après avoir entendu les experts…ou qu’un électeur peut juger du bilan d’un élu.
Par contre, la fonction de proposition peut plus difficilement être pourvue par le sort : on ne peut pas demander à un individu tiré au sort de fournir l’argumentation de la défense ou de l’accusation, de posséder la compétence d’experts… Plus trivialement encore, on ne peut pas demander au citoyen lambda « d’inventer l’eau chaude », c’est à dire d’échafauder des projets collectifs en tenant compte de multiples paramètres. Mais on peut lui demander, en lui donnant du temps rémunéré, de se forger une opinion réfléchie et de rendre un jugement raisonnable sur la loi ou la décision proposée.
Dans le processus de décision, le sort est donc plus efficace en aval, pour juger de la décision, qu’en amont, car il ne s’agirait alors que de consultations ou de « prises de températures », déjà pratiquées pour peu de progrès démocratiques ; avec un jugement populaire en aval, c’est tout le processus de décision qui devrait s’aligner sur une possible sanction, tandis qu’avec une consultation populaire en amont, impossible à rendre contraignante, l’oligarchie garde la main.
On parle d’ailleurs d’arbitrage au sommet – c’est à dire au sommet de la pyramide élective -, pour les choix importants, par un chef d’ Etat ou de gouvernement, ce qui montre la confusion des pouvoirs exécutifs et législatifs et aussi le caractère oligarchique de la décision. Dans une démocratie, c’est le peuple – ou au minimum un échantillon du peuple – qui devrait avoir le pouvoir d’arbitrer car « toutes les lois que le peuple n’a pas ratifiées sont nulles et non avenues » (Rousseau, « le contrat social », 1762 )
Cependant ces considérations restent à discuter, car si un jugement populaire en aval paraît indispensable, des propositions populaires en amont seraient bienvenues pour améliorer la préparation d’une société de décroissance ; et dans une certaine mesure, l’antécédent athénien prouve que c’est possible : le conseil des 500 ou sénat, tirés au sort, préparait les lois pour l’assemblée, qui les transmettait ou non à des tribunaux politiques pour validation.
Mais une participation populaire en amont est moins utile s’il n’y a pas de jugement populaire en aval. Nous soutenons donc qu’il faut centrer un projet de démocratisation sur le nécessaire, c’est à dire un jugement populaire contraignant en aval du processus de décision ( alors que le personnel politique penche naturellement, pour des raisons évidentes, vers les eaux tièdes d’une participation populaire en amont de la décision )

Réintégrer le sort dans les institutions

Le sort est donc plus utile pour des postes politiques collectifs en aval du processus de décision, ce qui correspond au rôle actuel de l’Assemblée nationale et du Sénat. Nous devrions donc proposer qu’une des deux assemblées soit tirée au sort pour en faire une chambre vraiment populaire ; c’est une proposition qui serait susceptible d’être majoritaire dans l’opinion populaire ( voire chez les adhérents des partis, mais moins chez les élus )
Pour de nombreuses raisons, le Sénat actuel se prêterait mieux à un tirage au sort : élection de deuxième niveau, faible popularité des sénateurs, attachement plus fort aux députés, pouvoir de blocage temporaire du Sénat moins inquiétant, etc… Il serait possible de tirer au sort les sénateurs sans chambouler les compétences du Sénat, ni celles des autres institutions, ce qui rend la proposition plus opérationnelle.
Des réformes institutionnelles plus ambitieuses pourraient certes être proposées, mais elles demanderaient une situation révolutionnaire qu’on ne peut se permettre d’attendre, et qui pourrait ne pas ressembler à ce qu’on souhaite si elle advient.
De plus, si les blocages sont trop forts, il serait toujours possible de proposer la création d’une troisième chambre, tirée au sort, de contrôle populaire sur les lois, dans une perspective de croissance du champ politique ; le conseil constitutionnel n’est d’ailleurs rien d’autre qu’une chambre supplémentaire de contrôle, de constitutionnalité en l’occurrence. Rappelons que l’important est de créer une instance politique de jugement populaire, ce que le système représentatif avait justement eu pour but de supprimer.
Bien sûr, cette chambre populaire doit adapter sa composition aux propriétés du sort : par exemple, la durée du mandat ne devrait pas dépasser un an et six mois seraient peut-être préférables, un système de formation par suppléance est recommandé pour compenser l’inexpérience, les procédures de discussions doivent être adaptées et formalisées, la rémunération ne doit ni inciter exagérément certaines catégories ni en décourager d’autres ; elle pourrait donc être individualisée, par exemple à partir du revenu mensuel antérieur augmenté d’un pourcentage, etc…( sur les questions pratiques, voir les expériences des jurys citoyens et autres conférences du consensus )
Il n’est pas nécessaire de donner à cette chambre populaire des compétences constitutionnelles étendues, parce que la gauche française se méfie du peuple depuis Louis Napoléon et que la droite crierait à la terreur populaire, mais surtout parce qu’une assemblée populaire permanente tirée au sort aurait un poids politique, réel, bien supérieur à son poids juridique, formel. C’est pour cela que les compétences actuelles du Sénat, constitutionnellement limitées, pourraient suffire.
Par contre, pour décupler la puissance démocratique d’une assemblée populaire permanente, il serait judicieux de lui donner la compétence de convoquer des assemblées populaires temporaires, pour au moins trois raisons :
– le temps : comme les autres assemblées, une assemblée populaire verrait son ordre du jour imposé par l’inflation législative orchestrée par l’exécutif ; comme les autres assemblées, elle n’aurait pas le temps de réfléchir sérieusement à ce
qu’elle vote ; elle pourrait alors saisir, sur des sujets précis mais importants qu’elle détermine, une chambre populaire créée pour l’occasion, chargée de lui rendre un avis dans un temps imparti ; la chambre populaire permanente n’a pas le temps de se forger une opinion ? elle délègue donc cette tâche à une chambre temporaire qui lui ressemble.
– la légitimité : des assemblées temporaires tirées au sort existent déjà ( conférences du consensus, de citoyens, jurys citoyens, assemblées délibératives, etc… ) mais souffrent toutes d’un déficit de légitimité qui tient à leur saisine : elles sont en effet convoquées par des élus, pour valoriser les élus, toujours en amont du processus de décision ; mises en place localement, leur intérêt et leur impact restent donc limités. Avec une saisine populaire, la perspective change radicalement : une portion du peuple demande à une autre portion du peuple son avis.
– une racine de la démocratie : en démocratie, tout le monde doit participer mais personne n’a le temps et les citoyens sont trop nombreux ? Donc on tire au sort et on rémunère pour faire participer équitablement à tour de rôle. Une portion du peuple à laquelle on donne le temps et les moyens de se forger une opinion est la marque d’une société démocratique avancée gérant efficacement le temps de ses citoyens ; le référendum ne pouvant être qu’occasionnel, le tirage au sort d’une portion du peuple devrait être la procédure habituelle d’arbitrage des décisions en démocratie ; c’était d’ailleurs le cas dans l’Athènes du IV° siècle avant J.C. : des jurys temporaires d’une journée, convoqués par l’assemblée, tirés au sort le matin parmi les volontaires, rémunérés, rendaient des décisions souveraines en aval du processus de décision. Rien ne nous empêche d’adapter le principe. Beaucoup d’arguments plaident donc en faveur de la (re)création d’une assemblée nationale du « peuple en corps », sélectionnée par le hasard, s’insérant dans les processus institutionnels de formation de la loi et de prises de décisions politiques.
Mais des assemblées populaires devraient aussi être présentes à tous les niveaux géographiques de compétence.
Au niveau régional, une assemblée populaire remplacerait avantageusement les C.E.S. ( Conseils économiques et sociaux ) généralement aux mains des lobbies productivistes ; une expertise populaire serait aussi plus utile et moins onéreuse que les autres expertises régulièrement commandées pour chaque projet.
Au niveau européen, lui aussi particulièrement soumis aux logiques élitistes et productivistes, l’existence d’une assemblée vraiment populaire comblerait une partie du déficit démocratique constaté.
Au niveau mondial en gestation, elle devrait être un être un facteur de paix, en modérant les logiques d’accumulation et de prédation qui conduisent à une raréfaction des ressources, source de conflits. Par exemple, le pillage de l’Afrique, organisé par les institutions internationales, serait-il aussi facile avec l’existence d’une assemblée populaire mondiale émettant ne serait-ce que des avis ?

Régénérer puissamment la démocratie

Derrière la réintroduction modeste du sort en politique, c’est donc un vaste projet universel de reconquête démocratique qui peut s’ébaucher, au travers d’instances déconnectée des logiques oligarchiques et productivistes à l’oeuvre dans le champ du politique.
Bien que l’image du sort en politique paraisse moins incongrue depuis une décennie, tout ce qui précède frise pourtant la scolastique pour une majorité, tant l’alliance entre l’oligarchie et le peuple est forte autour d’une société de croissance.
La démocratisation politique apparaît un peu comme la cerise sur le gâteau d’une société d’abondance : le système politique n’est peut-être pas très démocratique, les inégalités s’accroissent certainement, les deux phénomènes sont probablement liés, mais le gâteau grossi et les miettes calment le peuple, « qui n’espère plus rien, sauf d’avoir un écran plat l’année prochaine » ( Castoriadis )
Dans la perspective rawlsienne ( J. Rawls, « théorie de la justice »,1971 ) qui domine toute la social démocratie, un des principes de base stipule que : « les inégalités sont tolérées dans la mesure ou elles sont profitables à tous, en particuliers aux catégories les plus défavorisés », ce qui signifie logiquement qu’il n’y a pas de limites aux inégalités, si on parvient à démontrer que le pouvoir d’achat des plus défavorisés augmente. Or celui-ci augmente mécaniquement avec une perte d’autonomie, notamment alimentaire, comme c’est le cas actuellement au Sud avec l’exode rural vers les bidonvilles. La messe – marchande et productiviste – est dite.
Cependant, cette alliance du peuple et de l’oligarchie autour d’une société de croissance volera en éclats lorsque la décroissance subie sera venue, c’est à dire lorsque nous aurons épuisés les stocks d’énergie bon marché.
Malgré la propagande, il ne sera plus possible de masquer la réalité : lorsque ses conditions matérielles d’existence se dégraderont sensiblement, le peuple sera révolté par les inégalités tandis que l’oligarchie prendra peur.
Malgré la répression, les désordres et troubles sociaux risqueront de se développer ; des sociétés pourront être en état de guerre civile larvée permanente. D’où les risques de dictature, perçue comme un moindre mal par le peuple, qui espèrera se garantir un accès minimal aux ressources, et par l’oligarchie, séduite par un pouvoir fort, capable de contenir la pression populaire pour sauvegarder l’essentiel de ses positions antérieures.
Il nous faut donc préparer la décroissance pour ne pas la subir, sauver ce qu’il reste de démocratie, éviter les guerres civiles, et empêcher les guerres extérieures pour l’accès aux ressources, qui ont déjà commencé. Pour cela, il est illusoire de compter sur une quelconque modération de l’oligarchie – dont les différentes composantes sont en lutte pour l’accumulation – , dans une sorte d’auto limitation de sa voracité, afin de garantir le minimum au peuple.
Machiavel l’expliquait déjà : « Car en toute cité on trouve ces deux humeurs opposées ; c’est que le peuple n’aime point à être commandé et opprimé par les gros. Et les gros ont envie de commander et opprimer le peuple […] pour saouler leurs appétits. […] le souhait du peuple est plus honnête que celui des grands, qui cherchent à tourmenter les petits, et les petits ne le veulent point être » ( « Le Prince », 1513, début du chapitre IX )
Seul le peuple peut modérer les appétits de l’oligarchie. Il nous faut donc régénérer, approfondir et densifier la démocratie, par une participation directe « du peuple en corps » dans les processus de décisions, afin de réduire les inégalités et prévenir ainsi les risques de tensions et de dictature.

Michel Simonin, Nancy, août 2011
Argumentation résumée, destinée à servir de contribution à la partie « démocratie » du programme de Clément Wittmann pour 2012 en faveur de l’objection de croissance.

Sourcehttps://epoc54.wordpress.com/2015/01/29/democratie-sort-et-decroissance/