Un entretien qui date de 2012 (un peu désordre, pardon) avec un jeune journaliste de RageMag : http://ragemag.fr/populiste-nest-pas-un-gros-mot-entretien-avec-etienne-chouard/ (Le lien est devenu mort, je ne sais pas pourquoi.)
“Populiste n’est pas un gros mot”
entretien avec Étienne Chouard
Publié le 24 août 2012, par Ragemag
Il
s’est fait connaître en 2005, en devenant l’homme qui a dit NON ! à la
constitution européenne. Depuis, l’enseignant Étienne Chouard continue
de mener son combat contre les Versaillais. Cours (très) particulier
d’instruction civique en compagnie d’un empêcheur de tourner en rond…
Étienne Chouard, chez lui, en mars 2012 © Mathieu Deslandes/Rue89
En
2005, vous vous êtes battu contre l’adoption du traité constitutionnel
européen, pouvez-vous nous résumer les raisons et les moyens de cet
engagement ?
J’ai décidé de m’engager (modestement
et presque timidement) après avoir lu le texte de cette
anti-constitution que l’on nous proposait, et qui vidait de leur (peu
de) substance toutes les constitutions nationales. Cette situation était
aggravée par un traitement médiatique lamentable (automne/hiver 2004 et
printemps 2005). Les médias étaient tous en faveur du traité et
dénonçaient les partisans du non comme des xénophobes, des
réactionnaires, des nationalistes, alors que ces derniers avaient des
arguments puissants, décisifs, documentés et d’inspiration démocratique
pour signaler que ce texte était dangereux.
Comme tout
le monde, j’en ai beaucoup parlé autour de moi, et j’ai écrit un texte
de synthèse qui exposait cinq arguments particulièrement frappants (à
mon sens) et que j’ai envoyé à mes collègues enseignants sur une liste
professionnelle pour les inviter à m’aider à y voir clair ; puis, j’ai
posté ce texte sur mon (tout petit) site personnel, comme une bouteille à
la mer… Et ce texte s’est répandu dans le pays comme une trainée de
poudre : en le recevant, les gens, par je ne sais quelle alchimie,
s’enthousiasmaient et le renvoyaient souvent à tout leur carnet
d’adresses… J’ai ainsi reçu douze mille mails en deux mois… Finalement,
c’est à la fois le regard bienveillant, la confiance, de la plupart de
mes lecteurs, ainsi que la méfiance des autres — ceux qui disaient de
moi que j’étais un imposteur — qui ont été les moteurs de mon
engagement depuis.
Quant aux moyens, il y a mon travail
bien sûr, mais il y a aussi le travail des milliers de militants qui
ont repris le texte, et qui l’ont diffusé partout avec les moyens du
bord ; ils l’ont photocopié puis ils l’ont glissé dans les boîtes aux
lettres de leurs rues, etc. Certains ont même tatoué leur voiture ou
leur moto d’un « votez non à la constitution européenne et allez voir
le site http://etienne.chouard.free.fr/Europe/
»… Il y a eu un travail de fourmis de la part de personnes qui ne sont
pas des professionnels de la politique et des médias. Ils se sont passé
le mot entre eux.
“Ce n’est pas aux hommes au pouvoir d’écrire les règles du pouvoir”
Puis,
les médias s’y sont mis, interpellés par leurs lecteurs. Un premier
journaliste a fait un papier dans L’Huma intitulé : « Et si Etienne
Chouard faisait gagner le non » Puis j’ai vu passer à la maison toutes
les télés, les radios, les journaux. Mis à part quelques journalistes
bienveillants, les médias n’ont d’ailleurs pas été très gentils (ils ne
l’étaient guère avec les nonistes). Mais peu importe. Mon métier, c’est
prof : je m’occupe du bien commun par vocation. Donc, ce que je fais en
parallèle depuis 2005 n’est pas très éloigné : je continue à m’occuper
du bien commun, mais à plus grande échelle, parce que je pense avoir
trouvé une idée originale pour nous sortir — nous tous — du pétrin.
Quelle est cette idée ?
L’idée
centrale de tout mon travail est que “ce n’est pas aux hommes au
pouvoir d’écrire les règles du pouvoir” : ce n’est pas aux
professionnels de la politique d’écrire la Constitution : ils doivent la
craindre et donc ils ne doivent surtout pas l’écrire. La cause des
causes de nos malheurs est, selon moi, en nous-mêmes, parce que nous ne
sommes pas capables — en partie parce qu’on nous a trompés et en partie
parce que nous nous trompons — de donner leur véritable sens aux mots
démocratie et constitution, et parce que nous ne prêtons pas attention
aux graves conflits d’intérêts qui empoisonnent le processus
constituant.
Peut-on être aujourd’hui à la fois européiste et démocrate ?
Oui,
mais pas d’emblée, pas forcément, et sûrement pas de la façon dont cela
s’est fait depuis cinquante ans. La façon actuelle de construire
l’Europe est antisociale, antiparlementaire, antidémocratique (sous
couvert de discours lénifiants qui affirment l’inverse de la réalité).
J’ai publié il y a peu sur mon blog une passionnante conférence d’Henri
Guillemin sur le fascisme en France, qui remonte à la révolution
française pour comprendre ce mot utile mais galvaudé.
Avec
du recul, il me semble que le fond du fascisme (au sens large) est un
projet politique de domination des riches contre les pauvres, incarné
(avant même que le mot fascisme n’apparaisse) par les Girondins durant
la révolution, puis par les Versaillais durant la Commune en 1871, puis
par les représentants du centre gauche durant la troisième République
(le parti “centre gauche” était le parti des industriels et des
banquiers, à droite de la droite la plus cupide et la plus cynique), et
finalement par les fascismes stricto sensu du 20e siècle : quand les
ultra-riches ont vu qu’ils allaient perdre les élections (avec la montée
des socialismes au début du 20e), ils ont renoncé au suffrage universel
(qui n’était supportable à leurs yeux que tant qu’ils gagnaient toutes
les élections) et ils sont devenus des adversaires acharnés du suffrage
universel…
”L’obsession des possédants est de maintenir le niveau des salaires le plus bas possible”
Autrement
dit, les grands privilégiés ne sont pour le suffrage universel que
quand ils sont sûrs de gagner les élections ; sinon, ils deviennent
“fascistes”… Autant dire que le fascisme au sens large (comme domination
de classe) est une permanence depuis 200 ans. En dupant les pauvres
(qui votent pour lui) le fascisme vide les Républiques de leur sens et
prive les salariés de leurs protections. Et je trouve que l’Union
Européenne obtient précisément ce même résultat, mais de façon beaucoup
plus astucieuse et discrète que le fascisme à la papa : le résultat le
plus concret des traités européens, c’est le chômage de masse
institutionnalisé par une politique monétaire obsédée par l’inflation ;
et du chômage de masse découlent directement les bas salaires et la
docilité des travailleurs. Or, depuis 200 ans (depuis beaucoup plus de
temps, en fait), l’obsession des possédants est de maintenir le niveau
des salaires le plus bas possible. Et c’est la meilleure clef de lecture
du réel, je crois, celle qui donne une cohérence aux “impuissances” des
acteurs politiques : l’Union européenne est le meilleur outil que les
riches aient inventé à ce jour pour atteindre l’objectif des bas
salaires, en paralysant les luttes sociales.
Pourquoi l’Europe intéresse-t-elle tant les élites ?
Parce
que l’Europe est d’une taille tellement gigantesque qu’aucune
démocratie digne de ce nom n’y est possible, et parce que sa prétendue
“Constitution” y a été pensée et écrite par les prétendues “élites” en
question : ce sont les industriels et les banquiers qui ont voulu,
financé et fait écrire les institutions européennes. C’est pourquoi les
institutions européennes institutionnalisent la guerre économique : la
“concurrence libre et non faussée” crée une fatalité de la lutte du tous
contre tous. Rien à voir avec l’intérêt général, mais tout à voir avec
l’intérêt des plus riches. Nos ploutocraties se radicalisent.
”Souverainiste n’est pas un gros mot du tout !”
On a du mal à défaire les logiques d’intérêt des dogmes idéologiques.
C’est
lié. Vous savez, un dogme c’est une pensée imposée, répétée, rabâchée.
Les riches ont mis ça en place de façon très organisée : ils ont acheté
presque tous les médias importants. Pourquoi le banquier Rothschild
achète le journal Libération ? Pas pour gagner de l’argent, il va en
perdre. Pourquoi la banque Lazard achète le journal Le Monde ? Idem.
Pourquoi le Crédit Agricole achète la radio Skyrock ? Itou. Pourquoi
les marchands d’armes Lagardère et Dassault ont-ils acheté les trois
quarts de la presse et une grande partie des maisons d’édition ? Que
des marchands de canons maîtrisent les médias et l’édition, c’est à
la fois dangereux et révoltant. Avec ces outils-là, en plus de gagner
les élections (ce qui est tout à fait essentiel, évidemment), on peut
effectivement fabriquer et entretenir un dogme. Par exemple, on peut
rabâcher tous les jours que “l’Europe, c’est bien”, ou qu’il faut
absolument, “pour des raisons humanitaires”, aller faire la guerre un
peu partout dans le monde : en Afghanistan, en Irak, en Lybie, en Syrie,
en Iran, et puis quoi encore ?
Selon vous, peut-on être démocrate sans être souverainiste ?
Non
; probablement non. Mais souverainiste n’est pas un gros mot du tout !
C’est plutôt le mot antisouverainiste qui désigne des traîtres au bien
commun : si vous êtes contre la souveraineté, vous êtes pour quoi ?
Rousseau et Robespierre étaient (évidemment) souverainistes. La patrie
est une fiction constructive qui nous rassemble, qui essaye de
reproduire à plus grande échelle l’attraction familiale qui fait que
l’on s’entraide volontiers. Le souverainisme est le fondement de
nombreuses solidarités (nationales souvent, mais pas seulement) : on ne
se connaît pas individuellement mais l’on est prêt à se donner du mal
pour ceux qui sont de la même patrie.Tenir en détestation le
nationalisme, le souverainisme ou le patriotisme fait partie du dogme
des “libéraux” qui, en fait, ne veulent plus d’État dans leur chemin (et
ils nous jouent cette musique depuis les physiocrates au 18e siècle).
Les prétendus “libéraux” affirment que l’on doit les guerres aux
sentiments chauvins liés au nationalisme. Mais c’est une blague !
“La Constitution doit séparer les pouvoirs et permettre de les contrôler”
Les
guerres, on les doit évidemment aux grands industriels et aux banquiers
(lire Guillemin pour s’en convaincre avec force détail) ; on pourrait
même, d’une certaine façon, attribuer les guerres aux philosophes des
“Lumières” (qui étaient de sordides utilitaristes, des philosophes des
riches pour les riches, qui faisaient tout ce qu’ils pouvaient pour
mettre les mendiants au travail au lieu de les aider, et qui préféraient
la torture à vie des travaux forcés à la peine de mort, trop clémente à
leurs yeux) philosophes qui soutenaient les Girondins (dont la
première décision prise par l’assemblée législative de 1792 fut de
déclarer une guerre de rapine contre les pays voisins, de façon à ce que
l’État ainsi renfloué puisse rembourser la dette publique à leur profit
au lieu de faire défaut), Girondins royalistes qui pouvaient bien se
reconnaître plus tard dans les Versaillais, les riches massacreurs de la
Commune de 1871. Une grande tradition qui semble bien perdurer
aujourd’hui au sein de l’Union européenne : endettement monstre des
États auprès des plus riches, et guerre économique permanente des
pauvres contre les pauvres (pour les empêcher de faire la révolution).
Bien sûr, je peux me tromper, et gravement, comme tout le monde. Mais il
me semble que la contre-histoire des 200 ans du gouvernement
représentatif reste à détailler et à diffuser largement.
Qu’est ce qu’une Constitution ?
C’est
un texte supérieur qui décrit les conditions dans lesquelles les
pouvoirs institués, législatif, exécutif, judiciaire, vont pouvoir
produire du droit, produire des normes juridiques impératives qui
s’imposeront à tous. C’est un texte qui va à la fois instituer des
pouvoirs très utiles (parce que nous sommes nombreux et que nous avons
donc besoin d’eux) et aussi très dangereux, car ceux qui les détiennent
peuvent en abuser ou servir les intérêts d’une classe privilégiée
plutôt que l’intérêt général. Une Constitution sert donc avant tout à
limiter et à affaiblir les pouvoirs. La Constitution doit séparer les
pouvoirs et permettre de les contrôler quotidiennement ; elle doit
aussi permettre au peuple de reprendre l’initiative à tout moment contre
ses représentants en cas de besoin.
“Chaque citoyen devrait protéger la Constitution, SA Constitution, les armes à la main”
Une
bonne constitution est donc un texte protecteur en cas de coup dur. Si,
au lieu de ça, elle organise l’impuissance des peuples et l’impunité
des représentants (comme le font toutes les Constitutions du monde), ce
n’est plus une constitution, c’est une imposture, c’est une
anti-constitution. C’est le cas de la constitution française et des
institutions européennes (et de bien d’autres). Les citoyens devraient
non seulement savoir ce qu’est une constitution, mais ils devraient
aussi faire attention à qui l’écrit, qui la protège et qui la fait
exécuter : nous devrions tous surveiller la qualité du processus
constituant. Chaque citoyen devrait protéger la Constitution, SA
Constitution, les armes à la main.
Comme lors d’ une révolution ?
Oui,
sauf qu’il y a de vraies et de fausses révolutions. La révolution
française de 1789 est une fausse révolution. C’est une révolution entre
riches : ces sont les marchands actifs qui prennent la place des nobles
oisifs.
Carl Schmitt disait : « le souverain est
celui qui décide de l’état d’exception ». Qui aujourd’hui décide de cet
état d’exception ?
Aujourd’hui le souverain est
collectif. C’est une bande de familles très riches qui financent les
marionnettes politiques que sont les élus. Le régime de gouvernement
représentatif n’est pas la démocratie. Il est anti-démocratique. Il a
été construit précisément et sciemment pour interdire au peuple toute
forme de démocratie. Le régime du gouvernement représentatif a permis
aux riches de confisquer 100% du pouvoir politique. Le souverain
aujourd’hui, c’est une petite fraction du peuple : les plus riches.
C’est pourquoi, on doit parler de ploutocratie et pas du tout de
démocratie. Et les marionnettes politiques sont des kapos : ce sont des
électeurs qui ont décidé de collaborer avec les ennemis du peuple en
échange de bons traitements. Nous sommes dans un régime qui est un
intermédiaire entre dictature et démocratie. Intermédiaire parce qu’on a
le droit de parler, de manifester, tant que ça ne change rien à ce
qu’ils appellent “l’ordre social”. La “démocratie représentative” est un
oxymore qui n’a rien à voir avec la vraie démocratie. Elle pourrait
pourtant l’être, mais à condition que ce soit les citoyens eux-mêmes qui
en écrivent les règles de contrôle quotidien. Je peux imaginer une
démocratie représentative qui ne serait pas un oxymore. Mais aujourd’hui
la démocratie n’a rien de représentative : c’est une oligarchie
ploutocratique.
Qu’est-ce qu’est la démocratie selon vous ?
La
démocratie est un régime dans lequel le peuple garde le contrôle de ses
représentants. Un peuple qui peut imposer les lois lui-même et refuser
celles qu’on tente de lui imposer lorsqu’il n’est pas d’accord ; un
peuple qui peut changer la constitution de sa propre initiative ; un
peuple qui peut révoquer un acteur politique lorsqu’il estime qu’il
défaille. Si nous acceptons d’appeler “démocratie” son strict contraire,
on se rend incapable de comprendre ce qu’est la vraie démocratie, et
on s’interdit de la vouloir. La mise à l’envers de ce mot essentiel est
un très beau piège politique.. Dans une vraie démocratie, les banques ne
seraient pas privées mais publiques. Nous aurions probablement instauré
le revenu de base et la TVA sociale qui va avec. Tous les impôts
seraient remplacés par la TVA (50% des prix, impôt difficilement
fraudable) et chaque humain toucherait un revenu de base qui lui
permettrait de dire non à un travail dégradant. Grâce au revenu de
base, tout le monde aurait la possibilité de donner le meilleur de
lui-même sans qu’on lui torde le bras parce que, privé de terre, il a un
besoin vital d’un revenu (chantage à la misère).
“Populiste n’est pas un gros mot”
La
nécessité d’avoir un revenu pousse les gens à accepter n’importe quel
travail, et c’est profondément aliénant. Ils sont contraints par ce
système lamentable à accepter des activités dégradantes, inutiles, voire
nuisibles pour le bien commun. Quand quelqu’un accepte, pour gagner de
l’argent, de devenir un ingénieur financier, ou un producteur de
semences stériles, ou un fabriquant d’armes de destruction massive,
c’est révoltant. Une vraie démocratie changerait tout. Le problème c’est
que nous n’arrivons même pas à la vouloir parce qu’on a laissé mettre à
l’envers tous les mots importants : constitution, citoyen, électeur,
démocratie, suffrage universel. Tous ces mots ont été inversés et tant
que nous l’acceptons nous sommes les jouets des maîtres du langage.
Mais ce n’est pas du tout une fatalité : on peut remettre tous les mots
importants à l’endroit, par éducation populaire, c’est-à-dire entre
nous, à la base.
Avez-vous lu La stratégie du choc de Naomi Klein. Que pensez-vous de ses thèses ?
C’est
une clef de lecture importante, la mise à jour d’une stratégie abjecte,
cynique au possible. Dans les années 50, des scientifiques ont
découvert que des personnes ayant subi des électrochocs perdaient toute
volonté, tout sens critique et deviendraient dociles comme des brebis.
Sur le modèle de cette technique, les “libéraux” intègrent le fait
qu’une collectivité choquée par un évènement (naturel ou artificiel :
un séisme, une guerre) n’est pas capable de résister à une agression
supplémentaire et donc de se battre contre une “réforme” dont elle ne
veut pas. Ces chocs peuvent très bien être provoqués : des attentats,
des déclarations de guerre. Il existe toute sorte de possibilités pour
provoquer des chocs.
“S’informer c’est résister. Armez-vous !”
Qu’est-ce que le populisme selon vous ?
Populiste
n’est pas un gros mot. Je suis moi-même populiste. J’ai lu Christopher
Lasch et Orwell sur les conseils de Jean-Claude Michéa qui est un
philosophe spécialiste du “libéralisme” que je trouve admirable. Le mot
populisme a un sens différent selon la bouche qui le prononce. Chez
Lasch, le populisme est un mot positif : un populiste c’est quelqu’un
qui se préoccupe des intérêts du peuple. Dans la bouche des oligarques
et des Versaillais, ceux qui voudraient “globaliser” la “gouvernance”,
c’est-à-dire capturer la totalité des pouvoirs politiques, économiques,
culturels et médiatiques, le mot populiste veut dire démagogue, menteur.
Mais ce sont eux les démagogues. Ce sont eux qui mentent au peuple pour
avoir le pouvoir.
“Le tirage au sort à la place de l’élection”
Encore
une fois, “populiste” est un mot qui a été mis à l’envers. Je suggère
d’ailleurs à tous les résistants de signaler les mots dangereux qui ont
ainsi été mis à l’envers. Je propose que nous balisions les mots
menteurs par un signal codé entre nous, avec des guillemets à l’envers
(Alt+175 et Alt+174 sur un clavier de PC), comme pour pointer un piège :
par exemple, » populiste «, » démocratie «, » suffrage universel «, »
citoyen «, » réforme «, » constitution «, etc. Un homme averti en vaut
deux. Si on repère clairement les mensonges de la Novlangue, on sera
moins vulnérable.
Vous disiez tout à l’heure
que le peuple avait sa part de responsabilité de se faire diriger.
Peut-on considérer qu’on est encore un peuple ?
Le
peuple est un concept temporaire. Une collectivité, à un moment donné,
se considère comme un peuple et est prête à envisager des objectifs
communs et à se protéger mutuellement. En prenant conscience du danger
des voleurs de pouvoirs (qui existeront toujours dans les collectivités :
les aspirants chefs, les leaders…), nous devrions arriver à nous en
méfier et à éviter à tout prix de leur donner le pouvoir, et donc à
instituer le tirage au sort à la place de l’élection. Un peuple qui
aurait testé à petite échelle, au niveau de la commune, une vraie
démocratie, avec le tirage au sort et ses contrôles.
Est-ce que, selon vous, la Suisse est une démocratie ?
La
Suisse est une semi-démocratie (ce qui est déjà bien), grâce au
référendum d’initiative populaire. Les Suisses ont ainsi les moyens
institutionnels, à leur propre initiative, de court-circuiter leurs
représentants sur les sujets les plus graves. La Suisse est donc
infiniment plus démocratique que la France, qui ne l’est pas du tout.
Mais il est essentiel de comprendre que cette puissance des Suisses -et
cette impuissance des Français- est programmée, programmée dans la
Constitution !
“Les professionnels de la politique ont un intérêt personnel à programmer l’impuissance du peuple”
Qu’est-ce qu’un référendum d’initiative populaire ?
Le
RIP (ou RIC : référendum d’initiative Citoyenne) est l’institution qui
garantit au peuple qu’il lui est possible, de sa propre initiative et à
tout moment, de reprendre le contrôle des processus législatifs et
constituants. C’est central. Le référendum d’initiative populaire existe
dans quelques pays dans le monde : en Italie, dans la moitié des
États-Unis, au Venezuela et en Autriche, par exemple. En France, en
2008, le parlement, aux ordres du gouvernement, a révisé la constitution
pour instituer ce qu’ils ont appelé frauduleusement (je pèse mes mots)
un “référendum d’initiative populaire”. Il suffit de lire l’article 11
pour constater que ce n’est qu’un referendum d’initiative parlementaire.
Nos prétendus » représentants « se moquent donc ouvertement de nous.
Nous ne sommes pas en démocratie : nous sommes en ploutocratie.
Par quel moyen le peuple français peut-il re-devenir ou devenir le souverain ?
Il
faut qu’on réfléchisse pour créer quelque chose de nouveau et
concentrer notre objectif sur un point précis et aucun autre (pour
réunir le plus grand nombre d’entre nous). Il faudrait que ce point
commun soit effectivement décisif c’est-à-dire suffisant pour entrainer
ensuite naturellement la plupart des modifications que nous souhaitons.
Ce
point est, me semble-t-il, dans la qualité du processus constituant :
il ne faut plus qu’il y ait de professionnels de la politique dans
l’Assemblée constituante, ni dans le Conseil constitutionnel. PLUS
JAMAIS ET EN AUCUN CAS. En effet, les professionnels de la politique ont
un intérêt personnel à programmer l’impuissance du peuple, et c’est ce
qu’ils font, toujours et partout. Seule une constitution d’origine
citoyenne permettra au peuple de reprendre le contrôle de ses affaires
(les affaires publiques).
Le tirage au sort est-il l’avenir de la démocratie ?
Le
tirage au sort n’est pas l’avenir de la démocratie, il en est
indissociable ; c’est un lien beaucoup plus fort qu’une simple étape
chronologique: il n’y a pas de démocratie sans tirage au sort.
Propos recueillis par Arthur Scheuer et Baptiste Thion
http://etienne.chouard.free.fr/Europe/forum/index.php?2012/09/08/253-ragemag-populiste-n-est-pas-un-gros-mot
Source : https://www.facebook.com/notes/etienne-chouard/populiste-nest-pas-un-gros-mot/10152565769627317
dimanche 26 avril 2015
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