Nous dénonçons volontiers, et à juste titre, la novlangue, la xyloglossie, la langue de bois, les mots mis à l’envers.
Il faut résister à la pollution lexicale, qui en les pervertissant nous prive des mots nécessaires pour penser juste, ou qui, par un bombardement de contre expression frelatée nous fait adopter subrepticement le langage des paradigmes modernes, qui nous tuent, ou nous asservissent ; bombardement médiatique, probablement intentionnel ... qui nous conduit donc à penser, à notre insu, dans le sens du pire, et avec lui.
Mais il s’agit d’une guerre qui se joue sur le temps présent, au plus sur un siècle ou deux ; il y a pire : il y a l’Histoire lexicale du Monde.
Des modes de fonctionnement matériel, économique, technique, organisationnel, mental, sont parfois vieux de 1000 ans, ou 10000, ou plus, et assortis dans toute langue vivante d’un vocabulaire dont chacun use à son insu, un vocabulaire qui s’infiltre partout, dans la sphère intime autant que dans la sphère publique, et qui par le simple usage qu’on en fait perpétue hors conscience : des archétypes, des paradigmes, et les usages qui vont avec, auxquels nous sommes dès le berceau habitués,
et qui pourtant ne sont pas des meilleurs, loin s’en faut.
Le verbe avoir est de ce tonneau là ; nous pouvons entendre de loin en loin quelque philosophe du corps social qui nous pond une belle formule, du genre « la propriété c’est le vol » . Peuvent même s’ensuivre des révolutions violentes, qui pourtant échouent.
Échec inévitable si demeure en l’Esprit le Verbe de la chose refusée.
Ainsi la pensée politique libératoire n’est elle possible que menée conjointement avec un nettoyage radical et prudentiel du Verbe, une chasse aux conventions cachées dans les mots, aux fausses évidences héritées à travers le vocabulaire des civilisations elles-mêmes.
La bataille entre l’avoir et l’être utilisée comme introduction en haut de page n’est qu’un exemple de la guerre de conscience et d’attention à mener, individuellement et collectivement, sur le terrain du Verbe.
La révolution sera lexicale ou ne sera pas.
Soyons attentifs."
Ana Sailland
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