vendredi 14 septembre 2018

"Plan pauvreté" pour éradiquer la misère en France ?

J-M. :  Étant un peu dans le domaine social, le plan que le gouvernement français a présenté sur la pauvreté  m'a intéressé car c'est un sujet humain et tellement délicat. J'ai étudié en profondeur ce plan et surtout sa philosophie pour l'avenir et j'aurais souhaité avoir l'opinion de quelqu'un comme toi qui est très  pointu. Étant éloigné du monde économique et politique français mon analyse est peut-être trop académique et ne reflète pas la réalité du terrain. Ton analyse m'intéresse;les bonnes décisions et les moins bonnes décisions?

J. : Je viens d'apprendre à la radio qu'Emmanuel Macron avait effectivement présenté son plan hier.
J'avoue ne pas l'avoir lu.
Le journaliste a simplement annoncé qu'il engageait 8 milliards d'euros mais que les critiques avaient fusé dès son annonce notamment parce que les 18-25 ans et les retraités étaient les grands oubliés des mesures annoncées.
Il faudrait que je lise le texte pour me faire mon opinion.

Dans un premier temps il faudra définir la notion de pauvre (très relative).

Selon la définition de l'INSEE, la pauvreté en France concerne tous les ménages dont le revenu est inférieur à une fraction donnée (50 ou 60 %) du revenu français médian. En 2014, le revenu médian d'un ménage constitué d'un seul individu est de 20 150 euros annuels, soit 1 679 euros par mois (donc le seuil est de : 846€ pour 50% et 1 015 pour 60%).
Selon l'Insee, la France compte de 8,5 à 8,6 millions de personnes pauvres, soit environ 14 % de la population de 2010 à 20121 et 20 % des enfants2. Le taux de pauvreté s'élève à 13,9 % des ménages en 2012 (contre 14,3 % en 2011). Le niveau de vie des ménages vivant en dessous du seuil de pauvreté a diminué, près de la moitié d'entre elles vivant en 2012 avec moins de 784 euros par mois3.

Ceci étant dit, je ferai une simple division : 8 milliards d'euros pour 8 millions de pauvres, cela fait 1000 euros par personne. Est-ce suffisant pour éradiquer la pauvreté que de donner 1000 euros à quelqu'un ? Par mois, cela représente 83 euros.
Mais bien entendu tout dépend de la façon dont c'est utilisé.

Faut que je lise le plan.

J-M. :  Je sais que tu n'es pas comme ces négatifs qui ne voient que le point noir sur le tableau blanc. J'ai vu une émission de C dans l'air hier avec des journalistes de tout bord, sur ce sujet, qui semblent être confiants ; que ce plan, s'il est mené à bien, devrait être bénéfique pour éradiquer la pauvreté ! Lis et donne-moi tes commentaires POSITIFS et NÉGATIFS sur toute les mesures. Si j'étais en France j'aurais voulu être mêlé à ce chantier pour aider.

J. :  Ah ! Ah ! Tu sais parler aux hommes pour les influencer : " [...] tu n'es pas comme ces négatifs qui vois que le point noir sur le tableau blanc."
Si je dis qu'il y a plus de noir que de blanc, je serai un "négatif".
Direction des ressources humaines, psychologie des foules ... ne serait-ce pas un peu de déformation professionnelle ?

Mais je te taquine. Tu sais que j'aime bien discuter avec toi et argumenter. C'est une excellente stimulation intellectuelle.

J'en reviens au "Plan pauvreté"

J'ai commencé par la lecture de l'article qui apparaît en premier dans le moteur de recherche Google (celui du journal Libération) :
http://www.liberation.fr/france/2018/09/13/plan-pauvrete-un-revenu-universel-qui-n-en-a-que-le-nom_1678584
Il y a quelques citations entre guillemets mais comme je me méfie toujours des journalistes ...

D'après eux, il y a une volonté de refonte des aides sociales, de simplification, mais ce n'est pas très précis au niveau des chiffres, notamment du montant de "l'allocation universelle".
De ce montant, et des conditions pour y avoir droit (ce n'est donc pas "universel" entre parenthèses), dépend beaucoup que ce soit une mesure sociale (pour les plus pauvres) ou antisociale (contre les plus pauvres). En effet, on imagine bien que les employeurs vont proposer des emplois à temps partiels, plus flexibles pour leurs entreprises, en s'appuyant sur ces revenus qui deviendraient complémentaires à un salaire partiel.
Selon que le montant de base sera élevé ou très bas, les bénéficiaires pourront se montrer plus exigeants ou pas du tout exigeants dans les offres d'emplois.
En clair : si c'est 1000€ par mois, je peux prendre le temps de chercher un emploi qui me convient ; si c'est 300 €, je serai contraint d'accepter la première ou la deuxième offre parce que c'est insuffisant pour vivre décemment.

Je continue à chercher le texte lui-même pour en savoir plus ;-)

J. : Je viens de lire un autre article car je ne trouve pas (encore) le texte de loi lui-même.
Celui-ci est plus précis : https://www.rtl.fr/actu/politique/plan-pauvrete-ce-que-contient-le-texte-presente-par-macron-ce-jeudi-7794764362

Il parle de 8 milliards sur 4 ans, soit 2 milliards par an, soit (répartis entre les 8 millions de pauvres en France) :  250 euros par personne et par an, ou encore moins de 21 euros par pauvre et par mois.
Premier point noir : le budget est bien évidemment ridiculement faible.
L'intention "aider les pauvres" et "simplifier les aides" est louable mais avec un budget pareil, il apparaît comme évident que la pauvreté ne sera pas éradiquée en France dans les quatre prochaines années ; surtout si cette aide vient en remplacer une ou plusieurs autres qui serait ou seraient supprimées.

Quand on compare avec les crédits d'impôts accordés aux entreprises (le CICE à lui seul représente 15 milliards par an sans obligation d'embauche ni contrepartie du style investissement pour l'entreprise ...), il y a de quoi avoir le vertige ... ou la nausée.

Je positiverai en disant que de nouvelles crèches seront bien utiles, que des petits déjeuners offerts aux enfants les plus pauvres seront bien utiles.
Je me montrerai plus méfiant concernant l'indemnité offerte aux 16-25 ans (entre 0 et 475 euros par mois) car soumise à un stage professionnel. Ne serait-ce pas là une façon de remplacer un vrai salaire par un indemnité beaucoup plus basse ?

Je conclurai en disant (pour rester "gris", donc avec une vision ni trop "noire", ni trop "blanche") que ce Plan Pauvreté est mieux que rien [encore une fois : à condition qu'il vienne s'ajouter et non remplacer des aides égales ou supérieures qui seraient retirées] mais que ce n'est pas grand chose.

A mes yeux, c'est juste un "coup de comm" (de la "relation publique", comme dirait Edward Bernays l'auteur de "Propaganda") comme l'était la présence de Nicolas Hulot au gouvernement.

J. : Pourrais-tu m'aider, s'il te plaît, en m'indiquant le lien pour accéder au texte complet ? Je ne le trouve pas et je ne peux donc pas te répondre précisément sur les points POSITIFS et NÉGATIFS sur toute les mesures

[...]

J-M. :  Premièrement, je te remercie d'avoir  éclairé ma lanterne sur certains points techniques de ce plan.C'est vrai que je t'ai mis un peu la pression pour essayer de voir certains points "positifs" et je réalise que même s'il ne sont pas légion en tant que gars intelligent tu as essayé et trouvé quelques uns.Comme dirait l'anglais "You have thought out of the box" bravo.

J : "Se mettre la pression" respectivement, fait partie du jeu intellectuel. On partage avec l'autre des arguments contradictoires et cela ouvre l'esprit à de nouveaux points de vue, complémentaires. Cela m'évite de rester figé dans mes opinions; et j'imagine que s'il existe autant d'opinions politiques c'est que chacune d'entre elles possède des aspects positifs. 

Je regrette de ne pas avoir pu trouver le texte de loi sur internet. Je n'en ai eu que des extraits, commentés par des journalistes ou des députés. Je suis aussi allé sur le site de La République En Marche mais ce qui était fourni tenait plus du prospectus publicitaire que d'un texte prêt à être déposé devant le parlement. De belles propositions mais aucune explication sur le comment, ni les modifications de l'existant.

D'une façon générale, il y a de bonnes intentions affichées mais le budget est déterminant sur la faisabilité de l'action.

De toute façon, le système capitaliste n'a pas pour vocation d'éradiquer la pauvreté; simplement de fournir des dividendes aux propriétaires de grands moyens de production. Tout au plus a-t-il besoin que les pauvres aient un revenu de base pour continuer à consommer les produits de l'industrie. Peut-être que le Plan Pauvreté va dans ce sens : maintenir artificiellement un minimum de pouvoir d'achat, de pouvoir de consommation.

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