mercredi 12 septembre 2018

Violence et pouvoir - Notes de lecture

Cet ouvrage "Violence et pouvoir" (80 pages) sous-titré "Pourquoi la violence ? Les effets du pouvoir. Une société sans pouvoir ?" est signé François Stirn. Il est paru dans la collection Profil philosophie, aux éditions Hatier, en 1978.

Morceaux choisis

p.10 définitions de la violence
Abus de force, contrainte.
Emploi de la force pour contraindre.
Porter atteinte à la liberté ou à l'existence.

p.12 La "technè"
L'art humain, pour éviter de faire violence à la nature, doit l'imiter le plus possible.

p.13 N'être ni chaste, ni affamé de jouissance mais tempérant (juste milieu, équilibre naturel).

p.20 La société industrielle avait cru, dans sa phase ascendante, que les progrès de la science et de la production entraîneraient la fin des guerres (cf. Saint-Simon, Auguste Comte).

p.21 L'hypothèse d'une tendance naturelle à la destruction, si elle permet à une société productiviste de ne pas se sentir responsable, manque de fondements scientifiques. Erich Fromm, psychanalyste américain, a montré que "les données significatives, dans les domaines de la neurophysiologie, de la psychologie animale, de la paléontologie et de l'anthropologie, ne confirment pas l'hypothèse selon laquelle l'homme serait, de façon innée, pourvu d'une tendance spontanée et autopropulsée à l'agressivité."
[...]
L'agressivité animale doit être classée en trois types :
- prédatrice
- intraspécifique (entre animaux de la même espèce)
- et interspécifique (entre animaux d'espèces différentes).
[...]
 Chez la plupart des mammifères, l'agressivité intraspécifique n'est pas "sanguinaire", elle n'a pas pour but de tuer, de détruire ou de torturer, mais consiste essentiellement en une attitude de menace qui sert d'avertissement. Dans l'ensemble, on trouve chez les mammifères beaucoup de chamailleries, de querelles et de comportements menaçants, mais très peu de combats sanglants et destructifs contrairement à ce qu'on constate dans le comportement humain.

p.22 Le comportement destructif n'est habituel que chez certains insectes, poissons, oiseaux et, parmi les mammifères, chez les rats.
[...] Expérience de Stanley Milgram
Ce chercheur à l'université de Yale invitait des volontaires à étudier l'effet de la punition sur l'apprentissage. La punition consistait en des décharges électriques évidemment simulées envoyées à des compères de Milgram qui mimaient la souffrance
Conclusion : "Bien que les tendances agressives fassent partie inhérente de la nature humaine, elles n'ont en réalité pratiquement aucun rapport avec le comportement des sujets dans l'expérience; pas plus qu'elles n'en ont avec l'obéissance destructrice des soldats en temps de guerre, des pilotes qui exterminent des milliers d'innocents au cours d'une seule mission de bombardement en répandant des flots de napalm sur une village vietnamien. Le soldat tue parce qu'on lui dit de tuer et qu'il estime de son devoir d'obéir aux ordres. Le fait d'infliger une pénalisation douloureuse à la victime ne vient pas des pulsions destructrices des participants, mais de leur intégration dans une structure sociale dont ils sont incapables de se dégager."

p.22 L'agressivité n'est pas la violence mais une tendance à la violence.

p.23 L'agressivité des frustrations aux pulsions sexuelles

p.25 Citation de Jean-Jacques Rousseau sur la propriété
Le premier qui, ayant enclos un terrain, s'avisa de dire : Ceci est à moi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile. Que de crimes, de guerres, de meurtres, que de misères et d'horreurs n'eût point épargnés au genre humain celui qui, arrachant les pieux ou comblant le fossé, eût crié à ses semblables : "Gardez-vous d'écouter cet imposteur; vous êtes perdus si vous oubliez que les fruits sont à tous, et que la terre n'est à personne !"

p.25 Différents types de propriété selon Karl Marx :
- la propriété privée permise par le travail indépendant
- l'appropriation capitaliste de celle-ci
- la propriété socialiste (possession commune de tous les moyens de production)

p.28 Le boycottage des produits industriels et la grève générale sont perçus comme la forme même de la violence révolutionnaire par les riches propriétaires des moyens de production.

p.35 "L,'appareil d’État" : la police, les tribunaux, les prisons, mais aussi l'armé et, au-dessus : le chef de l’État, le gouvernement et l'administration.

p.36 Appareils idéologiques : religieux, scolaire, familial, juridique, politique (partis), syndical, de l'information, culturel ...

p.38 La propriété privée des moyens de production tend à séparer le pouvoir politique du pouvoir économique (à l'inverse des sociétés de planification).

p.39 Max Weber : L’État a le monopole de la violence légitime.

p.40 L'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite est liberté (Rousseau, Du contrat social) [...] engagement que quiconque refusera d'obéir à la volonté générale y  sera contraint par tout le corps.

p.43 L'autorité est le pouvoir d'obtenir sans recours à la contrainte physique.

p. 48 Le pouvoir se sert même de la musique (entreprise Musak spécialisée dans les musiques d'ambiance dans les usines).

p.49 Confiscation de la parole : pour faire taire, il faut occuper l'espace sonore.

p.50 Limitation de la parole ; restriction du savoir :  maintenir les opprimés dans l'ignorance

p.51 Il  faut distinguer les décisions (politiques) de la mise en œuvre (technique)

p.52 Privilège du souverain : droit de vie et de mort, droit de faire mourir ou de laisser vivre.

p.52 Le pouvoir sous sa forme politique, comme État, est asservissant pour la société 

p.54 Le pouvoir veut contrôler, surveiller si on est dans les normes, rééduquer ceux qui dévient en les envoyant pour les redresser dans les deux filières de la prison et de l'asile.

p.54 Le pouvoir produit du savoir pas simplement en le favorisant parce qu'il le sert ou en l'appliquant parce qu'il est utile; il fallait établir des normes, des techniques de manipulation, de normalisation. Les sciences humaines sont issues de cette exigence.

p.55 Retournement historique des procédures d'individualisation (production de l'individu) :
- mécanismes historico-rituels : l'ancestral, homme mémorable
- mécanismes scientifico-disciplinaires : le normal, l'homme calculable

p.55 Si le glaive du pouvoir menaçait à tous moments d'anéantissement ceux qui refusaient sa Loi, la forme nouvelle de pouvoir ne normalise, en rééduquant dans les prisons et les asiles, que pour obtenir la production maximale, pour ne pas laisser perdre la moindre force de travail.

p.56 Au vieux droit de "faire mourir ou laisser vivre" s'est substitué un pouvoir de "faire vivre ou rejeter dans la mort".

p.57 Le patron, étymologiquement le père, la mère patrie, le petit père des peuples, Dieu le père ...

p.59 Pourquoi la plupart des sociétés se dotent-elles d'un ensemble d'organes centraux de direction, de répression et de contrainte ?

p.59 L'immaturité biologique du jeune enfant la place sous la totale dépendance de ses parents, le met en état d'infériorité.

p.60 La dépendance de l'enfant est aussi culturelle que naturelle et, à ce titre, variable suivant les sociétés (ex: Indien Crow qui se réjouissait d'avoir un fils intraitable : "Ce sera un homme", disait le père)
Le désir de domination est plus culturel que naturel.

p.60 Peut-on délivrer les sociétés des formes politiques de pouvoir [de domination] ?

p.61 Ambiguïté de la notion de "droit naturel" : Rousseau, Locke, Grotius, Pufendorf se contredisent. souvent ; on déclare un droit "naturel" pour justifier un "droit positif" existant (ou revendiqué).

p.62 Le pouvoir est une institution produite par les hommes (différent du droit divin censé être révélé).

p.62 Machiavel. Le pouvoir vient de la fortune (hasard) et de la force (du Prince = art de tirer parti des circonstances).

p.63 Hobbes. Le pouvoir est un art humain. C'est l'art des hommes qui crée l’État (Civitas).

p.63 L’État n'a pas toujours existé, n'est apparu qu'à une époque tardive de l'histoire de certaines sociétés, a été toujours ignoré d'autres sociétés. C'est une institution historiquement située et géographiquement déterminée.

p.65 Durkheim fait dériver la formation de l'Etat de la division du travail et de la différenciation sociales (mais sans expliquer comment la division est devenue hiérarchisation).
Pour Pierre Clastres, la relation politique de pouvoir précède et fonde la relation économique d'exploitation.
 
p.65 Pierre Clastres.
Étude comparative des sociétés amérindiennes :
- groupes de chasseurs-pêcheurs-collecteurs (sans Etat)
- sociétés d'agriculteurs (sans Etat)
- sociétés d'agriculteurs (avec État)

p.66 La société primitive sait, par nature, que la violence est l'essence du pouvoir [...] En contraignant le chef à se mouvoir seulement dans l'élément de la parole, c'est-à-dire à l'extrême opposé de la violence, la tribu s'assure que toutes choses restent à leur place, que l'axe du pouvoir se rabat sur le corps exclusif de la socité et que nul déplacement des forces ne viendra bouleverser l'ordre social.

p.67 Les anarchistes dénoncent dans la [soit-disant] démocratie représentative :
- ou bien une simple délégation de pouvoir (Proudhon) "le suffrage universel est la contre-révolution"
- ou un renforcement du pouvoir (Max Stirner)
- ou un masque du pouvoir (Bakounine) : "pouvoir despotique fondé sur l’État, la police et l'armée."

p.67 Les ethnologues opposent la belle unanimité des sociétés dites primitives à la loi de la majorité chère à nos démocraties (cf. Charbonnier "Entretiens avec Levi-Strauss").

p.68 Abolition de l’État - Création de libres associations et de la fédération de ces associations

p.69 La Commune (1871) soumit toutes les places d'administration, justice et éducation comprises, au choix des intéressés (suffrage universel) et rétribua tous les services par le salaire que recevaient les autres ouvriers (mettant le holà à la chasse aux places et à l'arrivisme . La Commune appliqua également en place des mandats impératifs aux délégués aux corps représentatifs.

p.70 Rêver nostalgiquement, avec les ethnologues comme Pierre Clastres, aux sociétés archaïques sans Etat.

p.71 Totalitarisme des sociétés modernes (Hannah Arendt)

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