jeudi 11 avril 2019

Elevage en stabulation

Et sur les indications du diable, on créa l’école.
L’enfant aime la nature : on le parqua dans des salles closes.
L’enfant aime voir son activité servir à quelque chose, on fit en sorte qu’elle n’eût aucun but.
Il aime bouger : on l’obligea à se tenir immobile.
Il aime manier les objets : on le mit en contact avec les idées.
Il aime se servir de ses mains : on ne mit en jeu que son cerveau.
Il aime parler : on le contraignit au silence.
Il voudrait raisonner : on le fit mémoriser.
Il voudrait chercher la science : on la lui servit toute faite.
Il voudrait s’enthousiasmer : on inventa les punitions.
Alors les enfants apprirent ce qu’ils n’auraient jamais appris sans cela.
Ils surent dissimuler, ils surent tricher, ils surent mentir."

– Adolphe Ferrière, au Congrès de Calais, 1921

2 commentaires:

Je a dit…

Bernard Collot (un instituteur à la retraite qui a enseigné pendant plus de 30 ans en classe unique, en milieu rural) parle d'élevage (le mot "élève" en est issu) en "stabulation" et vous rejoint donc complètement sur le diagnostic.

Je partage ici deux de ses articles :
- https://justemonopinion-jeronimo.blogspot.com/2019/04/gilets-jaunes-parlez-aussi-de-lecole.html
- https://justemonopinion-jeronimo.blogspot.com/2019/04/quand-allez-vous-les-laisser-enfin.html

Si l'école est à ce point conçue pour être en opposition avec les penchants naturels des enfants, pourquoi donc l'a-t-on instituée de cette façon ?

La réponse est terrible et date de l'école de Jules Ferry, dès les années 1880 (je dois vous montrer le texte d'un certain Lavisse pour la rentrée de 1885 ou 1886) :
- pour former de futurs ouvriers ayant "intégré le sens du devoir" (pas des droits bien sûr), donc obéissant servilement au patron (du latin "pater", le père)
- et pour former des "soldats aimant leur fusil", prêts à mourir pour la patrie (encore du latin "pater"); cette chimère derrière laquelle se cachaient les industriels.

Et cela a bien fonctionné : un essor industriel considérable et ... deux guerres mondiales lors des deux générations suivantes.

L'école façonne la société que nous aurons demain et après-demain. Il ne faut surtout pas sous-estimer ce "6ème pouvoir" !

PS : Les trois premiers pouvoirs sont les politiques (législatif, exécutif et judiciaire), le quatrième c'est la presse, et le cinquième : la banque.

Je a dit…

Texte d'Ernest Lavisse, "Questions d'enseignement national", éd. Armand Colin, 1885 :

"[...] Pour tout dire, si l'écolier n'emporte pas avec lui le vivant souvenir de nos gloires nationales, s'il ne sait pas que ses ancêtres ont combattu sur mille champs de bataille pour de nobles causes; s'il n'a point appris ce qu'il a coûté de sang et d'efforts pour faire l'unité de notre patrie et les lois qui nous ont rendus libres, s'il ne devient pas un citoyen pénétré du sentiment de ses devoirs et un soldat qui aime son fusil, l'instituteur aura perdu son temps."