vendredi 20 mars 2020

Coronavirus : Agissez Aujourd’hui [même si l'article date déjà d'au moins une semaine]

Politiciens, Managers : Que Devez-Vous Faire, et Quand?


Mar 13 · 30 min read

NB : Ce qui suit est une traduction rapide de l’article de Tomas Pueyo (plus de 26 million de visites) par Fanfan, assisté par Pierre Djian, Lucie Lévy, basé sur une version initiale de h16, et révisée par Tomas Pueyo. Les données datent de lundi. Elles ont depuis continué à évoluer en ligne avec les prédictions, et la situation en Europe et dans le monde de se dégrader rapidement. Plus de 20 traductions peuvent se trouver dans l’article original.



Au vu du contexte chaotique et du surplus d’informations autour du Coronavirus, il parait difficile de prendre des décisions dès aujourd’hui. Devrait-on attendre d’avoir plus d’infos? Faire quelque chose aujourd’hui? Demain? Quoi exactement?
Voici les points que nous allons couvrir dans cet article, avec de nombreux graphiques, données et modèles, ainsi qu’une multitude de sources fiables :
  • Combien de cas de Coronavirus y aura-t-il dans votre ville/région?
  • Que va-t-il se passer quand ces cas apparaissent au grand jour?
  • Que devriez vous faire?
  • Quand?
Une fois terminée la lecture de cet article, voici ce que vous allez comprendre avec clarté :
Le Coronavirus arrive à vous.
Il arrive à vitesse exponentielle : progressivement, puis tout d’un coup.
C’est une question de jours. Peut-être une semaine.
Quand il arrivera, notre système de santé sera submergé.
Nos concitoyens seront traités dans les couloirs.
Des soignants épuises vont s’effondrer. Certains parmi eux mourront.
Ils devront choisir quels patients reçoivent de l’oxygène et lesquels meurent.
Le seul moyen de s’en prémunir est de pratiquer la “distanciation sociale” dès aujourd’hui. Pas demain. Aujourd’hui.
Cela veut dire garder un maximum de personnes chez elles, dès maintenant.
En tant que responsable politique, associatif ou d’entreprise, vous avez le pouvoir et la responsabilité d’éviter que le pire ne se produise.
Vous avez probablement des doutes aujourd’hui : Que se passera-t-il si vous dramatisez? Est-ce que les gens vont se moquer de vous? Être en colère? Aurez-vous l’air stupide? N’est ce pas plus raisonnable d’attendre que d’autres fassent le premier pas? Est-ce que je ne vais pas trop nuire a l’économie?
Mais dans 2–4 semaines, quand le monde entier sera bouclé ou en état d’urgence, lorsque les quelques jours précieux de “distanciation sociale” que vous aurez permis auront sauvé des vies, les gens ne vous critiqueront plus : ils vous remercieront d’avoir pris la bonne decision.
OK, c’est parti.

1. Combien de cas de Coronavirus y aura-t-il dans ma ville/region?



Le nombre total de cas a augmenté exponentiellement jusqu’à ce que la Chine arrive a circonscrire l’épidémie sur son territoire. Mais ensuite, le virus s’est faufilé en dehors des frontières, et c’est maintenant une pandémie que personne ne peut arrêter.


Aujourd’hui, c’est principalement l’Italie, l’Iran et la Coree du Sud qui sont les plus gros contributeurs :


Il y a tant de cas en Coree du Sud, Italie et Chine que c’est difficile de distinguer les autres pays, mais zoomons sur le coin en bas à droite.

Il y a des douzaines de pays avec des taux de croissance exponentiels. Ils sont aujourd’hui principalement Occidentaux.


Si on reste sur les memes types de croissance pendant une semaine de plus seulement, voici ce qu’on obtient :


Si vous voulez comprendre ce qui va se passer, ou comment s’en prémunir au mieux, il faut regarder les pays qui sont déjà passés à travers cette phase : la Chine, les pays Asiatiques ayant l’experience du SRAS, et l’Italie.

Source: analyse de Tomas Pueyo sur un graphique du Journal of the American Medical Association, basé sur des données de cas de la Chinese Center for Disease Control and Prevention
Celui-ci est un des graphiques les plus importants.
Il indique en barres orange le nombre officiel de nouveaux cas dans la province du Hubei : c‘est-à-dire combien de personnes ont été diagnostiquées ce jour-là.
Les barres grises montrent les nouveaux cas reels de coronavirus/jour. L’autorité sanitaire chinoise les a découvert plus tard, en demandant aux patients une fois ceux-ci diagnostiques quand avaient débuté leur symptômes.
Il est primordial de noter que ces cas reels n’étaient pas connus à l’époque. Nous ne pouvons les déterminer qu’à posteriori. Les autorités ne sont pas au courant lorsqu’une personne devient symptomatique. Elles le savent quand une personne est testée et diagnostiquée.
Cela signifie que les histogrammes oranges vous montrent ce que les autorités savaient et les gris ce qui se passait réellement.
Le 21 janvier, le nombre de nouveaux cas diagnostiqués (en orange) explose : il y a environ 100 nouveaux cas. En réalité, il y a eu 1 500 nouveaux cas ce jour-là, avec une croissance exponentielle. Mais les autorités ne le savaient pas. Ce qu’elles savaient, c’est que soudain, il y avait 100 nouveaux cas de cette nouvelle maladie.
Deux jours plus tard, les autorités ont placé Wuhan en quarantaine. À ce moment-là, le nombre de nouveaux cas diagnostiqués chaque jour était ~400. Notez ce chiffre : ils ont pris la décision de fermer la ville avec seulement 400 nouveaux cas en un jour. En réalité, il y a eu 2 500 nouveaux cas ce jour-là, mais ils ne le savaient pas.
Le jour suivant, 15 autres villes du Hubei ont été placées en quarantaine.
Jusqu’au 23 janvier, date de la fermeture de Wuhan, vous pouvez regarder le graphique gris : il croît de façon exponentielle. L‘apparition de nouveaux « vrais cas » était à son maximum. Dès que Wuhan est passé en quarantaine, les nouveaux cas ralentissent. Le 24 janvier, lorsque 15 autres villes ferment, le nombre de cas réels (encore une fois, en gris) s’arrête brusquement. Deux jours plus tard, le nombre maximum de nouveaux cas réels a été atteint, et il n’a cessé de baisser depuis.
Notez que les cas orange (officiels) continuaient de croître de façon exponentielle à ce moment : pendant encore 12 jours, on aurait dit que les chiffres continuaient d’exploser. Mais ce n’était pas le cas. C’est juste que les symptômes de cas déjà existants devenaient plus forts, et qu’ils allaient donc plus consulter, et que le système pour les identifier devenait plus robuste.
Ce concept de cas officiels et réels est primordial. Gardons ça en tête pour la suite.
Les autres régions de Chine étaient bien coordonnées par le gouvernement central, qui a donc pris des mesures immédiates et drastiques. Voilà le résultat :


Chaque ligne plate est une région chinoise où l’on trouve des cas de coronavirus. Chacun d’entre eux avait le potentiel de devenir exponentiel, mais grâce aux mesures prises à la fin du mois de janvier, le virus a été stoppé avant qu’il ne se propage.
Pendant ce temps, la Corée du Sud, l’Italie et l’Iran ont eu un mois entier pour apprendre — mais ne l’ont pas fait. Ils ont tous étés confrontés au démarrage d’une croissance exponentielle comme le Hubei, et ont dépassé toutes les régions chinoises avant la fin du mois de février.
Le nombre de cas en Corée du Sud ont explosé, mais vous êtes-vous peut-être demandé pourquoi pas au Japon, à Taiwan, Singapour, en Thaïlande ou à Hong Kong?

Taïwan n’est même pas sur ce graphique parce qu’il n’a pas atteint le seuil de 50 cas que j’ai utilisé
Ces pays ont tous été touchés par le SRAS en 2003, et tous en ont tiré les conséquences. Ils ont appris à quel point ce genre de situation pouvait être grave, subite et mortelle, et ils ont donc su la prendre au sérieux. C’est pourquoi toutes leurs courbes, bien qu’elles aient commencés à croître beaucoup plus tôt que celles des pays occidentaux, ne ressemblent toujours pas à des exponentielles.
Jusqu’ici, on a évoqué des nombres de contaminés au coronavirus qui explosent, des gouvernements qui prennent conscience de la menace, et qui agissent drastiquement pour la contenir. Pour les autres pays que ceux évoqués jusqu’ici, cependant, c’est une toute autre histoire.
Avant de passer à ces autres pays, un mot sur la Corée du Sud : ce pays est probablement une aberration statistique. Le coronavirus a été contenu correctement pour les 30 premiers cas. Le patient 31 était un super-diffuseur qui l’a transmis à des milliers d’autres personnes. Comme le virus se répand avant que les gens ne présentent des symptômes, le temps que les autorités se rendent compte du problème, le virus était déjà là. Elles paient aujourd’hui les conséquences de ce super-diffuseur. Leurs efforts de confinement paient cependant : l’Italie et l’Iran ont déjà dépassé la Corée, la France, l’Espagne et les États-Unis d’ici une semaine.
Nous avons déjà vu la croissance dans les pays occidentaux, et à quel point les prévisions à une semaine seulement sont mauvaises. Imaginez maintenant que l’endiguement ne se fasse pas, contrairement à Wuhan ou dans d’autres pays d’Asie, et vous obtenez une épidémie colossale.
Examinons quelques cas, comme l’État de Washington, la région de la baie de San Francisco, Paris et Madrid.


L’État de Washington est le Wuhan des États-Unis, où le nombre de cas augmente de façon exponentielle. Il est actuellement de 140.
Mais une chose intéressante s’y est produite très tôt. Le taux de létalité a atteint des sommets. À un moment donné, l’État a eu 3 cas, et un décès.
Nous savons basé sur les autres pays affectés en nombre que le taux de létalité du coronavirus se situe entre 0,5% et 5% (nous y reviendrons plus tard). Comment le taux de létalité pourrait-il être de 33% dans l’État de Washington?
En fait, le virus se propageait sans être détecté depuis des semaines. Ce n’est pas comme s’il n’y avait eu que 3 cas. C’est que les autorités n’en connaissaient que trois, et l’un d’entre eux est mort car plus la maladie est grave, plus il est probable que quelqu’un soit testé.
C’est un peu comme les barres orange et grises en Chine : ici, ils ne connaissaient que les barres orange (cas officiels) et la situation avait l’air très correcte : seulement 3 cas. Mais en réalité, il y avait deja des centaines, voire des milliers de cas réels.
C’est là le problème : on ne peut connaitre que les cas officiels, pas les cas réels. Mais pour prendre les bonnes mesures, il faut connaître le nombre de cas réels. Comment estimer les cas réels? On peut le faire de deux manières. Et j’ai créé un modèle qui fait ces estimations pour chacune de ces manières, donc vous pouvez aussi jouer avec les chiffres (lien direct pour faire une copie du modèle ici).
D’abord, en approchant l’estimation par le nombre de morts. Si vous avez un décès dans votre region, vous pouvez utiliser ce nombre pour estimer le nombre de cas reels dans cette même region. On sait en effet approximativement combien de temps il faut à cette personne pour passer de la contamination au décès en moyenne (17,3 jours). Cela signifie que la personne morte le 29/02 dans l’État de Washington a probablement été infectée vers le 12/02.
Ensuite, on connait le taux de létalité. Pour ce cas, utilisons 1 % (nous en reparlerons plus tard). Cela signifie qu’aux alentours du 12/02, il y avait déjà une centaine de cas dans la région (parmis lesquels 1 seul mourra, 17.3 jours plus tard).
Enfin, utilisons le temps de doublement moyen pour le coronavirus (temps nécessaire pour doubler le nombre de cas reels, en moyenne). Il est de 6,2. Cela veut dire que, dans les 17 jours qu’il a fallu à cette personne pour passer de “contaminée” à“morte”, les cas se sont vraisemblablement multipliés par ~8 (=2^(17/6)). En clair, si vous ne diagnostiquez pas tous les cas, un décès aujourd’hui signifie 800 cas réels aujourd’hui.
L’État de Washington compte aujourd’hui 22 décès. Avec le calcul rapide expliqué ci-dessus, on a donc ~16.000 cas réels de coronavirus aujourd’hui. Autant que les cas officiels en Italie et en Iran réunis.
Si l’on regarde dans le détail pour Washington, on se rend compte que 19 (parmi 22) de ces décès sont dus à un seul cluster, ce qui indique peut-être une propagation du virus relativement faible. Si on considère donc ces 19 décès comme un seul, le total des décès dans l’État de Washington est de quatre. En actualisant le modèle avec ce chiffre, nous obtenons tout de même ~3 000 cas aujourd’hui.
Cette approche de Trevor Bedford examine les virus eux-mêmes et leurs mutations pour évaluer le nombre de cas actuels.


La conclusion est qu’il y a très probablement ~1 100 cas dans l’état de Washington en ce moment.
Aucune de ces approches n’est parfaite, mais elles pointent toutes vers le même message : nous ne connaissons pas le nombre de cas réels, mais il est beaucoup plus élevé que le nombre de cas officiel. On ne parle pas de centaines : on parle de milliers, peut-être dizaines de milliers.
Jusqu’au 08/03, il n’y avait pas de morts dans la Bay Area. Il était donc difficile de savoir combien de cas réels il y avait dans la region. Officiellement, il y avait 86 cas. Mais les États-Unis sous-estiment largement le nombre de cas, car ils n’ont pas assez de kits de test. Le pays a décidé de créer son propre kit de test, qui s’est avéré ne pas fonctionner.
Voici le nombre de tests pratiqués dans les différents pays au 03/03 :

Les sources pour chaque chiffre sont ici

La Turquie, qui n’avait déclaré aucun cas de Coronavirus (le premier le 11/3), conduisait alors 10 fois plus de tests par habitant que les USA. La situation ne s’est depuis guère améliorée, on est autour de ~8000 tests conduits aux USA, ce qui signifie que ~4000 personnes ont été testées.


Ici, on peut simplement utiliser un ratio de “cas testés / cas réels”. Comment décider lequel? Pour la Bay Area, ils ont testé toutes les personnes qui avaient voyagé ou qui étaient en contact avec un voyageur, ce qui signifie qu’ils connaissaient la plupart des cas liés aux voyages, mais aucun des cas de propagation communautaire. En comparant la propagation communautaire à la propagation par les voyages, on peut donc approximer combien de cas réels il y a.
J’ai examiné ce ratio pour la Corée du Sud, qui dispose de données très solides. Au moment où ils ont eu 86 cas, le pourcentage de cas de propagation communautaire était de 86% (86 et 86% sont une coïncidence).
Avec ce chiffre, on peut calculer le nombre de cas réels. Si la région de la Baie de San Francisco compte 86 cas aujourd’hui, il est probable que le nombre réel soit donc de ~600.
La France revendique aujourd’hui (13 Mars) 2 900 cas et 61 décès. En utilisant les deux méthodes ci-dessus, vous pouvez avoir un éventail du nombre de cas reels : entre 50 000 et 300 000.
Le nombre réel de cas de coronavirus en France aujourd’hui se situe probablement entre 50 000 et 300 000.
Je le répète : le nombre de cas réels en France est probablement supérieur d’un à deux ordres de grandeur à celui qui est officiellement déclaré.
Vous trouvez ces chiffres incroyables ? Regardons à nouveau le graphique de Wuhan.

Si on additionne les barres orange jusqu’au 22/01, vous obtenez 444 cas. Maintenant, additionnons toutes les barres grises. Elles totalisent ~12 000 cas. Donc quand Wuhan pensait avoir 444 cas, il y en avait 27 fois plus. Si la France pense qu’elle a 2 900 cas, elle pourrait bien en avoir des dizaines ou des centaines de milliers.
Le même principe de calcul s’applique à Paris. Avec environ 126 cas dans la ville, le nombre réel de cas se situe probablement dans les centaines, voire les milliers. Avec 630 cas en Île-de-France, le nombre total de cas dans la région pourrait déjà dépasser les dizaines de milliers.
Le coronavirus en France est déjà une épidémie plus grave qu’en Chine. On ne s’en ait juste pas encore rendu compte.

Espagne et Madrid

L’Espagne a des chiffres encore pires que ceux de la France (3 200 cas), et 86 décès. Cela signifie que les mêmes règles sont applicables : L’Espagne compte probablement déjà entre 70 000 et 300 000 cas réels.
Dans la région de la Comunidad de Madrid, avec 1 400 cas officiels et 56 décès, le nombre réel de cas se situe probablement entre 40 000 et 140 000.
Si vous lisez ces chiffres et que vous vous dites « impossible, cela ne peut pas être vrai », rappelez vous simplement ca : avec ce nombre de cas, Wuhan avait déjà décrété la quarantaine complète.
Avec un nombre de cas inférieur a celui des USA, de l’Espagne, de la France, l’Iran, l’Allemagne, le Japon, les Pays Bas, la Suède, le Danemark, le Royaume Uni ou la Suisse aujourd’hui, Wuhan était déjà en confinement total.
Et si vous vous dites « Bof, le Hubei n’est qu’une région » (ndt : facile a mettre en quarantaine donc), je vous rappelle qu’elle compte près de 60 millions d’habitants, soit plus que l’Espagne et environ la taille de la France.

2. Que se passera-t-il lorsque ces cas de coronavirus se matérialiseront?

Donc, le coronavirus est déjà bel et bien là. Il est pour l’instant caché, et sa croissance est exponentielle.
Que se passera-t-il dans nos pays lorsqu’il frappera au grand jour ? C’est facile à savoir, car nous avons déjà plusieurs endroits où cela se passe en ce moment même. Les meilleurs exemples sont le Hubei et l’Italie.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) cite un taux de létalité de 3,4 % (% de personnes qui contractent le coronavirus et qui en meurent). Ce chiffre est hors contexte, alors expliquons le.


Ca dépend vraiment du pays et du moment : entre 0,6 % en Corée du Sud et 4,4 % en Iran. Alors, quel chiffre croire? On peut utiliser une astuce pour se rapprocher.
Les deux façons de calculer le taux de létalité sont (décès / total des cas) et (décès / total des cas clos). La première est probablement une sous-estimation, car de nombreux cas ouverts peuvent encore se solder par un décès. La seconde est une surestimation, car il est probable que les cas de décès soient clos plus rapidement que les cas de récupérations.
J’ai examiné comment les deux évoluent dans le temps. Ces deux chiffres vont logiquement converger vers le même résultat une fois que tous les cas seront clos, donc si on projète les tendances passées vers le futur, on peut faire une estimation sur ce que sera le taux de létalité final.
Voici ce qui transparait dans les données. Le taux de létalité en Chine se situe actuellement entre 3,6% et 6,1%. Si vous projetez ça dans le futur, il semble qu’il converge vers ~3,8%- 4%. C’est le double de l’estimation actuelle, et 30 fois pire que la grippe.
Il est cependant composé de deux sous-réalités complètement différentes : le Hubei d’un cote, et le reste de la Chine de l’autre.


Le taux de létalité du Hubei va probablement converger vers 4,8 %. Pour le reste de la Chine, il devrait en fait converger vers ~0,9% :


J’ai également projeté les chiffres pour l’Iran, l’Italie et la Corée du Sud, les seuls pays où il y a deja eu assez de morts pour que la chose soit pertinente.


Le ratio (nombre de décès / nombre total de cas) en Iran et en Italie converge vers les 3 à 4 %. J‘imagine que leur ratio réel se situera donc autour de ce chiffre au final.


La Corée du Sud est l’exemple le plus intéressant, car les deux ratios sont complètement déconnectés : le (nombre de décès / total des cas) n’est que de 0,6 %, mais le (nombre de décès / cas classés) est un énorme 48 %. Mon interpretation est que ce pays est extrêmement prudent : il teste tout le monde (avec autant de cas “en cours”, le taux de létalité semble faible) et laisse les cas ouverts plus longtemps (il ferme donc rapidement les cas uniquement lorsque le patient est mort). Il se peut aussi qu’avec autant de lits d’hôpital, la létalité soit plus basse.
Ce qui est pertinent pour la Corée, c’est que le ratio (décès / nombre de cas) a oscillé autour de 0,5 % depuis le début, ce qui laisse supposer qu’il restera stable autour de ce chiffre.
Le dernier exemple pertinent est celui du Diamond Princess : avec 706 cas, 7 décès et 100 guérisons, le taux de létalité se situera entre 1 % et 6,5 %.
Voici ce qu’on peut conclure de toutes ces estimations :
  • Les pays qui sont préparés auront un taux de létalité compris entre ~0,5% (Corée du Sud) et 0,9 % (Chine hors Hubei)
  • Les pays qui se laissent déborder auront un taux de létalité compris entre ~3% et 5%.
En d’autres termes : les pays qui agissent rapidement peuvent diviser le nombre de décès par dix. Et ca, c’est en prenant en compte le taux de létalité uniquement. Agir rapidement permet également de réduire considérablement le nombre de cas contaminés, ce qui renforce encore l’argument d’agir vite et fort.
Les pays qui agissent rapidement divisent le nombre de décès d’au moins par 10x.
Que doit donc faire un pays pour être bien préparé?
Environ 20% des cas nécessitent une hospitalisation, 5% des cas nécessitent l’unité de soins intensifs (ICU) et environ 2.5% nécessitent une aide très intensive, avec des machines comme des respirateurs ou l’ECMO (oxygénation extra-corporelle).


Le problème, c’est que des machines comme les respirateurs et l’ECMO ne peuvent pas être fabriques ou achetés facilement. Il y a quelques années, les États-Unis possédaient par exemple un total de 250 machines ECMO.
Donc, si on a soudainement 100 000 personnes infectées, beaucoup d’entre elles voudront aller se faire tester. Environ 20 000 devront être hospitalisées, 5 000 auront besoin de passer en unité de soins intensifs et 1 000 auront besoin de machines que nous n’avons pas en quantité suffisante aujourd’hui. Et ça, ce n’est qu’avec 100 000 cas.
Et cela sans tenir compte de problème connexes comme les masques. Un pays comme les États-Unis ne dispose que de 1 % des masques dont il a besoin pour couvrir les besoins de son personnel de santé (12 millions de N95, 30 millions de chirurgicaux vs. besoin de 3.5 milliards). Si beaucoup de cas apparaissent en même temps, il n’y aura des masques pour le personnel de santé que pour deux semaines aux USA.
Des pays comme le Japon, la Corée du Sud, Hong Kong ou Singapour, ainsi que des régions chinoises en dehors du Hubei, se sont préparées et ont pu donner les soins dont les patients ont eu besoin.
Mais le reste des pays occidentaux se dirigent plutôt vers des situations comme celles du Hubei et de l’Italie. Alors que se passe-t-il là-bas ?
Les histoires qui se sont déroulées à Hubei et celles qui se sont déroulées en Italie commencent à se ressembler étrangement. Hubei a construit deux hôpitaux en dix jours, mais même avec ca, la region était complètement débordée.


Italie comme Hubei se sont plaints que les patients inondaient leurs hôpitaux. Il fallait les prendre en charge partout : dans les couloirs, dans les salles d’attente…

Je recommande vivement ce court thread Twitter. Il brosse un tableau assez sombre de l’Italie aujourd’hui

Les professionnels de santé passent le maximum de temps possible avec le même équipement de protection jetable, car il n’y en a pas assez. Par conséquent, ils ne peuvent pas quitter les zones contaminées pendant des heures. Quand ils le font, ils s’écroulent, déshydratés et épuisés. Les équipes de rotation n’existent plus. On sort les médecins et soignants en retraite de leur retraite pour renforcer les équipes et répondre à la demande. Des gens qui n’ont aucune idée de ce qu’est un travail d’infirmière sont formées du jour au lendemain pour remplir des rôles essentiels. Tout le monde est de garde, tout le temps, sans interruption.

Francesca Mangiatordi, an Italian nurse that crumbled in the middle of the war with the Coronavirus

Sans interruption… jusqu’à ce que les soignants, eux aussi, tombent malades. Ce qui arrive souvent, car ils sont constamment exposés au virus, sans équipement de protection suffisant. Quand ils tombent malades, ils doivent être en quarantaine pendant 14 jours, pendant lesquels ils ne peuvent plus aider. Dans le meilleur des cas, on perd deux semaines d’aide précieuse. Dans le pire des cas, ils en meurent.
Le pire, c’est dans les unités de soins intensifs, où il faudrait que les patients puissent se répartir et partager les respirateurs ou les ECMO. Ceux-ci sont en fait impossibles à partager, et les professionnels de santé doivent donc décider quel patient va pouvoir y avoir accès. En clair, ça veut dire : décider qui va vivre et qui va mourir.
« Au bout de quelques jours, il faut choisir. […] Tout le monde ne peut pas être entubé. Nous décidons en fonction de l’âge et de l’état de santé. »
—Chistian Salaroli, médecin italien

Travailleurs médicaux portent des systèmes de protection hermétiques pour se protéger du coronavirus, dans l’Unité de Soins Intensifs d’un hôpital spécialisé du Wuhan, Chine le 6 février (China Daily/Reuters), via Washington Post

Tout ça, c’est ce qui pousse un système à avoir un taux de létalité de ~4% au lieu de ~0,5%. Si ca ne vous pose pas de problème que votre ville ou votre pays tende vers ces 4 % de létalité, continuez à ne pas agir dès aujourd’hui.

Images satellite qui montrent le cimetière de Behesht Masoumeh, dans la ville iranienne de Qom. Image : ©2020 Maxar Technologies. Via The Guardian et The New York Times.

3. Que devriez-vous faire ?

Il s’agit maintenant officiellement d’une pandémie. Elle ne peut être éliminée. Mais ce que nous pouvons faire, c’est réduire son impact.
Certains pays ont été exemplaires à cet égard. Le meilleur est Taïwan, qui est extrêmement connecté à la Chine et qui compte encore aujourd’hui malgré ça moins de 50 cas. Ce document récent explique toutes les mesures qu’ils ont prises au début, qui étaient concentrées sur l’endiguement.
Ils ont réussi à contenir l’épidémie, mais la plupart des pays n’avaient pas cette expertise et ne l’ont pas fait. Maintenant, les pays dans ce second cas jouent un jeu différent : l’atténuation. Ils doivent rendre ce virus aussi inoffensif que possible.
Si nous réduisons le nombre de contaminations autant que possible, notre système de santé sera en mesure de traiter les cas beaucoup mieux, ce qui fera a son tour baisser le taux de létalité. Et, si nous étalons cela dans le temps, nous atteindrons un point où le reste de la société (les non-contaminés) pourra être vacciné, éliminant ainsi totalement le risque. Notre objectif n’est donc pas d’éliminer les contagions au coronavirus. C’est de les reporter au plus tard possible.


Plus nous reportons les cas a une date tardive, mieux le système de santé pourra fonctionner, plus le taux de létalité sera bas et plus la proportion de la population qui sera vaccinée avant d’être contaminée sera élevée.
Comment aplatir la courbe ?
Il y a une chose extrêmement simple que nous pouvons tous faire et qui fonctionne : la distanciation sociale.
Si on regarde de nouveau le graphique de Wuhan, vous vous souviendrez que dès qu’il y a eu une quarantaine sur la ville entière, l’émergence de nouveaux cas a diminué. C’est parce que les gens n’interagissaient plus entre eux et que le virus ne pouvait donc plus se propager.
Le consensus scientifique actuel est que ce virus peut se propager dans un rayon de 2 mètres si quelqu’un tousse. Sinon, les gouttelettes tombent sur le sol et ne vous contamineront pas.
La majeure partie des contaminations se fait alors par les surfaces : le virus survit jusqu’à 9 jours sur différentes surfaces comme le métal, la céramique et le plastique. Cela signifie que les objets comme les poignées de porte, les tables ou les boutons d’ascenseur peuvent être de terribles vecteurs de contamination.
La seule façon de réduire véritablement ce phénomène est par la distanciation sociale : garder les gens à la maison autant que possible, aussi longtemps que possible jusqu’à ce que le phénomène s’estompe.
Ca fonctionne. Ca a déjà été prouvé par le passé. À savoir, lors de la pandémie de grippe “espagnole” de 1918.


Sur ce graphique, on peut voir comme la Philadelphie (en noir) a agi tardivement, et a connu un pic massif du taux de létalité. Comparez cela avec la ville de St Louis (en pointillés), qui elle a agit rapidement.
Ensuite, regardez Denver, qui a adopté des mesures strictes puis les a assouplies rapidement. Ils ont connu un double pic épidemique, le deuxième étant encore plus élevé que le premier.


Si on généralise, voici ce qu‘on obtient :


Ce graphique montre, pour la grippe de 1918 aux États-Unis, le nombre de décès supplémentaires qu’il y a eu par ville en fonction de la rapidité avec laquelle les mesures ont été prises. Par exemple, une ville comme St Louis a pris des mesures 6 jours avant Pittsburg, et a enregistré moins de la moitié du nombre de décès par nombre de citoyens. En moyenne, le fait de prendre des mesures 20 jours plus tôt a permis de réduire de moitié le taux de létalité.
L’Italie l’a enfin compris. Ils ont d’abord bouclé la Lombardie dimanche dernier (8 Mars), et un jour plus tard, lundi (9 Mars), ils ont réalisé leur erreur et décidé qu’ils devaient boucler tout le pays.
Nous espérons voir des résultats dans les jours à venir. Cependant, il faudra une à deux semaines pour les voir. Rappelez-vous le graphique de Wuhan : il y a eu un délai de 12 jours entre le moment où le verrouillage a été annoncé et le moment où les cas officiels (en orange) ont commencé à diminuer.
La question que les hommes politiques se posent aujourd’hui n’est pas s’il faut faire quelque chose, mais plutôt quelles sont les mesures appropriées a prendre.
Il y a plusieurs étapes pour controller une épidémie, qui commencent par l’anticipation et qui se terminent par l’éradication. Mais il est trop tard pour la plupart des options aujourd’hui. Avec un niveau si élevé de personnes infectées, les deux seules options que les hommes politiques ont a leur dispositions sont l‘endiguement et l’atténuation.
L’endiguement
L‘endiguement consiste à s’assurer que tous les cas sont bien identifiés, contrôlés et isolés. C’est sur ce plan qu’excellent Singapour, Hong Kong, le Japon et Taïwan : ils ont très rapidement limité le nombre de personnes passant la frontière, ils ont identifié les malades, les ont immédiatement isolés, ont retrouvé la trace de toutes les personnes qui ont été en contact avec eux, les ont placés en quarantaine et ont correctement équipé leur personnel médical pour se protéger. C’est une stratégie très efficace lorsque le pays se tient prêt et qu’il la met en œuvre tôt. Et elle n’exige pas de mettre l’économie à l’arrêt.
J’ai déjà vanté la démarche adoptée par Taiwan. Mais celle de la Chine mérite aussi notre attention. Les efforts qu’elle a déployés sont faramineux. Elle a par exemple assemblé jusqu’à 1 800 équipes de 5 membres chacune pour retrouver toutes les personnes infectées, toutes les personnes qui ont été en contact avec ces dernières, puis tous les contacts de deuxième niveau pour tous les placer en isolement. C’était le prix à payer pour endiguer la propagation du virus dans un pays de plus d’un milliard d’habitants.
Les pays occidentaux n’ont pas suivi cet exemple. Aujourd’hui, il est trop tard. Ce mercredi 11 Mars, Les États-Unis ont annoncé l’interdiction de la majorité des vols en provenance d’Europe. À ce jour, ils comptent trois fois plus de cas que la région de Hubei au moment de son confinement. Ce nombre augmente de façon exponentielle. Comment peut-on savoir si c’est suffisant? On peut, en regardant des modèles de Wuhan.
Ce graphique sort d’un modèle crée par des épidémiologistes. Il montre l’impact de l’interdiction de sortir de Wuhan. La taille des bulles montre le nombre de cas par jour dans toute la Chine. La ligne du haut estime les cas si rien n’est fait. Celle du milieu estime les cas en réduisant les sorties de Wuhan vers le reste de la Chine de 40%. La dernière estime l’impact d’une réduction de 90%.
Si vous ne voyez pas beaucoup de différence, vous avez bien raison. C’est très difficile de voir des changements du déroulement de l’épidémie. Les chercheurs estiment que l’interdiction de sortir du Wuhan a seulement ralenti l’épidémie de 3-5 jours.
Quel est l’impact qu’ils estiment de la réduction de transmission?

Le bloc du haut est le même que vous avez vu avant. Les deux autres blocs montrent une réduction de transmission de 25% ou de 50%. Quand la transmission baisse de 25% (à travers la distanciation sociale), cela aplatit la courbe et retarde le maximum de 14 semaines. Réduire la transmission de 50% retarde tellement l’épidémie qu’on ne la voit même plus sur cette chronologie.
L’interdiction américaine de voyageurs d’Europe est une bonne mesure : elle a probablement retardé l’épidémie de quelques heures, peut-être un jour ou deux. Mais pas plus.
Quand des centaines ou des milliers de cas se cachent déjà dans une population, il est insuffisant d’empêcher l’arrivée d’autres cas, de remonter jusqu’aux malades et d’isoler les personnes qui ont été en contact avec eux. Il faut passer à l’étape d’atténuation.
L’atténuation
Les mesures d’atténuation demandent une forte distanciation sociale. Les personnes doivent arrêter de se fréquenter pour faire baisser le taux de transmission (R ), de R=~2 à 3 que le virus suit sans prise de mesures, à moins de 1, pour qu’il finisse par finalement mourir.
Ces mesures nécessitent la fermeture d’entreprises, de boutiques, de transports en communs, d’écoles, imposer l‘isolement… Plus la situation est mauvaise, plus la distanciation sociale doit être sévère. Plus les mesures lourdes sont imposées tôt, plus leur durée nécessaire sera courte et plus le nombre de personnes infectées sera faible.
C’est ce que Wuhan a dû faire. C’est ce que l’Italie a été forcée d’accepter. Car quand le virus est généralisé, la seule mesure consiste à empêcher immédiatement toutes les zones infectées de continuer la propagation.
Avec des milliers de cas officiels — et des dizaines de milliers de vrais cas — c’est ce que des pays comme l’Iran, la France, l’Espagne, l’Allemagne, la Suisse et les Etats-Unis doivent faire.
Mais ils ne le font pas.
Certaines entreprises ont mis en place le travail à domicile et c’est fantastique.
Certains rassemblements importants sont annulés.
Certaines zones infectées se mettent en quarantaines d’elles-mêmes.
Toutes ces mesures vont ralentir le virus.
Mais ce n’est pas assez de faire baisser ce taux de transmission, ce R, de 2,5 à 2,2 ou même 2. Nous devons le faire passer sous la barre des 1 sur une période de temps prolongée pour le tuer. Et si nous ne pouvons pas le faire, nous devons l’amener le plus proche du 1 possible pendant aussi longtemps que possible pour aplatir la courbe.
La question devient donc : quels compromis pouvons-nous faire pour faire baisser ce R ? La liste de choix que l’Italie nous suggère est la suivante :
  • Personne ne peut entrer ou sortir des zones de lockdown, à moins de raisons familiales ou professionnelles avérées.
  • Les mouvements à l’intérieur de ces zones sont à éviter, à moins de raisons personnelles ou professionnelles urgentes et ne pouvant pas être repoussées.
  • Il est “fortement recommandé” pour les personnes ayant des symptômes (infection respiratoire et fièvre) de rester à la maison.
  • Les congés classiques pour les soignants sont suspendus
  • La fermeture de tous les établissements scolaires (écoles, universités etc), club de sport, stations de ski, centres sociaux et culturels, piscines et théâtres.
  • Les bars et les restaurants ont des temps d‘ouverture limités, de 6h du matin à 6 du soir, avec au moins 1 mètre de distance entre les gens.
  • Tous les bars et boites de nuits sont fermés.
  • Toute activité commerciale doit maintenir une distance de 1 mètre au minimum entre les clients. Ceux qu’ils ne peuvent pas respecter ces mesures doivent fermer. Les lieux de culte peuvent rester ouverts tant qu’ils peuvent garantir cette distance.
  • Les visites de la famille et des amis à l’hôpital sont limitées.
  • Les rendez-vous professionnels doivent être reportés. Le travail a domicile doit être encouragé.
  • Tous les événements sportifs et compétitions, publics ou privés, sont annulés. Les événements important peuvent être maintenus à huis clos.
Deux jours plus tard, ils ont ajouté : “Non, en fait, vous devez fermer tous les business qui ne sont pas cruciaux. Donc à partir de maintenant, nous fermons toutes les activités commerciales, bureaux, cafés, commerces. Seuls les transports, les pharmacies, les supermarchés resteront ouverts.”
Une approche est d’augmenter graduellement les mesures. Malheureusement, cela offre un temps précieux au virus pour se propager. Si vous voulez être en sécurité, faites le à la façon Wuhan. Les gens se plaindront peut-être maintenant, mais ils vous remercieront plus tard.
Si vous êtes un dirigeant d’entreprise et que vous voulez savoir ce que vous devez faire, la meilleure ressource pour vous est le Staying Home Club (principalement américain).
Il s’agit d’une liste de directives de distanciation sociale qui ont été adoptées par des grandes entreprises tech américaines — jusqu’à présent, 328 d’entre elles.
Elles vont du travail à domicile autorisé ou obligatoire, aux restrictions sur les visites, voyages ou événements.
Il y a d’autres choses que chaque entreprise doit decider, comme ce qu’on doit faire pour les travailleurs payés à l’heure, si le bureau doit rester ouvert ou non, comment mener les entretiens d’embauche, ce qu’il faut faire avec les cafétérias… Si vous voulez savoir comment mon entreprise, Course Hero, a géré certaines de ces questions, ainsi qu’un modèle de communication auprès de vos employés, voici celui que mon entreprise a utilisé.

4. Quand ?

Il est très possible que jusqu’à présent vous soyez d’accord avec tout ce qu’on a couvert, et que vous vous demandiez depuis le début de la lecture quand prendre quelle décision. Autrement dit, quels sont les éléments déclencheurs pour décider d’appliquer quelle mesure.
Pour répondre a cette question, j’ai créé un modèle excel.
Ce modèle vous permet d’estimer le nombre probable de cas dans votre ville/région, la probabilité que vos employés/collègues soient déjà contaminés, la façon dont ces paramètres évoluent dans le temps, et comment decider en fonction si vous devriez garder vos bureaux ouverts ou non.
Il vous permet de tester des situations telles que :
  • Si votre entreprise est située à Paris (intramuros) et qu’elle compte 250 employés, il y a aujourd’hui 95 % de chances qu’au moins l’un de vos employés soit atteint du coronavirus. Fermez votre bureau aujourd’hui.
  • Si votre entreprise compte 100 employés dans une région comme l’État du Washington au début de la semaine (11 décès dus au coronavirus), il y a 25 % de chances qu’au moins un de vos employés soit infecté, et vous devriez fermer immédiatement.
  • Si votre entreprise compte 250 employés, principalement dans la région de South Bay (comtés de San Mateo et de Santa Clara, qui comptaient ensemble 22 cas officiels le 8 Mars, et le nombre réel était probablement d’au moins 54), le 9 Mars, vous aviez ~2% de chances d’avoir au moins un employé infecté.
Le modèle utilise des étiquettes telles que « entreprise » et « employé », mais le même modèle peut bien-sûr être utilisé pour tout le reste : les écoles, les transports en commun… Donc si vous n’avez que 50 employés à Paris, mais que tous vont prendre le RER, en croisant des milliers d’autres personnes, soudain la probabilité qu’au moins l’un d’entre eux soit contaminé est beaucoup plus élevée, et vous devriez fermer vos bureaux immédiatement pour que tout le monde travaille de la maison
Le calcul d’en haut est égoïste. Il examine le risque de chaque entreprise individuellement, en ajustant le niveau de risque toléré par chacune jusqu’à ce que l’inévitable marteau du coronavirus ferme nos bureaux en bloc.
Mais si vous faites partie d’un groupe de chefs d’entreprise ou de politiciens, les calculs ne portent plus sur une seule entreprise, mais sur l’ensemble. Le calcul devient : quelle est la probabilité que l’une de nos entreprises soit contaminée? Si vous êtes partie d’un groupe de 50 entreprises de 250 employés en moyenne, à Paris, la probabilité qu’une des boîtes soit contaminée est presque 100%. J’ai ajoute un onglet dédié dans le modèle pour jouer avec ce genre de simulations.

Conclusion : Le coût de l’attente passive

Ca peut faire peur de decider et d’agir aujourd’hui, mais ce n’est pas le bon angle par lequel attaquer le problème.

Ce modèle théorique montre différentes communautés : l’une ne prend pas de mesures de distanciation sociale, l’autre les prend le jour n d’une épidémie, l’autre le jour n+1. Tous les chiffres de ce dernier graphique sont complètement fictifs (certes, on les a choisi pour leur ressemblance a ce qui s’est passe dans le Hubei, avec ~6k nouveaux cas par jour au plus fort de l’épidémie). Ils sont juste là pour illustrer l’importance d’un seul et unique jour dans une situation de croissance exponentielle. Vous pouvez voir que le délai d’un jour entraine un maximum épidémique plus tard et plus haut, mais les cas quotidiens finissent par converger vers zéro. C’est ce qui s’est passé à Wuhan, bien qu’avec un maximum de cas quotidiens autour de 4 000 (encore une fois, ce qui importe, ce ne sont pas les chiffres absolus, mais les chiffres relatifs : comparés les uns aux autres).
Qu’en est-il des cas cumulés ?


Dans ce modèle théorique qui ressemble un peu a Hubei, attendre un jour de plus crée 40% de cas en plus! Donc, peut-être que si les autorités de Hubei avaient déclaré la quarantaine stricte le 22/01 au lieu du 23/01, ils auraient fait diminuer le nombre de contaminés de 20 000 personnes. C’est gigantesque.
Et gardons en tête qu’on ne parle que des contaminations. La létalité serait aussi beaucoup plus élevée, car non seulement il y aurait 40 % de décès directs en plus, mais également un débordement sensiblement plus important du système de santé, ce qui entraînerait un taux de létalité jusqu’à 10 fois plus élevé, comme nous l’avons vu précédemment. Ainsi, une différence d’un jour — un seul jour — dans l’application de mesures de distanciation sociale peut mettre fin à l’explosion du nombre de décès dans votre communauté.
Nous sommes face a une menace exponentielle. Chaque jour compte. Lorsque vous retardez d’un seul jour votre décision, vous ne contribuez pas “peut-être” à “quelques cas” de contamination. Il y a vraisemblablement déjà des centaines ou des milliers de contaminés dans votre communauté. Chaque jour qui passe où l’on n’applique pas la distanciation sociale, ces cas augmentent de façon exponentielle.

Faites tourner l’information

C’est probablement la seule fois au cours de la décennie que le partage d’un article pourrait sauver des vies. Il faut que tous comprennent pour que l’on puisse éviter une catastrophe. Il faut agir maintenant.



Article original du 8 Mars 2020 : Coronavirus: Why You Must Act Now
Traduction de
Fanfan, Pierre Djian, h16. Révisée par Tomas Pueyo.

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