Projet de loi constitutionnelle portant modification du titre IX de la Constitution
2. Le texte adopté par l'Assemblée nationale : une destitution sans empêchement préalable et une majorité qualifiée évitant les votes partisans
a) La suppression de la période d'empêchement du Président de la République
Sur la proposition de son rapporteur, M. Philippe
Houillon, président de la commission des lois, l'Assemblée
nationale a supprimé le troisième alinéa de
l'article 68 proposé par le projet de loi constitutionnelle,
relatif à l'empêchement du Président de la
République dès l'adoption par les deux assemblées de la
proposition de réunion de la Haute cour.
L'empêchement pouvait apparaître comme une
sanction, préjugeant de la décision finale de la Haute Cour. Il
n'en demeure pas moins que l'autorité du Président de la
République se trouvera amoindrie dès l'adoption de la proposition
de réunion de la Haute Cour par les deux assemblées.
L'intérim visait donc à placer en retrait le chef de l'Etat,
jusqu'à ce que la Haute Cour se soit prononcée.
Aussi l'amendement adopté par l'Assemblée
nationale a-t-il également réduit à un mois le
délai à l'issue duquel la Haute Cour doit avoir statué. Ce
raccourcissement apparaît comme la contrepartie du maintien en fonction
du Président faisant l'objet d'une procédure de destitution.
La procédure de destitution du Président
de la République(article 68 de la Constitution
proposé par le projet de loi constitutionnelle)
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Texte initial
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Texte adopté par l'Assemblée
nationale
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Proposition de réunion de la Haute Cour
adoptée à la majorité des membres
de l'Assemblée nationale ou du Sénat. Transmise à l'autre assemblée, qui se prononce dans les quinze jours, à la majorité de ses membres. Empêchement du Président de la République, dont l'intérim est assuré par le Président du Sénat. La Haute Cour statue dans les deux mois à bulletins secrets, à la majorité des membres la composant. Si la destitution est prononcée, le Président redevient un citoyen passible des juridictions ordinaires et une élection présidentielle est organisée, le Président du Sénat assurant l'intérim. Si la destitution n'est pas adoptée, le Président de la République empêché retrouve ses fonctions. |
Proposition de réunion de la Haute Cour
adoptée à la majorité des deux tiers des
membres de l'Assemblée nationale ou du
Sénat.
Transmise à l'autre assemblée, qui se prononce dans les quinze jours, à la majorité des deux tiers de ses membres. Le Président de la République reste en fonction. La Haute Cour statue dans un délai d'un mois à bulletins secrets, à la majorité des deux tiers des membres la composant, sans délégation de vote. Si la destitution est prononcée, le Président redevient un citoyen passible des juridictions ordinaires et une élection présidentielle est organisée, le Président du Sénat assurant l'intérim. Si la destitution n'est pas adoptée, le Président de la République reste en fonction |
b) L'exigence d'une majorité des deux tiers
L'Assemblée nationale a adopté, avec l'avis
favorable du Gouvernement et de la commission, un amendement
présenté par M. André Vallini et les membres du
groupe socialiste, tendant à prévoir que la réunion de la
Haute Cour et la destitution doivent être décidées à
la majorité des deux tiers des membres composant l'assemblée
concernée, et non à la majorité absolue.
La commission des lois de l'Assemblée nationale, qui
avait adopté un amendement visant à porter cette majorité
aux trois cinquièmes des membres, l'a retiré au
bénéfice de l'amendement de M. Vallini. La
majorité des deux tiers, plus encore que celle des trois
cinquièmes, a pour objet d'éviter tout usage partisan de la
procédure de destitution.
La majorité absolue initialement prévue par le
projet de loi constitutionnelle s'inspire de la procédure définie
pour la motion de censure (art. 49, deuxième alinéa, de la
Constitution) et de la majorité requise pour le jugement du
Président de la République par la Haute Cour de justice
(art. 68, premier alinéa, de la Constitution).
Cependant, comme le relève
M. Philippe Houillon, président de la commission des lois de
l'Assemblée nationale et rapporteur du projet de loi constitutionnelle,
la procédure de destitution, qui correspond à « une
véritable crise de fonctionnement institutionnel », se
distingue de la motion de censure, qui s'inscrit « dans le cadre
normal du régime parlementaire »63(*). La destitution est en effet
une mesure sanctionnant le comportement d'une personne, alors que la censure
vise une autorité collégiale, le Gouvernement, et sanctionne sa
politique.
En outre, considérant le risque qui pourrait
résulter, dans le cadre d'une majorité qualifiée des deux
tiers ou des trois cinquièmes, d'une proposition de réunion de la
Haute Cour qui atteindrait la majorité absolue sans être
adoptée, le rapporteur de l'Assemblée nationale a
néanmoins estimé que « seule une majorité
qualifiée peut assurer le dépassement des clivages
partisans ».
Majorité absolue et majorité des deux
tiers au sein de la Haute Cour
Effectif de l'Assemblée
nationale64(*)
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Effectif du Sénat2
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Effectif de la Haute Cour
|
Majorité absolue
|
Majorité des deux tiers
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577
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En 2004
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331
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908
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455
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606
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En 2008
|
341
|
918
|
460
|
612
|
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En 2011
|
346
|
923
|
462
|
616
|
La majorité des deux tiers finalement retenue par les
députés paraît offrir les garanties nécessaires
à la mise en oeuvre d'une procédure dont l'objet ultime est de
permettre à la représentation nationale de mettre fin au mandat
de l'élu de la nation toute entière. Ce renforcement de la
majorité nécessaire au déclenchement de la
procédure évitera un détournement à des fins
partisanes.
Notre collègue Robert Badinter relevait d'ailleurs
dès 2003 que « la seule garantie contre toute utilisation
partisane de la procédure de destitution du président serait que
l'une et l'autre assemblée puis la Haute Cour elle-même se
prononcent à la majorité des deux tiers de leurs membres. Dans ce
cas, en effet, la possibilité d'un vote acquis par une majorité
partisane disparaîtrait »65(*).
Enfin, l'Assemblée nationale a souhaité
interdire toute délégation de vote pour l'ensemble des scrutins
prévus par l'article 68.
Il apparaît en effet que la décision de
réunir la Haute Cour, comme celle de destituer le chef de l'Etat,
supposent, en raison de leur gravité, que ne prennent part au vote que
les parlementaires présents.
Les modifications adoptées par l'Assemblée
nationale confortent l'équilibre d'une procédure de destitution
conçue comme la contrepartie indispensable d'une protection
fonctionnelle très étendue. En toute hypothèse, la
destitution du Président de la République conduirait les citoyens
à se prononcer. Le Président destitué pourrait alors, sauf
obstacle pénal, se représenter, et il reviendrait au peuple
d'apprécier l'usage fait par les assemblées de leur pouvoir de
destitution.
*
* *
Votre commission vous propose d'adopter le projet de
loi constitutionnelle sans modification.
ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF
Constitution du 4 octobre 1958
Art. 7. -- Le Président
de la République est élu à la majorité absolue des
suffrages exprimés. Si celle-ci n'est pas obtenue au premier tour de
scrutin, il est procédé, le quatorzième jour suivant,
à un second tour. Seuls peuvent s'y présenter les deux candidats
qui, le cas échéant après retrait de candidats plus
favorisés, se trouvent avoir recueilli le plus grand nombre de suffrages
au premier tour.
Le scrutin est ouvert sur convocation du Gouvernement.
L'élection du nouveau président a lieu vingt
jours au moins et trente-cinq jours au plus avant l'expiration des pouvoirs du
président en exercice.
En cas de vacance de la Présidence de la
République pour quelque cause que ce soit, ou d'empêchement
constaté par le Conseil constitutionnel saisi par le Gouvernement et
statuant à la majorité absolue de ses membres, les fonctions du
Président de la République, à l'exception de celles
prévues aux articles 11 et 12 ci-dessous, sont provisoirement
exercées par le Président du Sénat et, si celui-ci est
à son tour empêché d'exercer ces fonctions, par le
Gouvernement.
En cas de vacance ou lorsque l'empêchement est
déclaré définitif par le Conseil constitutionnel, le
scrutin pour l'élection du nouveau président a lieu, sauf cas de
force majeure constaté par le Conseil constitutionnel, vingt jours au
moins et trente-cinq jours au plus après l'ouverture de la vacance ou la
déclaration du caractère définitif de
l'empêchement.
Si, dans les sept jours précédant la date
limite du dépôt des présentations de candidatures, une des
personnes ayant, moins de trente jours avant cette date, annoncé
publiquement sa décision d'être candidate décède ou
se trouve empêchée, le Conseil constitutionnel peut décider
de reporter l'élection.
Si, avant le premier tour, un des candidats
décède ou se trouve empêché, le Conseil
constitutionnel prononce le report de l'élection.
En cas de décès ou d'empêchement de l'un
des deux candidats les plus favorisés au premier tour avant les retraits
éventuels, le Conseil constitutionnel déclare qu'il doit
être procédé de nouveau à l'ensemble des
opérations électorales ; il en est de même en cas de
décès ou d'empêchement de l'un des deux candidats
restés en présence en vue du second tour.
Dans tous les cas, le Conseil constitutionnel est saisi dans
les conditions fixées au deuxième alinéa de
l'article 61 ci-dessous ou dans celles déterminées pour la
présentation d'un candidat par la loi organique prévue à
l'article 6 ci-dessus.
Le Conseil constitutionnel peut proroger les délais
prévus aux troisième et cinquième alinéas sans que
le scrutin puisse avoir lieu plus de trente-cinq jours après la date de
la décision du Conseil constitutionnel. Si l'application des
dispositions du présent alinéa a eu pour effet de reporter
l'élection à une date postérieure à l'expiration
des pouvoirs du président en exercice, celui-ci demeure en fonction
jusqu'à la proclamation de son successeur.
Il ne peut être fait application ni des articles 49 et
50 ni de l'article 89 de la Constitution durant la vacance de la
Présidence de la République ou durant la période qui
s'écoule entre la déclaration du caractère
définitif de l'empêchement du Président de la
République et l'élection de son successeur.
Art. 53-2. -- La
République peut reconnaître la juridiction de la Cour
pénale internationale dans les conditions prévues par le
traité signé le 18 juillet 1998.
* 63 Rapport
fait au nom de la commission des lois sur le projet de loi constitutionnelle
portant modification du titre IX de la Constitution par M. Philippe
Houillon, n° 3537, douzième législature,
p. 55.
* 64 Les
effectifs indiqués ne prennent pas en compte la création des deux
sièges de députés et des deux sièges de
sénateurs prévue par le projet de loi organique portant
dispositions statutaires et institutionnelles, pour les collectivités de
Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, cf le rapport n° 187
(2006-2007) de MM. Christian Cointat, sénateur et Didier Quentin,
député, fait au nom de la commission mixte paritaire, le 30
janvier 2007.
* 65 Robert
Badinter, La destitution du président de la République, Le Monde,
12 juillet 2003.
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