COVID-19, l’ami des dominants : un texte écrit par l’équipe de L’ardeur, association d’éducation populaire politique
Pour ce gouvernement anti-populaire, engagé dans une
politique de destruction de la protection sociale et de répression
policière des colères, des mobilisations et des insurrections qui en
découlent, le COVID-19 permet de réaliser plusieurs tests en grandeur
nature :
– Test de contrôle de la population (répression, prison, hélicoptères, drones, communications).
– Test d’obéissance de la police dans ce contrôle des populations.
– Test de privatisation-dislocation de l’éducation nationale transférée en e-learning.
– Test d’avancement de la vidéo-médecine à distance.
– Test de soumission des médias, de la population et des gauches (union nationale oblige).
– Test de démolition avancée du droit du travail.
1 – Le contexte
Depuis les années 1980, l’effacement de l’hypothèse
communiste (1) laisse le capitalisme en roue libre et l’humanité livrée
aux inégalités monstrueuses qui l’accompagnent. Or les profits ne se
réalisent plus sur la fabrication et la vente de marchandises qui sont
en surproduction (les voitures de 2018 ne sont toujours pas écoulées)
mais sur la financiarisation-casino de l’économie et les réductions de
dépenses publiques dans le cadre de politiques d’austérité. Si le
capitalisme européen s’est assuré tout un temps de l’ordre social en
échange de politiques de protection sociale, il s’aligne (dès 1983 en
France) sur le capitalisme américain et s’engage dans la voie d’une
privatisation-marchandisation de la société et d’une destruction des
services publics. Ces dernières se réalisent dès Maastricht, puis dans
l’imposition de la « Constitution » de l’Union Européenne et de sa
monnaie unique interdisant aux États d’agir sur la protection sociale
par des dépenses publiques, lesquelles sont désormais soumises à
l’impératif de non-inflation, d’interdiction des augmentations de
salaires pour maintenir le taux de profit des dominants, propriétaires
d’entreprises ou traders. Mais réduire la protection sociale, réduire et
supprimer les allocations chômage, démanteler les soins de santé,
démolir la recherche, supprimer des postes à l’éducation nationale,
vendre les barrages et les aéroports, baisser puis écraser les
retraites… tout cela génère des mouvements de population
insurrectionnels et incontrôlables (les gilets jaunes en sont un
exemple) qui supposent que l’État se prépare à la guerre sociale en
armant son dispositif policier vers le contrôle des mouvements
insurrectionnels. Après les LBD, voici les drones et le suivi des
smartphones. Dans son dernier ouvrage « La lutte des classes au 21e siècle » (2), Emmanuel Todd évoque la dérive fascistoïde du gouvernement Macron. Nous y sommes !
L’union nationale : vous avez aimé « Je suis Charlie » ? Vous allez adorer COVID-19 !
« Nous sommes en guerre », a déclamé sept fois
Macron. Invisible, diffus, insaisissable l’ennemi combattu ?
Qu’importe ! Car désigner un ennemi, a fortiori invisible, c’est faire
taire tous les désaccords, au nom de l’union sacrée ! Si l’éducation
populaire consiste à comprendre les systèmes à l’œuvre dans un
événement, et à déjouer les effets de propagande en traquant les biais
de pensée, il convient de s’alerter collectivement sur cet appel à
l’union nationale : « Plus de place pour la division », ressassent les
chroniqueurs. Mais rien n’est plus étranger à l’éducation populaire
qu’une union sacrée renonçant à toute critique derrière un chef
autoritaire ! Refuser cette injonction au consensus et à l’enrouement du
débat rend alors nécessaire d’apporter notre voix à l’analyse de la
situation…
La seule guerre à laquelle nous assistons est celle
que le capitalisme mène sur nos existences. Dans cette crise sanitaire,
que peut-on attendre d’un pouvoir qui a si férocement et si continûment
attaqué la protection sociale de sa population, démoli l’hôpital, les
retraites, le chômage, la formation continue, qui a rivalisé de
suppressions de fonctionnaires avec les autres candidats à la
présidentielle (moi 200 000 ! Non… moi 500 000 ! ) ? Rien !
Macron n’existe pas. La démolition de l’hôpital
public a commencé avec Mitterrand et Bérégovoy dès le départ des
ministres communistes en 1983, et s’est poursuivie avec les autres
présidents. Macron lui-même n’a été fabriqué que pour prendre la suite
des serviteurs du capital qui l’ont précédé à ce poste, et choisi pour
sa capacité de nuisance… Car, privé de toute marge de manœuvre
économique ou monétaire dans le cadre de l’UE, il n’a aucun autre
pouvoir que celui de nous nuire. En s’affichant sans honte dans un
hôpital saturé pour combattre les effets d’une situation dont il a
fabriqué les causes, lui qui a supprimé plus de 4 000 lits d’hôpitaux
sur la seule année 2018 et a charcuté plusieurs centaines de millions
d’euros de moyens alloués aux personnels médicaux… Macron ne saurait
nous rendre dupes : il n’est pas, et ne sera jamais, notre sauveur.
Fidèle à son programme électoral exigé par le Medef, il se saisira de
cette crise sanitaire pour renforcer la dévastatrice emprise du
capitalisme sur nos existences. À l’heure où beaucoup se remettent à
lire La stratégie du choc de Naomi Klein (3)
et font l’expérience en grandeur nature d’un capitalisme qui déploie sa
nuisance par crises successives, on peut s’attendre – « crise » et
« union nationale » obligent – à une démolition accélérée du droit du
travail, à une politique accrue d’austérité et de réduction des dépenses
publiques.
Interrogé sur France Inter sur le fait de savoir si
cette épidémie le ferait revenir sur sa proposition de 500 000
suppressions de postes de fonctionnaires, Bruno Retailleau (qui bien que
dans l’opposition parlementaire n’a d’opposition à la politique du
gouvernement que l’apparence) affirme sans sourciller qu’il ne sera pas
question de ralentir les réformes ! Ces gens-là ne tireront aucune
leçon. Au contraire. Cette crise sera pour eux l’opportunité d’une
accélération des destructions, notamment celle des services publics.
Noam Chomsky nous a prévenu·e·s : « Comment détruire un service public ?
Commencez par baisser son financement. Il ne fonctionnera plus. Les
gens s’énerveront, ils voudront autre chose. C’est la technique de base
pour privatiser un service public »… et seule une insurrection ou une
grève générale les arrêtera.
Car avec le COVID-19, c’est la guerre des classes qui
va se durcir par un enchaînement trop prévisible pour ne pas être
annoncé : crise sanitaire, crise économique, crise financière et, en
bout de course, crise sociale ! Quand le COVID-19 aura mis sur le
carreau un ou deux millions de chômeur·se·s supplémentaires, on pourra
compter sur ce gouvernement, qui a déjà fait la démonstration de son
amour de la protection sociale, pour nous concocter quelques
exonérations de cotisations, dégrèvements, allègements fiscaux
supplémentaires pour les patrons, bonus records pour les traders les
plus malins, dont le job n’est pas de financer l’économie mais de jouer à
la baisse ou à la hausse les fluctuations de l’économie… Pour eux,
cette crise est un cadeau, qui comme, toutes les crises financières
avant elle, ne sera rien d’autre qu’une banale crise cyclique de la
surproduction qui permet au capital de se concentrer encore un peu plus
en liquidant les maillons faibles des petites entreprises et en
écrabouillant les travailleurs sous l’œil docile des lanceurs de LBD et
des médias. Le capitalisme est le seul mode de production dans lequel
les crises prennent la forme d’une surproduction (https://wikirouge.net/Crise_de_surproduction).
2 – Le test sécuritaire
16 mars (jour de l’annonce du confinement) : dans le
département des Côtes d’Armor, 1 cas détecté (sur une population de
600 000 habitants). Le préfet fait survoler les plages par des
hélicoptères de la gendarmerie.
Si des mesures de prudence et confinement dans le cas
d’une épidémie sont un choix compréhensible, encore peut-on
s’interroger sur les différentes modalités possibles d’un tel
confinement : total ou régional, par tranche d’âge, avec ou sans
possibilité de s’aérer, etc. À l’exception d’un accident nucléaire
majeur, ou d’un virus que l’on contracterait par simple respiration dans
l’air, aucune crise sanitaire ne peut justifier l’interdiction de
promenades solitaires en forêt, sur des plages, dans les rues… Aucune
crise sanitaire ne peut justifier que l’on désigne les citoyen·ne·s
comme des coupables en puissance (lorsqu’Édouard Philippe annonce que le
gouvernement prend des mesures de confinement drastiques car les
citoyens ne sont pas suffisamment dociles, il transforme tout un chacun
en délinquant). Aucune crise sanitaire ne peut justifier une politique
hyper répressive incluant le survol d’une plage par des hélicoptères,
l’interdiction de sortir plus de 20 minutes de chez soi, de s’éloigner
de plus de 1km. Aucune crise sanitaire ne peut justifier que l’on ferme
les parcs et les jardins publics. Aucune crise sanitaire ne peut
justifier que l’on punisse des citoyen·ne·s d’amendes lourdes (jusqu’à
3 500 €) et de prison (six mois) en cas de promenades solitaires.
N’importe quel gouvernement soucieux du bien-être de la protection de sa
population en cas de crise sanitaire devrait au contraire prendre acte
des difficultés personnelles, familiales, psychologiques, sociales
considérables qu’entraîne un confinement, et le rendre supportable en
invitant largement la population à s’aérer et à sortir se promener, à
condition de respecter les mêmes règles de gestes barrières qui sont
demandées pour le travail qui, lui, non seulement n’est pas solitaire,
non seulement est autorisé, mais est rendu obligatoire sur rappel du
Medef.
Au risque du sentiment d’une humiliation collective,
aucune population ne peut comprendre qu’elle soit obligée d’utiliser les
transports en commun pour aller travailler, à condition de respecter
une distance d’un mètre, mais qu’elle risque la prison si elle va se
promener sur une plage, en ne nuisant à personne, en ne mettant personne
en danger dans la mesure où elle respecte les mêmes règles que celles
imposées dans l’utilisation des transports en commun.
Avec Emmanuel Todd, nous rappelons que « faute
d’avoir prise sur l’Histoire, les gouvernants français sont passés « en
mode aztèque ». Ils se vengent de leur impuissance au niveau
international en martyrisant leurs concitoyens… ». Et ils peuvent
compter pour cela sur le zèle d’une police inféodée qui s’empressera de
matraquer les promeneurs isolés à coups d’amendes à 135 euros pour leur
apprendre à obéir. Nous savons depuis un an de gilets jaunes que nous ne
pouvons plus attendre aucune protection de la police. Que, comme dans
toutes les périodes de crise, comme en 1940, elle choisit de servir le
gouvernement, et non plus le droit. Et cela risque bien de se renforcer…
Comme l’écrit Raphaël Kempf, avocat pénaliste, « il faut dénoncer l’état d’urgence sanitaire pour ce qu’il est : une loi scélérate » !
Adopté à marche forcée pour une période soi-disant circonscrite, cet
état d’urgence vise des objectifs à plus long terme : celui de violer
les libertés élémentaires de tou·te·s, celui de donner à la police des
pouvoirs illimités, celui de venir enterrer définitivement l’État de
droit.
La constitution de la 5e République avait bricolé un
régime présidentiel sur mesure pour un général dans une situation de
guerre en Algérie. Elle transformait le Parlement en une chambre
d’enregistrement, à l’image des 308 pantins recrutés à la hâte sur
entretien au printemps 2017 pour servir de paillasson au Medef. Entre
les mains des Hollande, Sarkozy, Chirac ou Macron, cette 5e République
est entre les mains de voyous caractériels et doit être abandonnée.
Macron n’hésitera pas à se réfugier derrière le COVID-19 pour utiliser
les pleins pouvoirs de l’article 16 et faire interdire la presse, les
réseaux sociaux, et ce qu’il appelle déjà les fake news et les
incitations à la haine. Sa position est une position de haine de classe,
et son gouvernement suinte la haine de classe. L’intérêt des ateliers
constituants qui se multiplient partout en France est de nous préparer à
écrire nous-mêmes la constitution dont nous aurons besoin quand nous
aurons chassé ce pouvoir.
Cette guerre de classes, cette guerre au peuple,
cette guerre aux pauvres, est lisible au niveau spatial, géographique.
Dès les premiers jours, les médias ont évoqué le manque de « civisme »
des habitant·e·s des quartiers populaires, épinglé.e.s pour leur
inconscience face à la propagation et leur refus des contrôles : ainsi,
le 19 mars, BFMTV dénonce des « violences urbaines malgré le
confinement », des « rébellions et crachats sur des policiers » et même
« des regroupements sur les toits d’immeuble » pour y faire des
barbecues (jusqu’à quelle extrémité peuvent aller ces petits voyous de
banlieue !). Depuis, des témoignages attestent d’interpellations
policières violentes dans ces mêmes quartiers. Comme celle de Sofiane,
21 ans, habitant des Ulis (Essonne), qui, le 24 mars, a eu le grand tort
de vouloir sortir de chez lui pour aller travailler (il est livreur
pour Amazon !) : il a été rossé par les agents de la BAC pour avoir
essayé d’échapper à leur contrôle (il n’avait pas son attestation de
déplacement dérogatoire sur lui). Imagine-t-on les mêmes scènes à
Neuilly ou à Passy ? Et, comme ce fut le cas pour les gilets jaunes, ces
violences policières sont encore largement sous-médiatisées.
3 – Des médias au garde-à-vous
En dehors des aspects proprement médicaux de la
situation sur lesquels nous ne sommes pas compétent·e·s (nous ne sommes
pas microbiologistes et il y a déjà suffisamment de vidéos sur le
coronavirus, d’interviews et d’exposés de tous bords, de tous
scientifiques pour ne pas inonder davantage le débat), il nous revient
en revanche d’interroger les aspects politiques et en soumettre les
contradictions à notre intelligence collective. Compter sur nous-mêmes
en somme et sur notre intelligence critique que nous nie l’intégralité
(ou presque) des médias, docilement regroupés autour du pouvoir
exécutif.
Le nombre de morts égrené chaque jour dans nos médias
est profondément anxiogène. Le traitement médiatique de la situation
nous rend inévitablement vulnérables et les conséquences sur nos
citoyennetés sont dramatiques. On ne compte plus les exemples de
personnes se faisant apostropher pour être sorties acheter du pain
(franchement, a-t-on vraiment besoin de pain frais quotidien en cette
période de catastrophe mondiale ?) ou pour avoir rendu visite à un
proche. Tout le monde est en train de devenir le flic des autres.
L’ambiance est à la dénonciation et aux milices de volontaires qui vont
bientôt patrouiller dans les rues. Surtout si ces chiffres ne sont pas
expliqués et qu’ils n’ont pour seule fonction que de créer un
traumatisme sur fond de méfiance circulaire et nourrie de tous bords.
Expliquer les chiffres, cela voudrait dire les
contextualiser, les mettre en perspectives (historiques notamment), les
comparer à d’autres… Un exemple : sans vouloir minimiser l’épidémie, il
est intéressant de savoir que le nombre de morts faits par le COVID-19
en quatre mois (environ 30 000) est à peu près identique au nombre de
personnes qui meurent de faim chaque jour. Ou que le paludisme cause
encore plus de 450 000 décès chaque année. Sans qu’on ne s’alarme, dans
ces deux cas, des mesures à mettre en place pour éviter pareilles
hécatombes. Et que dire de cette information en boucle sur les Ehpad qui
se confinent avec le personnel ? Il y a en France 610 000 décès chaque
année (une personne toute les 50 secondes) dont 25 % en Ehpad. Les décès
au sein des Ehpad représentent donc plus de 150 000 morts par an. Nous
parler des décès en Ehpad, c’est nous les présenter comme un problème
injuste et terrifiant. On se demande alors ce qu’est la représentation
d’un Ehpad pour un chroniqueur de TF1 : une colonie de vacances ? Une
thalassothérapie ? Ou un de ces mouroirs sans personnel vendu au privé,
qu’on intègre de façon définitive mais dans lequel on vous garantit un
placement à 11 % si vous achetez une chambre pour la louer aux résidents
? Pour rappel (car c’est aussi cela mettre les chiffres en
perspectives), la moyenne d’âge des morts du coronavirus en France est
de 81,2 ans ! Et si la mort du musicien Manu Dibango a suscité beaucoup
d’émoi, précisons tout de même qu’il avait… 86 ans.
La télé gouvernementale nous montre en boucle
l’hôpital de Mulhouse saturé, l’armée qui évacue des malades en avion
vers Toulon. Les tentes de médecine de guerre… terrible ! Mais elle se
garde bien de questionner les odieux petits soldats des ARS (Agences
régionales de santé) qui ont vidé l’hôpital de tous ses moyens, de tous
ses personnels, qui ont mis cent directeurs en démission administrative
il y a deux mois, et qui font fonctionner le matériel hospitalier en
flux tendus .. Traduirons-nous un jour les ARS devant les tribunaux pour
mise en danger délibérée à grande échelle de la vie d’autrui ?
Et c’est probablement à la lecture des médias de
gauche ou d’extrême gauche qu’on mesure la puissance de cette
manipulation à grande échelle. C’est cela une union nationale : faire
taire notre capacité critique, adhérer à l’autorité du pouvoir. La
chaîne Youtube « Osons causer » qui, jusqu’à peu décryptait les
différentes faces des politiques macronistes, est désormais réduite à
répercuter les ordres gouvernementaux : « Restez chez vous ! ». Si nous
voulons prendre des leçons de civisme, nous n’avons pas besoin
d’ « Osons causer », nous avons déjà TF1 pour traiter quelques doux
promeneurs de « délinquants des parcs ». Le philosophe Vladimir
Jankelevitch écrivait : « Je serai toujours le gardien de tes droits et
jamais le flic de tes devoirs ». Si « Osons causer » renonce à sa
mission d’éducation populaire, la preuve est apportée que le test en
grandeur nature de soumission des médias (y compris ceux censés
critiquer l’ordre de la domination) fonctionne !
S’il est si dur pour des médias, quels qu’ils soient,
d’échapper à ces logiques manipulatrices, s’ils épousent si facilement
la logique du pouvoir, c’est que les conditions de fabrication de
l’information les ont déjà rendus structurellement perméables à cette
logique.
Et déjà, la place prise par les chaînes d’info en
continu, avec sa conséquence : la course à l’information en « temps
réel ». Temps réel ? Allons bon… Cela supposerait qu’existe un temps
« irréel » ? Ne serait-ce pas justement ce temps qu’on nous vend pour du
« réel » qui, en évacuant l’histoire et les processus d’émergence des
phénomènes, constitue l’« irréel », un temps qui n’a pas de sens ? Dans
ce monde-là, il faut occuper l’antenne et meubler les flux en
permanence. Donc trouver du nouveau au fil des jours, au fil des heures…
Heureusement, ce qu’il y a de nouveau, presque en permanence, ce sont
les chiffres. Alors… bingo sur ces chiffres qui montent, qui viennent
s’aligner de manière vertigineuse sur les écrans ! Chaque jour apporte
son lot de « nouveau record », de « chiffre jamais atteint »… Puisqu’il
s’agit d’une « pandémie » en plein essor, la probabilité que le nombre
de nouveaux cas détectés ou de nouveaux décès à l’hôpital en 24 heures
soit inférieur à celui de la veille est sans doute inférieure à 1 %,
non ? Donc balancer cette info, ce n’est pas vraiment un scoop, on est
d’accord ? Il y a d’ailleurs fort à parier que le journaliste qui l’a
annoncée en martelant chaque mot sur un ton affolé, quand il rentre chez
lui et retrouve son conjoint, il ne lui dit pas : « Tu sais, c’est
incroyable : le chiffre a encore progressé ! ». Oui : il est probable
que, dans sa vie privée, il reste quelqu’un d’à peu près censé. Mais
quand il passe à l’antenne, il devient cet imbécile qui nous fait
prendre des vessies pour des lanternes.
C’est que, sur les ondes, il faut sacrifier aux rites
de la dramatisation. Pour « vendre » et faire du « buzz », il faut
maintenir le « suspense », « feuilletonner » l’information, avec, si
possible, un bon « casting » et de « bons clients ». Autant de termes
venus des mondes de la fiction et du commerce et qui se sont
progressivement imposés dans les rédactions. C’est ainsi que se
construit et se reconstruit le thème de la « vague » épidémique qui va
déferler (sans qu’on ne sache jamais pourquoi le « pic » est attendu à
tel moment). Avec sa conséquence inéluctable, en gros titre à la « une »
de l’Est Républicain du 23 mars : « Vers un inévitable durcissement du
confinement » (quatre semaines plus tôt, de nombreux médias titraient
sur le « recours inévitable au 49.3 » à propos de la réforme des
retraites !). Prophétie auto-réalisatrice dans laquelle les médias
oublient – ou feignent d’oublier – le rôle qu’ils jouent eux-mêmes.
Autre facteur structurant : la place prise dans les
médias par un ballet d’experts où se succèdent hypothèses hâtives et
contradictoires (sur les tests, le port de masques, l’efficacité du
traitement par la chloroquine…), sans que les faux pronostics ne soient
ensuite rectifiés et sans que l’on précise que « médecin » n’est pas un
titre suffisant pour se qualifier d’expert en matière de COVID-19. Mais
avec cette certitude auto-proclamée : les fake news, c’est l’affaire des
réseaux sociaux ; l’information sérieuse et vérifiée, celle des médias
main stream.
4 – La gouvernance « scientifique »
Dans un monde où les demandes de financement de la
recherche publique sur les coronavirus sont restées lettre morte, où les
multinationales de la pharmacie ont plus de pouvoirs que les États et
où le vaccin de ce coronavirus engrangera des milliards de profits,
qu’est-ce qu’un expert ? Qui sont les « scientifiques » qui
« conseillent » un gouvernement entièrement dévoué aux multinationales ?
(voir Monsanto-Macron, et les milliers de cancers liés au Roundup). Y
aura-t-il des conflits d’intérêts ? Jupiter met ses pas dans ceux d’un
« conseil scientifique », créé le 10 mars et invité à infléchir voire à
dicter les décisions. Cette délégation de pouvoir à l’expertise
« scientifique » présente de multiples dangers. Elle éteint toute
contestation au nom de l’intérêt supérieur : elle gomme ce que nous,
gesticulant·e·s et formateur·trice·s, militant·e·s de l’éducation
populaire, avons appris et ne cessons de marteler : tout point de vue
est nécessairement « situé », on ne parle toujours que de « quelque
part », et avec une intention. Mais non : les experts, eux, échappent à
cette condition humaine puisqu’ils parlent de nulle part et sans jamais
aucune intention autre que de nous transmettre la vérité.
C’est dire à quel point cette délégation va faciliter le passage à une société de contrainte…
5 – Le COVID19, révélateur mais aussi accélérateur des inégalités
Isolement des plus vulnérables, exploitation des plus
précaires, contamination des plus exposé.e.s, stigmatisation des
classes populaires (car ce peuple que l’on doit confiner, c’est bien
celui des classes populaires, celles qui pourraient désobéir, ces
classes dangereuses…), entassement des plus pauvres dans des logements
insalubres pendant que les bourgeois aisés des arrondissements parisiens
fuient leur 200 m2 pour aller (exode sanitaire oblige !) se mettre au
vert dans leur maison secondaire ou dans une villa louée pour
l’occasion… cette crise sanitaire amplifie le développement des rapports
de domination.
Regardons du côté de la condition des femmes. Par
leur position dans la société, les femmes représentent indéniablement
une classe fragilisée par cette crise sanitaire et le confinement que
celle-ci impose. La situation des femmes victimes de violences
conjugales est alarmante. Les chiffres actuels montrent une augmentation
de 32 % des cas depuis le début du confinement. Des situations où la
présence permanente du mari violent rend les demandes d’aide et les
moyens de protection extrêmement difficiles. 210 000 femmes sont
violentées par leur mari chaque année en France. Le confinement porte
donc ce chiffre à (au moins) 300 000. Belle réussite du confinement !
Toujours dans la sphère de l’intime, l’accès à l’avortement est
fragilisé, notamment pour les adolescentes qui n’ont plus de prétexte
pour sortir de chez elles.
Et puisque, dans cette crise, c’est bien le monde du
travail qui impose la marche à suivre, dans la sphère productive,
l’exploitation des femmes se poursuit. Il y a les plus précaires, celles
qui vivent sous le seuil de pauvreté, celles qui n’auront pas le choix
d’accepter de travailler – quelles que soient les conditions sanitaires –
pour pouvoir boucler la fin de mois. Il y a les femmes élevant seules
leurs enfants, qui, faute d’école ou de nounou, subiront un chômage
partiel qui les mettra à terre. À la fin de la crise, quelle sera la
posture des banques envers ces femmes ?
On le sait : parmi le travail dédié aux femmes, celui
du soin. Le 12 mars dernier, Macron demandait au personnel hospitalier
de « continuer à faire des sacrifices ». La division sexuelle du travail
à l’œuvre dans notre société fait reposer ce « sacrifice » sur une
large majorité de femmes : 90 % de femmes chez les aides-soignantes,
87 % de femmes chez les infirmières… Les postes prestigieux, eux, sont
occupés par des hommes. Avec la pénurie de matériel de protection, entre
l’aide-soignante et le chirurgien, qui aura le masque ?
Le sacrifice se joue entre les classes sociales qui
se côtoient à l’hôpital. Le sacrifice se joue entre les classes sociales
tout court. Les femmes font partie des dominé·e·s, des exploité·e·s du
système capitaliste, à qui l’on demande de continuer à faire marcher la
machine économique à n’importe quel prix, et qui n’en obtiendront que du
mépris (une prime de 1000 € ?) lorsque les puissants n’auront plus peur
d’attraper la grippe.
6 – Le COVID19, arme de guerre… contre l’école
La mise en place de l’école à distance est une
aubaine pour qui s’acharne à détruire le service public. C’est une
véritable expérimentation grandeur nature pour terminer la privatisation
de l’école rêvée par l’OCDE (Organisation de coopération et de
développement économiques) et mise en œuvre par les ministres successifs
depuis Luc Ferry.
Quoi de mieux que d’amener les enseignants à se
penser comme des « facilitateurs pédagogiques » pour assurer la
« continuité pédagogique » ? Le rêve ultime de l’idéologie libérale :
l’enseignant·e est déchargé·e de toutes responsabilités éducatives, de
tout désir de penser l’élève comme un être humain complet et complexe.
L’enfant n’existe plus. Le sacro-saint programme construit autour des
compétences n’a plus qu’à être digitalisé. Les enseignant·e·s deviennent
des « intervenants à distance », pratiquant le « e-learning », surfant
sur des plate-formes privées dont les contenus deviennent contrôlables
et évaluables. Le contrôle : outil indispensable à la légitimité de la
domination. Pour preuve ce mail envoyé ce jour, par une enseignante de
maternelle, qui demande aux parents d’envoyer une photo de leur enfant
en train de travailler : « Nous devons assurer la continuité pédagogique
et l’inspection nous demande de vérifier qu’elle est bien mise en œuvre
par les parents, sinon cela peut être considéré comme de
l’absentéisme ». Pressions, contrôles et menaces… on y retrouve alors
tous les ingrédients de la loi « pour la liberté de choisir son avenir
professionnel », adoptée en 2018, qui permet d’imposer une « démarche
qualité » à tous les organismes de formation. Calquée sur des procédures
de rentabilité industrielle, la démarche qualité a réussi le tour de
force de mettre tous les organismes de formation en concurrence,
d’imposer un vocabulaire unique (celui de la langue de bois bien sûr),
de récupérer tous les contenus pédagogiques, de dématérialiser au
maximum en réduisant les liens humains au minimum. Une expérimentation
grandeur nature de ce qui est déjà à l’œuvre dans l’éducation
nationale !
Alors on peut toujours penser que l’école par
internet, c’est juste provisoire, que non cette loi n’est pas une étape
intermédiaire pour finir de faire de l’école le réservoir de main
d’œuvre du capital au détriment d’un lieu où penser la société de
demain… si seulement cette expérimentation n’était pas déjà dans les
tuyaux depuis plus de trente ans : baisse du nombre de fonctionnaires,
privatisation de l’enseignement supérieur, décentralisation favorisant
le lien avec le marché du travail local, emploi de directeurs devenus
des managers, suppressions massives des postes éducatifs et de soins
dans les établissements (psychologues scolaires, assistants sociaux,
éducateurs, infirmiers…), mise en concurrence des établissements par
l’attaque du statut d’enseignant (précarisation du métier, CDD,
contractuel·le·s) et les enseignements de spécialités avec la loi
Blanquer… Les bases sont posées, affirmées, assumées… Comment être naïfs
au point de penser que cette période ne sera qu’une parenthèse ?
Et le place des enf… des élèves pardon ! C’est
simple : on remplace une heure de cours par une heure de travail
personnel… La durée d’attention d’un élève en classe varie de 4 minutes
en maternelle à 35 minutes par heure pour un adulte. Transformer alors
une heure de cours en une heure de travail personnel, c’est multiplier
l’exigence de productivité scolaire par deux au minimum pour les
lycéens. De plus, cela ne tient pas compte de chaque élève. Là où
l’enseignant·e va évaluer que, sur la classe d’âge concernée, le travail
donné est faisable en une heure, la réalité sera que ce travail sera
réalisé en 30 minutes par certains et en 1h30 par d’autres. Ajoutons à
cela les conditions matérielles de chaque élève : chambre seule ou non,
travail sur ordinateur ou sur smartphone, accès à une imprimante scanner
ou pas, nombre de personnes dans la maison et en capacité d’aider
scolairement ou pas… Sans oublier qu’actuellement, celles et ceux qui
sont toujours au travail – et donc pas disponibles pour leurs enfants –
sont les salarié·e·s les plus précaires : ouvrier·e·s, caissières, aides
à domiciles …On voit bien à nouveau les réalités matérielles niées, on
voit bien comment, au profit de la « continuité pédagogique », on
enterre les enfants des classes populaires pour pouvoir applaudir les
quelques autres à la fin du confinement… Bravo les enfants, vous voyez
bien que c’était possible : quand on veut, on peut !
Les ultra-libéraux de l’Union européenne et de l’OCDE
l’ont rêvé, le COVID-19 l’a fait : la dématérialisation complète et
totale de l’éducation nationale. Les requins de l’ordre capitaliste
lorgnent sur ce ce marché éducatif mondial à conquérir (estimé à 20 000
milliards de dollars, dont 7 000 milliards d’euros pour l’Europe). Le
fruit est mûr pour privatiser le système éducatif… Il ne restera plus
qu’à Hachette édition (propriété du groupe Lagardère) à nous vendre par
millions les logiciels que cet enseignement à distance, assuré par des
« uber-profs », nécessitera. Et que feront les parents ? Dans le marasme
de l’offre proposée, dans ce climat de compétition acharnée, les
familles paieront bien sûr, enfin celles qui le pourront ! Pour le plus
grand bonheur de la Bourse. L’OCDE l’a dit : les perspectives de profit
pour les investisseurs institutionnels sur le marché éducatif mondial
sont de 1 à 7 quand elles ne sont que de 1 à 2 sur le marché de la
construction automobile.
Et lorsqu’il faudra, une fois la mission éducative de
l’éducation nationale piétinée, se charger de transmettre quelques
« savoir-être » et « compétences relationnelles » aux enfants et
adolescents, le marché du développement personnel viendra nous vendre sa
came à grands coups de conférences, de cours de coaching et de slogans
plus creux les uns que les autres : « Sois le monde que tu veux voir »,
« La confiance en soi est le premier secret du succès », etc. Comme l’a
si bien montré Eva Illouz dans son livre Happycratie, le développement
personnel est non seulement un marché juteux, mais surtout l’ami
protecteur des dominants puisqu’il contribue à invisibiliser les
rapports sociaux de domination (classe, race, genre) au profit d’un seul
discours : « Tu as les ressources en toi pour t’en sortir », et autres
outils de culpabilisation individuelle. Théorisée aux Etats-Unis, la
« psychologie positive » est la condition de la domination capitaliste
dans les entreprises et sur nos vies.
7 – COVID19 et droit du travail
Pendant qu’on nous invite à nous laver inlassablement
les mains, le patronat, lui, se les frotte ! Emmanuel Macron est
définitivement l’ami des grands patrons. Et voilà la loi d’urgence face à
l’épidémie qui autorise le gouvernement à agir par ordonnances. Le
texte 52 de ces dernières permet à l’employeur d’imposer une durée de
travail hebdomadaire portée à 60 heures, le travail le dimanche, des
dates imposées de congés payés…
Il est intéressant de comparer les intitulés de ces
ordonnances. Ici : « Ordonnance portant mesures d’urgence en matière de
congés payés, de durée du travail et de jours de repos » ; et là :
« Ordonnance adaptant temporairement les conditions et modalités
d’attribution de l’indemnité complémentaire » . Il n’est sans doute pas
anodin de voir que, dans la seconde, apparaît le terme
« temporairement », indication à laquelle Muriel Pénicaud s’est
formellement opposée lorsqu’un amendement proposa de le faire figurer
dans l’ordonnance « congés payés et autres… ». De là à penser que ces
dérogations au code du travail soient destinées à perdurer…. Relance de
l’économie oblige : 60 heures par semaine, réduction du repos quotidien
de onze à neuf heures, soit quinze heures de travail-transport chaque
jour ne font que nous renvoyer aux conditions de 1841, date de la
première loi sur le travail. Cet « effort » qui va être imposé au monde
du travail ne sera pas imposé à toutes les catégories sociales. Un
amendement visant à relever le montant de la contribution exceptionnelle
sur les hauts revenus, faisant passer son taux de 3 % à 5 % des revenus
supérieurs à 250 000 euros par an, a été sèchement rejeté.
Dans un tweet du 24 mars, Bruno Le Maire demande aux
entreprises, notamment les plus grandes, « de faire preuve de la plus
grande modération sur le versement de dividendes. C’est un moment où
tout l’argent doit être employé pour faire tourner les entreprises ».
Une simple demande donc, pas d’ordonnance ici pour contraindre le
capital à participer à l’effort collectif alors même que les entreprises
européennes s’apprêtent à verser 359 milliards d’euros à leurs
actionnaires au titre des dividendes de l’année 2019. Pourtant, malgré
ces chiffres exorbitants, l’État, pour pallier à la suspension partielle
de l’économie, va soutenir ces mêmes entreprises en prenant en charge
une partie des salaires, à travers les mesures de chômage partiel, ainsi
qu’en suspendant les obligations fiscales et sociales de ces mêmes
entreprises.
Au final, c’est bien aux travailleur·se·s que Macron
s’en prend à nouveau pour « soutenir l’économie » en s’attaquant, non
pas aux dettes sous lesquelles croulent les entreprises et dont il
pourrait déclarer un moratoire, mais… aux cotisations sociales et aux
impôts qu’elles versent, et au droit du travail.
Voulons-nous que la « guerre » menée par une classe
dirigeante qui a montré son impréparation absolue à faire face à la
pandémie – parce qu’elle a organisé le démembrement des services publics
et de la production en France de biens de première nécessité – soit à
nouveau l’occasion d’une union sacrée pour « sauver l’économie » en
s’attaquant aux travailleur·se·s et en soutenant les prêteurs
capitalistes, comme cela s’est fait en 2007 avec les beaux résultats que
l’on sait ? Nous faisons depuis plus de dix ans l’expérience amère de
la potion capitaliste que Macron veut à nouveau nous faire avaler alors
que c’est elle qui nous a conduits à une impasse dont il prétend nous
faire sortir en en rajoutant une louche. C’est assez !
Nous n’allons pas nous faire avoir à nouveau. Nous
savons que nous ne pouvons attendre que le pire des « mobilisations
générales » et de « l’union nationale » dans lesquelles nous enrôle la
classe dirigeante sans nous demander notre avis, pour nous faire taire.
Seule une mobilisation venue d’en-bas sera efficace contre le retour
régulier de pandémies liées à une excessive division internationale du
travail et à un rapport de plus en plus mortifère au vivant et à la
nature dans la folle organisation capitaliste de la production.
La médiocrité de la réponse à la pandémie fait
prendre conscience de l’absurdité de faire dépendre notre production de
groupes capitalistes indifférents au maintien d’un tissu productif
équilibré sur un territoire, qu’il soit régional ou national : les
exemples d’entreprises neuves fermées alors qu’elles produisent des
masques ou des bouteilles d’oxygène ont fait le tour des réseaux
sociaux. Les travailleur·se·s (pas l’État !) doivent devenir
propriétaires de tout outil de production de biens communs, les
actionnaires doivent être évincés sans indemnisation, et les prêteurs
non remboursés.
Autre prise de conscience : les ressources des
personnes ne doivent pas dépendre de l’aléa de leur activité. Le
confinement laisse nus tous les indépendants et génère un chômage
partiel plein de trous qui vont notablement réduire les ressources
d’employés du privé ou de contractuels de l’État. Alors que les
fonctionnaires, eux, conservent leur salaire, qui est lié à leur grade
et non à leur emploi. Seul le salaire lié à la personne (celui des
fonctionnaires, celui des salariés à statut, celui des retraités… bref
celui qu’attaquent avec détermination tous les gouvernements de l’Union
européenne) nous permet de sortir de la forme capitaliste de la
rémunération, qui la lie à la mesure d’activités aléatoires avec le
filet de sécurité d’un revenu de base. Nos personnes doivent être
libérées de cet aléa et reconnues, de 18 ans à la mort, par un salaire
posé comme un droit politique et qu’il serait raisonnable d’inscrire
dans une fourchette de 1 à 3. Chacun·e, à sa majorité, quels que soient
son passé scolaire et son handicap, est doté·e du premier niveau de
qualification, et donc des 1700 euros nets du Smic revendiqué, et peut,
par des épreuves de qualification, progresser jusqu’à un salaire plafond
de 5000 euros nets : au-delà, les rémunérations n’ont aucun sens. Droit
politique de tout adulte vivant sur le territoire national, le salaire
peut stagner, mais jamais diminuer ou être supprimé.
La propriété de tout l’outil par les travailleur·se·s
et le salaire lié à la personne supposent une forte socialisation du
PIB. Déjà, plus de la moitié est socialisée dans les impôts et
cotisations sociales. Il faut aller encore plus loin. La valeur ajoutée
des entreprises doit être affectée non plus à des rémunérations directes
et à du profit, mais à des caisses gérées par les travailleur·se·s
comme l’a été le régime général de 1947 à 1967. Elles verseront les
salaires et subventionneront l’investissement, y compris par création
monétaire. Alors nous pourrons libérer du capital nos vies et notre
pays.
La survenue de l’épidémie de coronavirus a mis en
évidence l’état de délabrement de l’hôpital public après quarante années
de politiques libérales qui lui ont été imposées. Hasard du calendrier,
cette épidémie a conduit le gouvernement à suspendre son projet de
réforme des retraites. Maladie, vieillesse : deux branches de la
sécurité sociale réunies par les événements.
Comme Ambroise Croizat et ses co-détenus au bagne de
« Maison carrée » à Alger préparèrent un plan complet de sécurité
sociale, mettrons-nous à profit cette période pour réfléchir aux
revendications à porter dès la fin de la période de confinement ? Parmi
celles-ci, une reconstruction de la sécurité sociale dans ses structures
révolutionnaires de 1946, en revenant non seulement sur les
exonérations de cotisations patronales, mais en revendiquant leur
augmentation. Car c’est bien l’augmentation de ces cotisations qui
permit à la sécurité sociale de subventionner la mise en place des
Centres hospitaliers universitaires (CHU) au début de années 1960,
transformant des mouroirs en usines de santé. Des plans de
nationalisation de l’industrie pharmaceutique et de la recherche
scientifique seraient également des revendications incontournables.
Profiter de cette épidémie pour obtenir la reconquête de droits
précédemment conquis représenterait en quelque sorte un renversement de
la « stratégie du choc ».
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