Les enseignants restent mobilisés. Après avoir adressé une lettre ouverte à Emmanuel Macron, Édouard Philippe et Jean-Michel Blanquer, le mouvement de contestation a proposé des amendements pour modifier le projet de loi pour une « école de la confiance ». Dimanche 17 et mardi 19 mars, ils étaient dans les rues pour crier leur colère.
« Les Stylos Rouges dénoncent la politique mortifère du gouvernement en matière d’éducation », peut-on lire dans la tribune publiée par le mouvement.
La fronde enseignante continue de s’organiser. Sur le fond tout d’abord
: une lettre ouverte, une tribune, un manifeste et des amendements
relatifs au projet de loi « école de la confiance » ont été rédigés. Sur
la forme, les Stylos Rouges continuent d’appeler au boycott des examens
et de Parcoursup, au risque d’envenimer les rapports avec leur
hiérarchie et le ministère de l’Éducation nationale.
« L’école de la méfiance » ?
Le premier article du projet de loi,
consacré à « l’engagement et à l’exemplarité » des personnels, concentre
les critiques. « Lorsqu’il y a confiance, on n’a pas besoin de
bâillonner », martèlent les stylos rouges dans la tribune. Ils
considèrent que cette loi est l’antithèse de la « confiance »
revendiquée par Jean-Michel Blanquer. Les élèves et les parents sont-ils
disposés à avoir « confiance » dans l’enseignant « quand on demande aux
enseignants titulaires d’avoir un bac +5 et que l’on propose (dans le
même temps) de les remplacer par des étudiants niveau bac+2 » ? L’école
du socle – la jonction de classes de primaire et de collège – est-elle
une preuve de « confiance » envers les directeurs d’école ? L’Éducation
nationale donne-t-elle des gages de « confiance » en améliorant les
conditions de travail des enseignants et des élèves ?
Les Stylos Rouges considèrent que
Jean-Michel Blanquer ne répond pas aux attentes de la profession, des
élèves et des parents d’élèves. Ils réaffirment ainsi les revendications initiales de leur manifeste
: ils demandent le dégel du point d’indice et l’indexation du salaire
des enseignants sur l’inflation. Ils réclament également la
reconnaissance du travail invisible, ces heures de préparation des cours
et de correction des copies qu’ils assument en dehors des heures de
classe. « En moyenne, un professeur travaille 42 heures par semaine », nous expliquait récemment Arnaud Fabre,
l’un des enseignants mobilisés. Un volume horaire qui ne risque pas de
diminuer si le gouvernement continue de supprimer des postes et de
laisser les effectifs des classes s’envoler. Les Stylos Rouges demandent
ainsi l’arrêt des suppressions de postes, la limitation des effectifs à
25 élèves par classe et l’allocation de moyens supplémentaires pour les
élèves ayant des besoins particuliers. Enfin, ils s’opposent au devoir
de réserve induit par l’article 1 du projet de loi, qu’ils considèrent
attentatoire à la liberté d’expression des enseignants.
La mobilisation veut prendre de l’ampleur
Le mouvement s’essaie aussi au travail
législatif : « On a récupéré le projet de loi « confiance » et après
plusieurs lectures et relectures, nous nous sommes attaqués à ce qui
pêchait dans le texte », confie Nicolas Glière, militant des Stylos
Rouges, interrogé par Le Média Presse. Après avoir commenté point par
point le texte de loi sur l’école de la confiance, les stylos rouges
l’ont aussi amendé. « On s’est inspiré des amendements qui avaient été
proposés par les membres de la majorité, et nous avons donc rédigés des
contre-amendements », explique l’enseignant. Par exemple, les Stylos
Rouges ont purement « supprimé » l’article premier concernant «
l’exemplarité » des personnels.
Ils contestent l’amendement du 12
janvier 2019 sur l’obligation de présence des drapeaux dans les salles
de classe et demandent que « l’équivalent du coût de la mise en place
[…] du drapeau tricolore […], du drapeau européen ainsi que des paroles
du refrain de l’hymne national dans chaque salle de cours [soit] inscrit
comme moyen de financement de matériel à destination des établissement
scolaires ».
Les modifications sont systématiquement
assorties d’un exposé sommaire expliquant l’intérêt du remplacement ou
de la suppression d’article. Par exemple, après l’ajout d’un article
relatif à la rémunération des enseignants, il est expliqué que le gel du
point d’indice occasionne des pertes de salaires pour 50 % des
enseignants. Une démarche législative pour le moins intéressante,
renforcée notamment par des rencontres avec des parlementaires, dont la
sénatrice Marie-Noël Lienemann, qui ont permis aux Stylos Rouges de
faire remonter leurs amendements au Sénat. « Même des élus LREM ont été
intéressés par notre démarche », confie Nicolas Glière. Pas de quoi
s’attendre à une « fronde », tempère l’enseignant. « Au mieux, ils
s’abstiendront ».
Les enseignants n’entendent pas laisser
tomber la lutte pour autant. « La grève n’est pas efficace car elle est
systématiquement minorée par le gouvernement, avec l’annonce de chiffres
bas », expliquait récemment le professeur de lettres Jonathan Faerber sur le plateau du Média.
Les Stylos Rouges n’abandonnent pas cette option mais essaient de
renouveler leurs moyens d’action pour tenter d’infléchir le rapport de
force : refus d’évaluer les élèves, refus de faire remonter les notes
vers Parcoursup, grève du Bac blanc et du brevet, etc. Ils prévoient de
lancer un appel à la grève de tous les examens nationaux. « Nous n’avons
pas beaucoup d’autres moyens d’action », admet Nicolas Glière. A ceux
qui craignent un « bac au rabais », il explique que « de toute façon, le
baccalauréat sera au rabais. C’est maintenant ou jamais ». Le mouvement
tient ainsi à garder une relation avec ceux que ce type de
mobilisations pourrait inquiéter le plus : les parents d’élèves. « Nous
essayons de discuter avec les parents d’élèves et leurs associations
pour qu’ils comprennent notre démarche » », explique l’enseignant.
Le hiérarchie et le ministère répondent par la coercition
Au sein des établissements, la
hiérarchie et le ministère de l’Éducation nationale ne l’entendent pas
de la même oreille et font pression sur le personnel mobilisé. « Je mets
en demeure les enseignants concernés de rectifier rapidement ce qui
relève de la faute professionnelle, et potentiellement, du délit »,
peut-on lire dans une lettre reçue par les enseignants
que les Stylos Rouges ont confié au Média. « C’est complètement illégal
», explique Nicolas Glière. « On ne dépend pas du pénal mais du
Tribunal administratif. De plus, le Tribunal administratif n’intervient
pas pour des questions de notes », précise-t-il. « Les directeurs
d’établissement (collège et lycée) ne sont par ailleurs pas compétents
pour parler de pédagogie et de notation ». L’enseignant dénonce « un
abus de pouvoir et un mélange des genres très inquiétant ». Les Stylos
Rouges pointent la déconnexion des directeurs d’établissement vis-à-vis
du métier d’enseignant. Ils proposent d’ailleurs que ces mêmes
directeurs – ainsi que les inspecteurs – se voient attribuer des heures
de cours pour qu’ils puissent garder un pied dans le fonctionnariat et,
peut-être, instaurer une relation plus saine et compréhensive entre eux
et les enseignants. « Il est quand même incroyable que des gens qui ne
connaissent plus rien du métier d’enseignant viennent donner des
directives en matière de pédagogie », déplore Nicolas Glière.
L’enseignant Stylo Rouge décèle une
fébrilité de la part du ministère de l’Éducation nationale, qui ne lui
semble désormais plus fonctionner que par la coercition. Les services de
Jean-Michel Blanquer y sont allés, eux-aussi, de leur petite
remontrance, adressée cette fois-ci aux recteurs et directeurs
académiques pour alerter contre les professeurs qui refuseraient de
faire passer les évaluations de CP, de CE1 et de 6ème. « Le manquement à ces obligations caractérise la faute professionnelle », explique la lettre,
enjoignant les recteurs et leurs académies à veiller à « apprécier le
comportement de chacun des professeurs concernés et le respect de la
procédure disciplinaire… »
Stylos Rouges et syndicats veulent intensifier la mobilisation
Les enseignants mobilisés ont pourtant
essayé de passer par des méthodes plus conventionnelles. Il y a quelques
semaines, Le Média publiait une lettre ouverte des Stylos Rouges à
Emmanuel Macron, à Édouard Philippe et à Jean-Michel Blanquer. Ils y
exposaient leurs revendications et demandaient dans le même temps à être
reçu par le Ministère de l’Éducation nationale. Sans suite.
En conséquence, une mobilisation
d’ampleur nationale a été organisée ce dimanche 17 mars. Les stylos
rouges ont d’ailleurs mis en place une carte interactive pour indiquer
les actions organisées dans toute la France. Quasiment toutes les
académies du pays ont été appelées à se mobiliser. Des happenings ont
été organisés dans plusieurs lieux : rassemblement devant le Musée du
Louvre, « enterrement » symbolique à Rennes ou correction de copies en plein air à Versailles
« pour interpeller la population sur leurs conditions de travail ». A
Aix-en-Provence, c’est la copie des « réformes Blanquer » qui a été
corrigée et s’est vue gratifiée d’un zéro pointé.
Hier, mardi 19 mars, lycéens et
enseignants ont répondu à l’appel à la grève porté par les organisations
syndicales. A Rennes, Romorantin, Montpellier, Grenoble, dans d’autres
villes, plusieurs milliers de personnes ont défilé dans les rues. Des
Stylos Rouges toulousains ont bloqué le rectorat local : à l’instar des
Gilets Jaunes, ils ont été brutalement délogés par les forces de
l’ordre. Pas de quoi intimider les Stylos Rouges, qui entendent
maintenir leur « ultimatum conduisant au boycott des examens de fin
d’année ».
Source : https://lemediapresse.fr/education/face-aux-pressions-du-ministere-et-de-leur-hierarchie-les-stylos-rouges-ne-lachent-rien/?fbclid=IwAR0wVyjfcg0S1zehc4UKd5Z1YbqHr1uZZERhFs5y9iasJaRQ6I4m7rVk0MI
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