vendredi 3 novembre 2017

La Démocratie au Moyen Âge !

En dépit de la vague romantique qui, au XIXe siècle, va entreprendre une réhabilitation partielle et souvent mythique du récit "historique" de cette longue période (un millénaire) que les érudits de la Renaissance ont reléguée au rang de "Moyen-âge", l'imagerie commune en garde encore des idées complètement fausses : le Moyen-âge, pour beaucoup, c'est l'époque où le petit peuple, ignorant et analphabète, est soumis au dictat implacable d'un ordre politique militaire monarchique, et d'un ordre spirituel clérical séculaire et dogmatique ; c'est l'époque des seigneurs, de l'inquisition, des sorcières et des bûchers ; c'est l'époque des guerres incessantes, des croisades sanglantes et de la peste ; en résumé, c'est une époque obscure, sombre, "gothique". Voici ce que nous en dit Michel FRAGONARD :
« (...) l’histoire représente, au XIXe siècle, un enjeu "politique" essentiel (en témoigne d’ailleurs l’attention des gouvernements, dont l’action d’un Guizot, lui-même historien, est le meilleur exemple) : sa promotion est inséparable de l’affirmation du sentiment national, fruit à la fois de la Révolution française et des courants romantiques allemands ; et l’un des enjeux essentiels est la question des origines nationales. On comprend alors l’intérêt des historiens, initiateurs et propagateurs de cette conscience nationale, pour le Moyen-âge, aux fondements de la nation. Intérêt non dépourvu de considérations idéologiques : au moment où, en France, conscience nationale et aspiration démocratique sont intimement liées dans une mystique du "peuple" (notion combien ambiguë), l’œuvre d’Augustin Thierry (Récits des temps mérovingiens, Essais sur la formation et les progrès de l’histoire du Tiers État) est sous-tendue par une thèse historico-ethnique (les origines proprement "gauloises" du peuple français, à contre-pied d’une historiographie "aristocratique" insistant sur les origines franques). Dans cette quête historique d’un Moyen-âge où se trouvent les sources de la nation, l’exemple le plus illustre, en France, est celui de Michelet, qui consacre six volumes de sa monumentale Histoire de France (inachevée) au Moyen-âge et qui, dans ses autres ouvrages, revient régulièrement sur la période. »

Il nous suffit de voir à quoi ressemble ce mouvement culturel "gothique" né dans les années 1990, qui mêle à la fois l'imagerie mythique de ce Moyen-âge du XIXe siècle et les idées les plus noires que le quidam se fait de cette ère. Vêtus et maquillés de noir ou de sombre, visages tristes ou désespérés, véhicules "morts-vivants" d'un romantisme lui-même sombre et désenchanté.



Que dire alors de l'idée que l'on se fait au sujet de la politique au Moyen-âge ? A l'évocation d'une démocratie au Moyen-âge, la plupart vont faire les yeux ronds et se dire "Mais de quoi parle-t-il ?". Moyen-âge et démocratie sont deux termes que la plupart considèrent antinomiques. Or, la réalité est bien différente. La démocratie était plus vivace durant la majeure partie du Moyen-âge et de la Renaissance, qu'elle ne le fut depuis la Révolution. En fait, c'est la Révolution qui va éteindre un ensemble de pratiques démocratiques populaires qui perdurera parfois jusqu'au XVIIIe siècle.

Ce que je découvre, en parcourant l'excellent livre de Francis Dupuis-Déri « Démocratie. Histoire politique d'un mot aux États-Unis et en France », est entre autre une déconstruction radicale de ce Moyen-âge obscurantiste que l'élite contre révolutionnaire et le "siècle des Lumières" a durablement imprimé dans nos esprits. Permettez-moi de partager avec vous les quelques passages de ce livre qui nous éclairent sur cette activité démocratique vivace au Moyen-âge.

« Au Moyen-âge et pendant la Renaissance européenne, des milliers de villages disposaient d'une assemblée d'habitants où se prenaient en commun les décisions au sujet de la collectivité. Les "communautés d'habitants", qui disposaient même d'un statut juridique, ont fonctionné sur le mode de l'autogestion pendant des siècles. Les rois et les nobles se contentaient de gérer les affaires liées à la guerre ou à leurs domaines privés, d'administrer la justice et de mobiliser leurs sujets par des corvées. Les autorités monarchiques ou aristocratiques ne s'ingéraient pas dans les affaires de la communauté, qui se réunissait en assemblée pour délibérer au sujet d'enjeux politiques, communaux, financiers, judiciaires et paroissiaux[1]. »

Voilà déjà qui tranche avec les images d'une monarchie omnipotente et omniprésente, gérant, en collaboration avec l’Église, tous les faits et gestes de leurs sujets. En réalité, l'aristocratie nobiliaire avait bien d'autres chats à fouetter que de s'occuper des affaires du peuple, et elle laissait donc volontiers à ses gens le soin de s'occuper de leurs propres affaires. Le peuple disposait donc de fait d'une large autonomie, autrement plus grande que nous n'en disposons actuellement sous le régime prétendument représentatif. Et cette autonomie s'étendait sur des domaines importants et essentiels, comme nous allons le voir.

« On discutait ainsi des moissons, du partage de la récolte commune ou de sa mise en vente, de la coupe de bois en terre communale, de la réfection des ponts, puits et moulins, de l'embauche de l'instituteur, des bergers, de l'horloger, des gardes-forestiers, parfois même du curé, des gardiens lorsque sévissaient les brigands, les loups ou les épidémies. On y désignait ceux qui serviraient dans la milice, on débattait de l'obligation d'héberger la troupe royale ou de l'utilité de dépêcher un notable pour aller soumettre à la cour des doléances au nom de la communauté. »




Imaginez que, dans votre ville ou votre commune, de nos jours, vous puissiez, par le biais d'une assemblée communale publique, décider en commun de la répartition de la récolte commune ou de sa mise en vente (alors qu'aujourd'hui, les paysans - souvent les "serfs" modernes de l'industrie agro-alimentaire - se voient imposer leurs quotats de production, les prix de vente, le cahier des charges et jusqu'aux semences qu'ils peuvent utiliser), la réfections ou l'édification des ouvrages d'art (routes, voiries communales, ponts, éoliennes, barrages, écluses, etc.), décider de qui, parmi les habitants, servira dans la police municipale (qui est maintenant un corps centralisé au service de l’État, et non du peuple). Impensable, n'est-ce pas ? Pourtant, les assemblées d'habitants étaient dynamiques.

« Il y avait environ dix assemblées par an, parfois une quinzaine. Elles se déroulaient sous les arbres (le chêne), au cimetière, devant ou dans l'église, ou encore dans un champ. Bref, dans un lieu public, car il était interdit de tenir l'assemblée dans un lieu privé, pour éviter les magouilles. Une étude statistique de quelque 1500 procès-verbaux indique que ces assemblées comptaient en moyenne 27 participants, soit une représentation d'environ 60% des foyers des communautés, et pouvaient même accueillir jusqu'à quelques centaines d'individus, dont 10 à 20% de femmes. Mais à l'époque, dix personnes suffisaient pour former "un peuple" et tenir une assemblée. La participation à l'assemblée était obligatoire et une amende était imposée aux absents quand l'enjeu était important. Un quorum des deux tiers devait alors être respecté pour que la décision collective soit valide, par exemple celle d'aliéner une partie des biens communs de la communauté (bois ou pâturage). Il était si important que la communauté s'exprime que même lorsque la peste a frappé dans la région de Nîmes, en 1649, l'assemblée a été convoquée dans la campagne sur les deux rives d'une rivière, pour permettre de réunir à la fois les personnes ayant fui la ville et celles qui y étaient restées. En général, le vote était rapide, à main levée, par acclamation ou selon le système des "ballote" distinguant les "pour" des "contre" par des boules noires et blanches. Lorsque la décision était importante, les noms des personnes votantes étaient portés au procès-verbal. »

Ainsi, le peuple, au Moyen-âge, parvenait à s'autogérer sur tout un ensemble de domaines considérés non comme "privés", mais comme publics, car, à l'inverse de nous, les "modernes" atomisés par une culture du chacun pour soi (la culture individualiste que nous devons à l'origine aux physiocrates du XVIIIe siècle et à leurs successeurs libéraux et capitalistes du XIXe et du XXe siècle), nos ancêtres "médiévaux" avaient conscience de l'interdépendance mutuelle dans laquelle ils étaient, et la majeure partie des ressources produites par la terre étaient considérées comme un ensemble de richesses communes, non comme des richesses privées. Cela n'empêchait pas le commerce, l'artisanat, ni même une certaine forme d'industrie. Ils parvenaient, en dépit de leurs intérêts individuels, à s'entendre et à gérer eux-mêmes ces ressources en commun, chose qui nous semblent aujourd'hui hors de portée - il suffit, pour s'en convaincre, de voir les commentaires récurrents qui décrient l'apathie populaire et considère, aujourd'hui, la masse comme incapable de débattre et de décider communément de ses propres intérêts. Ainsi, il serait impossible aux hommes "modernes" de ce XXIe siècle de faire ce que les paysans "incultes" du Moyen-âge faisaient couramment ? Si cela est vrai, pouvons-nous encore parler de "progrès de la modernité" ? Ne devrions-nous pas plutôt faire le terrible constat de la régression imposée par cette "modernité" ?

« La démocratie médiévale, bien vivante alors, mais aujourd'hui si méconnue, permettait au peuple de traverser de longs mois sans contact direct avec des représentants de la monarchie, une institution qui offrait finalement très peu de services à sa population composée de sujets, non de citoyens. En d'autres termes : un territoire et une population pouvaient être soumis à plusieurs types de régimes politiques simultanément, soit un régime autoritaire (monarchie pour le royaume, aristocratie pour la région) et un régime égalitaire (démocratie locale ou professionnelle). »

On rêverait, de nos jours, de disposer de cette autonomie et de ce régime égalitaire, rien qu'au niveau local de nos villes ou de nos communes. Or, même cela nous est refusé, et cette simple idée fait se dresser un mur de défit et de mépris qui, au Moyen-âge ou à la Renaissance, aurait donné lieu à une "jacquerie", une révolte justifiée du peuple contre l'oppression d'un pouvoir par trop dictatorial et jugé tyrannique. En Espagne, les autorités gouvernementales ont mis leurs institutions judiciaires en marche pour détruire cette expérience unique d'autogestion réussie dans la petite ville andalouse de Marinaleda, dont le succès jette une lumière crue sur l'échec de la politique libérale nationale. Décidément, les "élites" libérales, de gauche comme de droite, n'aiment pas la démocratie, et ils le montrent de façon brutale. Cet événement récent montre ce qui se produisit à la Révolution et qui signa durablement le glas de l'expérience démocratique populaire.

« Les communautés d'habitants et les guildes de métiers perdent peu à peu de leur autonomie politique non pas en raison d'un dysfonctionnement de leurs pratiques démocratiques, qui se poursuivent dans certains cas jusqu'au XVIIIe siècle, mais plutôt en raison de la montée en puissance de l’État, de plus en plus autoritaire et centralisateur. [...] Or, si la démocratie locale peut bien s'accommoder d'un roi et même l'honorer, c'est dans la mesure où il se contente de rendre justice et de vivre surtout des revenus de ses domaines. De nouveaux prélèvements fiscaux et l'élargissement de la conscription militaire sont perçus dans les communautés comme le résultat de mauvaises décisions du roi ou de ses conseillers, et comme une transgression inacceptable et révoltante des coutumes et des droits acquis. L'assemblée d'habitants est alors un espace où s'organise la résistance face à cette montée en puissance de l’État. »

Voilà ce que l'élite contre-révolutionnaire - les "patriotes" et les "pères fondateurs" du XVIIIe siècle, ont très bien compris, et voilà pourquoi ils se sont attachés à décrier cette population agissante. Jugeons donc de cette sentence de ce procureur de la république qui est contre Babeuf dans un procès en trahison - et l'accuse par ailleurs d'être un "anarchiste" :

« Qui oserait calculer tous les terribles effets de la chute de cette masse effrayante de prolétaires, multipliée par la débauche, par la fainéantise, par toutes les passions, et par tous les vices qui pullulent dans une nation corrompue, se précipitant tout à coup sur la classe des propriétaires et des citoyens sages, industrieux et économes ? Quel horrible bouleversement que l'anéantissement de ce droit de propriété, base universelle et principale d'ordre social ! Plus de propriété ! Que deviennent à l'instant les arts ? Que devient l'industrie ?[2] »

Que voulait Babeuf ? Selon lui, la société était divisée en deux classes aux intérêts opposés, soit l'élite et le peuple. Chacune voulait la république, mais l'une la voulait bourgeoise et aristocratique, tandis que l'autre entendait l'avoir faite populaire et démocratique. Populaire et démocratique ? Vous n'y pensez pas !



L'interdiction de s'assembler est alors justifiée par un discours qui relève de l'agoraphobie politique : on présente les assemblées comme tumultueuses et contrôlées par les pauvres. En 1784, l'intendant de Bourgogne explique ainsi que : « ces assemblées où tout le monde est admis, où les gens les moins dociles font taire les citoyens sages et instruits, ne peuvent être qu'une source de désordre ». Le ton est donné. Ce genre de discours, nous ne le connaissons que trop bien. Pourtant, l'historien Antoine Follian écrit qu'il « n'y a probablement pas plus de ''tumultes'' au XVIIIe siècle qu'au XVIe siècle. Soit les autorités s'offusquent de choses qui n'en valent pas la peine, soit ce n'est qu'un prétexte pour servir une politique de resserrement des assemblées sur les ''notables'' ».

Parfois, le rejet des principes démocratiques sont moins virulents, tout en étant pourtant suffisamment catégoriques pour en rejeter l'idée même. Ainsi Bresson écrit dans ses Réflexions sur les bases d'une constitution, par le citoyen[3] :

« Je sais fort bien ce qu'est une république démocratique ; mais je ne peux concevoir une constitution démocratique pour un pays qui ne peut être une république démocratique. Dans une république démocratique, le peuple en corps a le débat des lois, adopte ou rejette la loi proposée, décide la paix ou la guerre, juge même dans certaines circonstances. Cela est impossible, physiquement impossible en France ; ainsi la France ne peut être une république démocratique : c'est mentir à la nature même des choses que de la nommer ainsi[4]. »

De l'autre côté de l'Atlantique, dans les États-Unis émergeant de leur propre révolution, d'autres expriment la même idée, pour les mêmes raisons, ainsi par exemple le fédéraliste Noah Webster qui explique :

« Dans un gouvernement parfait, tous les membres d'une société devraient être présents, et chacun devrait donner son suffrage dans les actes législatifs, par lesquels il sera lié. Cela est impraticable dans les grands États ; et même si cela l'était, il est très peu probable qu'il s'agisse du meilleur mode de législation. Cela a d'ailleurs été pratiqué dans les États libres de l'Antiquité ; et ce fut la cause de malédictions innombrables. Pour éviter ces malédictions, les modernes ont inventé la doctrine de la représentation, qui semble être la perfection du gouvernement humain. »

On voit bien, aujourd'hui, la damnation à laquelle nous a mené, en un peu plus de deux siècles de "perfection du gouvernement humain", la représentation ! Son bilan à lui seul réduit en miettes les sophismes des pères fondateurs et révèle surtout que leur dialectique avait essentiellement pour vocation le service de leurs intérêts de classe sociale dominante, et que ces arguments étaient très certainement fondés... pour décrier l'aristocratie bourgeoise !

De nos jours, les mêmes sophismes et les mêmes raisonnements antidémocratiques, exprimant une agoraphobie politique (détestation de la démocratie dite "directe") culturellement imposée depuis deux siècles à l'inconscient collectif, se retrouvent jusque dans la conception populaire qui, comme par une sorte de syndrome de Stockholm collectif, se fait elle-même, parfois, défenseur de cette rhétorique qui peut se résumer en quatre points, comme le synthétise Francis Dupuis-Déri dans son livre :

« 1) le "peuple", poussé par ses passions, serait déraisonnable en matière politique et ne saurait gouverner pour le bien commun. »

Je ne dirais pas les choses autrement au sujet des gouvernements prétendument représentatifs et de cette "élite" oligarchique qui nous gouverne depuis deux siècles. Pour le dire autrement : "c'est c'ui qui dit qui est" (désolé, mais c'est vraiment là qu'on en est !).

« 2) conséquemment, des démagogues prendraient inévitablement le contrôle de l'assemblée par la manipulation. »

En conséquence, des lobbys financiers et industriels prennent inévitablement le contrôle de l'assemblée par la corruption et la manipulation, tandis que les démagogues divisent les peuples dans de faux enjeux politiques de façade, laissant libre court en coulisses aux magouilles politiques les plus scandaleuses.

« 3) l'agora deviendrait inévitablement un lieu où les factions s'affrontent et la majorité impose sa tyrannie à la minorité, ce qui signifie généralement qu'en démocratie (directe), les pauvres, presque toujours majoritaires, opprimeraient les riches, presque toujours minoritaires. »

L'agora devient le lieu où des factions s'affrontent sur des enjeux factices (au travers les affrontement des partis politiques pour accéder ou conserver le pouvoir), permettant toujours aux minorités (généralement les plus riches) de l'emporter sur la majorité (généralement les plus pauvres ou les moins bien nantis).

« 4) enfin, la démocratie directe peut être bien adaptée au monde antique et à une cité, mais elle n'est pas adaptée au monde moderne, où l'unité de base est la nation, trop nombreuse et dispersée pour permettre une assemblée délibérante. »

Dès lors, l'oligarchie (travestie en pseudo démocratie "moderne") est bien adaptée au gouvernement des États modernes libéraux, et toute forme de démocratie, même locale, est une entrave inacceptable à la main mise des marchés sur les ressources et à l'exploitation des travailleurs actifs, toujours majoritaires, par la minorité rentière passive, toujours minoritaire. Francis Dupuis-Déri est très clair sur un point essentiel :

« L'idée et l'idéal de "république" a déterminé en grande partie la formation du régime électoral libéral que nous connaissons aujourd'hui sous le nom de "démocratie". Donc, l'idée de "démocratie" n'a pas joué de rôle déterminant dans l'instauration des démocraties modernes libérales pour la simple et bonne raison que les patriotes les plus influents et leurs partisans étaient animés par un idéal républicain. La république représentait le régime modèle de patriotes notoires [...]. »

C'est donc dire - et là je m'adresse tout spécialement à vous, amis français (je suis Belge) : la république fut, a toujours été, et est encore l'enterrement définitif de tout projet de vraie démocratie. En ne cessant, comme une antienne, de vous référer à "la République"[5], vous vous faites défenseur d'un régime qui dès l'origine et à toutes les époques fut instauré pour empêcher la démocratie et imposer le dictat d'une minorité possédante sur une majorité possédée. Si j'étais Français, je ne militerais donc certainement pas pour une "VIeme République", mais bien pour une "Première Démocratie".

Au minimum, il nous faut reconquérir cette précieuse et vitale autonomie communale que même la vile engeance monarchique accordait aux gueux que furent nos ancêtres, et que nous refusent avec force nos prétendus représentants "démocratiquement élus" (cherchez l'erreur). Si nous ne nous en montrons pas capables, alors que la malédiction de la tyrannie oligarchique et ploutocratique continue à s'abattre implacablement sur nous et qu'elle étouffe à jamais nos plaintes et nos cris !

Nous pourrons alors à nouveau aller crever dans les tranchées en chantant avec Jacques Brel « Oui not' Monsieur, oui not' bon maître ».
Comme en '14...

Morpheus




[1] Henry Bardeau, "De l'origine des assemblées d'habitants", Droit romain : du mandatum pecuniae - Droit français : les assemblées générales des communautés d'habitants en France du XIIIe siècle à la Révolution, Paris, Arthur Rousseau, 1893, p. 63.
[2] Gérard Walter, op. cit., p. 230-231.
[3] Où l'on peut voir que l'idée de Etienne Chouard n'a rien de neuf et fut bel et bien menée - et tuée dans l'œuf - au moment de la Révolution.
[4] Jean-Baptiste Marie-François Bresson, op. cit., p. 2-3.
[5] Prenez donc, s'il vous plait, un peu de recul et montrez-vous, juste un moment, autocritique, et vous verrez à quel point ce mot de "république" vous empoisonne l'esprit et obscurcit ce que votre discernement pourrait éclairer.

Sources http://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/la-democratie-au-moyen-age-145371
et  http://www.cercledesvolontaires.fr/2013/12/20/la-democratie-au-moyen-age/

2 commentaires:

Je a dit…

Acharnement politique et judiciaire contre Sanchez Gordillo et Marinaleda

Le secrétaire du Syndicat andalou des travailleurs et député ("Gauche Unie") au parlement andalou est traîné une nouvelle fois devant les tribunaux espagnols, pour avoir, le 24 juillet 2012 et durant l’été 2012, occupé, avec 500 ouvriers agricoles, une grande propriété improductive appartenant à l’armée ("Las Turquillas", 1200 hectares). L’armée y élevait , blague à part, quelques ânes, en attendant d’acheter des drônes...

En Andalousie la terre appartient à ceux qui ne la travaillent pas, qui la possèdent par héritage familial ou vol (après la Guerre d’Espagne, les "vainqueurs" s’approprièrent de nombreux biens de familles "rouges"). L’oligarchie néo-franquiste possède des "cortijos" (propriétés) à perte de vue, pendant que des milliers d’ouvriers agricoles attendent sur la place du village que "el amo" (le maître) vienne les embaucher quelques jours à l’année.

Le syndicat andalou SAT pratique donc la "désobéissance" face à un ordre injuste, et des actions "illégales", mais ô combien légitimes, pour obtenir une authentique réforme agraire. Il occupe les terres oisives... pendant que l’armée espagnole occupe des pays lointains. Pour avoir campé pacifiquement sur un bien du ministère de la Défense , le SAT et Juan Manuel Sanchez Gordillo, son secrétaire général, ainsi que 52 militants , sont accusés "d’usurpation", de "désobéissance, de vol et autres "dégâts", par le Tribunal de Justice d’Andalousie. Le Tribunal évalue les "dégâts" à 794,14 euros... Colossal !! Le millième d’une chasse royale à l’éléphant. Et quel peut être "le prix" des près de 37% de chômeurs andalous ? Le prix des malversations dont se sont rendus coupables le gendre du roi et son infante d’épouse, un temps mise en examen, puis relaxée sur intervention royale dit-on ?

Selon le magistrat instructeur, les manifestants brisèrent une chaîne (quel beau symbole !) pour pénétrer sur cette riche terre où paissent, sur 1200 hectares, quelques ânes et chevaux... Les occupants voulaient y travailler, la faire prospérer... Insupportable "délit d’usurpation" et d’atteinte à la tranquillité des bourrins, leur signifia la garde civile, qui pacifia si bien l’Espagne après la guerre. Les gueux eurent même le culot de mettre un panneau proclamant "Egalité et Terre". Le magistrat en est atterré. La garde civile filma le crime qui sera présenté à la prochaine mostra de Carabanchel (ex-prison franquiste madrilène). Les vandales, se croyant tout permis, installèrent un campement sauvage pour dormir sur place et travailler la terre occupée. Ils utilisèrent même des abreuvoirs comme douches et s’emparèrent d’outils de labour abandonnés par les militaires.

Le 26 juillet, ils firent flamber 18 fagots de paille avec risque d’incendie, sans doute pour fêter l’assaut de la caserne Moncada par Fidel Castro.

Le 7 août, le "tribunal d’instruction numéro un de Osuna" ordonna l’expulsion des intrus, qui refusèrent d’obtempérer pendant 48 heures.

Le capitaine de "l’Institut armé" qui se rendit sur le front, déclara , désarmé, "avoir eu un peu peur" en rencontrant les leaders des rebelles. A Bagdad, il aurait fait dans son froc...

Incorrigibles, le premier mai 2013, les sans terre andalous ont occupé à nouveau le terrain et refusent aujourd’hui de répondre aux questions de la justice ; ils ne se sont même pas rendus à sa convocation. Ne pas se rendre : un impardonnable délit ; un acte de courage qui mérite toute notre solidarité. Les insoumis risquent de lourdes peines... Marinaleda, une utopie concrète.

Jean Ortiz

Je a dit…

Agoraphobie et agoraphilie politique

Dans son livre « Démocratie. Histoire politique d’un mot aux États-Unis et en France », Francis Dupuis-Déri développe une terminologie éclairante, qui permet notamment de nous dépatouiller des inévitables confusions dans les débats à propos de "démocratie", "république", etc.

Il écrit : « Il n’est pas simple d’utiliser le mot "démocratie" lorsque l’on écrit son histoire, puisque son sens descriptif et normatif change à travers le temps, voire évoque des réalités contraires. Faut-il nommer "démocrates" les "fondateurs" de la démocratie moderne, représentative et libérale, même s’ils se disaient ouvertement antidémocrates ? Ainsi, James Madison en Amérique du Nord et Emmanuel Sieyès en France ont publiquement condamné la démocratie. Ils étaient ouvertement antidémocrates, c’est-à-dire contre ce que l’on appelle aujourd’hui "démocratie directe". Ils s’identifiaient à la république, soit un régime électoral. Ils avaient le même respect pour le régime électoral qu’Andrew Jackson, président des États-Unis (1829-1837), et Léon Gambetta, homme politique français influent de la deuxième moitié du XIXe s. Mais Jackson et Gambetta se disaient "démocrates", et ils appelaient "démocratie" le régime électoral que Madison et Sieyès nommaient "république". Doit-on alors étiqueter Madison et Sieyès comme "antidémocrates", et Jackson et Gambetta comme "démocrates", même si tous les quatre sont opposés à la démocratie (directe) et sont partisans du régime électoral ? Les termes "démocrates" et "antidémocrates" risquent ici d’obscurcir plutôt qu’éclairer la réflexion.

J’utiliserais donc agoraphobie politique plutôt que antidémocratisme pour faire référence à la peur de la démocratie directe. En psychologie, l’agoraphobie désigne une peur des foules et des vastes espaces publics. L’agoraphobie politique, pour sa part, désigne la peur de l’agora, le nom de la place publique dans les cités grecques où les citoyens s’assemblaient pour délibérer.

(...)

L’agoraphilie politique, pour sa part, désigne une forte sympathie (voire de l’amour) pour le peuple assemblé. Renversant la logique de l’agoraphobie politique, l’agoraphilie affirme que toute élite gouvernante :
1) est irrationnelle, car animée pas sa passion pour le pouvoir et la gloire ;
2) démagogique ;
3) constitue une faction qui, par sa seule existence, divise la communauté entre gouvernants et gouvernés. »

Je trouve cette distinction très éclairante pour faciliter nos nombreux échanges agoravoxiens (notamment concernant Etienne Chouard, mais pas seulement).

Morpheus