Le premier volume
de cette série d’articles exposait les intérêts industriels et
étatiques derrière l’objectif d’Extinction Rebellion d’atteindre la
neutralité carbone. Dans le deuxième,
nous regardions les objectifs, tactiques et solutions à la crise
climatique auxquels renvoie Extinction Rebellion, et qui servent la
société industrielle au détriment de la nature. Dans cette troisième
partie, nous nous intéresserons à l’histoire du mouvement pour le
Climat, aux tactiques utilisées par les élites pour coopter les
mouvements sociaux et les amener à servir l’agenda étatico-industriel,
ainsi qu’à la nature de cet agenda.
Le
présent article est en grande partie une synthèse de l’enquête de Cory
Morningstar visant à mettre au jour les manipulations du mouvement
Climat par d’importantes entreprises et ONG. Enquête que ceux qui
tiennent à pleinement saisir les acteurs impliqués dans toute cette
affaire, ainsi que les tactiques qu’ils emploient, devraient lire sur le
site de Cory, « Wrong Kind of Green ».
La fabrication du consentement
Le secteur des grandes entreprises, avec son réseau de think-tanks,
de groupes de pression (lobbies), d’associations commerciales, de
fondations « philanthropiques », de forums et sommets mondiaux et
d’organisations environnementales corrompues, oriente le « mouvement
climat » en direction de ses propres intérêts depuis plus de dix ans.
Ainsi que cette vidéo
le formule, « une jeunesse idéaliste est simplement cooptée au sein de
mouvements préétablis afin de fabriquer l’illusion d’un soutien
populaire en faveur de ce que les classes dirigeantes prévoient de faire
depuis longtemps pour perpétuer leur domination. »
Les industriels construisent le consentement dont ils ont besoin au moyen de diverses tactiques :
–
Présenter certains de leurs produits comme étant « verts »,
« écologiques », afin de rassurer les citoyens préoccupés, de les amener
à se concentrer sur des efforts quotidiens de consommation, de
micro-modifications de leur style de vie, plutôt que sur des efforts
d’organisation en vue du démantèlement de l’économie mondiale.
– Avancer des solutions basées sur l’économie de marché pour résoudre des problèmes créés par l’économie de marché, comme des plans de désinvestissement des énergies fossiles qui ne font en réalité aucune différence pour le système économique, qui est intégralement alimenté par des énergies fossiles.
–
Promouvoir, dans les médias de masse, des livres, des auteurs et des
documentaires qui présentent diverses micro-modifications de nos modes
de vie, nouvelles technologies et réformes néolibérales comme les
solutions aux problèmes écologiques actuels, et qui ne mentionnent
jamais l’action directe ou le changement politique systémique comme des
solutions. Exemple : Une vérité qui dérange de Al Gore, Tout peut changer de Naomi Klein, Après le déluge de Leonardo DiCaprio, etc.
–
Proposer des formations aux activistes afin de les amener à
entreprendre des campagnes bénéfiques pour certains intérêts
industriels. Al Gore, qui considère la crise climatique comme « la plus
grande opportunité d’investissement jamais apparue dans l’Histoire », le
fait depuis des années avec son « Climate Reality Leadership Corps »
(Corps de Leadership de la Réalité Climatique, quel nom à la noix, NdE).
–
Placer les dirigeants ainsi formés à la tête de mouvements
environnementaux, des jeunes sans expérience préalable dans les
mouvements activistes populaires (grassroots movements). On en revient
au Climate Reality d’Al Gore, mais il y a aussi le Sunrise Movement,
350.org, The Youth Climate Coalitions, Zero Hour, et d’autres qui, à
travers des programmes de formation au leadership pour les jeunes,
offrent des opportunités de carrières, et dans certains cas, des chances
de rencontrer les dirigeants mondiaux lors de quelque sommet.
–
Proposer à des activistes réputés de participer et d’intervenir lors
d’événements organisés par des industriels, afin qu’ils aient l’air de
se préoccuper de la situation. Le statut de célébrité de Greta Thunberg
est un exemple récent de cette approche. Je ne juge aucunement son choix
d’avoir accepté ces invitations ; j’aurais probablement fait pareil si
j’avais été à sa place. Ce qu’il est important de souligner sont les
motivations derrière sa médiatisation : détourner l’attention du public
de leur programme fondamental, qui demeure inchangé, de promouvoir la
croissance économique.
– Assurer une
couverture médiatique favorable à des actions symboliques et à des
mouvements non-conflictuels. À l’instar de la manière dont la BBC et The Guardian couvrent les manifestations et actions d’Extinction Rebellion.
–
Offrir à des activistes de terrain des emplois dans leurs fondations et
ONG afin de les orienter vers (et afin qu’eux-mêmes orientent vers) des
solutions réformistes, de les écarter des voies plus radicales. Même le lobby pétrolier recrute, cherche à « exploiter le pouvoir des jeunes activistes, et à intégrer l’industrie des énergies fossiles dans le mouvement ».
–
Inciter les citoyens préoccupés à rejoindre et soutenir de grandes ONG
environnementales liées aux intérêts industriels, capitalistes, à
l’instar de Greenpeace, d’Avaaz, du WWF, ou encore de 350.org, mais
aussi à financer ces organisations. Ce qui a pour effet de détourner les
fonds et l’attention du public de collectifs véritablement populaires,
hostiles aux intérêts industriels et capitalistes.
–
Écarter des mouvements les individus promouvant un changement
systémique, afin de les rendre inefficaces. L’entraînement d’Extinction
Rebellion inclut des stratégies spécifiquement conçues pour y parvenir.
–
Orienter les activistes vers des stratégies électoralistes, afin de
rester dans le cadre du système actuel. Le Parti travailliste du
Royaume-Uni soutient XR et les Démocrates, aux USA, soutiennent des
groupes d’activistes climatiques.
–
Distribuer des bourses et des subventions, à condition que les
bénéficiaires alignent leurs objectifs avec ceux de leurs sponsors. On
pouvait ainsi lire, dans un article de The Guardian en date du
12 juillet 2019 : « Un groupe de riches philanthropes et investisseurs
américains a donné près d’un demi-million de livres sterling pour
soutenir les grèves scolaires pour le Climat et le mouvement Extinction
Rebellion – avec la promesse de dizaines de millions supplémentaires le
mois suivant. »
À condition, bien
entendu, qu’ils continuent à organiser des campagnes non-conflictuelles
et « corporate-friendly » (favorables au monde industriel). Parmi ces
riches philanthropes, on retrouve, quelle ironie, de gros bonnets de
l’industrie pétrolière.
– Soutenir
directement un mouvement et accéder à certaines de ses exigences, en
usant de cette tactique à des fins d’autopromotion, dans le but
d’obtenir une image écolo sans véritablement changer de pratiques. Cela
amène les activistes à travailler, en réalité, pour les intérêts
industriels. L’activisme devient une campagne publicitaire pour
différents secteurs industriels.
–
Diviser les mouvements entre ceux qui acceptent les promesses du
capitalisme vert, et ceux qui voient clair à travers les mensonges du
greenwashing. De cette manière, les industriels créent des tensions
entre les militants, qui perdent leur énergie à se combattre les uns les
autres au lieu de travailler ensemble au démantèlement de la société
industrielle. Les activistes qui soutiennent les promesses du
capitalisme vert se retrouvent à promouvoir ce contre quoi luttent les
militants qui défendent le monde naturel [le déploiement de parcs
éoliens, de centrales solaires, etc., soutenu par une large partie du
« mouvement écologiste », du « mouvement climat », dévaste directement
et indirectement l’environnement, implique toutes sortes de pollutions,
dégradations ou destructions environnementales, auxquelles s’opposent
d’autres militants écologistes, NdE].
Le
but du « mouvement (pour le) climat » est au bout du compte de
promouvoir la perpétuation et l’expansion du système industriel, la
domination du monde de l’entreprise, ce qui s’oppose directement aux
objectifs de tout mouvement écologiste digne de ce nom : démanteler le
système économique, protéger et régénérer la nature sauvage. Les
Rebelles sont des lobbyistes d’entreprises — mais bénévoles. Les
industriels ont réussi — réussissent — à détourner une partie des
inquiétudes et des colères populaires qui s’expriment à leur encontre,
et à les rediriger de manière à ce qu’elles soutiennent tout de même le
système qui les génère — qu’elles devraient chercher à démanteler.
Gouvernance d’entreprise
Au
cœur de l’équipe dirigeante d’Extinction Rebellion se trouvent des
lobbyistes professionnelles : Gail Bradbrook et Farhana Yamin,
notamment.
Pendant 14 ans, de 2003 à 2017, Gail Bradbrook a travaillé pour Citizens Online,
un groupe de lobbying de l’industrie des télécommunications qui promeut
« l’inclusion digitale », c’est-à-dire qui essaie d’inciter autant de
personnes que possible à utiliser ses produits, et qui encourage le
déploiement de la 5G. Elle a utilisé sa position au sein d’Extinction
Rebellion pour lancer « Extinction Rebellion Business »,
un réseau d’entreprises qui voit la crise climatique comme — bien
évidemment — une formidable opportunité pour faire du profit. Mais qui a
vite disparu après que de nombreuses et virulentes critiques (tout de
même, c’était un peu gros). La série d’articles intitulée « Astroturfing the way for the Fourth Industrial Revolution »
(en français, plus ou moins « Désinformer le public afin de promouvoir
la quatrième révolution industrielle ») examine les liens de Gail
Bradbrook avec le monde industriel et leur influence sur la rébellion.
Farhana Yamin dirige « Track 0 », une ONG qui soutient les objectifs des Accords de Paris de la COP21 (totalement déconnectés des enjeux réels auxquels nous faisons face),
selon laquelle : « Se mettre en route vers une économie décarbonée est
un impératif économique autant que scientifique. Cela offre de
formidables opportunités d’innovation, cela incite à la conception d’une
myriade de nouvelles technologies et d’idées qui permettront
d’alimenter la croissance économique, cela permet de créer des emplois,
en vue d’un futur économique lumineux. » Selon sa biographie, « c’est en
grande partie à elle que l’on doit l’objectif de neutralité carbone
d’ici 2050 que comporte l’accord de Paris ». Elle est également membre
du « Global Agenda Council on Climate Change » (Conseil sur le programme
mondial pour le changement climatique) du Forum économique mondial de
Davos, et « collaborateur associé » à la « Chatham House », un important
think-tank du milieu des affaires.
Qui
a fait entrer le renard dans le poulailler ? Que ces personnes soient à
la tête du mouvement Extinction Rebellion signifie clairement que le
mouvement n’a pas été coopté par des intérêts industriels en cours de
route, mais qu’il a été conçu, dès l’origine, comme une campagne de
propagande. Il s’agit exactement de ce que désigne l’astroturfing.
Les bonnes intentions et les efforts de plusieurs milliers de rebelles
valent bien peu dès lors que ce sont ces personnes-là qui mènent la
danse.
Les industriels qui
soutiennent ainsi la rébellion cherchent à faciliter le transfert de
billions de dollars d’argent public vers leurs poches. Il s’agit d’une
gigantesque tentative de relance d’une économie mondiale qui tombe en
ruines. Depuis la crise financière de 2007–2008, les populations ne
souhaitent pas soutenir un autre plan de sauvetage. Il fallait donc nous
le présenter comme une nécessité, comme une condition pour nous sauver
des catastrophes liées aux changements climatiques. L’argent nécessaire
est ponctionné sur le travail des travailleurs sous la forme de fonds de
pension, taxes carbone et impôts d’urgence climatique. Et investi dans
les infrastructures des industries énergétiques et des technologies
dites « vertes » ou « propres », ce qui participe à l’empirement
inexorable de la situation écologique.
L’association
pour les investissements et marchés du climat (Climate Markets and
Investment Association) déclare : « Beaucoup de choses ont été écrites à
propos de la nature et de l’échelle de cette opportunité économique.
Tout récemment, le rapport sur la Nouvelle Économie Climatique (New Climate Economy)
a calculé qu’une action climatique massive génèrerait 26 billions de
dollars d’opportunités économiques et 65 millions de nouveaux emplois
d’ici 2030, qui n’existeraient pas si le scénario du business-as-usual
(des affaires normales) se prolongeait. » Il est intéressant de noter
que le montant des profits potentiels est du même ordre que les
investissements demandés aux gouvernements.
La
crise qui inquiète les capitalistes est celle de l’économie, que
« l’action climatique » doit pallier. Pour le monde naturel, qui
comprend tout être humain s’identifiant comme être vivant plutôt que
comme unité de production économique, la crise désigne le fait que le
capitalisme nous détruit, et « l’action climatique », qui vise à
perpétuer ce système, désigne la continuation de la catastrophe.
Camarade, choisis ta crise.
De l’antimondialisation au capitalisme inclusif
Dans
les années 90 et 2000, des manifestations massives secouèrent le monde,
contre le Forum économique mondial de Davos, la Banque mondiale, Le
Fond Monétaire International, l’Organisation Mondiale du Commerce. Ces
corporations, qui visent à préserver et favoriser les intérêts des
industriels au détriment de tout, qui ne sont pas élues, qui ne
disposent d’aucun mandat populaire, dépensent des millions pour la
sécurité et la présence policière lors de la tenue de leurs principaux
événements annuels afin d’assurer leur propre protection. Les
manifestants appelaient à les démanteler, à les remplacer par des
organisations qui représentent réellement la population. Loin d’accéder à
ces demandes, les élites ont infiltré, soutenu financièrement et coopté
la résistance, construit leur propre mouvement de masse, qu’elles
peuvent contrôler et diriger comme bon leur semble.
Les
manifestions sont devenues des marchandises, un produit marketing que
le milieu des affaires peut acheter, et que les ONG sont heureuses de
vendre en échange de subventions, d’attention médiatique et de
boniments. Les protestataires eux-mêmes sont à la fois des produits
remplaçables et les destinataires des slogans des manifestations, qu’on
leur propose afin d’apaiser leur culpabilité, ou au travers de la peur,
ou de la vertu, ou encore du besoin d’agir.
Durant les prémisses des grèves étudiantes pour le climat de mars 2019, le Forum économique mondial a diffusé une vidéo promotionnelle
encourageant les jeunes à rejoindre les grèves. Ces grèves étaient un
produit, et les jeunes les clients-cibles. Pensez-y un instant. Une des
institutions qui étaient la cible de manifestations massives il n’y a
pas si longtemps, en raison de sa promotion de pratiques destructrices
de l’environnement, fait maintenant directement la promotion d’un
mouvement de protestation qui semble avoir exactement les mêmes
préoccupations.
Au lieu d’identifier
le système économique comme la cause du désastre écologique, ce nouveau
mouvement est incité à diriger ses protestations contre le changement
climatique. Un mouvement international massif manifeste actuellement
contre des molécules de carbone. Et, de quelque manière, l’histoire
selon laquelle les entreprises sont la solution, selon laquelle le
secteur privé pourrait tout réparer si seulement nous demandions aux
gouvernements de sauver l’économie qui s’effondre et de leur donner
quelques billions de dollars pour investir dans de nouvelles
infrastructures et sources d’énergie, est rarement remise en question.
Le tout étant promu sous couvert d’appellations abstraites comme
« action climatique », largement acceptées comme un objectif crucial et
honnête, tandis que presque personne ne cherche à comprendre de quoi il
retourne au bout du compte.
Le Forum
économique mondial vise un « capitalisme inclusif ». Mais étant donné
que le capitalisme est un système économique qui considère tout et tout
le monde comme des ressources à exploiter, être inclus dedans ne devrait
pas être le souhait de tout le monde. Notre imagination, notre
créativité, nos compétences et nos souhaits de rendre le monde meilleur
sont transformés en innovation, entreprenariat et ressources humaines.
Nos insécurités, ambitions et besoins de base sont des ressources à
capter et à nous revendre sous forme de produits, services et
expériences.
Chaque être vivant,
chaque caractéristique naturelle et tout ce dont le monde a besoin pour
survivre et vivre bien, doit être intégré dans le capitalisme.
Dans
une économie qui considère tout ce qui existe (et même ce qui n’existe
pas) comme des ressources à vendre ou acheter, à faire fructifier, les
mouvements de protestation ne font pas exception.
La 4e Révolution industrielle
Tout
comme le dioxyde de carbone est capté et utilisé comme ressource pour
extirper les dernières gouttes de pétrole de la planète, la résistance
(un sous-produit potentiellement lucratif du système économique mondial)
est cooptée et utilisée pour perpétuer l’exploitation des ressources
humaines. Les dominants savent d’ailleurs très bien ce qu’ils veulent
faire de ces ressources humaines.
Selon
un article publié par Klaus Schwab, le fondateur et président du Forum
économique mondial de Davos, sur le site internet du Forum : « Le Forum
économique mondial fournit une plate-forme pour aider les 1 000
principales entreprises du monde à façonner un meilleur futur ». Je ne
veux vraiment pas imaginer quel genre de futur un millier d’entreprises
multinationales pourraient concevoir si elles s’y mettaient ensemble.
Mais je n’ai même pas à le faire, puisqu’ils l’ont décrit en détail.
Cela s’appelle la 4e Révolution industrielle.
D’après
les mots de Klaus Schwab, toujours : « La 4e Révolution industrielle
est caractérisée par la fusion de technologies qui transcendent les
frontières entre les sphères de la physique, du digital et de la
biologie. Par les possibilités de milliards de personnes connectées par
des outils mobiles, avec des processeurs d’une puissance sans précédent,
une capacité de stockage et d’accès au savoir illimité. Possibilités
qui seront multipliées par des avancées technologiques majeures dans des
secteurs tels que l’intelligence artificielle, la robotique, l’Internet
des objets, les véhicules autonomes, l’impression 3D, la
nanotechnologie, la biotechnologie, la science de la matière, le
stockage d’énergie et l’information quantique. »
Plus
loin, Schwab ajoute : « Cette révolution pourrait créer de plus grandes
inégalités, notamment en raison de son potentiel de perturbation du
marché du travail. À mesure que l’automation se substitue au travail
humain dans l’économie, le remplacement net d’humains par des machines
pourrait exacerber le fossé entre retour sur capital et retour sur
main-d’œuvre. » Les riches deviendraient plus riches, et les pauvres
plus pauvres. Reprenons : « Les gouvernements obtiendront de nouveaux
pouvoirs technologiques leur permettant de renforcer leur contrôle sur
les populations, au travers de systèmes de surveillance étendue et d’un
contrôle accru des infrastructures digitales. » Enfin : « la 4e
Révolution industrielle va également profondément impacter la nature de
la sécurité nationale et internationale, affectant aussi bien la
probabilité que la nature des conflits […]. Au fur et à mesure de son
développement et de l’expansion de nouvelles technologies telles que les
armes autonomes ou biologiques, des individus et des petits groupes
humains égaleront les États en termes de capacité à provoquer des
destructions massives. […] la 4e Révolution industrielle pourrait en
effet avoir le potentiel de robotiser l’humanité, et donc de nous priver
de notre cœur et de notre âme. »
[NdE : Petit aparté, voici la citation complète du paragraphe dans lequel Schwab écrit cela : « Au bout du compte, tout repose sur les gens et les valeurs. Nous devons façonner un futur qui fonctionne pour nous tous en faisant passer les gens avant tout, et en leur donnant le pouvoir. Dans sa forme la plus pessimiste, la plus déshumanisée, la 4e Révolution industrielle pourrait en effet avoir le potentiel de robotiser l’humanité, et donc de nous priver de notre cœur et de notre âme. Mais en complément des meilleures parties de la nature humaine — la créativité, l’empathie, la guidance — elle peut aussi élever l’humanité jusqu’à une nouvelle conscience morale collective basée sur un sentiment de destinée partagée. Il nous revient de nous assurer que cette dernière possibilité triomphe. »On retrouve ici le baratin habituel des illuminés (ou des menteurs professionnels, cela revient au même) qui considèrent que jusqu’ici le développement de la civilisation techno-industrielle, c’est super, et que de toute façon le progrès, le développement, constituent une force que l’on n’arrête pas, et que tout ce que « nous » pouvons faire, c’est essayer d’en tirer le meilleur parti.]
Quel
argument de vente ! Pauvreté extrême, guerre, surveillance, contrôle
gouvernemental et corporatiste, et déshumanisation. Et ce sont des gens
comme lui qui promeuvent les grèves pour le climat, et utilisent le
message de Greta Thunberg pour atteindre leurs objectifs [Greta Thunberg
a été conviée à Davos, il est important de rappeler qu’elle n’y a pas
fait irruption clandestinement, NdE].
La
célèbre citation attribuée à tort à Mussolini, qui pourrait être de
Giovanni Gentile, selon laquelle le fascisme est « l’association de la
puissance de l’État et de celle des industriels », constitue une
description assez juste de cette dernière phase de la mondialisation.
Un
autre événement, organisé en septembre 2018, promouvant la 4e
Révolution industrielle : le « Global Climate Action Summit » (Sommet
pour l’Action Climatique Mondial), impliquait beaucoup de ces mêmes
organisations (le Forum économique mondial de Davos, etc.), et était
sponsorisé par Google, Facebook et Amazon. Voici ce que stipulait son
« Itinéraire exponentiel d’actions climatiques » (Exponential Climate
Action Roadmap) :
« Diviser par deux les émissions d’ici 2030 requiert le recours étendu à une série de technologies qui sont à différents stades de leur développement. L’internet mobile, le cloud, le big data, les applications, les appareils intelligents et la première génération d’automation industrielle sont des technologies matures qui peuvent servir de fondation pour accroître l’efficacité de toutes les industries en procurant connectivité et gestion informatique. Les prochaines technologies à venir sont l’intelligence artificielle, les réseaux 5G, la fabrication digitale, les capteurs intelligents, le déploiement à large échelle de l’internet des objets et les drones. Cela permettra un niveau supplémentaire de diminution des émissions avant 2030. Enfin viennent les technologies qui sont actuellement à une phase relativement précoce de leur développement – la blockchain, l’expérience d’immersion virtuelle et de réalité augmentée, les impressions 3D, l’édition de gènes, la robotique avancée et les assistants digitaux. À ce stade, il est impossible de quantifier leur impact potentiel sur les émissions, mais on peut l’estimer très important. »
Notez
le mot « exponentiel » dans le titre. Croissance exponentielle. Action
climatique exponentielle. Taux d’extinction exponentiel. On estime que
toute cette nouvelle technologie utilisera jusqu’à 1/5 de l’électricité
mondiale d’ici 2025, ce qui rend absurde leur prétention selon laquelle
l’augmentation de l’efficacité énergétique permettra une diminution de
la consommation ou des émissions. En outre, la plupart de ces choses
sont des armes et des technologies de surveillance. Ce plan n’a rien à
voir avec une décroissance de la pollution et de la destruction
industrielle du vivant, et tout à voir avec la guerre, la surveillance,
la manipulation et le contrôle des populations. Je sens qu’il me faut
répéter, en lettres majuscules que CES CHOSES SONT DES ARMES. Et tout
cela est avancé sous l’égide de l’action climatique.
La
fabrication d’armes serait une réponse tout à fait appropriée à la
dévastation environnementale en cours si ces armes étaient utilisées par
des êtres vivants pour leur autodéfense. Si elles servaient à mettre
hors d’état de nuire les industriels en train de ravager le monde dont
nous dépendons. Mais ici, c’est le contraire qui se produit : les
industriels utilisent des armes pour atrophier notre humanité, contrôler
nos actions et nos pensées, et même nos gènes. Voici l’ultime
dystopie panoptique : des smart cities (villes
« intelligentes »), des compteurs intelligents, des réseaux électriques
intelligents, des appareils connectés, la reconnaissance faciale,
l’enregistrement de nos moindres mouvements, de chaque interaction et
chaque transaction. Un monde où nous parlons à des machines plus souvent
qu’avec des humains, et où nous ne parlons définitivement plus avec les
arbres et les esprits. Un monde où même les lampadaires parlent avec vous, et où les arbres sont remplacés par des arbres « intelligents ».
Aucune possibilité de dissidence ou de résistance. Nous avons été
amenés à quémander notre propre subjugation et oppression [ce dont
traite l’excellent livre de Jaime Semprun et René Riesel, Catastrophisme, administration du désastre et soumission durable, NdE].
Si
cela se produisait dans le monde réel, celui où des personnes pensent
par elles-mêmes et agissent dans leur propre intérêt, la population se
soulèverait et brûlerait chacune de ces mille entreprises, et détruirait
tout leur attirail et leurs infrastructures. Mais ici, dans ce monde
d’écrans, de propagande techno-fantaisiste, où les seules pensées
disponibles sur le marché sont des illusions d’entreprises produites en
masse, on nous présente un enfant dont le message est : « Je veux que
vous paniquiez », et nous nous exécutons.
Même
si le discours de Greta était adressé aux délégués industriels présents
au Forum économique mondial de Davos, et même si son intention était
d’en appeler à mettre un terme à l’avarice entrepreneuriale et à la
croissance économique (ce qu’elle fit en Pologne, quelques semaines
auparavant, avant que ses « conseillers » ne se mettent à plus
sérieusement cadrer ses discours), la vidéo de son discours a été promue
par le Forum économique afin de promouvoir un sentiment de peur et
d’urgence, qui leur sert à promouvoir leurs plans basés sur le marché,
l’industrie et la technologie en guise de solution aux problèmes
environnementaux. Encore une fois, la résistance est cooptée et
transformée en profits.
Ainsi que
l’écrit Cory Morningstar : « Quel meilleur moyen de créer une demande
pour quelque chose qui nuise à la fois à l’environnement et à la
population que de la présenter comme une solution aux changements
climatiques, au travers du doux et innocent visage de Greta Thunberg. La
réalité sens dessus dessous, l’industrie n’a plus à imposer sa volonté à
la population – qui se charge elle-même de se l’imposer via Avaaz &
Co. Les gens sont ainsi amenés à demander les fausses solutions que le
milieu des affaires prépare et promeut depuis des années, des
décennies. »
[Soit la définition même, encore une fois, de l’astroturfing, lié au concept de fabrication du consentement développé par Edward Herman, Noam Chomsky et d’autres, NdE].
Kim Hill
La
partie IV se penchera sur les façons dont la rébellion pourrait être
retournée pour servir la Vie plutôt que le Profit, sur les bases d’une
action efficace.
Traduction : Olivier Lennerts, William Blake
Édition : Nicolas Casaux
Correction : Lola Bearzatto
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