mercredi 29 mai 2019

Gilets jaunes : une répression d'Etat

Le documentaire “Gilets jaunes : une répression d’Etat” , produit par le média Web indépendant StreetPress, fait le lien entre la politique de maintien de l’ordre dans les manifestations qui secouent la France tous les samedis depuis novembre, et celle organisée dans les banlieues depuis cinquante ans. Entretien avec l’un des coréalisateurs de ce docu glaçant.
Les cinquante-six minutes que dure Gilets jaunes : une répression d’Etat ne peuvent laisser personne indifférent. Coréalisé par Cléo Bertet, Matthieu Bidan et Mathieu Molard, en libre accès sur YouTube, le documentaire du site indépendant StreetPress plonge dans six mois de manifestations du mouvement des Gilets jaunes, en prenant l’angle de la politique du maintien de l’ordre et des violences qui l’entourent.
Archives, explications techniques et chiffres à l’appui – 3 830 blessés, 8 700 gardés à vue, 13 460 tirs de LBD 40, 1 428 tirs de grenades –, mais surtout témoignages de blessés, de sociologues, d’avocats, de représentants de syndicats de police et d’associations (Amnesty International, collectif Justice pour Adama…), le film est très documenté. Ses auteurs en ressortent un constat sans équivoque : l’Etat mène une répression violente contre le mouvement des Gilets jaunes et use à son encontre de techniques héritées de cinquante ans de maintien de l’ordre dans les quartiers populaires, les ZAD ou aux abords des stades. Une forme de maintien de l’ordre dont les dérives sont inquiétantes et empiètent sur la liberté fondamentale du droit de manifester.
Matthieu Bidan, l’un des trois réalisateurs, revient pour Télérama sur ce docu choc et militant, qui a déjà atteint les 35 000 vues sur YouTube.

Quelle était l’ambition de ce documentaire ?
L’idée de réaliser un sujet autour des blessés du mouvement des Gilets jaunes a germé en janvier. Nous suivons les manifestations depuis le début et nous avons observé un réel tournant dans la stratégie du maintien de l’ordre à partir de l’acte III, début décembre. A ce moment, on a vu monter sur les réseaux sociaux la question des manifestants blessés par les armes de la police. Jusque-là, on n’en parlait pas beaucoup. Les politiques les occultaient, les médias les évoquaient peu. Or, à StreetPress, nous avons toujours eu une attention particulière aux blessés car nous traitons au quotidien des manifestations et de leurs conséquences dans les quartiers populaires et au sein des milieux radicaux. Nous nous sommes donc rapidement rendu compte que de nombreux Gilets jaunes étaient atteints de blessures similaires à celles que nous avions pu constater dans le passé lors de manifestations réprimées dans les quartiers populaires. Dès lors, il nous a semblé nécessaire de sortir de l’urgence dans le traitement du mouvement des Gilets jaunes et de prendre le temps de faire un film documenté qui donne du sens à toutes ces violences et les replace dans une perspective historique.

D’où l’idée d’interroger un large panel d’interlocuteurs…
Nous connaissons et suivons la plupart des gens que nous interrogeons dans ce documentaire : les victimes de tir de LBD, Vanessa Langard et Vitalia, dont les témoignages sont durs ; Youcef Brakni, membre du collectif Justice pour Adama, qui lutte contre les violences policières ; Pierre Douillard, sociologue ayant perdu la vue au cours d’une manifestation, dont on avait déjà fait le portrait ; Raphaël Kempf, avocat… Mais comme nous souhaitions avoir le panorama le plus complet possible, nous sommes aussi allés voir d’autres interlocuteurs tels l’ancien ministre de l’Intérieur, Daniel Vaillant, dont la parole politique et institutionnelle était importante à entendre, de même que celle de Denis Jacob, le représentant du syndicat Alternative Police. Nous aurions été ravis de la donner au ministre de l’Intérieur Christophe Castaner, mais il n’a pas répondu à nos sollicitations.

Que racontent ces violences dont sont victimes certains manifestants Gilets jaunes ?
Cécile Amar, journaliste à L’Obs et co-auteure du livre Le Peuple et le Président , raconte que le gouvernement a d’emblée fait le choix politique de réprimer le mouvement des Gilets jaunes. Jamais, en si peu de temps, on n’a eu autant de blessés dans un mouvement de contestation. Jamais on a tiré autant de grenades lacrymogènes. Jamais utilisé autant de LBD 40. C’est un choix répressif plutôt qu’une réponse politique qui a été apporté aux attentes des gens qui manifestent tous les week-ends.
Les Gilets jaunes apparaissent comme un mouvement inédit dans son expression, la répression qui les frappe, elle, ne l’est pas et s’apparente à celle exercée lors des mouvement sociaux précédents : la loi travail, les ZAD, ou celle utilisée aux abords des stades contre les ultras. Plus important encore, cette politique a déjà été à l’œuvre dans les quartiers populaires, qui constituent depuis des années des laboratoires de ces dispositifs. Le lien entre ce qui se passe dans ces quartiers et ce qui a lieu en ce moment dans les rues des grandes villes ou sur les ronds-points nous paraît essentiel à mettre en lumière.

Comment ressort-on d’un documentaire aussi militant ?
L’angle est forcément engagé. La répression contre les Gilets jaunes marque une nouvelle étape dans cette tendance à restreindre de plus en plus les libertés individuelles, notamment celle de manifester. On ne peut pas laisser passer ça. On ne peut pas non plus ne pas s’émouvoir de ces dizaines de blessés. Et, on ne sort pas indemne d’un entretien avec quelqu’un qui a perdu un œil lors d’une manifestation. Alors oui, c’est un documentaire engagé, mais de la même façon que le travail du journaliste David Dufresne qui a fait remonter les témoignages de blessures des manifestants pour Mediapart et sur Twitter.
Et puis, nous ne sommes pas les seuls à déplorer cette évolution. De grandes associations comme l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (Acat) ou Amnesty International, qui témoignent dans le documentaire, s’inquiètent elles aussi des dérives du maintien de l’ordre et de l’entrave à la liberté de manifester. En tant que journaliste comme en qualité de citoyen, on ne peut qu’être inquiet pour l’avenir, surtout quand on voit, comme cette semaine, plusieurs journalistes se faire convoquer par la DGSI. Il devient de plus en plus difficile d’exercer sa mission d’information ou tout simplement de manifester.

Le documentaire cumule 35 000 vues trois jours à peine après sa mise en ligne. Comment l’interprétez-vous ?
Voilà des mois que chacun peut suivre ce mouvement en direct, devant les chaînes d’info en continu, sur Twitter, via les vidéos postées partout. Ce documentaire prend le temps de se poser, de faire le bilan de ce qui s’est passé ces six derniers mois et offre même une perspective historique plus large. Si les gens le regardent, c’est sûrement parce qu’il répond au besoin de mettre du sens dans ce mouvement et dans cette répression dont nous sommes témoins ou victimes.

Et maintenant ?
Nous allons évidemment continuer à suivre le mouvement, notamment du point de vue de la sécurité et de la répression. Des projections publiques du documentaire sont prévues avec Amnesty International ou l’Acat, à Paris et dans des villes de province comme Strasbourg. Nous allons aller à la rencontre du public pour en parler et débattre. Le film va vivre au-delà de YouTube et de StreetPress.

Extraits :

Pierre Douillard, que je connais, étant le fils de Luc Douillard et sa compagne Emmanuelle Lefevre deux ami-es militant-es nantais. Il a perdu un œil à l’âge de 16 ans parce qu’il manifestait devant le lycée, ce jour là tous-es on dit que les policiers en phase de d’apprentissage avec cette nouvelle arme visaient la tête… c’était il y a une vingtaine d’années ! Il raconte lui-même dans la vidéo.

  • Flash-ball arme à létalité atténuée - the less léthal weapon et pas arme non létale ! Elles peuvent tuer, mais le plus souvent blesse à vie !
  • L’État sait que les grenades de maintient de l’ordre GLI-F4 sont potentiellement mortelles parce que l’IGPN a fait un rapport Le 13 novembre 2014 où il affirme que
    “Les dispositifs à effet de souffle sont susceptibles de mutiler ou de blesser mortellement un individu…”
  • “Moi, je m’interroge, on est quand même dans un pays dans lequel le gouvernement continu à utiliser une grenade dont il sait, parce que, c’est ses gendarmes, sa police qui lui dit qu’elle peut être mortelle. C’est quand même inquiétant la manière dont ce gouvernement entend traiter ses citoyens qui expriment une colère en manifestant!”




    - Nicolas Krameyer Amnesty international France :
    Cette logique préventive elle est directement issue de 2 ans d’état d’urgence. L’état d’urgence c’était précisément pour mettre en place des mesures préventives à l’encontre de personnes auxquels on a rien de réel à reprocher, mais pour lesquelles il y a un doute . Et c’est cette logique de l’état d’urgence qu’on est en train de mettre petit à petit d’inscrire dans le droit commun… on voit à quel point elle est dangereuse dans la manière dont elle s’applique avec ce type d’arrestation préventive. On appelle la France et les autorités française à revoir les dispositifs de maintient de l’ordre, mais aussi à sanctionner de manière beaucoup plus clair tout ce qui est recours excessif à la force.
    Ce n’est pas faute d’avoir lutter très fort contre la prévision de loi de l’état d’urgence et mis fortement en garde sur, en fait, qui ce passe maintenant ! Mais comme ça n’a pas intéressé beaucoup de monde nous étions peu nombreux localement et nationalement. Attac Réunion qui c’est beaucoup impliqué à fait un texte reconnu au niveau national qui est passé par la commission démocratie d’Attac France. Je pourrais le faire parvenir à qui le demande.
  • Vu le nombre de blessures à la tête en comparaison de celles d’autres parties du corps, c’est bien la preuve que les blessures à la tête ne sont pas des accidents, comme essaye de le faire croire au peuple Castaner le castagneur, relayé par les médias aux ordres, mais bien une volonté de mutiler pour faire peur et diminuer le nombre de manifestants qui angoissent d’être estropié à vie !

    La question n’est pas de savoir s’il y a des mauvais ou des bon policiers. La question est que c’est un système… la police est un système !


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