Interview de Bruno Parmentier en direct le 29/09/2017 à 17h. Économiste, ancien directeur de l'école supérieure d'agriculture d'Angers.
Petite coupure de son imprévue entre 2min et 2min10.
Source : https://www.youtube.com/watch?v=l9VGz9Lrt70
Notes prises durant l'écoute de la vidéo
800 millions de personnes souffrent de la faim dans le monde. Curieusement, c'était le même nombre de personnes en 1900, en 1950, en 2000 et en 2017 ; sauf qu'en 1900, c'était 50% de la population mondaile et en 2017, c'est 12%.
L'agriculture et les transports internationaux ont fait beaucoup de progrès. On produit beaucoup plus et on peut déplacer de la nourriture (denrées périssables) sur de très grandes distances.
Mais la faim reste une construction humaine. Si on a réussi à nourrir 5,5 milliards d'humains de plus, pourquoi n'arriverait-on pas à nourrir encore 800 millions de plus ?
Ceux qui souffrent le plus de la faim sont paradoxalement des paysans. 50% sont des paysans propriétaires de leur terre, 20% des paysans sans terre, des ouvriers agricoles sous-payés 10% d'ex-chasseurs-cueilleurs qui n'ont plus de terres sauvages où vivre et 20% d'anciens paysans venus s'agglutiner dans des bidonvilles pour chercher un peu de nourriture.
Aux 800 millions de "crève-la-faim" s'ajoute 1 milliard de personnes qui ne consomment qu'un seul aliment (du riz ou du manioc, selon le continent). Leur santé est détériorée, carencée en vitamines.
A l'inverse, 1,6 milliard de personnes sont trop nourries dont 700 millions d'obèses (qui ont donc eux aussi une santé détériorée pour des raisons alimentaires).
Il faudrait que chaque continent subvienne à ses besoins alimentaires, que les gens se nourrissent avec des aliments provenant de moins de 500 km de chez soi.
Il faut arrêter d'empêcher les gens de se nourrir eux-mêmes. Il faut améliorer l'agriculture vivrière partout dans le monde.
Manger bien pour vivre longtemps et en bonne santé.
Les paysans sont des gros pollueurs car abusant de mécanique, pétrole, chimie (engrais chimique, fongicide, insecticide, herbicide) mais ces mêmes paysans sont aussi des fixateurs de carbone (puisque les plantes captent le CO2).
Il faut investir dans l'agriculture.
Dans les années 1945-1950, il y avait 8 millions de paysans en France. Aujourd'hui, ils ne sont plus que 500.000.
Les entreprises multinationales de la chimie ne cessent de se regrouper pour constituer un oligopole. Encore récemment, il y en avait 7 mais elles ne sont plus que 4 : Bayer-Monsanto (l'achat de Monsanto par Bayer a coûté 60 milliards d'euros), une américaine, une chinoise et Syngenta.
Le problème avec les produits chimiques c'est qu'ils produisent leurs résistances dans la nature. Il faut sans cesse renouveler les produits. Ainsi, Bayer-Monsanto investit 2 milliards d'euros par an dans la recherche. C'est bien plus que l'INRA.
Le cumul du réchauffement climatique, de l'épuisement des sols et de la résistance aux produits chimiques montre clairement que la révolution de l'agriculture moderne arrive à son bout. Il faut réinventer tout en augmentant la production. En effet, la démographie augmente de même que la consommation par individu.
Il faudrait augmenter la production par 3 en Afrique et même par 5 si on ajoute une consommation accrue de viande. En Asie, il faudrait augmenter la production par 2. Pour l'Europe et l'Amérique du Nord, la production actuelle est suffisante ... en quantité.
L'objectif est double : produire plus et mieux.
Les pauvres sont végétarien mais dès qu'on devient un peu plus riche, on veut imiter les classes sociales supérieures : manger de la viande ou manger des produits laitiers.
En 1920, en France, on consommait 20kg de viande par an ; en 1950 50kg/an ; en 2000 : 100kg/an mais en 2017, on est revenu à 85kg/an. Ce qui s'est passé pour le vin est en train de se passer pour la viande : manger moins mais de meilleure qualité.
Rien de mieux le soir qu'une soupe de légumes de saison.
Comment passer de la quantité à la qualité pour un éleveur ?
Le "bio" (zéro produit chimique) est réservé à une minorité.
Les plantes adventices sont (indésirables) sont devenues très résistantes.
Il faut arrêter de labourer car cela détruit le sol. Il faut arrêter d'embêter les vers de terre, les bactéries et les champignons. Sous un m² de terre, il y a 260 millions d'êtres vivants.
Il faut favoriser la biodiversité plutôt que la monoculture. Par exemple : du colza avec une "plante de compagnie" aux larges feuilles plates (pour étouffer les autres mauvaises herbes) qui deviennent de l'engrais en hiver.
INRA emploie 6500 chercheurs du côté agriculture chimique mais seulement 50 du côté agriculture bio.
Produire massivement de la nourriture pour 7,7 milliards d'êtres humains et bientôt 9,5 milliards est une nécessité sinon on court vers la famine [et une grande instabilité politique].
Il faut développer de l'agriculture bio intensive. On va découvrir beaucoup de choses ces 30 prochaines années.
Question de Sky (le journaliste) : "Combien faut-il d'années pour restaurer un sol qui a subi l'agriculture intensive chimique-mécanique ? Réponse de Bruno Parmentier : "5 à 7 ans".
En 1960, 38% du budget d'une famille était employé pour se nourrir et 14% pour se loger. En 2017, seulement 14% servent à se nourrir. Mais moins on dépense pour se nourrir et plus on dépense pour la médecine.
Les légumes de saison ne sont pas chers. On peut se nourrir en France alors qu'on meurt de faim toutes les 10 secondes dans le monde.
L'eau c'est moins cher que le Coca-Cola dans certains pays. La nourriture a une dimension culturelle; ce n'est pas qu'une question de pouvoir d'achat.
Dans les cantines scolaires, il faudrait des aliments provenant du département. Bien manger pour faire société (en privilégiant l'emploi local, on crée de la cohésion sociale).
La clé [d'une bonne alimentation] c'est l'éducation.
Le tiers de la récolte mondiale de nourriture est jetée.
Un humain ingère une tonne par an dans sa bouche : 600 kg de liquides et 400 kg de solides.
1/3 de la production jetée n'est pas sortie des champs (par exemple une carotte tordue parce qu'elle est considérée invendable). C'est la même chose pour la pêche. On racle jusqu'au fond et ensuite 30% est jeté avant le retour au port (parce que soit-disant pas vendable).
1/3 des pertes est est lié à la détérioration pendant le transport [la nourriture est périssable]
1/3 des pertes/gaspillage est jeté chez nous ou à la cantine.
Si on couvre le sol en permanence, si on met des arbres partout pour aller chercher les ressources en profondeur, on va nourrir tout le monde et les nourrir mieux sans chimie.
Manger mieux c'est aussi moins de viande, moins de lait, moins de sel et de sucre. C'est plus de céréales et plus de légumineuses.
"La poule au pot tous les dimanches" avait promis Henri IV. On a largement dépassé cette consommation de viande et c'est devenu excessif.
Augmenter la productivité en Afrique est facile tant leur productivité est faible comparée au continent européen mais aussi compte tenu des différences entre pays africains (Madagascar : 2 t de riz à l'hectare ; Égypte : 8 t de riz à l'hectare).
Il faut aider les agriculteurs [à faire leur travail de paysan] au lieu de leur vendre des armes !
Ceci étant dit, il ne faut pas s'affranchir de sa responsabilité personnelle d'acheteur, de consommateur.
L'agriculture et l'élevage produisent le tiers de l'émission des gaz à effet de serre liée aux activités humaines.
AMAP (Association pour le maintien d'une agriculture paysanne) permet d'associer 100 personnes à 1 agriculteur pour acheter sa récolte annuelle. C'est possible en milieu rural mais pas en zone urbaine.
Bouquins écrits par Bruno Parmentier :
- Manger tous et bien (2011)
- Faim zéro - En finir avec la famine dans le monde (2014)
Mot de la fin : "Se demander : est-ce que le monde est meilleur grâce à moi ?"
4 commentaires:
Nourrir l'humanité
Les grands problèmes de l'agriculture mondiale au XXI siècle
Bruno PARMENTIER
Nourrir les Français ? La tâche est relativement facile depuis qu’a disparu la malédiction millénaire qui rendait chacun inquiet de sa subsistance quotidienne. Nourrir l’humanité ? Un défi bien plus complexe face au scandale des 850 millions de personnes qui ne peuvent manger à leur faim et aux trois milliards d’humains supplémentaires qu’il faudra nourrir en 2050. Cela frise l’impossible, alors que la planète va manquer d’eau, de terre et d’énergie et que nous devrons affronter les effets de nos inconséquences actuelles : réchauffement de la planète, pollution, érosion, perte de la biodiversité…
Dans ce livre sont présentés tous les aspects de ce gigantesque défi, sans doute le plus important du XXIe siècle et pour lequel l’agriculture sera à nouveau appelée à occuper le devant de la scène. Sont ainsi exposées très pédagogiquement les questions de l’avenir des subventions agricoles au sein d’un commerce « mondialisé », des rapports de l’agriculture avec l’agro-industrie et la grande distribution, du risque de crises sanitaires de grande ampleur, de l’extension de la production OGM, mais aussi de l’émergence de nouveaux pays exportateurs (Chine, Brésil), etc. Un ouvrage aussi complet qu’accessible, qui passionnera agriculteurs et urbains, citoyens et décideurs.
Manger tous et bien
Bruno Parmentier
« Avant », les rapports à la nourriture étaient angoissants, mais simples : on voulait être sûr de manger demain et on espérait ne pas mourir après souper.
Aujourd’hui, en France, on n’a plus faim, mais on n’a jamais autant parlé de nourriture ni d’agriculture. On réclame à la fois du simple, sophistiqué et pratique, traçable et biologique, équitable et local, rapide et diététique, équilibré et varié, traditionnel et moderne, issu du terroir et exotique… Mais surtout, on veut maigrir ! Sans oublier qu’ayant voulu gagner du temps, on a confié à d’autres une bonne partie de la préparation de notre nourriture, ce qui nous angoisse, car « on ne sait plus ce qu’on mange ».
On ne trouvera ici ni recette de cuisine, ni réquisitoire contre les responsables supposés de la « malbouffe », ni programme pour une vie meilleure. On y puisera en revanche quantité de réponses à des questions que chacun peut se poser : qu’est-ce que manger, au fond, et surtout qu’est-ce que bien manger, à la fois seul le soir après une journée de travail et quand on reçoit des amis ? Pourquoi, alors que l’espérance de vie augmente régulièrement, les maladies liées à la nourriture – obésité, allergies, intolérances, boulimie, anorexie – ne cessent-elles de proliférer ? Pourquoi mange-t-on sans sourciller des OGM aux États-Unis alors qu’on s’y refuse en France ? Quelle est la réalité, et l’avenir, du bio et des circuits courts ?
Mais aussi, quels sont les problèmes que nous rencontrons avec les céréales, les fruits et légumes, la viande, le lait ? Comment s’organiser pour manger à la fois mieux, tous et durablement ? Le manger « bien » des uns est-il incompatible avec le manger « tous », à bientôt 9 milliards d’individus sur Terre ? Quelles nouvelles relations inventer entre les agriculteurs et les consommateurs ?
Un livre accessible à tous, consommateur de base tout comme spécialiste ou « décideur », pour aider chacun à élargir sa vision et se faire sa propre opinion.
Bruno Parmentier, ingénieur des Mines et économiste, a dirigé dix ans le Groupe ESA (École supérieure d’agriculture d’Angers). Il est l’auteur de Nourrir l’humanité, les grands problèmes de l’agriculture mondiale au XXIe siècle (La Découverte, 2007) et donne de nombreuses conférences.
Faim zéro
En finir avec la faim dans le monde
Bruno PARMENTIER
En 2000, les Nations unies établissaient les « objectifs du millénaire » visant à réduire drastiquement le nombre d’affamés dans le monde en quinze ans. Mais, en 2015, on comptera autant de personnes qui ont faim qu’en 2000 et qu’en… 1900, soit 850 millions. Toutes les dix secondes, un enfant continue à en mourir. Cette situation se paye au prix fort : insécurité, guerres, piraterie, terrorisme, émigration sauvage, épidémies. La faim tue bien plus que les guerres… Pourquoi, alors qu’on a réussi en un siècle à nourrir 5 milliards de personnes supplémentaires, ne peut-on l’éradiquer ?
Aujourd’hui, la faim n’est plus seulement fille de l’ignorance ou des incidents climatiques, mais principalement de la cupidité, de l’incurie et de l’indifférence. C’est ce que montre Bruno Parmentier dans ce livre argumenté et pédagogique : il s’agit d’un phénomène politique, et son élimination relève donc de l’action politique. Certains pays remportent ainsi des victoires, tels la Chine, le Viêt-nam ou le Brésil – avec son programme « Faim zéro » –, alors que d’autres stagnent, comme l’Inde, ou reculent, comme la plupart des pays d’Afrique subsaharienne.
Malgré le réchauffement de la planète et l’augmentation de la population, malgré l’accaparement des terres ou la production d’agrocarburants au détriment des aliments, les solutions existent pour que tous mangent à leur faim, dès lors que les États se décident à agir : « renutrition » d’enfants en danger de mort ; encouragement des techniques de production agricole agroécologiques, y compris dans la petite agriculture familiale ; soutien ciblé au revenu des mères de famille fragilisées ; promotion de nouvelles alliances financières public-privé, etc. On peut y arriver, explique ce livre optimiste, si les citoyens, leurs organisations et leurs gouvernements reconnaissent la faim comme le principal problème que doit affronter l’humanité.
Bruno Parmentier, ingénieur des mines et économiste, après une carrière dans la presse et l’édition, a en particulier dirigé pendant dix ans le Groupe École supérieure d’agriculture d’Angers. Consultant et conférencier sur les problèmes agricoles et alimentaires, il est l’auteur de Nourrir l’humanité(La Découverte, 2007) et de Manger tous et bien (Le Seuil, 2011), et administrateur d’Action contre la faim, de la Fondation pour l’enfance, du PACT et de l’Association pour une agriculture écologiquement intensive.
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