samedi 16 février 2019

Gilets jaunes : pourquoi la majorité freine des quatre fers sur le RIC

Revendication unanime des "gilets jaunes", le Référendum d'initiative populaire (RIC) est pour l'instant écarté par le gouvernement qui multiplie les tentatives de substitution.

C'est le tube de l'hiver. Le référendum d'initiative populaire (RIC) s'est imposé en quelques semaines comme la principale revendication des "gilets jaunes". Le mouvement de contestation populaire qui s'était d'abord polarisé sur les questions de pouvoir d'achat et de prix des carburants s'est étendu aux revendications de démocratie directe. Sur les ronds points, dans la rue ou sur les réseaux sociaux, les manifestants réclament désormais unanimement la mise en place de ce dispositif permettant à une fraction de la population réunissant un nombre de signatures fixé à l'avance de saisir le peuple par référendum afin qu'il statue sur une proposition de loi, l'abrogation d'une loi votée par l'Assemblée nationale ou la révocation d'un élu.

Popularisé par l'intellectuel controversé Etienne Chouard, le RIC est en fait une vieille idée politique partagée par une multitude de partis depuis les années 1980. Charles Pasqua, Jean-Marie Le Pen ou le plus anonyme député RPR Yvan Blot ont proposé de l'inscrire dans la loi lors du premier septennat de François Mitterrand, lequel défendait lui-même l'idée dans sa "lettre aux Français" de 1988, estimant que cette réforme correspondait à une "aspiration réelle" du pays. Plus récemment, La France insoumise proposait dans son programme de 2016 d'instaurer un référendum d'initiative citoyenne permettant aux Français de proposer une loi ou de révoquer un élu en cours de mandat, tout comme Benoît Hamon via son "49-3 citoyen".

Un large soutien de l'opinion

La mesure est largement soutenue dans l'opinion publique. Selon un sondage Harris Interactive publié le 2 janvier 2019, 80% des Français sont favorables à un RIC "législatif", c'est à dire la possibilité pour les Français de proposer une loi, 72% au RIC "abrogatoire" permettant de supprimer une loi et 63% au "RIC" révocatoire entraînant la fin du mandat d'un élu. Le dispositif suscite en revanche un tir de barrage dans les rangs de la majorité. "C'est dangereux et contre-productif", pointe le député du Rhône Bruno Bonnell. "Si hier on avait proposé un référendum sur l'avortement, la loi Veil n'aurait jamais été votée, assure-t-il. Si demain on interroge les Français sur la peine de mort après un fait divers atroce, quelle sera leur réponse ?" Un argument balayé par l'opposition. "Le RIC fait peur à ceux qui préfèrent un peuple qui s'abstient car c'est plus pratique pour imposer les politiques néo-libérales", tance la secrétaire nationale du Parti de gauche Martine Billard.

Pour certains députés de la majorité, les "gilets jaunes" ont habilement joué du RIC pour mettre de côté leurs divergences politiques. "Le référendum d'initiative citoyenne c'est un peu comme les "Macron démission", leur plus petit dénominateur commun qui les empêche de se diviser en tentant de se structurer politiquement", pointe un élu LREM. Conscient de l'aspiration des Français pour plus de démocratie directe, certains cadres de la majorité se disent néanmoins prêts à envisager une application décentralisée du référendum d'initiative citoyenne, qui se rapprocherait selon eux du modèle suisse où une grande partie des "votations publiques" sont organisées au niveau cantonnal. "On pourrait lancer le RIC pour référendum d'initiative communale ou le RIR pour référendum d'initiative régionale", lance Bruno Bonnell.

Vers un référendum à questions multiples ?

Autre proposition : assouplir les conditions du référendum d'initiative partagée adopté sous le mandat de Nicolas Sarkozy. Ce dernier permettait d'organiser un référendum à l'initiative d'un cinquième des membres du Parlement (185 députés ou sénateurs), soutenue par au moins un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales (4,5 millions de personnes). Des conditions tellement rédhibitoires que le dispositif n'a... jamais été utilisé depuis son entrée en vigueur en février 2015. Certaines voix plaident pour baisser à quelques centaines de milliers d'électeurs le seuil minimal de déclenchement du référendum.

Autant de questions qui seront abordées lors du "grand débat national" voulu par Emmanuel Macron qui pourrait lui-même aboutir à... un référendum. Plusieurs députés dont l'élu de la Vienne Sacha Houlié, en charge de la réforme constitutionnelle, envisagent la tenue d'un scrutin à questions multiples permettant aux Français de se prononcer sur l'issue des débats. La proportionnelle, la réduction du nombre de parlementaires ou la reconnaissance du vote blanc, évoquée par Emmanuel Macron dans son discours du 10 décembre, pourraient être proposées. Une date est même envisagée : le 26 mai en même temps que les élections européennes. Mais cette perspective ne fait pas l'unanimité. "Tous les derniers référendums ont été traversés par la volonté de sanctionner le pensionnaire de l’Élysée", pointe un élu LREM. Avec le risque de fragiliser un peu plus Emmanuel Macron.

Sourcehttps://www.challenges.fr/politique/pourquoi-le-ric-effraie-autant-les-macronistes_634584?fbclid=IwAR0odF_WqbY2IvPmoovqnMdjOdX6hEjCs3hy1T-jtuJrUwOPyt-uYeD9igE

2 commentaires:

Je a dit…

Le régime "représentatif" est à bout de souffle.

Les citoyens veulent de la démocratie directe (un premier outil en tout cas, avec le R.I.C. en toutes matières) tandis que les "représentants" veulent instaurer une dictature (qu'ils nommeront "technocratie" ou "aristocratie" à défaut d'avouer son vrai nom : "ploutocratie").

Je a dit…

François Asselineau est une nouvelle fois "oublié" puisque son programme présidentiel de 2017 contenait lui aussi un R.I.C.