dimanche 10 novembre 2019

Changement climatique et théorie de Milankovitch : une prédiction confirmée

Des forages dans le Parc national de la forêt pétrifiée de l'Arizona ont permis de dater des couches de terrain du Trias tardif d'il y a environ 215 millions d'années. Ces couches gardent la mémoire des cycles climatiques de Milankovitch liés aux modifications des mouvements de la Terre. Elles ont fourni une preuve de l'existence d'un cycle de 405.000 ans et devraient nous aider à comprendre le changement climatique que nous provoquons.

Depuis les années 1970, des campagnes de forages géologiques ne cessent de fournir des carottes de roches sédimentaires où l'on a pu découvrir que les sédiments enregistraient des variations cycliques dans le climat de la Terre, en relation avec ce que l'on appelle les cycles de Milankovitch. La théorie de ces cycles est basée sur des modifications périodiques de l'excentricité de l'orbite de la Terre et de l'obliquité de son axe de rotation. Ils ont été découverts par le calcul du mathématicien, géophysicien, astronome et climatologue d'origine serbe Milutin Milankovitch, entre 1920 et 1941.
Ces modifications sont causées par l'attraction gravitationnelle des autres planètes du Système solaire, en particulier Jupiter et Saturne, du fait de leurs masses importantes, mais aussi Vénus de par sa proximité. Comme excentricité et obliquité gouvernent l'insolation et les saisons sur Terre, ces modifications changent le climat et, au cours des derniers millions d'années, sont clairement associées aux glaciations.

L'un des cycles de Milankovitch n'avait pourtant pas encore reçu de confirmation solide en provenance de l'étude de la mémoire géologique de la Terre. Particulièrement long, il était censé être d'environ 405.000 ans. Une équipe de chercheurs en géosciences états-uniens pense être parvenue à le mettre en évidence, comme elle l'explique dans un article publié dans Proceedings of the National Academy of Sciences (Pnas).


Que sont les cycles de Milankovitch ? Cette vidéo nous l'explique. © L'Esprit Sorcier Officiel

Pour faire cette découverte, les scientifiques se sont basés sur des études de carottes livrées par des forages dans les couches sédimentaires datant du Trias tardif, quand les dinosaures et les premiers mammifères ont commencé leur évolution, et que l'on peut trouver dans le célèbre Parc national de la forêt pétrifiée de l'Arizona. Y gisent des troncs d'arbres fossilisés et changés en pierre qui s'élevaient, il y a environ 215 millions d'années, dans un vaste paysage fluvial habité par des poissons, des tortues, des crocodiliens géants et de minuscules espèces de dinosaures. Aujourd'hui, il se présente sous forme de badlands (mauvaises terres), des terrains marneux ou argileux, parfois de couleurs vives, et ravinés par les eaux du ruissellement en faible pente.

Triassic Park, une clé pour comprendre les changements climatiques

Or, ces couches sédimentaires accumulées pendant des millions d'années gardent la mémoire des mouvements tectoniques, des cycles climatiques naturels, de la croissance et la disparition des lacs, des accumulations de deltas des rivières alors que la Terre était plus chaude. Plus chaude, en partie à cause d'un taux en gaz carbonique plus élevé accompagnant des changements climatiques rapides et des extinctions rapides.
Comme d'autres chercheurs, le paléontologue Paul Olsen (voir la vidéo ci-dessous), professeur et chercheur à l'Observatoire de la Terre Lamont-Doherty de l'université Columbia, pense y trouver avec ses collègues des réponses aux questions que pose le changement climatique actuel, causé par l'Homme cette fois-ci, en raison de son injection massive et surtout très rapide de CO2 dans l'atmosphère de la Terre. Paul Olsen, l'un des auteurs de l'article des Pnas, cherche aussi à savoir, en précisant les datations des différents phénomènes ayant laissé leurs marques dans les couches sédimentaires du Trias tardif, avant la grande extinction du Permien-Trias datée de 201,6 millions d'années, si une plus petite crise biologique ne s'est pas produite également en raison de la formation du fameux cratère d'impact de Manicouagan au Québec. Une période de 20 millions d'années est ainsi à l'étude en espérant atteindre une résolution temporelle de l'ordre du millénaire. Pour Olsen : « Comprendre les environnements anciens nous donne des indices solides pour les futurs. En fait, c'est le seul moyen de tester nos modèles climatiques ».


Paul Olsen nous explique l'intérêt de l'étude de ce que l'on pourrait appeler « Triassic Park » en Arizona. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Earth Institute

Les carottes prélevées dans le « Triassic Park » ont vu leur chronologie épluchée, grâce à la présence sporadique de cendres d'éruptions volcaniques contenant des minéraux avec des isotopes radioactifs qui peuvent être analysés pour donner des âges absolus. En outre, les inversions tout aussi sporadiques du champ magnétique terrestre ayant été enregistrées dans l'orientation de grains dans les sédiments eux-mêmes, les géologues peuvent aussi s'appuyer sur le paléomagnétisme pour effectuer des datations.
Les datations fines obtenues ont été corrélées à des modifications de dépôts sédimentaires plus riches en information sur les changements climatiques il y a environ 215 millions d'années et montrant des signes exquisément préservés d'alternance de périodes sèches et humides. On les trouve dans d'anciens lacs du fameux bassin Newark autour de New York, dans le New Jersey.
Le cycle de 405.000 ans de Milankovitch est lié à une modification de 5 % de l'excentricité de l'orbite de la Terre sous l'influence notamment des perturbations gravitationnelles de Vénus. Les chercheurs ont découvert ce cycle du fait que les précipitations ont culminé lorsque l'orbite était la plus excentrique, produisant des lacs profonds qui ont laissé des couches de schiste noir dans l'est de l'Amérique du Nord. Mais lorsque l'orbite était la plus circulaire, les lacs se sont asséchés, laissant des couches plus minces et exposées à l'air.
En fait, les choses ne sont pas si simples car si ce cycle n'a visiblement pas changé pendant des centaines de millions d'années (les calculs prédisaient son existence au cours des derniers 50 millions d'années mais devenaient incertains au-delà), il module en fait l'influence des plus petits cycles de Milankovitch qui se chevauchent les uns les autres et ont des durées qui évoluent également dans le temps. La présence du cycle long se révèle en fait sur les amplitudes des phases sèches et humides découlant des cycles courts.
Pour couronner le tout, ces cycles climatiques sont aussi sous l'influence du taux de gaz carbonique qui peut se modifier sans rapport ou en rapport avec ces cycles. Les analyses ne sont pas simples, mais les données obtenues devraient nous aider justement à mieux comprendre les cycles naturels et leur influence sur la biosphère en relation avec des taux élevés de gaz carbonique dans l'atmosphère. De quoi nous aider à mieux prévoir le changement climatique provoqué par l'Humanité et pas simplement à mieux comprendre le passé de la Terre.


  • Depuis les années 1970 se confirme le bien-fondé des idées de l'astronome et géophysicien serbe Milutin Milankovitch concernant l'effet des modifications de l'orbite de la Terre et de son axe de rotation sous l'influence des perturbations gravitationnelles des autres planètes.
  • Elles produisent des mouvements cycliques qui influent sur l'ensoleillement de la Terre et conduisent parfois à des glaciations, comme ce fut souvent le cas au quaternaire.
  • L'extrapolation dans le passé des simulations de mécanique céleste prédisaient l'occurrence d'un cycle d'environ 405.000 ans au moins jusqu'à il y a 50 millions d'années. Pour la première fois, des traces convaincantes de ce cycle ont été découvertes au Trias tardif, il y a 215 millions d'années environ.
  • Cette découverte devrait permettre de mieux prédire les effets du changement climatique provoqué par l'Homme. Au Trias tardif, le climat était en effet plus chaud, l'atmosphère contenait davantage de gaz carbonique et des extinctions s'y sont produites.

On a découvert un nouveau cycle de Milankovitch pour le climat

Article de l'INSU publié le 17/10/2015

Un cycle orbital de 9 millions d'années pilote le cycle du carbone et les processus climatiques à long terme depuis le Mésozoïque. Ce cycle, dont on a trouvé des traces dans les rostres des béléménites, a temporisé la dynamique saisonnière du climat entre le Jurassique et le début du Crétacé.
Les cycles de Milankovitch sont des variations de l'insolation reçue par la Terre pilotées par des modifications périodiques des mouvements orbitaux. Ces derniers sont particulièrement connus pour avoir rythmé la dynamique des phases glaciaires et interglaciaires au cours du Quaternaire, mais de nombreuses études montrent que ces variations de l'ordre de la dizaine à la centaine de milliers d'années se sont aussi manifestées dans des périodes géologiques plus reculées. Cependant, se peut-il que de grands mouvements astronomiques régulent la dynamique du climat à l'échelle de plusieurs millions d'années ? Et si oui, par quel processus ?
Une étude parue dans la revue PNAS du 13 octobre, des chercheurs de Toulouse laboratoire (GET, CNRS-Université Toulouse 3) et de Brême (laboratoire MARUM, Université de Brême), montrent qu'un facteur orbital de longue durée a temporisé la dynamique saisonnière du climat entre le Jurassique et le début du Crétacé. Elle repose sur une analyse inédite de la composition géochimique de bélemnites, des fossiles d'animaux marins morphologiquement proches des calamars, ayant enregistré la chimie et la température de l'eau de mer entre -200 et -125 Ma (millions d'années). De façon surprenante, les résultats montrent une fluctuation cyclique de la composition en carbone de l'eau tous les 9 Ma.
 On voit ici plusieurs des cycles de Milankovitch avec les variations périodiques de l’excentricité de l’orbite de la Terre (ex 100.000 ans) ou de l’inclinaison de son axe de rotation par rapport au plan orbital (41.000 ans). © University Corporation for Atmospheric Research 

Une modification de l’excentricité de l’orbite terrestre causée par Mars

En accord avec les calculs astronomiques, cette durée de 9 Ma correspondrait à un grand cycle d'excentricité de l'orbite terrestre lié à un autre cycle de 2,4 Ma dépendant des interactions entre la Terre et Mars. Même si le lien entre composition chimique de l'eau et grands cycles astronomiques reste débattu, les auteurs suggèrent qu'une orbite très elliptique sur le long terme favoriserait des contrastes climatiques saisonniers importants comme les moussons et sécheresses intenses, défavorables à la préservation du carbone organique sur Terre.
En revanche, les périodes à orbite plus circulaire pourraient avoir conduit à des climats humides et stables favorisant le développement de la végétation, la productivité marine et la préservation de matière organique. Dans l'ensemble, ce cycle orbital de 9 Ma apparaît donc comme un métronome majeur de la longue dynamique des climats anciens, sur lequel se rajoutent néanmoins des perturbations occasionnelles telles que le volcanisme.

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