Almanach anarchiste 1902
Par définition même, l’anarchiste est l’homme libre, celui qui n’a point de maître.
Les idées qu’il professe sont bien siennes par le raisonnement. Sa
volonté, née de la compréhension des choses, se concentre vers un but
clairement défini ; ses actes sont la réalisation directe de son dessein
personnel. A côté de tous ceux qui répètent dévotement les paroles
d’autrui ou les redites traditionnelles, qui assouplissent leur être au
caprice d’un individu puissant, ou, ce qui est plus grave encore, aux
oscillations de la foule, lui seul est un homme, lui seul a conscience
de sa valeur en face de toutes ces choses molles et sans consistance qui
n’osent pas vivre de leur propre vie.
Mais cet anarchiste qui s’est débarrassé moralement de la domination
d’autrui et qui ne s’accoutume jamais à aucune des oppressions
matérielles que des usurpateurs font peser sur lui, cet humain n’est pas
encore son maître aussi longtemps qu’il ne s’est pas émancipé de ses
passions irraisonnées. Il lui faut se connaître, se dégager de son
propre caprice, de ses impulsions violentes, de toutes ses survivances
d’animal préhistorique, non pour tuer ses instincts, mais pour les
accorder harmonieusement avec l’ensemble de sa conduite. Libéré
des autres hommes, il doit l’être également de soi-même pour voir
clairement où se trouve la vérité cherchée, et comment il se dirigera
vers elle sans faire un mouvement qui ne l’en rapproche, sans dire une
parole qui ne la proclame.
Si l’anarchiste arrive à se connaître, par cela même il
connaîtra son milieu, hommes et choses. L’observation et l’expérience
lui auront montré que par elles-mêmes toute sa ferme compréhension de la
vie toute sa fière volonté resteront impuissantes s’il ne les associe
pas à d’autres compréhensions, à d’autres volontés. Seul, il
serait facilement écrasé, mais, devenu force, il se groupe avec d’autres
forces constituant une société d’union parfaite, puisque tous sont liés
par la communion d’idées, la sympathie et le bon vouloir. En
ce nouveau corps social, tous les camarades sont autant d’égaux se
donnant mutuellement le même respect et les mêmes témoignages de
solidarité. Ils sont frères désormais si les mille révoltes des isolés se transforment en une revendication collective, qui tôt ou tard nous donnera la société nouvelle, l’Harmonie.
Source : https://resistance71.wordpress.com/2018/04/20/lanarchiste-elisee-reclus-1902/
lundi 23 avril 2018
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