vendredi 20 avril 2018

2%, 8% ou 10% ?

Question : J'ai une question à poser sur la monnaie. J'ai entendu dans des vidéos de vulgarisation que les banques privées ont obligation d'avoir seulement 10 pourcents de la somme qu'elles prêtent à leurs clients. J'ai entendu également que lorsque ces mêmes banques privées prêtent aux États, elles ont obligation d'avoir seulement 2 pourcents de la somme. Enfin, j'ai lu que les accords de Bâle exigeaient que les banques aient 8 pourcents de fonds propres. De peur de confondre plusieurs notions, j'ai voulu vérifier dans le texte mais les Accords de Bâle, c'est plus de 700 pages techniques. Alors, s'il vous plaît, quelqu'un peut-il m'aider en m'indiquant quels sont les vrais pourcentages ?

PS : Quand on est dépendant de quelqu'un (pour la monnaie, pour l'alimentation, etc.), il n'y a pas de démocratie possible.

Réponses :

Vincent T. "Fonds propres" est une notion de comptabilité qui s'applique à n'importe quelle société. Les vidéos pour expliquer le principe de la création monétaire , avec le principe de la multiplication de la monnaie, font appel aux "réserves en monnaie centrale". Les fonds propres contiennent ces réserves, mais aussi d'autres actifs , comme l'immeuble du siège social par exemple.

Jérôme S. Puisque les fonds propres ne doivent être que de 8% selon les Accords de Bâle, et puisque vous dites que les "réserves de monnaie centrale" ne constituent qu'une partie de ces fonds propres, combien une banque est-elle tenue de posséder en "réserve de monnaie centrale" ? Y a-t-il un % précis fixé par les règlements internationaux ?

Vincent T. : J'ai dit des bêtises : un immeuble est à l'actif, mais n'est pas dans les fonds propres. Les fonds propres sont la monnaie apportée au départ par les actionnaires, augmentée ensuite par les profits annuels.

 Jérôme S. : Ah ! ... Sujet difficile mais crucial. 

Vincent T. : Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/B%C3%A2le_III#Besoin_en_fonds_propres , le paragraphe "effet de levier".
Bâle 3 utilise seulement la notion de fonds propres, pas de réserves. L'effet de levier maximum est de 3%. Il ne me semble donc pas y avoir un ratio exprimé par rapport à la monnaie centrale détenue à l'actif.

Besoin en fonds propres
Les accords de réglementation bancaire Bâle III ont ignoré le hors bilan à l'origine de la crise des subprimes. Après Bâle II jamais appliqué par les Américains, la réévaluation des seuils prudentiels par les représentants de 27 banques centrales s'est traduit par le fait que « les banques devront avoir 4,5 % au titre du capital de base (core Tier One) auxquels s'ajoute un coussin dit « de conservation » de 2,5 %, soit 7 % au total ». Selon la BNP, le seuil de 7 % équivaut à un ratio de 10 % dans l'ancienne définition - à comparer aux 2 % minimum exigibles auparavant.
Effet de levier
En ce qui concerne le ratio de levier, il est prévu l'instauration d'un ratio de levier, devenant d'application obligatoire en 2018, et limité à
{\frac  {FP}{TA}}>3\%
Avec : FP : Capitaux propres de l'entreprise (Fonds propres dits Tier core one, ou de catégorie 1)
TA : Total des actifs, dans un premier temps, avec corrections progressives sur les dérivés, et réintégration dans le bilan d'engagements actuellement traités de façon différente par les États-Unis et l'Europe.
Ce chiffre est équivalent à un rapport maximal de 33:1 d'actifs sur capitaux propres.

Complément d'information
issu de http://justemonopinion-jeronimo.blogspot.com/2018/05/creation-monetaire.html

Lorsqu'une banque octroie un crédit à un particulier ou une entreprise, soit elle utilise les dépôts existants, soit elle passe par un processus de création monétaire. Elle a alors recours à un simple jeu comptable : elle inscrit dans son bilan une créance, ayant pour montant la somme qu'elle va prêter à son client, et augmente le compte de dépôt de son client d'autant. Le crédit venant alimenter le compte de dépôt du client, c'est l'expression « les crédits font les dépôts » qui est vraie et non l'inverse. On dit aussi parfois que la banque crée de l'argent « ex nihilo »a
Le remboursement d'un crédit à la banque correspond à une démonétisation : la part de monnaie correspondant au prêt initial est détruite, ayant pour effet de diminuer la masse monétaire. La part de monnaie correspondant aux intérêts revient à la banque.

Le mécanisme [...] décrit sous l'appellation de "système de réserves fractionnaires" ou le "multiplicateur monétaire" [...] a pour caractéristique de penser la création de crédit comme contrainte par la quantité de réserve (monnaie de base) disponibles dans le marché interbancaire, et le niveau de Réserves obligatoires. Selon cette vision, les banques "multiplient" la part de base monétaire dont elles disposent lorsqu'elles effectuent des crédits, ceci dans la limite de capacité d'effet de levier maximum.
Mais un nombre croissant (bien qu'encore marginal) de publications académiques nuancent voire rejettent aujourd'hui la validité de cette théorie, et avancent que les banques privées n'ont pas besoin de mobiliser des réserves en amont de l'émission d'un crédit. Autrement dit, les banques créent bien de la monnaie en émettant des crédits, mais cette création monétaire n'est pas contrainte par l'existence d'un taux de réserves obligatoires. Il n'y [aurait] donc pas non plus d'« effet multiplicateur de crédit ». 


Bien que les banques commerciales puissent, en théorie, créer du crédit sans limite, en pratique, la création monétaire globale des banques dépend de plusieurs facteurs :

  • Du désir d'encaisse liquide des agents économiques qui dépend étroitement de leurs anticipations en matière de revenu, d'épargne, d'inflation ainsi que de l'idée qu'ils se font de la solidité des placements possibles.
  • Des anticipations des banquiers qui, selon la conjoncture, privilégieront l'extension ou la défense de leur bilan.
  • De l'action des autorités de régulation, par la réglementation ou par l'intervention.
  • Des autres sources de création monétaire qui l'alimentent plus ou moins généreusement en dépôts (solde de balance des paiements, création monétaire par le trésor public là où elle est possible).
Cette complexité où la confiance et les facteurs psychologiques jouent un rôle important, explique l'instabilité associée à la création monétaire des banques et son rôle dans les mouvements de la conjoncture et dans le cycle économiqueb.

En conclusion

Jusqu'à la crise financière de 2007/2008, et les accords de Bâle III qui ont suivi (2010), les économistes avaient modélisé un "multiplicateur monétaire" dans lequel intervenaient plusieurs paramètres tels que les fonds propres (notion comptable), les réserves obligatoires (dépôts des banques privées dans la banque centrale), le pourcentage de monnaie fiduciaire (billets et pièces) que les clients souhaitent utiliser, etc.

Exemple de formule du multiplicateur monétaire au niveau d'une banque isolée :
k = 1 / b + f *(1 - b) + h *( 1 - b - f *(1 - b))
(avec f = la part de marché des autres banques , b = le pourcentage de besoins en billet et h = le pourcentage de réserves obligatoires).
« Dans le passé » (au sens de : avant que l’augmentation des flux de capitaux internationaux ne perturbe la théorie du multiplicateur), et plus précisément de 1980 à 1995,
le multiplicateur monétaire a valu de 8 à 9 aux États-Unis, 9 environ dans la zone euro, 10 à 15 au Royaume-Uni, 10 à 12 au Japon.

« Dans le Monde contemporain » , la mobilité internationale des capitaux a beaucoup augmenté, ainsi que l’intermédiation des flux de capitaux par les banques centrales. De ce fait, le multiplicateur monétaire n’a plus de sens au niveau national ou régional, ce que montrent d’ailleurs bien les évolutions observées, mais seulement au niveau mondial.

La formule générale du multiplicateur monétaire de l'ensemble du système bancaire est
k = 1 / b + h (1-b)
(avec b = pourcentage de besoins en billet et h = pourcentage de réserves obligatoires).

La Banque d'Angleterre affirme néanmoins que :
"Certes, la théorie du multiplicateur de monnaie peut être une façon utile d'introduire la monnaie et le fonctionnement des banques dans les manuels d'économie, mais il ne constitue pas une façon correcte de décrire comment la monnaie est créée en réalité. Plutôt que de contrôler la quantité de réserves, les banques centrales mettent en place leur politique monétaire en fixant le prix des réserves, c'est-à-dire par les taux d'intérêts."

12 commentaires:

Je a dit…

Les banques de la zone euro sont confrontées à une double réglementation.

D'une part, des fonds propres réglementaires dont le niveau dépend de la taille des actifs pondérés par le risque des banques. Les dettes publiques de bonne qualité n'exigent pas de fonds propres. Celles des banques ou des entreprises exigent en revanche une quantité importante de fonds propres, d'autant plus que le " rating " de l'emprunteur est faible. En théorie, les banques européennes doivent détenir des fonds propres représentant au moins 8 % de la valeur des actifs pondérés par le risque. Dans la pratique, les banques de la zone euro ont des fonds propres égaux à 10 ou 11 % de ces actifs.

D'autre part, les banques doivent détenir des fonds propres provenant de la réglementation du levier d'endettement. Les banques doivent respecter un ratio de levier, qui détermine le minimum du ratio des fonds propres au total du bilan de la banque. Le ratio de levier des banques européennes est actuellement fixé à 3 %, mais il va certainement être accru à 4 % ou même 5 %. Ceci signifie que la taille du bilan d'une banque peut représenter 33 fois ses fonds propres, mais que dans le futur ce ne sera "que" 20 fois.

Je a dit…

Fonds propres, effet de levier, risque de liquidité, sont autant de terme « nébuleux » évoqués dans la presse et journaux télévisés depuis la crise financière. Cependant combien de personne peuvent exactement les définir et évoquer leurs impacts sur les banques mais également sur l’économie ?

Je a dit…

Les banques et les marchés financiers sont réglementés. Il y a d’abord eu la réforme Bâle I, ensuite est venue Bâle II et sa révision Bâle 2,5. Suite à la crise financière, les différentes parties prenantes de ces réglementations ont voulu mettre en place des mesures afin que des crises telles que cette dernière ne puissent plus se reproduire (ou en tout cas essayer que ce genre de crise ne puissent pas se reproduire). Pour ce faire, une nouvelle « version » de cette réforme a vu le jour sous le nom de Bâle III. Cette dernière, rentrée en vigueur en 2010 (pour une mise en place au 1er janvier 2019) est composée de plusieurs axes principaux.

Je a dit…

Renforcer le niveau et la qualité des fonds propres

L’objectif de ce premier point est que les établissements bancaires soient mieux protégés en cas de pertes importantes. Pour ce faire, le comité de Bâle a mis en place deux points importants :

* Exigence minimale de fonds propres réglementaires (Tier 1 et Tier 2) en regard des risques pondérés reste inchangée et égale à 8 %. (ratio de McDonough*). Le tier 1 étant le « noyau dur » des fonds propres (contient entre autre le capital social et les résultats mis en réserve) et le tier 2 étant le tier 1 + des fonds de garantie ou encore des provisions.

* Augmentation du ratio de fonds propres durs, ratio Core Tier One, à 4,5% + un matelas de sécurité de 2,5% soit 7%.

Le ratio de solvabilité des banques doit donc être de 10,5% (8% + le coussin de 2,5% relatif au tier 1) et non de 8% comme l’exigeait Bâle II.

Ratio de McDonough : Fonds propres > 8% des [85% des risques de crédits + 5% des risques de marché + 10% des risques opérationnels]

Je a dit…

Plafonner l’effet de levier

L’effet de levier est le rapport entre le total des actifs et les fonds propres de la banque (Voir le fonctionnement du bilan d’une banque). Pour la plupart des banques, ce rapport était important avant la crise. En effet, les actionnaires pouvaient avoir intérêt à ce que leur entreprise augmente son endettement afin d’investir dans des actifs rentables plutôt que d’augmenter leur capital. Cependant si la valeur des actifs diminue fortement comme cela a eu lieu durant la crise, les moins rentables sont cédés en masse sur les marchés et ainsi amplifient la spirale de pertes (Comprendre les cessions d’actifs des banques).

Pour éviter cela, ce ratio est fixé à 3%.

Je a dit…

Mettre en place deux ratios de liquidité afin d’améliorer la gestion du risque de liquidité

Tout d’abord, qu’est-ce que le risque de liquidité ? C’est tout simplement le manque de liquidité afin de faire face aux créances ou encore le fait de ne pas pouvoir vendre un produit à un prix avantageux. Par exemple, les banques sont confrontées à ce risque lorsque leurs épargnants retirent davantage d’argent qu’il n’y a de dépôts.

Afin d’éviter ce genre d’exposition, le comité de Bâle a mis en place deux ratios :

* Le LCR (Liquidity Coverage Ratio) permet aux banques de résister à une crise de liquidité importante durant un mois. L’objectif est que les réserves de liquidités soient supérieures aux sorties nettes de trésorerie sur un mois.

* Le NSFR (Net Stable Funding Ratio) dont l’objectif est que le montant en financement stable soit supérieur au montant de financement stable exigé afin que l’établissement puisse exercer ses activités durant un an dans un contexte de tensions prolongées.

Je a dit…

La monnaie centrale est la monnaie créée par une banque centrale.

Elle représente le montant global des pièces et des billets émis, auquel s'ajoutent les sommes que les banques de « second rang » (banques commerciales) ont placées auprès d'elle au titre des réserves obligatoires.

En Europe, c'est la BCE (Banque centrale européenne) qui crée la monnaie centrale.

Je a dit…

BCE et monnaie centrale

Sur le vieux continent, la banque des banques est la BCE et la monnaie centrale, l'euro.

Le système bancaire est organisé selon un principe hiérarchique qui place les banques de second rang (BNP, Société Générale, etc.) sous l'autorité d'une banque centrale.

Les banques de second rang sont dans l'obligation de détenir, auprès d'elle, un compte dont le solde est obligatoirement positif. L'argent immobilisé sur ces comptes est appelé « monnaie de banque centrale » ou encore « monnaie centrale ».

Bon à savoir : la monnaie que les banques de second rang immobilisent au titre des réserves obligatoires ne fait pas partie de la « masse », mais de la « base monétaire ».

Je a dit…

Monnaie centrale : composition de la base monétaire

La base monétaire, autre nom de la monnaie centrale, désigne les réserves des banques commerciales déposées dans les coffres de la BCE auxquelles on ajoute l'ensemble des pièces et des billets en circulation.

Bon à savoir : aujourd'hui la monnaie fiduciaire (billets, pièces) ne représente que + ou – 10 % de la masse monétaire. Pour l'essentiel, ce sont les banques commerciales qui sont créatrices de monnaie à travers les crédits accordés à leurs clients. Immatérielle, circulant via les chèques, les cartes de crédit, etc., cette monnaie est dite scripturale.

Les économistes désignent la base monétaire sous le nom d'agrégat « MO ».

Si « MO » est la pierre angulaire de la masse monétaire, ce n'est pas sa seule composante.

La masse monétaire d'un pays (ensemble des moyens de paiement en circulation qui peuvent être convertis en liquidités) se mesure à travers une série d'agrégats :

- « MO » qui, on l'a vu, correspond à la monnaie centrale créée par la BCE (monnaie fiduciaire + réserves des banques) ;
- « M1 », soit l'ensemble des liquidités (billets, pièces, etc.) ;
- « M2 » qui rassemble M1 + le crédit à court terme : dépôts à terme inférieur à 2 ans ou assortis d'un préavis de remboursement inférieur ou égal à 3 mois (CEL, CODEVI, livret d'épargne populaire, etc.) ;
- « M3 » qui élargit M2 aux instruments négociables sur le marché monétaire émis par les institutions financières monétaires : soit, les dépôts à terme d'une durée supérieure à 2 ans, les OPCVM monétaires, les certificats de dépôt, etc. ;
- « M4 » qui ajoute à l'agrégat M3, les Bons du Trésor, les billets de trésorerie et les bons à moyen terme émis par les sociétés non financières.

Je a dit…

BCE et création de la monnaie centrale

Une banque centrale peut agir sur la quantité de monnaie en circulation dans l'économie de 2 manières :

- En obligeant les banques à augmenter les réserves obligatoires qu'elles placent auprès d'elle. Si ces réserves de monnaie centrale sont alourdies, le volume de crédit distribué par les banques de second rang diminue. Elles ont en effet moins d'argent à distribuer sous forme de crédit, et inversement.
- En modulant son offre de monnaie centrale. Pour y parvenir, elle peut jouer sur plusieurs curseurs, dont son taux directeur, celui auquel les banques empruntent de l'argent à ses guichets pour se refinancer.
- En mars 2016, la Banque centrale européenne (BCE) a abaissé ce taux central à zéro pour la première fois de son histoire.

Avec ce taux nul, elle a en quelque sorte augmenté son offre de monnaie centrale en permettant aux banques de se financer sans frais auprès d'elle.

Elle a également abaissé à - 0,40 % le taux « plancher » auquel les banques en situation d'excédent de trésorerie placent leurs liquidités dans ses coffres. Dorénavant, quand une banque lui confie 100 euros d'excédent, elle perd 40 centimes d'euros. Cette disposition pénalise les liquidités dormantes.

Enfin, la BCE a porté ses rachats d'actifs à 80 milliards d'euros par mois, injectant ainsi des tombereaux de liquidités dans les caisses de banques et d'entreprises sur lesquelles elle table pour relancer la croissance.

Je a dit…

Au niveau d'une banque isolée, la formule du multiplicateur monétaire est:
k = 1 / b + f *(1 - b) + h *( 1 - b - f *(1 - b))
(avec f = la part de marché des autres banques , b = le pourcentage de besoins en billet et h = le pourcentage de réserves obligatoires).

Exemple: si une banque dispose de 100 en réserves excédentaires, que la part de marché des autres banques (f) est de 90%, la préférence pour les billets (b) de 12% et que le coefficient des réserves obligatoires (h) de 4%, la banque pourra créer 109,23 de crédits nouveaux.

Source: http://www.societal.org/monnaie/resume.htm

Je a dit…

Voir aussi : http://www.bayard-macroeconomie.com/multiplicateur.html