samedi 7 avril 2018
Naissance d’un parti : Lalit
Contre vents et marées ! Telle pourrait être la devise du parti politique qui voit le jour en mai 1982 : Lalit. Devise qui explique d’ailleurs sa longévité, bien qu’on ne puisse pas dire qu’il ait particulièrement brillé sur le plan électoral. Il possède certes une belle collection de cautions en perdition mais rares sont nos partis politiques, y compris ceux ayant longtemps trôné à l’Hôtel du Gouvernement ou ayant été chouchouté par notre presse écrite, à pouvoir se prévaloir d’une telle production de livres, de pamphlets, de dossiers, de documents de réflexion, principalement consacrée à l’éducation des masses ouvrières et à la promotion de la langue créole. On ne peut soutenir que, là aussi, ses efforts se couronnent de succès. Le mouvement peut, du dehors, apparaître trop intellectuel pour répondre adéquatement aux besoins réels d’une classe ouvrière, peut-être plus intéressée à profiter des rares occasions de s’amuser plutôt qu’à se préoccuper de ses droits et surtout de ses devoirs, notamment à l’égard de ses enfants. Lalit, parti auquel on peut adjoindre la mouvance menée par Jack Bizkall et, dans une certaine mesure, celles groupées autour d’un Dev Virahsawmy ou d’un Sylvio Michel, demeure une écharde dans le pied du MMM, même si ce parti est trop orgueilleux et surtout trop arrogant pour le reconnaître. Il demeure le vivant et douloureux rappel du fossé qui sépare les mauves des masses ouvrières. Ses dirigeants soutiendront, bien sûr, le contraire, en prétendant que leur parti demeure le plus fort. C’est ce qui explique sans doute son présent croupissement dans caro cannes. Les rodeurs de boutte ne font jamais défaut autour des politiciens susceptibles de faire partie du prochain gouvernement. Ils ne feront jamais la masse critique. Ils sont trop contents de montre figuire devant les accommodantes caméras de la Ministers Broadcasting Corporation. Ce n’est pas de sitôt qu’on trouvera, au sein de Lalit, une collection d’Aston Martin même accidentées. En mai 1982, Lalit, un des héritiers directs de la défunte aile gauche, radicale, pure et dure du MMM, se sépare en fait de son additif “de classe ”. Cela manque peut-être de classe mais il se veut un nouveau parti, épousant une nouvelle stratégie politique, une façon différente d’appréhender l’actualité mauricienne.
Ses principaux animateurs sont Mme Lindsey Collen et MM. Rama Seegobin, Rex Stéphen (futur avocat) et Vijay Ram. Lalit quitte le MMM quand ce parti ouvre le débat d’un nouveau consensus social (NCS) à débattre en assemblée de délégués. Vont de paire avec le NCS, des amendements au programme gouvernemental de 1976 et le projet d’alliance avec le PSM d’Harish Boodhoo. Lalit réitère son attachement irréductible au socialisme autogestionnaire. Il accuse l’aile embourgeoisée du MMM d’imposer aux militants ce NCS honni car antirévolutionnaire. De telles concessions contrecarrent tout projet de renverser la vapeur en faveur des classes populaires, estime Lalit. Il abandonne le navire mauve pour incomptabilité de stratégie politique et électorale avec la nouvelle direction du MMM. Lalit préconise en revanche la mobilisation permanente du prolétariat, la nécessité de confier à la classe ouvrière un rôle socialiste d’avant-garde, pour contrer la bourgeoisie capitaliste sous toutes ses formes, pour ranimer la lutte syndicale, pour éradiquer le communalisme, pour transformer la base économique de notre société, pour donner à la femme un rôle plus important dans le changement radical des mentalités. Il reproche justement au NCS de ne plus mettre la classe ouvrière à l’avant-garde de la lutte sociopolitique, de ménager la production capitaliste, d’affaiblir les structures démocratiques du MMM au profit d’une consolidation de l’économie mixte, bref de consentir des garanties rassurantes à la bourgeoisie oligarque. Ce qui importe c’est de donner aux militants et aux travailleurs un leadership et une direction afin qu’ils puissent reprendre la vraie lutte des classes. Le soutien critique de Lalit au MMM exige la révocation de l’IRA et du POA (deux lois scélérates), la nationalisation de deux usines sucrières, le droit de révoquer les députés, l’indépendance par rapport à l’Afrique du Sud, la rétrocession des Chagos, la dénucléarisation de l’océan Indien, l’octroi d’une allocation chômage, l’élimination de toute discrimination sexuelle, une Constitution pro-femme. Il mettra l’accent sur une formation idéologique à la mauricienne et sur une présence permanente au sein de la classe ouvrière. Il se veut un guide pour la masse afin de la conduire aux changements auxquelles elle aspire. Il compte occuper le terrain prolétaire que délaissera un MMM embourgeoisé et bientôt au pouvoir. L’ennemi principal n’est pas le PTr mais le capitalisme local. Le socialisme est une société sans classe, autogérée à tous les niveaux. Socialisme signifie davantage de liberté et de démocratie, disparition du communalisme et de tout discrimination sexuelle. La victoire n’est pas pour demain mais Lalit continue. C’est l’essentiel.
Source : https://www.lexpress.mu/article/naissance-d%E2%80%99un-parti-lalit
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