mercredi 4 avril 2018

Comparaison des deux textes intitulés "Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen" : celui de 1789 et celui de1793


On parle toujours de « la » Déclaration des droits de l’homme et du citoyen en faisant référence à celle de 1789 rédigée par les députés du Tiers-État, ces grands bourgeois qui réclamaient l’abolition des privilèges réservés aux ecclésiastiques et aux nobles, et qui exigeaient que la France devienne une monarchie constitutionnelle.

Mais on oublie celle de 1793, rédigée par la Convention nationale (*), celle qui fut utilisée en préambule de la Constitution de la première République française.

Quant à la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, rédigée par Olympe de Gouges en 1791, dénonçant le fait que les nouveaux droits étaient exclusivement réservés aux hommes (et non aux êtres humains), elle ne fut même pas validée par la Convention …

(*) La Convention nationale est un régime politique français qui gouverna la France du 21 septembre 1792 au 26 octobre 1795 lors de la Révolution française.
Elle succéda à l’Assemblée législative et fonda la Première République. Elle fut élue, pour la première fois en France, au suffrage universel masculin afin de donner une nouvelle constitution à la France, rendue nécessaire par la déchéance de Louis XVI lors de la journée du 10 août 1792.
Dès sa première séance, la Convention, qui exerçait le pouvoir législatif, abolit la royauté après les interventions de Collot d'Herbois et de l'abbé Grégoire qui déclara : « Les rois sont dans l'ordre moral ce que les monstres sont dans l'ordre physique. Les cours sont l'atelier du crime, le foyer de la corruption et la tanière des tyrans. L'histoire des rois est le martyrologe des nations ».

Le lendemain matin, l'an I du calendrier républicain est proclamé. La Constitution de l'an I, […] décentralisatrice, élaborée par la Convention montagnarde qui la promulgua solennellement le 10 août 1793 après référendum, ne fut jamais appliquée en raison de l'état de guerre intérieure et extérieure. Le 10 octobre 1793, la Convention montagnarde consacrait l'établissement d'un régime dit de Terreur (« La terreur n'est rien d'autre que la justice, prompte, sévère, inflexible ; elle est donc une émanation de la vertu. » discours de Robespierre à la Convention du 5 février 1794), déclarant : « Le gouvernement provisoire de la France sera révolutionnaire jusqu'à la paix ».


Faute de pouvoir incorporer le texte d’Olympe de Gouges, puisqu’il ne fut jamais adopté, je me contenterai donc de comparer les deux suivants, « DÉCLARATION DES DROITS DE L'HOMME ET DU CITOYEN » l’un comme l’autre, en essayant d’y débusquer les différences subtiles ou flagrantes entre la société désirée par les grands possédants (Jacobins centralisateurs ou Girondins décentralisateurs) et celle ardemment désirée par Robespierre et ses confrères Montagnards.

PS : La Déclaration de 1793 comptant deux fois plus d’articles que celle de 1789, j’ai organisé le tableau avec un article de 1789 face à deux articles de 1793. Mais à la lecture, on découvrira que leurs thèmes/contenus ne correspondent pas forcément dans la progression linéaire.




Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789


Préambule à la Constitution du 24 juin 1793

Les Représentants du Peuple Français, constitués en Assemblée Nationale, considérant que l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de l'Homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des Gouvernements, ont résolu d'exposer, dans une Déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l'Homme, afin que cette Déclaration, constamment présente à tous les Membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs ; afin que les actes du pouvoir législatif, et ceux du pouvoir exécutif, pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés; afin que les réclamations des citoyens, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution et au bonheur de tous.
En conséquence, l'Assemblée Nationale reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l’Être suprême, les droits suivants de l'Homme et du Citoyen.


Le peuple français, convaincu que l'oubli et le mépris des droits naturels de l'homme, sont les seules causes des malheurs du monde, a résolu d'exposer dans une déclaration solennelle, ces droits sacrés et inaliénables, afin que tous les citoyens pouvant comparer sans cesse les actes du gouvernement avec le but de toute institution sociale, ne se laissent jamais opprimer, avilir par la tyrannie ; afin que le peuple ait toujours devant les yeux les bases de sa liberté et de son bonheur ; le magistrat la règle de ses devoirs ; le législateur l'objet de sa mission. - En conséquence, il proclame, en présence de l’Être suprême, la déclaration suivante des droits de l'homme et du citoyen.

Commentaires
« Les Représentants du Peuple Français »
Pouvoir oligarchique clairement (?) revendiqué.

« […] l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de l’Homme »
La population est divisée en trois castes :
-          les ignorants (plèbe),
-          les représentants sortant de l’oubli (rédacteurs du présent texte)
-          et les méprisants (dirigeants aristocrates honnis).

« […] des malheurs publics et de la corruption des Gouvernements »
Pourquoi distinguer les deux ? Le malheur public n’est-il pas la conséquence de la corruption des Gouvernements ? Voilà encore une distinction très oligarchique (qui met d’ailleurs un G majuscule à gouvernement).

« droits naturels »
Influence du philosophe Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) mais aussi, avant lui, de John Locke (1632-1706) et Thomas Hobbes (1588-1679). Néanmoins, il n’y a pas consensus, loin de là, sur la notion de droits naturels.

« Déclaration constamment présente à tous les Membres du corps social »
Des membres aux statuts différents, malheureusement.

« […] afin que les actes du pouvoir législatif, et ceux du pouvoir exécutif, pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés »
Ambition modeste, modérée, que celle de droits « plus respectés » par les différentes émanation du pouvoir.

« au maintien de la Constitution et au bonheur de tous »
Le bonheur est assimilé à l’ordre incarné par la Constitution. C’est donc le texte fondamental d’une société ; et le ou les rédacteurs de ce texte ont une influence énorme sur le fonctionnement de la dite société.

« sous les auspices de l’Être suprême »
Référence au déisme caractéristique des Francs-maçons ; et donc en opposition avec la puissance de l’Église catholique

« Le peuple français »
Plus démocratique que « les Représentants du Peuple Français » de 1789 !

« l’oubli et le mépris des droits […] »
La population n’est plus divisée qu’en deux classes (et non trois, comme en 1789) :
-          le peuple
-          et les oppresseurs du peuple.
 
« droits naturels de l’homme »
Influence du philosophe Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) mais aussi, avant lui, de John Locke (1632-1706) et Thomas Hobbes (1588-1679). Néanmoins, il n’y a pas consensus, loin de là, sur la notion de droits naturels.

« malheurs du monde »
Pas de distinction entre malheurs et corruption (contrairement à 1789)

« [expose] les droits sacrés et inaliénables afin que tous les citoyens »
Un seul statut : « citoyen » ; mêmes « droits » pour tous.

« puissent comparer sans cesse les actes du gouvernement avec le but de toute institution sociale, ne se laissent jamais opprimer, avilir par la tyrannie »
Ambition nettement plus ferme avec la Déclaration de 1793 (« jamais [opprimer] ») qu’avec celle de 1789 («[droits] plus respectés »).

« bases de sa liberté et de son bonheur »
La notion de bonheur [du peuple] est nouvelle, propre à la Déclaration de 1793.

« en présence de l’Être suprême »
Référence au déisme caractéristique des Francs-maçons ; et donc en opposition avec la puissance de l’Église catholique
 

Article 1er. -

Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune.
Article 1. –

Le but de la société est le bonheur commun. - Le gouvernement est institué pour garantir à l'homme la jouissance de ses droits naturels et imprescriptibles.

Article 2. –

Ces droits sont l'égalité, la liberté, la sûreté, la propriété.


Commentaires
« libres et égaux en droits »
Fort bien : liberté individuelle et égalité devant le droit, la loi. Mais quid des « distinctions sociales » ? Qui jugera de leur «utilité » ? Ces distinctions sociales seront utiles à qui ?
« le bonheur collectif »
Ce but englobe la société, le communauté, la nation dans son ensemble et met donc au second plan les ambitions (« libertés ») individuelles.

« Le gouvernement est institué pour garantir à l’homme la jouissance de ses droits naturels et imprescriptibles » (article 1 de 1793) correspond à l’article 2 de 1789.

« l'égalité, la liberté, la sûreté, la propriété. »
Dans cette liste, on remarquera que le droit le plus important, qui est cité en premier, est l’égalité. Or, l’égalité n’était même pas citée en 1789. Quant à la propriété, qui était clairement le droit principal aux yeux des rédacteurs de 1789 (puisque l’article 17 lui est entièrement consacré et qu’il y est qualifié de « sacré »), il n’arrive ici qu’en quatrième. On dirait bien que cet ajout tardif était un compromis entre députés attachés au bonheur collectif et grands possédants.


Article 2. –

Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression.

Article 3. –

Tous les hommes sont égaux par la nature et devant la loi.

Article 4. –

La loi est l'expression libre et solennelle de la volonté générale ; elle est la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ; elle ne peut ordonner que ce qui est juste et utile à la société ; elle ne peut défendre que ce qui lui est nuisible.


Commentaires
« Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’Homme »
Idem que l’article 1 de 1793 à la nuance près qu’en 1793, ils parleront de « gouvernement » au lieu du terme plus général d’« association politique ».

« la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression. »
La hiérarchie des droits est différente de celle énoncée en 1793. Et à la place d’ « égalité » (1793), il est écrit ici (1789) « résistance à l’oppression ». Oppression des nobles, des ecclésiastiques ou, par anticipation, du peuple ? Il faut se souvenir qu’à cette époque, la démocratie était considérée comme la tyrannie de la majorité ; et que les bourgeois industriels attachaient énormément d’importance à leur liberté individuelle (comme c’est toujours le cas aujourd’hui, bien sûr).

« égaux par la nature et devant la loi » (article 3)
L’égalité par la nature, ou sans doute dit autrement le « droit naturel », est une hypothèse philosophique ; cependant, dans la réalité concrète, il y a des différences individuelles (physiques, intellectuelles) pouvant apporter une supériorité à certains, et une infériorité à d’autres.

« [la loi] ne peut ordonner que ce qui est juste et utile à la société »
(article 4)
Recherche du bien commun

Article 3. –

Le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément.

Article 5. –

Tous les citoyens sont également admissibles aux emplois publics. Les peuples libres ne connaissent d'autres motifs de préférence, dans leurs élections, que les vertus et les talents.

Article 6. –

La liberté est le pouvoir qui appartient à l'homme de faire tout ce qui ne nuit pas aux droits d'autrui : elle a pour principe la nature ; pour règle la justice ; pour sauvegarde la loi ; sa limite morale est dans cette maxime : Ne fais pas à un autre ce que tu ne veux pas qu'il te soit fait.


Commentaires
« Le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément. »
On croirait lire un axiome anarchiste. Quid des soit disant  « représentants » ? Le corps/la classe des élus n’est donc pas légitime !
« Les peuples libres ne connaissent d'autres motifs de préférence, dans leurs élections, que les vertus et les talents. »
La méritocratie s’obtient par les concours, les examens ; pas par l’élection ! C’est un contresens de dire qu’un élu est le plus compétent pour exécuter la tâche. Il n’est le plus compétent que pour se faire …élire. C’est donc simplement le plus ambitieux et le meilleur orateur et/ou menteur.
La désignation d’échantillons représentatifs (dans le cas de sociétés trop peuplées) doit se faire par tirage au sort. Comme pour les sondages statistiques.

L’article 6 de 1793 correspond à l’article 4 de 1789 ; ce dernier apportant une précision sur les limites de la liberté individuelle : « Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi. »


Article 4. -

La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi.

Article 7. –

Le droit de manifester sa pensée et ses opinions, soit par la voie de la presse, soit de toute autre manière, le droit de s'assembler paisiblement, le libre exercice des cultes, ne peuvent être interdits. - La nécessité d'énoncer ces droits suppose ou la présence ou le souvenir récent du despotisme.

Article 8. –

La sûreté consiste dans la protection accordée par la société à chacun de ses membres pour la conservation de sa personne, de ses droits et de ses propriétés.


Commentaires
« exercice des droits naturels »
Le droit naturel est difficile à définir ; idem pour les bornes à ce droit individuel. Il faut avoir recours à des comparaisons anthropologiques pour espérer identifier le dénominateur commun à tous les membres de l’humanité. Sinon, on risque de désigner par droit naturel une simple justification du droit existant ou souhaité.
« pensée … opinion … presse … »
Sur ces sujets, il faut lire le livre d’Edward Bernays Propaganda ou le documentaire d’Arte réalisé sur ce sujet : la fabrication du consentement (basée sur le livre Psychologie des foules de Gustave Le Bon). La pluralité des opinions recule face aux médias de masse qui sont la propriété d’une minorité de personnes privées parmi les individus les plus riches des pays occidentaux.

« conservation de sa personne »
L’être humain n’est pas une marchandise (par exemple : interdiction de vente d’organes)

« conservation de ses droits »
Droits naturels ou droits « positifs » (de « posés », ceux qui sont imposés par les législateurs) ?

« conservation de ses propriétés »
Quelles propriétés ? Les propriétés d’usage (possession individuelle ou collective), les propriétés lucratives (terrains cultivés par d’autres, usines travaillées par d’autres, immobilier loué par d’autres …) ou propriétés sociales (étatiques) ? La définition du mot « propriété » permet beaucoup de points de vue divergents.
 

Article 5. –

La Loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la Société. Tout ce qui n'est pas défendu par la Loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas.

Article 9. –

La loi doit protéger la liberté publique et individuelle contre l'oppression de ceux qui gouvernent.

Article 10. –

Nul ne doit être accusé, arrêté ni détenu, que dans les cas déterminés par la loi et selon les formes qu'elle a prescrites. Tout citoyen, appelé ou saisi par l'autorité de la loi, doit obéir à l'instant ; il se rend coupable par la résistance.


Commentaires
« La Loi »
Qui écrit la Loi ? Et dans l’intérêt de qui ?
Les réponses à ces deux questions sont déterminantes.

« La loi doit protéger la liberté publique et individuelle … »
Parfois, la liberté publique et la liberté individuelle s’opposent. Où est la limite légale ?

« …contre l’oppression de ceux qui gouvernent »
Faut-il absolument un gouvernement ? Pourquoi sortir le pouvoir de décision (accompagné d’un pouvoir physique de coercition) du corps social ?

« cas déterminés par la loi »
Qui écrit la loi ? Et dans l’intérêt de qui ? Les réponses à ces deux questions sont déterminantes

L’article 10 de 1793 (ainsi que les 11 et 12) correspondent à l’article 7 de 1789.

Article  6. –

La Loi est l'expression de la volonté générale. Tous les Citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les Citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents.

Article 11. –

Tout acte exercé contre un homme hors des cas et sans les formes que la loi détermine, est arbitraire et tyrannique ; celui contre lequel on voudrait l'exécuter par la violence a le droit de le repousser par la force.

Article 12. –

Ceux qui solliciteraient, expédieraient, signeraient, exécuteraient ou feraient exécuter des actes arbitraires, seraient coupables, et doivent être punis.


Commentaires
« Tous les citoyens ont le droit de concourir personnellement [à la rédaction de la Loi] … »
Comment ? Les citoyens ont-ils l’autorisation de présenter des projets de loi devant l’assemblée nationale, comme c’était le cas jadis dans l’Athènes démocratique ? Les citoyens peuvent-ils être à l’initiative des référendums ?

« … ou par leurs Représentants »
Comment désigne-t-on ces Représentants ? Sont-ils de simples porte-paroles ou des maîtres élus ?

« … selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. »
Sauf qu’à l’usage, on se rend bien compte que la vertu [morale] est loin d’être le point commun des élus politiques. Il semblerait qu’il faille plutôt être riche ou aidé par les riches pour gagner une élection, à la tête d’un parti politique (par définition partisan). De quelque façon que ce soit, l’élu ne travaillera pas pour le bien commun : il servira soit son parti soit les financeurs de sa campagne électorale ; deux oligarchies. 
Les articles 11 et 12 de 1793 correspondent à l’article 7 de 1789.

Article 7. –

Nul homme ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la Loi, et selon les formes qu'elle a prescrites. Ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires, doivent être punis ; mais tout citoyen appelé ou saisi en vertu de la Loi doit obéir à l'instant : il se rend coupable par la résistance.

Article 13. –

Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi.

Article 14. –

Nul ne doit être jugé et puni qu'après avoir été entendu ou légalement appelé, et qu'en vertu d'une loi promulguée antérieurement au délit. La loi qui punirait les délits commis avant qu'elle existât serait une tyrannie ; l'effet rétroactif donné à la loi serait un crime.


Commentaires
« Tout citoyen appelé ou saisi en vertu de la Loi doit obéir à l’instant »
Qui écrit la Loi ? Dans l’intérêt de qui ?

Cet article 7 de 1789 correspond aux articles 10, 11 et 12 de 1793.
« Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable … »
Principe de la présomption d’innocence (article 13)

« loi [doit être] promulguée antérieurement au délit »
L’effet rétroactif d’une loi est contraire aux Droits de l’homme (article 14 idem à l’article 8 de 1789)


Article 8. -

La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une Loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée.

Article 15. –

La loi ne doit décerner que des peines strictement et évidemment nécessaires : les peines doivent être proportionnées au délit et utiles à la société.

Article 16. –

Le droit de propriété est celui qui appartient à tout citoyen de jouir et de disposer à son gré de ses biens, de ses revenus, du fruit de son travail et de son industrie.


Commentaires
« loi [doit être] promulguée antérieurement au délit »
L’effet rétroactif d’une loi est contraire aux Droits de l’homme (idem à l’article 14 de 1793)

« Le droit de propriété est celui qui appartient à tout citoyen de jouir et de disposer à son gré de ses biens, de ses revenus, du fruit de son travail et de son industrie. »
Définition du droit de propriété sans les adjectifs qualificatifs « naturels et imprescriptibles » (article 2 de 1789) renforcés par « inviolable et sacré » (article 17 de 1789)


Article  9. –

Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi.

Article 17.

Nul genre de travail, de culture, de commerce, ne peut être interdit à l'industrie des citoyens.

Article 18. –

Tout homme peut engager ses services, son temps ; mais il ne peut se vendre, ni être vendu ; sa personne n'est pas une propriété aliénable. La loi ne reconnaît point de domesticité ; il ne peut exister qu'un engagement de soins et de reconnaissance, entre l'homme qui travaille et celui qui l'emploie.


Commentaires

« Nul genre de travail, de culture, de commerce, ne peut être interdit à l'industrie des citoyens »
Le mot « industrie » (du latin industria) doit être compris au sens d’activité, d’entreprise.

« Tout homme […] ne peut se vendre, ni être vendu ; sa personne n'est pas une propriété aliénable. »
Pas de commerce d’êtres humains (esclavages) ni, pour la période actuelle, d’organes d’êtres humains.


Article 10. –

Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la Loi.

Article 19. –

Nul ne peut être privé de la moindre portion de sa propriété sans son consentement, si ce n'est lorsque la nécessité publique légalement constatée l'exige, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité.

Article 20. –

Nulle contribution ne peut être établie que pour l'utilité générale. Tous les citoyens ont le droit de concourir à l'établissement des contributions, d'en surveiller l'emploi, et de s'en faire rendre compte.


Commentaires

« Tous les citoyens ont le droit de concourir à l'établissement des contributions, d'en surveiller l'emploi, et de s'en faire rendre compte. »
Reddition des comptes, comme dans l’Athènes démocratique … alors que le modèle pour les révolutionnaires bourgeois des États-Unis (1776-1784) et de France serait beaucoup plus la République romaine.



Article 11. -

La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi.

Article 21.

Les secours publics sont une dette sacrée. La société doit la subsistance aux citoyens malheureux, soit en leur procurant du travail, soit en assurant les moyens d'exister à ceux qui sont hors d'état de travailler.

Article 22.

L'instruction est le besoin de tous. La société doit favoriser de tout son pouvoir les progrès de la raison publique, et mettre l'instruction à la portée de tous les citoyens.


Commentaires

Article 21 : Secours publics pour les nécessiteux qui n’ont « pas de travail » (en terme moderne : chômeurs) ou qui sont « hors d’état de travailler » (malades, retraités, handicapés). C’est une ébauche de solidarité sociale, de la future Sécurité Sociale (1945).

« L'instruction est le besoin de tous. »
Bien dit !
L’instruction est un besoin ! (article 22)


Article 12. –

La garantie des droits de l'Homme et du Citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l'avantage de tous, et non pour l'utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée.

Article 23. –

La garantie sociale consiste dans l'action de tous, pour assurer à chacun la jouissance et la conservation de ses droits ; cette garantie repose sur la souveraineté nationale.

Article 24. –

Elle ne peut exister, si les limites des fonctions publiques ne sont pas clairement déterminées par la loi, et si la responsabilité de tous les fonctionnaires n'est pas assurée.


Commentaires
La « force publique […] est donc instituée pour l'avantage de tous, et non pour l'utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée. »
L’État, l’appareil d’État, a le monopole de la violence.


Article 13. -

Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés.

Article 25. –

La souveraineté réside dans le peuple ; elle est une et indivisible, imprescriptible et inaliénable.

Article 26. –

Aucune portion du peuple ne peut exercer la puissance du peuple entier ; mais chaque section du souverain assemblée doit jouir du droit d'exprimer sa volonté avec une entière liberté.


Commentaires
« Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable »
Définition des contribuables.
« La souveraineté réside dans le peuple ; elle est une et indivisible, imprescriptible et inaliénable. »
Le peuple est souverain ; pas ses autoproclamés « représentants » (ce qu’affirme l’article 14 de 1789), qui ne sont en réalité qu’une portion oligarchique :
« Aucune portion du peuple ne peut exercer la puissance du peuple entier. »


Article 14. -

Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée.

Article 27. –

Que tout individu qui usurperait la souveraineté soit à l'instant mis à mort par les hommes libres.

Article 28. –

Un peuple a toujours le droit de revoir, de réformer et de changer sa Constitution. Une génération ne peut assujettir à ses lois les générations futures.


Commentaires
« Tous les citoyens […] par eux-mêmes ou par leurs représentants »
Dans la réalité, les citoyens n’ont plus aucun pouvoir. Tout est dans les mains des autoproclamés « représentants » (qui ne se représentent qu’eux-mêmes).

« Le droit de […] consentir librement »
… mais pas de refuser ?

« Que tout individu qui usurperait la souveraineté soit à l'instant mis à mort par les hommes libres. »
Peine de mort pour les despotes, pour les « représentants » qui exerceraient la tyrannie sur leur peuple. Un article 27 qui doit faire trembler les autocrates autant que les élus devenus autoritaires.

« Un peuple a toujours le droit de revoir, de réformer et de changer sa Constitution. Une génération ne peut assujettir à ses lois les générations futures. »
C’est tellement vrai ! Au nom de quoi des êtres humains déjà morts (ceux des générations passées) contraindraient des êtres humains pas encore nés (ceux des générations futures) ?  


Article 15. -

La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration.

Article 29. –

Chaque citoyen a un droit égal de concourir à la formation de la loi et à la nomination de ses mandataires ou de ses agents.

Article 30. –

Les fonctions publiques sont essentiellement temporaires ; elles ne peuvent être considérées comme des distinctions ni comme des récompenses, mais comme des devoirs.


Commentaires

« Chaque citoyen a un droit égal de concourir à la formation de la loi … »
Définition du vrai citoyen (adulte politique)
« … et à la nomination de ses mandataires ou de ses agents. »
Définition du simple électeur (enfant politique). 

« Les fonctions publiques sont essentiellement temporaires ; elles ne peuvent être considérées comme des distinctions ni comme des récompenses, mais comme des devoirs. »
Bien dit !
A ce titre, il faudrait se débarrasser des accessoires ostentatoires du pouvoir (palais, train de vie somptueux …).


Article 16. –

Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n'est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution.

Article 31. –

Les délits des mandataires du peuple et de ses agents ne doivent jamais être impunis. Nul n'a le droit de se prétendre plus inviolable que les autres citoyens.

Article 32. –

Le droit de présenter des pétitions aux dépositaires de l'autorité publique ne peut, en aucun cas, être interdit, suspendu ni limité.


Commentaires
« Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n'est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution. »
Il faut une stricte séparation des pouvoirs :
-          législatif
-          exécutif
-          et judiciaire
… mais aussi (pour l’époque actuelle) médiatique et économique (marchand/bancaire).

« Les délits des mandataires du peuple et de ses agents ne doivent jamais être impunis. Nul n'a le droit de se prétendre plus inviolable que les autres citoyens. »
Bien dit !  
Un article 31 qui doit faire trembler les élus corrompus agissant contre l’intérêt général.

« Le droit de présenter des pétitions aux dépositaires de l'autorité publique ne peut, en aucun cas, être interdit, suspendu ni limité. »
Un article 32 qui inclut dans les droits de l’homme les pétitions, les votations citoyennes (selon la terminologie suisse), les
référendums d’initiative citoyenne … ce dont les élus d’aujourd’hui ne veulent absolument pas !


Article 17. –

La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité.

Article 33. –

La résistance à l'oppression est la conséquence des autres Droits de l'homme.

Article 34. –

Il y a oppression contre le corps social lorsqu'un seul de ses membres est opprimé. Il y a oppression contre chaque membre lorsque le corps social est opprimé.

Article 35. –

Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs.


Commentaires
« La propriété étant un droit inviolable et  sacré … »
En plus d’être naturel et imprescriptible (comme « la liberté »,  « la sûreté », « et la résistance à l'oppression »), la propriété jouit d’un statut particulier, supérieur à tous les autres : « inviolable et sacré » ! Mais cette Déclaration de 1789 est celle des propriétaires !


« Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs. »
De quoi faire trembler les oligarques ! C’est la justification de la révolution (donc éventuellement de la violence insurrectionnelle) pour rétablir la justice. Plus qu’un droit, c’est même un devoir affirme cet article final.  



2 commentaires:

Je a dit…

Analyse d'élèves de CM1/CM2 (enfants de dix ans)

"En 1789, la DDHC parle d'individu : "Les hommes naissent et demeurent ..."; alors qu'en 1793, la DDHC parle de la société dans son ensemble : "Le but de la société est le bonheur commun."

Je a dit…

Les droits "liberté, sûreté et propriété" sont cités par les deux textes mais le plus important pour 1793 (l'égalité) n'est pas listé parmi les "droits naturels et imprescriptibles" de 1789.
A la place, celui de 1789 met en avant "la résistance à l'oppression".

D'un côté :
- liberté individuelle
De l'autre :
- égalité entre tous les membres de la société.