Après la participation d’Etienne Chouard à l’émission « Ce soir ou jamais » vendredi 5 septembre, c’est au tour de François Asselineau, président fondateur de l’UPR, d’être invité sur le service public le 20 septembre. Et pas n’importe où, puisqu’il s’agit du grand talk show du samedi soir qui réunit chaque semaine entre 1,5 et 2,5 millions de téléspectateurs. C’est donc une belle fenêtre de tir qui s’ouvre à des idées normalement interdites d’antenne. Comment expliquer cette débauche de liberté dans un univers habituellement si hermétique aux opinions non labellisées UE ? Autant Frédéric Taddéi a maintes fois prouvé qu’il était ouvert aux libres penseurs, autant la séquence politique de « On n’est pas couché » est très largement réservée aux partis qui défendent bec et ongles le système ultra-libéral et néo-conservateur en place.
Quelle mouche a donc piqué l’oligarchie française ?
Ou plutôt quelle est la stratégie poursuivie par cette apparente liberté
de ton de France Télévisions ? Je soumets ci-après quelques pensées
personnelles qui ne prétendent pas être des vérités révélées, il s’agit
d’explorer des pistes de réflexion que chacun pourra reprendre,
contredire, débattre, juger risibles ou dignes d’intérêt.
Le premier but non
avoué est d’entretenir l’illusion de la démocratie, en présentant de
temps en temps des idées qui sortent du cadre autorisé. En effet, la
plus grande peur de l’oligarchie est que les français comprennent
l’arnaque absolue du système médiatique. Car un citoyen qui s’extrait de
la manipulation des grands médias devient alors un homme libre et donc
un danger pour le système en place. Libre de réfléchir, de faire ses
propres choix, d’imaginer un autre monde et de comprendre qui est son
véritable ennemi. Celui qui se libère de la prison mentale dans laquelle
il meurt à petit feu se rend rapidement compte que les problèmes de la
France ne sont ni les chômeurs, ni les fonctionnaires, ni les musulmans,
ni les catholiques ni quelqu’autre bouc émissaire prêt à l’emploi, mais
bel et bien ceux qui organisent notre division. Déjà, à son époque
Jaurès dénonçait la perversité de la classe bourgeoise dont l’énergie
s’employait à monter les paysans contre les ouvriers et les ouvriers
contre les paysans. Cent ans plus tard se sont toujours les mêmes
procédés qui permettent aux ultra-riches de se maintenir au sommet d’une
pyramide dont les étages inférieurs s’enfoncent de plus en plus dans
une boue informe, mélange immonde du désespoir des chômeurs français et
du sang des enfants palestiniens.
Le second but pourrait être
l’affaiblissement d’un Front National qui monte à toute vitesse au point
d’être aujourd’hui le premier parti de France si l’on se réfère aux
dernières élections ainsi qu’aux derniers sondages. Le chômage de masse,
la faillite des officines politiques du pouvoir bancaire dites de
gauche et la montée de l’anti-islam orchestrée par les médias ont poussé
beaucoup de nos concitoyens dans les bras du Front National, désigné
comme unique alternative par ceux qui tirent les ficelles. Il est
probable que si l’on montrait aux Français une autre voie que le Front
National, ceux de ses électeurs non islamophobes seraient tentés de
l’emprunter. Car il devient en effet de plus en plus difficile, après la
sortie de Marine Le Pen sur la LDJ et celle d’Aymeric Chauprade
sur la politique étrangère au Moyen Orient, de ne pas voir que le Front
National est aujourd’hui un fer de lance de la doctrine du choc des
civilisations théorisée par les néocons’.
Enfin, le dernier but de cette invitation suspecte pourrait être de créer la division au sein de ce que l’on peut appeler la « dissidence
», terme assez vague qui comprend des gens venus de tous horizons mais
qui ont au moins en commun d’avoir percé les mécanismes du système de
domination qui nous asphyxie aujourd’hui. Et c’est sur ce point précis
que doit se préparer François Asselineau, qu’il doit prouver qu’il est
un véritable politique mais aussi un véritable résistant, en ne tombant
pas dans le piège qui consistera à le faire dénigrer d’autres lignes
dissidentes que la sienne. Car que l’on soit d’accord ou non avec toutes
les voies dissonantes, personne ne peut nier qu’aujourd’hui nous sommes
trop fragiles pour nous permettre une quelconque division que nos
adversaires ne manqueront pas de provoquer. Il ne s’agit pas de passer
sous silence des désaccords politiques, mais ce serait une erreur de
tenter de marquer des points auprès de l’oligarchie en ralliant
docilement les chasses à l’homme entreprises par les chiens de garde
d’un système à l’agonie. Car nous aurons besoin de toutes les forces
vives de la nation pour reconstruire le moment venu et il faudrait
compter aussi avec ceux dont on ne partage pas forcement toutes les
idées. Que l’on se sente plus proche d’un idéal communiste ou d’un idéal
gaulliste, force est de constater que le consensus de ces deux
mouvements ont apporté à la France les plus belles années du XXème
siècle, et que 40 ans plus tard les charognards de la French American Foundation
et autres organisations supranationales n’ont toujours pas fini de
dépecer le monde du CNR tant les acquis obtenus pendant cet âge d’or ont
été importants. Aussi François Asselineau devra marcher sur des œufs et
ne pas se laisser embarquer à détruire involontairement le lien encore
fragile qui unit les hommes de bonne volonté. C’est là que chacun pourra
juger de son habileté politique, de sa capacité à se sortir d’un
discours imposé, et de sa véritable volonté de rassemblement.
Baptiste Mannaia
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