jeudi 31 janvier 2019

J'ai participé à deux réunions de Gilets Jaunes

Hier soir (mercredi 30 janvier 2019) et ce soir (jeudi 31 janvier 2019), j'ai participé à deux réunions de Gilets Jaunes.

La première s'est déroulée à La Possession, Place Festival. C'était un état des lieux des QG; pour que ceux qui n'étaient pas encore en réseau puissent se connaître et partager leurs actions. On a parlé aussi des actions déjà prévues pour les prochains jours, jusqu'au 9 février et la manifestation sur Saint-Denis. Mon impression générale, c'était que les participants évoquaient avec beaucoup d'émotion leurs difficultés et leurs revendications; toutes d'ordre législatif, mais sans évoquer le changement des institutions qui maintiennent la population dans l'impuissance politique. Le niveau constitutionnel n'a donc pas été abordé (enfin, pas avant mon départ car je n'ai pas pu rester jusqu'à la fin) et c'est fort dommage car, sans ça, on reste dans une posture "d'enfant politique" (électeur) mendiant telle ou telle chose à ses parents (les élus).

La deuxième réunion s'est tenue à Saint-Paul, dans la salle municipale de l’Étang Saint-Paul. Il s'agissait là d'une réunion de travail du Conseil Citoyen que soutient la Région Réunion. De façon informelle d'abord, avant que la réunion proprement dite ne commence, j'ai pu sentir quelques divergences majeures. Le noyau dur de ce Conseil Citoyen craint le référendum populaire (l'exemple de la peine de mort soumise au référendum a été évoqué). Je leur ai expliqué que s'ils craignaient la décision du peuple, c'est qu'ils n'étaient pas démocrates. Cela s'est confirmé dans le cours de la réunion puisque l'expression "démocratie représentative" (quel oxymore, quel contresens !) a été plusieurs fois utilisée. J'ai dû expliquer que dans une démocratie, les citoyens votaient leurs lois alors que dans le régime représentatif, les élus qui n'ont pas de compte à rendre à leurs électeurs décident comme des maîtres à la place des électeurs (adultes sous tutelle) que le système considère comme des handicapés mentaux incapables de prendre des décisions. Puis est venue l'intervention de Marcos pour expliquer que le RIC en toutes matières était l'unique revendication pouvant réellement changer le fonctionnement de la République. Là, l'hostilité est montée d'un cran; l'un des "secrétaires" s'est levé et a parlé sur un ton irrité. Les deux tiers des participants sont sortis de la salle laissant dans "l'entre soi" les républicains/défenseurs des institutions (et voulant y participer) œuvrant pour présenter un document aux élus de la Région Réunion (au lieu de considérer le peuple réunionnais comme le seul destinataire légitime du texte).

Tout ceci n'est qu'un ressenti personnel. Je respecte néanmoins toutes les démarches citoyennes qui sont complémentaires. Je souhaitais simplement exprimer, à titre individuel, mes affinités et mes manques d'affinités pour telle ou telle démarche, ce qui permettra à d'autres de choisir plus facilement quel processus adopter.

9 commentaires:

Anonyme a dit…

Merci pour avoir partagé votre ressenti avec autant de précision.
je me permettrai simplement de rebondir sur votre définition de la démocratie, c'est plus exactement de démocratie directe que vous parlez, qui est une forme de démocratie parmi d'autres, et non La démocratie (je veux dire, il n'y a pas UNE définition absolue mais simplement diverses formes aux caractéristiques différentes). Démocratie représentative n'est pas un oxymore, mais une autre forme de démocratie. Une démocratie peut aussi élire des représentants à vie, ou aucun représentant du tout. Bref le concept de démocratie est vaste prenez garde à ne pas vous confondre dans ses définitions. A part ça je suis très d'accord avec vous.

Je a dit…

Ce que la propagande républicaine/bourgeoise appelle la "démocratie représentative", ce n'est pas de la démocratie, c'est de l'oligarchie (un petit nombre fait la loi) ! Il suffit pour le démontrer de se référer aux fondateurs de la République française. « Les citoyens qui se nomment des représentants renoncent et doivent renoncer à faire eux-mêmes la loi ; ils n’ont pas de volonté particulière à imposer. S’ils dictaient des volontés, la France ne serait plus cet État représentatif ; ce serait un État démocratique. Le peuple, je le répète, dans un pays qui n’est pas une démocratie (et la France ne saurait l’être), le peuple ne peut parler, ne peut agir que par ses représentants. » (Discours du 7 septembre 1789, intitulé précisément : « Dire de l’abbé Sieyes, sur la question du veto royal : à la séance du 7 septembre 1789 » cf. pages 15, 19…). Les "représentants" n'étant pas contraints de respecter leur programme électoral (le "contrat" pour lequel ils ont été mandatés), puisque, je cite l'article 27 de la Constitution de la Vème République, "le mandat impératif est nul", ces élus sont des maîtres et non des porte-parole. Le peuple est réduit au silence. Nous ne sommes pas en démocratie et nous ne l'avons jamais été.

Anonyme a dit…

Cette démocratie représentative est la déléguation par le peuple, qui reste -en théorie- au pouvoir via sa capacité à retourner ponctuellement son gouvernement, car il n'est pas à la portée de chacun de comprendre et maitriser les rouages profonds d'une société complexe, d'où l'intérêt ne nommer des personnes "compétentes". Une telle idée n'est pas anti-démocratique en soi, sauf lorsque les médias interviennent pour orienter l'opinion publique -comme c'est le cas en france-, d'où l'échec de ce système. À mon avis, le seul contexte dans lequel une démocracie directe prend sens, c'est pour gouverner un système simple, avec un état peu ou pas présent (tels capitalisme libéral ou anarchie libérale), laissant au peuple un pouvoir réel et non flouté par une administration trop lourde -comme celle de la france-. Qu'en pensez-vous ?

Je a dit…

Ce que vous décrivez, à savoir " nommer des personnes "compétentes".", cela porte un nom : aristocratie ("aristos" le meilleur, "kratos" pouvoir). Encore une fois, c'est très différent de démocratie. C'est d'ailleurs sur ce point précis qu'Aristote, il y a 2300 ans, dans son livre "Les Politiques" (ou "La Politique" selon la traduction) décrivait la différence entre l'élection qu'il qualifiait d'aristocratique, et le tirage au sort, qu'il qualifiait de démocratique. Donc, pour qu'un système soit réellement démocratique, il faudrait une assemblée réellement représentative, (au sens statistique, mathématique), composée uniquement de tirés au sort. Bien entendu, ces tirés au sort n'auraient pas la compétence innée, la connaissance dans tous les domaines. Pour chaque décision, ils écouteraient les experts du domaine; les pour et les contre. Honnêtement, pensez-vous que des élus soient omniscients ? Leur unique compétence c'est de réussir à se faire élire ! Leur compétence, c'est de savoir mentir (dire au peuple ce qu'il a envie d'entendre) et être très ouvert à la corruption (pour pouvoir être aidé par les réseaux divers et variés et par les financeurs de campagnes électorales qui choisiront de miser sur le "bon cheval" qui prendra des décisions dans leur intérêt et souvent contre l'intérêt général). Cela fait 230 ans qu'on subit ça en France. A force, il faut ouvrir les yeux !

Anonyme a dit…

Comme je l'ai précisé précédement, je ne défends pas la democratie représentative, j'en précisait les termes exacts pour éviter aux débats de devenir trop confus. Pour ma part je ne connais aucune forme de démocratie qui représente rééllement les intérêts du peuple, tant ce dernier est apathique face à la situation de son voisin. Le droit de vote est un fardeau toujours mal supporté et vu comme il semble difficile aux gens d'employer leur deimos kratos avec sagesse c'est pas en rajouter qui réglera des problèmes. La france s'est mise dans ce bazar politique via sa manie à vouloir absoluement un etat régleur de problèmes, aucune démocratie n'offrera la justice sociale dont tout le monde rêve. Il faut experimenter ailleurs.

Je a dit…

Il n'existe AUCUNE démocratie dans le monde. La Suisse est ce qui s'en approche le plus, en combinant le régime représentatif et le RIC (mais pas en toutes matières) depuis 1848.

Contrairement à vous, je considère qu'il est indispensable de préciser les termes pour pouvoir se représenter les concepts et bien faire al différence entre la république (oligarchique) et la démocratie (vote direct des lois par les citoyens ... après un temps minimum de plusieurs mois d'information et de délibération).

Anonyme a dit…

D'un point de vue systémique, difficile de déceler des systèmes démocratique en effet. Cela dit les évènements en Islande ont démontré un fort pouvoir du peuple, sans que leur système soit beaucoup plus démocratique que le nôtre. La différence, l'Islande est suffisament petite et disons "globalement insignifiante" pour pouvoir se reserver le droit de défendre ses propres intérêts sans intoxication externe. Ce qui n'est pas le cas de la france.
Et encore une fois, vote direct est une instance du long continuum qu'est la démocratie, la démocratie athénienne par exemple était directe mais oligarchique et élitiste, par son système d'attribution de la citoyenneté relativement enclos.

Je a dit…

Deux exemples très intéressants ! L'Islande et l'Athènes antique ! Il est vrai qu'à Athènes, tous les habitants n'étaient pas citoyens : les esclaves étaient exclus (comme dans toutes les autres cités grecques de l'époque), les métèques étaient exclus (c'est-à-dire les étrangers, comme c'est le cas aujourd'hui en France : pas de droit de vote pour les personnes qui ne sont pas de nationalité française), et les femmes étaient exclues (comme en France jusqu'en 1945). Mais ensuite, les citoyens étaient de vrais citoyens : ils votaient leurs lois. En France, de nos jours, sur les 50 millions de personnes en âge de voter, il n'y a quasiment que des électeurs. Les seuls vrais citoyens, ceux qui votent les lois, ce sont les députés et les sénateurs (moins de 1000 personnes).

Je a dit…

L'Islande ensuite. Le peuple s'est insurgé en 2008 et a réussi à faire démissionner le gouvernement et à faire passer devant la justice les banquiers privés qui avaient ruiné le pays. Mais ensuite, ils ont voulu changer les institutions. Ils se sont réunis en assemblée constituante tirée au sort, et un groupe de 25 a travaillé sur la rédaction d'une nouvelle constitution répondant aux grandes lignes demandées par la population. Toutefois, cette vaste consultation de 2011 n'était pas décisionnelle. Le parlement (les élus) islandais bloquent toujours la situation. A ce jour, l'Islande n'a pas changé ! Parce que les Islandais, comme les Français, ne sont que des électeurs : pas des citoyens ! Ils n'ont pas de RIC, pas de pouvoir décisionnel !