mercredi 23 janvier 2019

IL N'Y A JAMAIS EU DE RÉELLE DÉMOCRATIE EN FRANCE

REPRÉSENTATION OU CONFISCATION ? Le problème posé par les Gilets jaunes vient de loin...

"Dès le départ, les bourgeois et les aristocrates craignent l'entrée des masses en politique et ils vont donc, à travers l'éducation, faire en sorte que le peuple se soumette librement, en l'éduquant à minima, suffisamment pour qu'il reconnaisse les capacités supérieures de ses représentants." Avec les historien.nes Alain Hugon, Marc Belissa et Michèle Riot-Sarcey.

Retrouvez ici l'intégralité de cet épisode de "La Grande H.", l'émission d'histoire du Média TV : https://www.youtube.com/watch?v=KpI3MU8o--Y





Source :https://www.facebook.com/lagrandeH/videos/295527254438340/

5 commentaires:

Je a dit…

Michèle Riot-Sarcey :
"En France, comme ailleurs, nous n'avons jamais eu de réelle démocratie.
Donc, "démocratie radicale", non ! Démocratie tout court."

Je a dit…

A chaque fois, le nœud, c'est la représentation qui se transforme en confiscation avec ce problème derrière qui est que la souveraineté, au fond, la vraie, ne se délègue pas. Tout le problème est de trouver les médiations qui lui permettent de s'exprimer.

Je a dit…

La souveraineté ne se délègue pas. Mais son exercice se délègue. Déjà, dans la Révolution française, on pense bien évidemment la question de la délégation de l'exercice de la souveraineté. Le problème qui est posé à tous les révolutionnaires c'est : qu'est-ce qu'on fait lorsque le pouvoir législatif, quand les représentants deviennent tyranniques ? C'est-à-dire grosso modo quand ces représentants ne font pas ce pour quoi ils ont été élus. Et donc, il y a une vraie réflexion là-dessus, sur la dangerosité, d'une certaine manière, du pouvoir législatif.

On présente souvent la Révolution française comme une lutte entre le tiers-état et le roi. C'est vrai au tout début mais très vite le problème n'est plus celui-là, parce que le roi, finalement, est considéré comme un représentant, certes héréditaire, mais c'est un représentant comme un autre.

Le problème, ça va être de comment contrôler les représentants.

Très très tôt, Marat dit : "Vous avez changé de tyran. Vous avez 300 tyrans au lieu d'un seul."

Je a dit…

Michèle Riot-Sarcey :

Mais ensuite, lorsque la démocratie dite "représentative" va se mettre en place avec la république, à partir de 1848, pour bien comprendre quel est ce type de démocratie, il faut l'imaginer dans son apprentissage pendant la monarchie de Juillet.
N'oubliez pas que l'un des grands penseurs, d'une intelligence exceptionnelle, qui s'appelle Alexis de Tocqueville en 1835-1840, percevant la chose inévitable, c'est-à-dire la démocratie à venir, il pense que c'est inévitable, et de toute façon il a parfaitement raison, il craint par-dessus tout l'entrée des masses en politique. Il va donc partir en Amérique pour voir comment ça se passe. Il va faire en sorte d'imaginer ce processus réel, concret, en disant attention : méfions-nous. Puisque le peuple a besoin d'être éduqué pour pouvoir voter et être partie prenante de la chose publique, de la "res publica". Seulement, il ne peut pas être éduqué au même titre que l'aristocrate ou le bourgeois, dit-il, parce que le peuple travaille et qu'il manque de temps.
On va donc faire en sorte de penser l'éducation du peuple pendant toute cette monarchie de Juillet et je crois que François Guizot (1787-1874) a eu un rôle considérable, très efficace, puisque c'est lui qui a inventé "l'école publique", ce n'est pas Jules Ferry, on se trompe en général. C'est la naissance de l'école primaire publique de 1833. On va faire en sorte que le peuple, d'un certain point de vue, librement, se soumette. En sorte qu'on l'éduque a minima, de façon à ce qu'il reconnaisse les capacités supérieures et donc reconnaisse que ces capacités supérieures, dans la mesure où ils ont des connaissances beaucoup plus importantes, puissent les représenter.
Donc, c'est ce moment d'apprentissage de la démocratie dite "représentative", qui est en fait le gouvernement "représentatif" qu'il faut absolument examiner pour comprendre pour quelle raison ponctuellement, dans des moments de déstabilisation, de chaos, comme dirait Guizot, il y a cette demande de retrouver la souveraineté populaire.
Alors Marc Belissa a parfaitement raison, c'est-à-dire que la délégation n'est absolument pas mise en cause, sauf que cette délégation est transitoire, provisoire, à condition que cette représentativité ne soit pas contestable.
Or, en France comme ailleurs, nous n'avons jamais eu de réelle démocratie.
Donc démocratie "radicale" : non ! Démocratie tout court.

Je a dit…

Né sous Louis XVI, mort sous Mac Mahon, François Guizot (1787-1874) fut pendant un demi-siècle l’une des personnalités les plus en vue en France et en Europe. Ce bourgeois protestant fut reconnu comme le plus grand historien de son temps, en faisant de la notion de civilisation un nouvel objet d’études. Philosophe, il est à la source du libéralisme politique dans sa version française, influencée par l’Angleterre dont il a écrit l’histoire de la Révolution. Député du Calvados à partir de 1830, il a, à la Chambre comme au Gouvernement, tenté d’acclimater chez nous le système représentatif. Homme d’État, il a, par une loi de 1833 demeurée célèbre, fondé l’enseignement primaire en France et, ministre des Affaires étrangères de 1840 à 1848, réalisé la première Entente cordiale avec l’Angleterre. Il est aussi l’inspirateur d’une véritable politique de la mémoire et du patrimoine. Emporté par la chute de la monarchie de Juillet en février 1848, il a ensuite exercé jusqu’à la fin de sa vie une sorte de magistrature intellectuelle et morale. Tocqueville, Marx, Renan ont reconnu ce qu’ils devaient à ses travaux. Dans ses Mémoires, et surtout dans son immense et magnifique correspondance, la richesse de sa vie familiale et amicale, de ses attachements féminins aussi, fait apparaître un homme bien différent des caricatures qu’il a endurées, mais aussi provoquées. Car, pour avoir méconnu ou négligé les aspirations démocratiques que sa propre politique avait en partie suscitées, il fait figure de vaincu de l’histoire politique. L’installation de la République en France, qu’il avait toujours combattue, l’a longtemps relégué dans la catégorie des conservateurs aveuglés par leur appartenance à la bourgeoisie. Depuis une trentaine d’années, son œuvre et sa personne sont reconsidérées, et restituées à leur temps.

https://www.guizot.com/fr