Elinor Ostrom, née le à Los Angeles (Californie) et morte le à Bloomington (Indiana), est une politologue et économiste américaine. En , elle est la première femme à recevoir le prix dit Nobel d'économie, avec Oliver Williamson, « pour son analyse de la gouvernance économique, et en particulier, des biens communs »1,2.
Ses travaux portent principalement sur la théorie de l'action collective et la gestion des biens communs ainsi que des biens publics, aussi bien matériels qu'immatériels. Ils s'inscrivent dans le cadre de la nouvelle économie institutionnelle. Elinor Ostrom a surtout travaillé sur la notion de dilemme social, c'est-à-dire les cas où la quête de l'intérêt personnel conduit à un résultat plus mauvais pour tous que celui résultant d'un autre type de comportement. Elle a surtout étudié la question du dilemme social dans le domaine des ressources communes : ressources hydrauliques, forêts, pêcheries, etc. Avant ses travaux, dans ces cas, seulement deux solutions étaient envisagées : l'État-Léviathan, qui impose le bien public, ou alors une définition stricte des droits de propriété individuelle. L'œuvre d'Ostrom tend à montrer qu'il existe un autre type de solutions, l'autogouvernement, dont elle définit les huit principes caractéristiques nécessaires à sa pérennité, ainsi que les deux éléments clés de son émergence : la réciprocité et la confiance.
Pour analyser les dilemmes sociaux, Ostrom met au point un cadre d'analyse, l'IAD (Institutional Analysis and Development), qui est rapidement recommandé par les institutions internationales. L'IAD repose sur la prise en compte des caractéristiques du monde physique environnant, sur celles de la communauté en proie au problème, sur les règles et normes en vigueur dans le champ de la situation d'action, ainsi que sur les interactions entre les acteurs. Les notions de normes, de règles et de droit occupent une place centrale dans sa pensée. Les normes sont des attributs de la communauté, les règles, au contraire, sont fixées de façon beaucoup plus consciente pour résoudre un dilemme social et servent de cadre à l'établissement de droits. Ostrom reprend la conception du droit de propriété en termes de faisceau de droits de John Rogers Commons et du réalisme juridique américain. D'une manière générale, Elinor et son époux Vincent Ostrom ont une vision décentralisée de la prise de décision qui remonte à leurs premières études sur les ressources en eaux et sur la gestion des aires urbaines : à la vision centralisée qui s'impose dans les années 1960 aux États-Unis, ils opposent une vision plus polycentrée — la polycentricité est un autre de leurs concepts-clés — avec interaction de multiples autorités non strictement hiérarchisées.
Les travaux d'Elinor Ostrom sont peu critiqués de son vivant. En effet, en soutenant — comme Herbert Simon — que la rationalité des individus est limitée et en refusant de penser que la maximisation de l'utilité est la seule forme de comportement rationnel, elle s'attire les sympathies des opposants au courant strictement néo-classique de l'économie. Par ailleurs, son refus de s'en remettre nécessairement à l'État dans les cas de dilemmes sociaux, la fait apprécier des disciples de Friedrich Hayek. Après son décès, toutefois, les travaux d'Ostrom commencent à être critiqués à la fois par les partisans de solutions par l'État, qui l'accusent de ne pas bien prendre en considération les problèmes politiques, et par ceux qui l'accusent de ne pas avoir bien compris la notion de droit de propriété.
Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Elinor_Ostrom
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Les principes nécessaires à la gestion des biens communs par un groupe
Dans sa recherche [...] Ostrom identifie huit « principes de conception », ou conditions essentielles au succès de ces institutions. Elle reste toutefois prudente quant à la portée de ces principes, précisant que s'ils sont potentiellement nécessaires, ils ne sont pas forcément suffisants pour assurer la durabilité de la gouvernance44. Les huit principes caractéristiques des communautés pérennes (robust) de gestion de ressources communes (common-pool resources) identifiés par Ostrom sont les suivants45 :
- définition claire de l'objet de la communauté et de ses membres46. Il s'agit d'un préalable sans lequel personne ne sait ce qui est géré ni par qui47 ;
- cohérence entre les règles relatives à la ressource commune et la nature de celle-ci48. Les règles d'exploitation et de mise à disposition doivent être claires et adaptées à la nature de la ressource partagée49 ;
- participation des utilisateurs à la modification des règles opérationnelles concernant la ressource commune50. La participation des utilisateurs permet d'assurer l'adaptation dans le temps de l'exploitation de la ressource et donc sa pérennité51 ;
- responsabilité des surveillants de l'exploitation de la ressource commune et du comportement de ses exploitants devant ces derniers52 ;
- graduation des sanctions pour non-respect des règles d'exploitation de la ressource commune53. Ostrom considère cet aspect comme le « nœud du problème » et observe des résultats « surprenants » : les communautés pérennes sont caractérisées d'une part par la non-intervention d'une instance gouvernementale extérieure pour sanctionner un mésusage des ressources communes et d'autre part par un niveau initialement faible de ces sanctions, ce qu'elle analyse, en faisant référence aux travaux de Margaret Levi (en), en termes de « conformation quasi volontaire », définie par cette dernière à partir de l'exemple de la taxation comme « volontaire dans la mesure où les électeurs paient [les impôts] parce qu'ils choisissent de le faire ; quasi volontaire parce qu'ils seront sanctionnés s'ils ne le font pas et qu'ils sont pris »54 ; et par conséquent comme ne résultant ni de principes idéologiques ou moraux, ni d'une simple coercition, mais d'une « décision calculée se fondant sur la conduite des autres »55. Selon Ostrom, les sanctions ont d'abord pour objet le rappel de l'obligation de conformation aux règles, d'où leur degré initialement faible, adaptées à l'intention supposée du transgresseur de s'y conformer à nouveau56 ;
- accès rapide à des instances locales de résolution de conflits57. Selon Ostrom, les modèles théoriques de gouvernance sont fondés sur des règles sans ambiguïtés appliquées par des intervenants extérieurs omniscients. Mais, dans la réalité les règles sont toujours ambiguës. Aussi si on veut assurer une gestion des ressources pérennes, il convient d'établir une instance de résolution de conflits à faible coût d'accès58 ;
- la reconnaissance de l'auto-organisation par les autorités gouvernementales externes59,60 ;
- organisation à plusieurs niveaux (multi-niveaux) des activités d'appropriation, d'approvisionnement, de surveillance, de mise en application des lois, de résolution des conflits et de gouvernance61.
Les principes d'Ostrom ont été confirmés à de nombreuses reprises par des études sur les CPR (common-pool resources)
et ont donc prouvé leur fiabilité. Les principales critiques concernant
ces principes portent sur leur incomplétude. En effet, ils n'incluent
pas des facteurs comme la taille et l'hétérogénéité des groupes
d'utilisateurs ou les facteurs externes comme le régime de gouvernance à
l'intérieur duquel les utilisateurs évoluent62.
Les facteurs externes, notamment l'intégration aux marchés ou
l'intervention d'un État, peuvent en effet avoir des effets
significatifs sur les communautés. Par extension, la question de la
transposition de ces principes à des échelles plus larges est sujette à
débat.
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