Voici
ci-dessous un lien vers un article qui jette les bases d’une
théorie du diable dans le contexte de la théorie sacrificielle de René
Girard.
Poutine y est juste un cas d’espèce, un support de réflexion.
Grosso modo l’idée est que celui qui est vu comme le diable (Poutine en l’occurrence) n’est généralement qu’un « pauvre diable » qui cumule les caractéristiques propres à en faire un objet de vindicte pour les puissants toujours en quête de quelques boucs émissaires aptes à rassembler le peuple autour du drapeau et, donc, du pouvoir.
Le « vrai » diable serait donc celui-là, l’accusateur, généralement mensonger, qui suscite la polarisation haineuse de la foule contre son bouc émissaire d’élection. Alors qu’il est meurtrier dès l’origine (nous dit la Bible), il peut ainsi se présenter comme moralement supérieur (innocent donc) en accablant un pauvre diable que la foule se précipitera pour lyncher au sens propre ou au figuré.
Si on va au bout de cette logique, le « vrai » diable ainsi désigné (dans le cas de Poutine il s’agit de l’Etat Profond zunien qui, en mobilisant ses marionnettes politiques et médiatiques de la sphère occidentale, entend détruire la Russie pour des raisons liées à une histoire commune) comme le grand méchant salaud, manipulateur, etc. est lui-même le bouc émissaire de la foule des mougeons haineux qui s’innocente à bon compte dès lors qu’elle pourra toujours se présenter comme victime de manipulations et, surtout, comme n’ayant fait que suivre le mouvement.
Or c’est là la faute majeure contre l’Esprit : le fait de renoncer à sa conscience individuelle pour se contenter, par manque de courage ou paresse intellectuelle, de suivre le troupeau, tel un animal bêlant prêt à tout ce qu’on lui demandera de faire si on précise bien que c’est pour la bonne cause (rendre le monde meilleur en le débarrassant des êtres mauvais, irresponsables, etc. bref, le programme zunien ou nazi comme on voudra).
Chacun des membres de la foule qui se croit innocent pour cette raison (être membre d’un collectif dans lequel il a dissout sa volonté individuelle) se décharge à bon compte de sa responsabilité, de sa faute et donc de sa culpabilité. Dès lors il fait exactement comme le diable depuis la nuit des temps. Il est donc un suppôt du diable, un diablotin si on veut, mais un diable quand même.
Bref, pas d’échappatoire : l’alternative c’est soit on prend sa patate chaude ou sa pierre dans son jardin soit on la refile (la jette) à son voisin. La première attitude est christique, responsable, la seconde est diabolique.
Pour le moment, l’humanité est encore largement dans le diabolique.
La route sera longue pour en sortir, mais en aurons-nous seulement le temps ?
Luc-Laurent Salvador
https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/visages-du-diable-et-figure-du-240108
Tout diable qu’il paraisse, Poutine pourrait-il incarner une figure du Christ ?
En ce bas monde tout est cycle, c’est-à-dire, système dynamique qui boucle et reproduit des états ressemblants aux états antérieurs. Ainsi peut-on comprendre que des personnes et des évènements présagent ou préfigurent celles et ceux qui viendront en leur temps.
D’aucuns penseront non sans raison à l’Apocalypse mais l’idée que je souhaite évoquer paraîtra plus scandaleuse encore car ce serait le fait que, d’une certaine manière, tout diable qu’il paraisse, Poutine pourrait incarner une figure du Christ.
De fait, à l’instar de Jésus persécuté par une foule haineuse qui voulait sa mort, Poutine n’est-il pas actuellement l’objet de toutes les attaques ad personam possibles et imaginables, jusqu’à l’espoir ridicule qu’un de ses officiers puisse tirer sur lui ?
Sur le mode de l’évidence indiscutable et donc souvent de manière tacite, Poutine est présenté dans tous les médias TV, radio et presse comme un tyran fou, un mégalomane, un paranoïaque, un criminel etc.
Alors oui, bien sûr, il passe d’autant plus facilement pour le diable qu’il a commis la faute impardonnable consistant à faire usage de la violence et même à entreprendre une « guerre », ce qui apparaît absolument scandaleux pour les occidentaux hypocrites que nous sommes tant il est vrai qu’une guerre c’est toujours, toujours, toujours dégueulasse, abject, abominable et ça ne devrait pas exister vu l’épouvantable situation des victimes qu’elle engendre fatalement. Cela ne se discute pas.
Pour autant, la ressemblance avec le Christ n’est pas compromise par l’emploi de la force armée car on peut penser à Jésus chassant à coups de fouet les changeurs de monnaie du Temple de son père. Ceux-ci, transgressant l’interdit divin, faisaient de l’argent avec l’argent — ce qu’on appelait auparavant l’usure et que, maintenant, on appelle la finance. [1] Cette violence surprend de la part du Christ qu’on a pourtant raison de croire tout amour, tout comme on peut trouver étonnant que Jésus de Nazareth porte le même nom hébreu que Jésus de Navé, le fameux Josué, guerrier génocidaire obéissant du livre éponyme.
Mais ne dit-on pas qui aime bien châtie bien ? Le moment serait-il venu de châtier « les puissances de ce monde » ? En clair, faute d’avoir été consacrée au Cœur Immaculé de Marie comme le demandait la Vierge à Fatima en 1917, la Russie ferait-elle office de bâton de Dieu punissant les crimes des nations apostates ? Ou s’agit-il seulement de signes avant-coureurs présageant d’un fruit mûr qui viendra en son temps ?
Quoi qu’il en soit, ce rapprochement de Poutine et de Jésus apparaîtra sûrement scandaleux et peut-être même délirant à tous les Bisounours qui consentent benoîtement à la formidable diabolisation actuelle du maître du Kremlin.
Mais, justement, il faut y insister, Jésus a été crucifié. Bien qu’étant l’innocence incarnée, il a été condamné à mort par une foule haineuse manipulée par le pouvoir pharisien qui voyaient en lui l’homme à abattre. La situation de Poutine est-elle si différente ? Ne cherche-t-on pas à présent à le détruire, lui et la Russie ? Des benêts gouvernementaux ne se targuent-ils pas d’avoir eux aussi l’arme atomique ?
Certes Poutine n’est pas un saint mais, au final, il se trouve dans la même position que le Christ : il est férocement attaqué par les marionnettes politiciennes et les médias du pouvoir mondialiste de sorte que les peuples d’Occident semblent tous pareillement disposés à le condamner. Sous ce rapport au moins, il est bien une figure du Christ.
L’unanimisme des médias est immanquable et donne la nausée tellement la bêtise de la langue de bois le dispute au sensationnalisme. Comme pour la crise covid, tout est prétexte à faire dans l’émotion et ici, précisément, dans la compassion pour un peuple ukrainien idéalisé, c’est-à-dire, victimisé, sanctifié et comme statufié dans son drapeau alors que depuis huit longues années il s’accommode d’une guerre civile dans laquelle, en flagrante contravention avec les accords de Minsk — ce dont tous nos politiciens cyniques, nos journaleux larmoyants et nos apitoyés sur commande se foutent complètement — les populations de Luhansk et de Donetsk subissent un génocide lent mais sûr avec déjà 14000 morts sous les bombes et les attaques du pouvoir que les présidents Porochenko puis Zelenksy ont reçu du deep state étasunien par l’entremise de la CIA et de Victoria Nuland-Fuck-Europe.
D’aucuns me diront que je diabolise à mon tour et même si c’est faux — car je m’attache à la vérité — je dois, pour cette même raison, reconnaître qu’ils n’ont pas complètement tort.
Nous voilà au point où si nous voulons suivre le lapin blanc du paradoxe, il va nous falloir rouler le tapis, ouvrir la trappe et descendre dans les entrailles de la matrice conceptuelle afin de mieux comprendre les notions de diable et de diabolisation. C’est d’ailleurs tout l’objet de cet article qui n’évoque Poutine que pour mieux parler de nous les occidentaux. Comme dit le Talmud : « nous ne voyons pas les choses telles qu’elles sont mais telles que nous sommes ». [2]La première chose à constater concernant le diable est que nous le voyons surtout avec sa face repoussante et même effrayante d’incarnation du mal, celle que la foule aspire seulement à faire disparaître, avec toutes les connotations sinistres que cela peut avoir.
Cette perspective provient en droite ligne du fond archaïque des religions sacrificielles au sein desquelles l’humanité est apparue et qui assuraient la réconciliation de tous par la mise à mort violente d’un seul, coupable de tout, de sorte que tous se retrouvaient rassemblés par le mythe de leur propre innocence et donc en paix, jusqu’à ce que se fasse sentir à nouveau le besoin de sacrifier un coupable, le diable du moment.
Ce mécanisme de bouc émissaire, l’Ancien Testament en a entamé la révélation en donnant la parole à ce diable, à celui que tous accablaient, en lui permettant de se présenter comme victime innocente et d’accuser à son tour ses persécuteurs.
Mais en bouclant ainsi la boucle de l’accusation et donc de la violence qui (re)devient alors réciproque, en donnant au sacrifié le pouvoir de réclamer justice, serait-ce celle du « œil pour œil, dent pour dent », les textes vétéro-testamentaires ont ouvert la voie à une posture victimaire qui a porté quasiment toutes les révolutions et qui prospère actuellement sous le masque du politiquement correct, du wokisme, de la cancel culture ainsi que de tous les mouvements anti-ceci ou cela qui pullulent sur le corps et l’esprit d’un Occident chrétien bientôt moribond.
Le Nouveau Testament avait pourtant offert LA solution pour sortir du cycle de la violence réciproque, celle consistant à n’y entrer sous aucun prétexte, en s’interdisant toute posture victimaire, en s’abstenant donc de toute forme de diabolisation de sorte que les hommes ont alors pu prendre conscience que les « pauvres diables » qu’ils vouaient aux gémonies n’avait qu’une paille dans l’œil alors qu’eux-mêmes, ses persécuteurs, se trimballaient avec des poutres dans le leur.
De là la propension chrétienne à ne pas juger, à ne pas jeter la pierre et à pardonner afin de retrouver la paix et la bonne réciprocité du don mutuel.
Et c’est justement à partir du moment où l’on se fixe une telle ligne de conduite, lorsqu’on sait ne pas devoir juger, ne pas devoir porter de « faux témoignage » que l’on peut voir enfin le diable pour ce qu’il est : l’accusateur, celui qui accable, non pas seulement avec des vérités mais aussi et surtout avec des mensonges.
C’est comme ça que, selon l’étymologie, le diable la division construit (dia-bole) :
il porte des accusations tissées de mensonges et/ou de faux
témoignages. Il sépare la population en deux bords opposés par
l’accusation. D’un côté le pauvre diable coupable de tout et de l’autre
la foule accusatrice des victimes — directes ou apitoyées — toutes
parfaitement innocentes et dans laquelle l’accusateur se (con)fond. Et
cette masse en furie, indistinguable du diable qui l’a, en quelque
sorte, ensemencée, ne s’apaisera qu’avec la mise à mort du premier, le
pauvre diable que tous accablent, sur lequel tous se déchargent
hypocritement de leur propre responsabilité de manière à pouvoir se
penser innocents.
Qui ne voit que cette dynamique mimétique d’accusation et de violence collective à l’origine de toutes les foules délinquantes qui ont mis en pièce, écartelé, lynché ou brûlé une infinie série de « pauvres diables » tout au long de l’Histoire, des Bacchantes dionysiaques jusqu’à l’ère des révolutions, vaut aussi pour les guerres entre nations qui s’accompagnent généralement d’une diabolisation de l’ennemi ? Sans une préparation mentale des populations, sans l’installation d’un état d’esprit revanchard porté par une avantageuse posture de victime innocente en quête de justice et de réparations, celles-ci ne seraient pas disposées à combattre.
Chacun peut ainsi voir aisément de quelle manière les guerres sont susceptibles de naître dès lors qu’est mobilisée cette logique diabolique consistant à accuser pour faire l’ange alors que c’est de la responsabilité de son propre crime dont l’accusateur se décharge en la transférant à un innocent par l’accusation qu’il lui porte. Rien n’illustre mieux cette logique perverse que la tristement célèbre notion d’attaque sous faux-drapeau qu’on retrouve au commencement de tant de guerres.
Au final, il apparaît que le diable, en tant qu’il est meurtrier (au lieu de créateur), accusateur (et non Verbe d’amour) et d’esprit mensonger au lieu d’être Esprit de vérité constitue l’image exacte mais en négatif du Dieu trinitaire. Non pas que Dieu l’ait créé car il s’est fait lui-même en tant que Satan, par son refus de servir Dieu (non serviam !) et de lui être soumis, incarnant en cela la mécanicité du désir mimétique qui l’a poussé à se vouloir l’égal et donc l’adversaire de Dieu en la personne du Christ.
Résumons-nous :
- meurtrier et menteur, le diable, incarnation du Mal, se cache dans et par l’accusation collective qu’il a mimétiquement suscitée et qui l’innocente en même temps — et par cela même — qu’elle engendre un « pauvre diable », son substitut sacrificiel ou le bouc émissaire qui reçoit accusations et châtiments en son nom.
- son geste est diabolique d’abord et avant tout parce qu’il s’innocente en transférant sa propre faute (en jetant la pierre) à un autre qu’il accuse. C’est si vrai que pour arrêter l’élan de ceux qui voulaient lapider la femme adultère, Jésus invite simplement chacun à se demander s’il est sans péché et il va de soi que nul ne l’est de sorte que chacun comprend qu’il n’a pas motif à jeter la pierre : il n’est pas innocent, cette pierre qu’il tient, c’est la sienne.
- En conséquence, une fois admise la très haute probabilité qu’un individu présenté comme le diable en personne soit, en fait, diabolisé, on ne peut pas alors ne pas s’interroger sur l’existence éventuelle d’une manipulation... diabolique : on doit détourner son regard du « pauvre diable », se retourner et chercher dans la foule l’accusateur, le vrai diable qui s’y (con)fond tellement la foule l’imite... en raison du pouvoir d’influence (mimétique) qu’il a sur elle, de par son statut.
Avec un tel portrait, nul besoin de se questionner longtemps pour arriver à la conviction que Poutine fait actuellement l’objet d’une diabolisation en bonne et due forme comme pour savoir qui se trouve à la manœuvre.
En effet, les deux diables — le vrai et son substitut sacrificiel — faisant miroir l’un de l’autre, il suffira de considérer la nature des accusations portées et de voir à qui elles correspondent le mieux pour en identifier la source. Bien que le « pauvre diable » soit accablé de toutes les travers possibles et imaginables, on n’insistera jamais assez sur le fait que l’accusateur se débarrasse d’abord de ses propres fautes car c’est sur ces points particuliers vers lesquels son attention converge tout naturellement qu’il tient par-dessus tout à paraître blanc comme neige. Opérant ce que les psychologues appellent une projection, il s’empresse d’accuser l’autre de ses propres forfaits. La manœuvre est habile car, au regard des naïfs, l’accusation laisse inférer que non seulement l’accusateur attache de l’importance au respect de telle règle ou de tel principe mais qu’en plus, il est lui-même innocent sous ce rapport car il semble difficilement concevable qu’un tel culot puisse exister. Pourtant, un brin de malice enfantine suffit à déjouer la tactique avec la fameuse réplique « c’est celui qui dit qui est ! ».
Afin d’illustrer cela avec le cas de Poutine, constatons d’abord qu’il est accusé de ne pas respecter le droit international. Sans même avoir à examiner si cette accusation est vraie ou fausse, prenons-la comme étant la paille qu’on voit dans son œil et cherchons qui a une poutre dans le sien. La réponse est immédiate : il est de connaissance commune que les USA se fichent du droit international comme d’une guigne. Ainsi, qu’ils aient ou non l’aval de l’ONU, ils forment des « coalitions » puis envahissent des états souverains, les mettent en pièce et ne rendent de compte à personne et surtout pas une juridiction internationale. Ne sont-ils pas l’Hégémon ou faudrait-il dire le Léviathan ? La mise en accusation de Poutine sous le rapport du droit international apparaît d’autant plus injuste qu’il n’a eu de cesse toutes ces dernières années d’en appeler à son respect et qu’il n’a, justement, pas été entendu par l’adversaire étasunien.
La même chose peut être dite de l’emploi de la force militaire sur un territoire étranger qui est vu actuellement comme LA ligne rouge que Poutine aurait franchie. Déjà placée sous les projecteurs des médias occidentaux bien avant son lancement, l’intervention russe a immédiatement polarisé l’attention mondiale et suscité un immense émoi victimaire assez inattendu au regard de la fréquence des conflits armés de par le monde. Le fait est que, ces dernières années, ils n’ont jamais rien suscité de tel. Là encore la « patate chaude », le « mistigri » ou le « roi de pique », c’est pour le diable Poutine ! Mais demandons-nous qui détient le pompon de l’activité guerrière sur Terre depuis deux siècles, deux décennies ou deux ans et il est clair que les USA gagnent à chaque fois haut la main sans que cela n’ait jamais suscité le moindre haussement de sourcil de la part de nos journalistes supposément libres et indépendants. Il est vrai que les États-Unis font toujours la guerre pour de très bonnes raisons largement claironnées avant, pendant et après, ou avec de très belles et bonnes intentions humanitaires — comme promouvoir la démocratie et/ou débarrasser les peuples opprimés de leurs tyrans ; toutes déclarations que nos journalistes accueillent la main sur le cœur et le petit doigt sur la couture de leur uniforme faudrait-il dire tant le petit peuple médiatique s’avance en rang serré dans une réalité socialement construite, c’est-à-dire, balisée par les centrations et les éléments de langage du pouvoir qui se trouvent ensuite repris dans la plus parfaite uniformité comme le soudain consensus pro-ukrainien l’illustre d’une manière éclatante avec sa terrifiante unanimité et la terrible pression de conformation qu’il exerce pour cette raison sur toutes les personnes ayant la moindre visibilité dans la sphère publique : il est clair que toute personne en vue DOIT afficher un soutien à l’Ukraine et jeter la pierre rituelle à Poutine sinon elle court le risque de se retrouver immédiatement déchue, exclue, huée, destituée, remisée, reléguée, virée, etc. sans autre forme de procès, ce que les Bisounours démocrates ou libertaires trouvent parfaitement normal, drapés qu’ils sont dans le drapeau ukrainien avec la main sur le cœur et la larme à l’œil. Déjà qu’ils n’avaient pas objecté à la mise au ban des refuzpiks de la dernière plandémie, ils n’ont que faire des suppôts de Poutine qui peuvent bien aller au diable !
Le degré d’unanimité et de véhémence du consensus médiatique pro-Ukraine est tel qu’il ne peut pas ne pas interroger quant à son origine et, donc, son authenticité. Considérant qu’une vieille loi talmudique (Sanhédrin 17a) impose la relaxe de l’accusé quand les juges sont unanimes à le condamner car ce serait un signe sérieux de collusion, on peut se demander s’il n’en irait pas de même concernant l’unanimisme de l’accusation et du rejet à l’égard de Poutine comme de la Russie. Se poser la question, c’est y répondre : non seulement il n’y a pas d’explication alternative crédible mais, surtout, il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Le même unanimisme prévaut sur tous les sujets sensibles de l’agenda mondialiste.
Quoi qu’il en soit, nous pourrions procéder exactement de la même manière concernant les accusations de mensonges — Poutine parle de génocide dans le Donbass, de présence de nazis dans le pouvoir et l’armée ukrainiens, de non-respect des accords de Minsk, etc. — ou toutes les autres accusations, innombrables, portées contre le président russe. Mais il est inutile de s’y attarder, d’autres y réagiront bien mieux que je ne saurais le faire et, surtout, cela ne nous est plus nécessaire : nous avons d’ores et déjà identifié l’accusateur en chef, celui qui est à la manœuvre, à savoir, le diable ou plutôt le golem étasunien.
Ce terme « golem » suggère que l’Hégémon US est avant tout l’instrument ou l’agent d’une élite en quête d’un gouvernement — et donc d’un pouvoir — mondial officiel. Car il est assez manifeste qu’en cultivant comme ils le font cet antagonisme et, même, ce suprémacisme, les États-Unis n’agissent pas dans leur intérêt propre. On pense à ces insectes volants qui, lorsque parasités par les larves du ver gordien, vont se jeter à l’eau et se noyer afin de libérer la forme adulte du ver, qui est aquatique.
C’est terrible à dire mais nous en sommes là : l’Ukraine est manifestement un pion sacrifiable de l’Empire. Ce n’est pas contre lui que Poutine lutte mais contre un Léviathan titanesque au service des « puissances de ce monde », celles qui, depuis si longtemps, œuvrent à un Occident déchristianisé et même liquéfié par la promotion de l’individualisme le plus débridé, l’hédonisme le plus cru, le consumérisme tous azimuts et surtout la marchandisation généralisée via un primat absolu du dieu argent (Mammon) auquel la planète entière est supposée se retrouver tôt ou tard soumise et même asservie grâce aux dettes souveraines éternelles qui nous étranglent toujours davantage chaque jour qui passe et pas seulement à chaque décision gouvernementale ou à chaque crise.
Bref, la Russie — qui n’a pas de dette souveraine et est donc libre vis-à-vis des puissances d’argent — semble bel et bien être l’ultime bastion de la civilisation chrétienne. En effet, depuis Vatican II, Rome s’égare dans ce qu’on appelé les mystères d’iniquité et n’offre quasiment plus de résistance à l’Empire du Bien (nommé). Celui-ci prône une inversion des valeurs tellement radicale que Poutine qui, si je puis dire, se démène comme un beau diable pour la sauvegarde de la morale chrétienne, pourrait presque apparaître comme le chevalier saint Georges terrassant le dragon qui se trouve sur le blason russe ou peut-être même comme le Katechon qui repousserait la fin des temps.
De fait, les mystères d’iniquité se traduiraient mieux par les mystères de l’anomie, c’est-à-dire, les mystères de l’absence de lois, donc l’absence de ce qui, en reliant les hommes et en tenant chacun à sa place, les empêche de se jeter tous les uns sur les autres pour s’entretuer dans un conflit généralisé, ce que René Girard appelait la « crise mimétique ». Il considérait cette phase de dissolution complète de la société dans la réciprocité violente comme la source à partir de laquelle a pu s’instaurer l’ordre sacrificiel du Logos héraclitéen, celui qui, depuis la nuit des temps, a tenu les hommes ensemble grâce au sacrificiel archaïque, celui par lequel s’opère une réconciliation violente, puisque c’est la violence qui expulse la violence ou, pour le dire autrement dit, Satan qui expulse Satan.
Cette fatalité de la contagion violente explique suffisamment qu’en dépit de la présence du Katechon, le texte de l’Apocalypse annonce une domination de la Bête. Celle-ci devrait officiellement accéder, pour un temps, au pouvoir mondial grâce, à la soumission active des masses séduites par... les masses !
Car enfin qu’est-ce qui contrôle mieux les masses que les masses elles-mêmes ? Certes, ils sont innombrables les diables qui tentent de les séduire — et qui, par exemple, mettent « vu à la TV » sur leur réclame afin de rappeler à chacun que tous ont d’ores et déjà fait le choix du « dernier cri » afin de les inciter à suivre le mouvement — mais jusqu’à quel point peut-on leur jeter la pierre ?
Si on va au fond des choses et que l’on marche donc, enfin, sur les brisées de René Girard qui, depuis des décennies, prêche dans le désert intellectuel de la post-modernité, on comprend que le diable qui se mire dans les yeux du condamné diabolisé et futur sacrifié, ce n’est pas seulement l’accusateur qui se (con)fond dans la foule, mais la foule elle-même, que jamais nous ne songeons à incriminer parce que :
1) une foule, comme l’étymologie du nom l’indique est folle, donc irresponsable de sorte que
2) une foule peut être délinquante mais elle sera toujours innocente et c’est bien pour cela que, comme je l’ai fait précédemment, on en cherche systématiquement les instigateurs ou les meneurs qui, pauvres diables eux aussi, porteront une responsabilité qu’on ne saurait pourtant leur attribuer entièrement.
3) la foule, nous en faisons partie, nous aimons l’innocence et donc la sécurité qu’elle nous procure en nous épargnant l’anxiété des choix « héroïques » que fait l’individu qui sort de la procession et s’expose ainsi à l’animosité que la foule réserve à ses dissidents. Le groupthink ou pensée de groupe d’Orwell c’est exactement cela : une censure de soi et des autres soucieuse d’absolue conformité à la norme de pensée afin de maintenir la sécurité que procure le fait d’appartenir à une communauté d’innocents rassemblés en paix.
Le dernier visage du diable qu’il nous reste à considérer est donc précisément celui de la foule accusatrice, haineuse et prête à sacrifier que l’on trouve à l’origine des religions archaïques qui ont fait l’humain. C’est lui que Jésus, venu révéler « des choses cachées depuis la fondation du monde » savait devoir affronter : le visage d’un collectif victimaire dont la pulsion sacrificielle exacerbée n’attend que sa mise à mort. Une fois rassasiée, la foule s’apaise dans la douce certitude de l’ordre restauré et de sa propre innocence. Ainsi va le monde depuis toujours : « ils ne savent pas ce qu’ils font ».
Mais, justement, selon toute vraisemblance, les temps sont accomplis, nous voilà dans l’Apocalypse, c’est-à-dire, la révélation. Le voile se déchire sur cet ordre sacrificiel violent dont l’humanité est issue. C’est de lui dont chacun doit réussir à s’écarter alors qu’il brille encore de tous ses feux dans la parole publique, les médias et les réseaux sociaux où la violence grandissante des lynchages « moraux » nourris de politiquement correct, de « wokisme » ou de cancel culture démontre à l’envi que dynamique mimétique et accusation collective qui sont mariés pour le meilleur du pire depuis la fondation du monde, le resteront jusqu’à la fin.
Comme l’animal en nous, la mimesis — c’est-à-dire, l’automatisme de l’imitation — n’est ni bon ni mauvaise, elle est ce qu’on en fait et il importe donc d’agir en conscience, comme une personne humaine responsable qui jamais ne songe à se décharger sur le collectif de son devoir de fidélité aux valeurs morales intangibles qu’elle a faites siennes et qui l’identifient en tant que personne. D’où qu’elle provienne, la polarisation mimétique de tous contre un, voilà le diable que chacun de nous doit se garder d’engendrer par sa participation à des collectifs accusateurs, haineux et donc violents.
Le millénium de paix annoncé ne sera à nous que lorsque nous aurons compris le sens de la crucifixion et que nous serons capables de garder notre pierre dans notre jardin au lieu de la jeter à notre voisin.
Luc-Laurent Salvador
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