lundi 23 mars 2015

Chronique d’un éveil citoyen – Episode 9 : La crise financière - un détonateur

par Alban Dousset
mercredi 11 mars 2015

Résumé de l’épisode précédent : Après les origines de la monnaie, l'épisode précédent s'attachait à comprendre le système monétaire, bancaire et financier. L'article revenait sur le néochartalisme et les problématiques liées aux monnaies fondantes. Il illustrait le fonctionnement du système bancaire financier avec trois mots clefs : précarité, interconnectivité et dominance.
 
Introduction
 
Avant de développer les raisons qui me conduisent à penser qu'une crise financière surviendra à court où moyen terme, il est nécessaire d'évoquer les crises larvées qu'elle est susceptible de faire apparaître dans son sillage.

>> Une crise économique (d'ampleur systémique) :
Cette crise est le sous-jacent de l'aspect "précarité" du système bancaire et financier.
Cette crise économique a elle-même plusieurs facettes :
—>Crise spécifique au capitalisme (Réalité des ressources limitées, notamment l'énergie, contre les hypothèses de croissance économique illimitées / Divers mécanismes autodestructeurs identifiés par K. Marx lorsque le système économique cesse sa phase de croissance et entre dans une phase récessive).
—>Crise de la dette survenant lors des récessions économiques (Constante historique qui dépasse le système capitaliste lui-même, Cf Dette 5000 ans d'histoire de David Graeber).

>> Une crise géopolitique :
Cette crise est le sous-jacent de l'aspect "dominance" du système bancaire et financier.
Pour le moment, cette crise géopolitique est larvée.
Elle s'illustre discrètement, ponctuellement, lorsque des pays refusent de s'aligner sur le leadership monétaire des États-Unis. C'est notamment le cas avec la création d'un fond monétaire alternatif par les BRICS[1] où la stratégie explicite de contournement du dollar comme monnaie de réserve mise en œuvre par la Russie[2].

Pour se figurer cette juxtaposition des crises, la meilleure comparaison est certainement un effet "boule de neige" qui conduirait à une avalanche. Je m'explique :
Dans un entretien[3] Olivier Berruyer évoque divers éléments hétéroclites et susceptibles de provoquer "l'éboulis" à effet "boule de neige" qui entrainerait une première "avalanche" : la crise financière :
" Ça lâchera peut-être parce qu'une banque aura sauté, ça lâchera parce que le Japon aura des problèmes, ça lâchera parce qu'il y aura encore un trader fou qui va couler une banque à Londres... Je n'en sais rien. Ça lâchera parce que Israël va bombarder l'Iran, ça lâchera parce que[...]la Chine va s'écrouler, parce que les États-Unis ne vont pas se mettre d'accord politiquement pour augmenter le plafond de la dette. Voilà, vous êtes juste dans un champ de nitroglycérine avec des gens qui secouent partout en fait... C'est fabuleux...
[...] Maintenant, je ne sais pas si ça viendra dans trois mois ou si ça viendra dans trois ans. Ce ne sera pas beaucoup plus que dans trois ans parce que vous voyez très bien à quel point votre système est en train de se véroler. En plus, vous êtes obligé d'injecter de plus en plus d'argent dans le secteur bancaire et financier. Plus vous le faites, plus vos effets sont à très court terme..."
Les divers événements qu'évoque Olivier Berruyer peuvent n'être que de simples "éboulis" sans gravité significative. Toutefois, lorsque l'un de ces "éboulis" est sujet à un effet "boule de neige" il peut conduire à une avalanche, c'est à dire à une crise financière (comme ce fut le cas avec les Subprime en 2007).
Hors en 2007, cette crise financière (= première avalanche) aurait normalement dû provoquer ces crises économiques et géopolitiques mais elle a été endiguée par l'endettement public d'une majorité d'État.
Les crises économiques et géopolitiques seront des conséquences probables d'une crise financière. Lors de la prochaine crise financière, on imagine mal comment nos États surendettés pourraient à nouveau procéder au sauvetage des banques avec leur seule capacité d'endettement. Dès lors, on peut supposer que la première avalanche (= la crise financière) provoquerait deux avalanches gigantesques (= la crise économique et la crise géopolitique) dont les signes avant-coureurs sont déjà visibles dans l'actualité.
Dans cet article, je m'efforcerai d'analyser les tenants et aboutissants de la crise financière.
Je reviendrai ultérieurement sur les aspects économiques et géopolitiques si la crise financière n'était pas endiguée comme celle de 2007.
Wikipédia donne la définition suivante d'une crise financière :
"Le terme crise financière s'emploie pour désigner un ensemble assez large qui inclut notamment les crises du change, les crises bancaires et les crises boursières, récurrentes dans l'histoire boursière. Mais le terme est également utilisé pour désigner les crises de la dette publique ou des crises qui affectent un marché à terme, voire un marché de produit agricole, comme celui touché au XVIIe siècle aux Pays-Bas par la tulipomanie. Une crise financière peut concerner seulement quelques pays, ou, initiée dans un pays, peut s’étendre par contagion et devenir internationale et ralentit ainsi l'économie mondiale. Si une crise financière ne concerne dans un premier temps que les marchés financiers, son aggravation conduira à des effets néfastes sur le reste de l'économie, entraînant une crise économique, voire une récession. Ces effets sont généralement un resserrement du crédit et donc une baisse de l'investissement, une crise de confiance des ménages."
Il arrive qu'une crise financière trouve son origine dans une crise économique (par exemple une chute brutale de la demande ou de l'offre) ou dans une crise géopolitique (par exemple une guerre).
Néanmoins les crises financières les plus violentes et les plus néfastes pour la société sont généralement liées à des bulles spéculatives.

Les bulles financières
Pour définir le phénomène de bulle financière et spéculative on peut retenir la définition que donne Rosser en 2000 : "Une bulle spéculative existe lorsque le prix de quelque chose ne reflète pas les fondamentaux du marché sur une période de temps pour des raisons autre que des chocs aléatoires. Par "fondamentaux", on entend un équilibre de long terme qui est cohérent avec un équilibre général."
Les bulles financières présentent généralement quatre phases distinctes (gestation, naissance, euphorie et éclatement) que l'on peut représenter de manière graphique :
Gestation : Les investisseurs avisés remarquent du potentiel dans un secteur jusqu'ici ignoré par les marchés.
Naissance : Une tendance claire naît et le marché attire de plus en plus d'investisseurs. Premières prises de profits des investisseurs avisés.
Euphorie : Le grand public se rue vers le marché qui doit forcément monter. Les médias parlent du dynamisme du marché et du "nouveau modèle".
Éclatement : Un événement déclenche une baisse rapide et tout le monde se rend compte que la situation a changé. Perte de confiance.
Cette représentation schématique d'une bulle financière permet de comprendre que le mécanisme est toujours le même. Voici ses manifestations historiques :
Mon hypothèse est que les phases d'éclatement sont de plus en plus rapides. Voici le détail des phases d'éclatement des trois crises présentées ci-dessus :
Les raisons qui me conduisent à formuler cette hypothèse sont les suivantes :
  1. L'information financière (et générale) circule de plus en plus rapidement entre les différents acteurs. Par ailleurs, les pouvoirs économiques et publics sont de moins en moins en mesure de "contrôler" cette information.
  2. Découle du 1. >> L'information financière et économique dite "hétérodoxe" ou "critique" est de plus en plus portée à la connaissance des acteurs du marché. Cette connaissance implique qu'un nombre croissant d'acteurs a conscience d'être dans une bulle avant qu'elle n'éclate. Ces acteurs pensent être en mesure de revendre rapidement leurs titres lorsque la bulle financière prendra fin.
  3. Le processus transactionnel est de plus en plus rapide et automatisé, notamment via l'influence du trading haute fréquence[5] et des algorithmesinformatiques.
  4. La concentration du capital investi sur les marchés conduit à un nombre très réduit d'acteurs ayant une influence significative sur les marchés. Les crises successives renforcent ce phénomène par une sélection naturelle des acteurs les mieux informés, les plus influents et les plus réactifs. (Cf 1. et 3.)
Lors de l'éclatement d'une prochaine bulle, si mon hypothèse est valide, le nombre de jours entre le point boursier le plus haut et le point boursier le plus bas devrait être inférieur à 512. Cependant, si cette crise est définitive, il n'y aura probablement pas de rebond comme en 2009 et l'on peut s'attendre à ce que ce crash boursier fulgurant succède à une longue récession de l'économie et de la finance à moyen terme.
>> Dans ce contexte, le "point bas" de l'éclatement de la bulle sera difficile à déterminer.
Par ailleurs, l'apparition des bulles spéculatives présentent des caractéristiques spécifiques :
  1. La croissance extrême des prix
  2. Investissement massif / spéculation intense (flux de capitaux importants)
  3. Perspectives optimistes mais futur incertain
  4. Levier (surexposition des investisseurs aux risques)
  5. Rôle de l'état dans la formation de la bulle

La situation actuelle
Sommes-nous dans une situation de bulle aujourd'hui ?
  1. La croissance extrême des prix
Depuis le point bas de 2009, soit 666,79 points, le S&P 500 a cru de 310,63% pour atteindre les 2071,26 points. Cette forte croissance de l'indice S&P 500 (et de nombreux autres indices boursiers) est comparable à celle d'autres bulles financières observées dans l'histoire de la finance (crack boursier de 1929 +370 % sur 5 ans ; crack boursier de 1987 +237 % sur 5 ans ; crack de la bulle internet +220 % sur 5 ans ; crack des subprimes +75 % sur 4,5 ans).
  1. Investissement massif / spéculation intense (flux de capitaux importants)
Comme en témoigne ce graphique[6], depuis mi 2013, on observe des flux nets de capitaux sur les marchés financiers en provenance d'investisseurs (que l'on peut distinguer des spéculateurs.)
  1. Perspectives optimistes mais futur incertain
Récapitulatif :

1) Sortie de la crise financière par le QE (Quantitative easing), c'est à dire la planche à billet, mis en œuvre par la Fed (Banque centrale américaine). Cette politique monétaire conduit à inonder les marchés financiers de liquidité, c'est à dire d'argent "gratuit" puisque prêté par la Fed à 0% d'intérêt.

2) Ces liquidités de la Fed conduisent à un gonflement extraordinaire des actifs financiers (obligations et actions). Logiquement, cette politique monétaire ultra-abondante aurait dû conduire à une explosion
du prix des matières premières et particulièrement des valeurs refuges telles que l'or et l'argent. Cependant, il apparaît que les banques centrales interviennent sur les marchés financiers (notamment via les produits dérivés) afin de maintenir artificiellement le prix de ces valeurs refuges au plus bas et de décourager les mouvements de capitaux dans cette direction.

3) Cette politique monétaire permet également à la Fed de financer le déficit américain. Déficit toujours plus élevé puisque proportionnel à une dette publique toujours plus élevée. Ce déficit public permet néanmoins de produire de la croissance économique à crédit (environ 5$ de dette publique pour 1$ de croissance économique). Cette croissance économique artificielle permet de justifier politiquement le dogme néolibéral et l'usage de la planche à billet. Cependant ce mode de fonctionnement ne repose que sur la domination monétaire du dollar.

Futur incertain :

>> Vu ces éléments, on peut s'interroger sur ce qui adviendra lorsque la Fed cessera cette politique monétaire (arrêt de la planche à billet et hausse des taux).
Comment réagiront les marchés face à ce manque de liquidité et cet argent "payant" ?
Dans l'hypothèse ou la Fed poursuivrait cette politique monétaire ultra-abondante, qu'adviendra-t-il ? Comment se comporteraient les acteurs économiques et financiers dans un environnement où les rentes du capital tendent vers 0 ? Pourquoi prendre un risque pour un retour sur investissement de 0€ ?
  1. Levier (surexposition des investisseurs face aux risques)
Définition de la dette de marge[7] : "Crédit ouvert par un courtier ou société de bourse face à un portefeuille boursier et dont le bénéficiaire l'utilise soit pour des fins personnelles soit pour acquérir d'autres titres (cas le plus fréquent). Vous disposez de 10 000 $ sous forme d'actions par exemple, vous pouvez emprunter 50 % pour vos dépenses propres ou l'utiliser à plein pour l'achat de 10 000 autres $ d'actions."


Comme en 2007, il apparaît que les investisseurs se sont fortement endettés afin d'investir sur les marchés financiers.
  1. Rôle de l'état dans la formation de la bulle
Le rôle de l'état se manifeste essentiellement par l'intermédiaire de la politique monétaire et les rachats d'actifs des banques centrales et particulièrement de la Fed. Voici la variation et la composition de ses actifs depuis 2009 :
[GDP est le sigle anglais désignant Gross Domestic Product, ou en français Produit Intérieur Brut (PIB). Le sigle GDP est défini dans le dictionnaire financier à travers la définition de Produit Intérieur Brut.]

Conclusion :
Vu ces éléments, on peut penser que nous sommes dans une bulle spéculative.
J'anticipe la question qui vous brûle les lèvres : quand éclatera cette bulle ?

>> Si par-là vous entendez "dans quelles circonstances", je peux vous répondre :
- Soit la Fed durcit suffisamment sa politique monétaire pour effrayer les marchés financiers.
- Soit un événement ébranle massivement la confiance des investisseurs et conduit par un effet "boule de neige" à une nouvelle crise financière.

>> Si par-là vous entendez "sous quel délai", ma réponse sera encore plus floue :
Demain ? Dans trois mois ? Dans six mois ? Dans un an ? Dans deux ans ? Plus ? Je l'ignore mais je serais surpris qu'elle survienne après la prochaine élection présidentielle (même si ce n'est pas exclu).
Si vous souhaitez en savoir plus sur les bulles financières, je vous recommande trois vidéos qui ont fortement influencé cet épisode >> Cf note de bas de page[8].

Cet épisode marque la fin de la première saison de cette chronique d'un éveil citoyen.
Avant d'entamer la seconde saison, je souhaite publier sur Agoravox divers éléments d'un essai en cours d'écriture.
 

[3] Entretien d'Olivier Berruyer avec Avant Garde Économique, mai 2013 : https://www.youtube.com/watch?v=3Gc...
[5] Page wikipédia du trading haute fréquence : http://fr.wikipedia.org/wiki/Transa...
[6] Source du graphique présenté : http://www.google.fr/imgres?imgurl=...

1 commentaire:

Je a dit…

La prédiction d'Olivier Berruyer s'est réalisée à une année près : quatre ans après 2015.
En effet, en 2019, les banquiers et les grands groupes industriels qui sont leurs marionnettes, ont déclenché une fausse crise sanitaire ("covid-19") qui doit leur permettre non seulement de cacher la crise financière (bien réelle, elle) mais en plus leur donner un nouveau souffle avec la "Grande Réinitialisation" ("Great Reset" en anglais).
Sous prétexte de "crise sanitaire", les politiciens et législateurs d'un grand nombre de pays vont accepter de troquer la dette publique de leur pays (que des générations de politiciens vendus aux banques privées ont mis en place, suprême trahison vis-à-vis du peuple) contre la suppression de la propriété privée ... pour les gens du peuple.
Tout deviendra propriété exclusive de l'Etat-banque et les particuliers devront louer à vie tout bien dont ils étaient jusque-là propriétaires.