vendredi 17 janvier 2025

Tardigrade : le mystère de sa résistance hors du commun enfin résolu

 

Le tardigrade est l’animal le plus résistant sur Terre. Son secret ? Il entre en dormance pour supporter les conditions extrêmes de son environnement tels que le gel, les radiations ou le manque d’oxygène. Des chercheurs américains ont découvert le mécanisme à l’origine de ce comportement appelé “cryptobiose”.

Illustration d'un tardigrade

Illustration d'un tardigrade

SCIEPRO / SCIENCE PHOTO LIBRARY / SKU / Science Photo Library via AFP

Résister au vide spatial, aux températures glaciales de -273°C, à une pression de 6000 bars ou à des radiations monumentales ? Pour le tardigrade, c'est possible ! On dit qu’il est extrémophile. En avril 2019, un millier de ces "ours d’eau", comme on les surnomme parfois, ont même été expédiés sur la Lune. Pour affronter ces conditions extrêmes, le tardigrade a un comportement bien connu : il entre en cryptobiose. Ses huit pattes se rétractent, il se déshydrate et réduit son processus métabolique jusqu’à des niveaux presque indétectables.

Mais comment le tardigrade induit-il cet état de dormance ? Des chercheurs américains se sont penchés sur la question et ont mis en évidence des capteurs sensibles aux conditions de leur milieu. Les résultats de cette étude ont été publiés dans la revue Plos One.

Le tardigrade, une résistance hors du commun

Le tardigrade mesure tout juste un millimètre, mais sa résistance est hors du commun. A titre d’exemple, il peut endurer des pressions 4 fois supérieures à celles des abysses, et s’avère 11.000 fois plus résistant que l’Homme à l’exposition aux rayons X. Tout cela grâce à l’état particulier de la cryptobiose. Jusqu’à présent, on ne savait pas quel mécanisme induisait ce comportement.

L’équipe de Leslie Hicks a donc testé les limites du tardigrade pour en apprendre davantage sur les signaux qui le poussent à entrer et sortir de cette dormance. Températures glaciales, niveaux élevés de sucre ou de sel … "En réponse à ces conditions nocives, les cellules des ours d’eau ont produit des radicaux libres oxygénés", dévoilent les chercheurs. Il s’agit de molécules instables, nocives pour les cellules humaines. Au contraire, elles ont une fonction salvatrice chez le tardigrade.

Résister aux radiations, c’est dans son ADN ! En octobre dernier, des chercheurs du Beijing Institute of Lifeomics ont publié les résultats du séquençage du génome d’une nouvelle espèce de tardigrade : Hypsibius henanensis. Leurs travaux révèlent l’implication de milliers de gènes dans la protection des tardigrades aux radiations. Ces gènes deviennent plus actifs lorsqu’ils y sont exposés. Mais à quoi servent-ils ? Ils sont acteurs d’un processus complexe permettant de protéger l’ADN des dommages que les rayonnements pourraient causer, mais aussi de le réparer. En outre, certains d’entre eux stimulent la synthèse de bétalaïne, un pigment qui existe principalement dans les plantes, quelques champignons et bactéries, et qui confère une résistance aux radiations. Un autre gène permet, lui, d’accélérer la réparation des dommages à l’ADN. D’après les chercheurs, ces découvertes pourraient conduire, à terme, à une meilleure protection des humains exposés aux radiations lors de missions spatiales, ou de traitements anticancéreux.

Lire aussiLe tardigrade, cet as de la survie

Des capteurs à l'origine de la robustesse des tardigrades

En effet, les chercheurs ont identifié dans son organisme des capteurs moléculaires spécifiques. En s’y fixant, les radicaux libres oxydent le capteur, et indiquent ainsi aux cellules du tardigrade d’entrer en cryptobiose. "Une fois les conditions améliorées et les radicaux libres disparus, le capteur n’est plus oxydé et les oursons d’eau sortent de leur dormance", indiquent les auteurs.

D’après leurs résultats, ce capteur serait dépendant de la cystéine, un petit acide aminé essentiel à son bon fonctionnement. Sans ce dernier, impossible pour les tardigrades d’entrer en cryptobiose. C’est lui qui est oxydé par les radicaux libres. "La cystéine est un capteur clé pour activer et désactiver la dormance en réponse à de multiples facteurs de stress, notamment les températures glaciales, les toxines et les niveaux concentrés de sel ou d’autres composés dans l’environnement", affirme l’équipe de Leslie Hicks. 

TARDIGRADE OBSERVÉ À L’AIDE D’UN MICROSCOPE CONFOCAL À FLUORESCENCE. LE TARDIGRADE A ÉTÉ SUREXPOSÉ AU 5-MF, UNE SONDE FLUORESCENTE SÉLECTIVE À LA CYSTÉINE, QUI PERMET LA VISUALISATION DES ORGANES INTERNES Crédit : SMYTHERS ET AL., 2024, PLOS ONE, CC-BY 4.0

Tardigrade observé à l'aide d'un microscope confocal à fluorescence. Le tardigrade a été surexposé au 5-MF, une sonde fluorescente sélective de la cystéine, qui permet de visualiser les organes internes. Crédits Smythers et al., 2024, PLOS ONE, CC-BY 4.0

Ces capteurs, basés sur la cystéine, sont donc à l’origine de la robustesse exceptionnelle des tardigrades et lui permettent de faire face à des changements radicaux dans son environnement. Toutefois, ils ne sont pas immortels, loin de là. En dehors de la cryptobiose, il est plutôt vulnérable en réalité. Il existe par ailleurs un millier d’espèces de tardigrades, et chacune résistante à des paramètres différents.

Source https://www.sciencesetavenir.fr/animaux/tardigrade-le-mystere-de-sa-resistance-hors-du-commun-enfin-resolu_176129

Aucun commentaire: