George Orwell (1903-1950), de son vrai nom Eric Arthur Blair, est l'auteur d'une œuvre très marquée par ses engagements politiques. Outre 1984, roman auquel on réduit souvent son œuvre et sa pensée, George Orwell
est aussi l'auteur d'une riche œuvre critique qui, de chroniques en
essais, décortique les mécanismes de la domination, s'inquiète des
ravages de l'industrialisation du monde et prend la défense de la vie
ordinaire de l'homme de la rue, dans laquelle il voit la possibilité
d'une résistance. Inclassable trublion pour les uns, socialiste suspect
pour les autres, hérétique pour tous, George Orwell ne transige pas avec les faits pour obtenir la reconnaissance intellectuelle.
Né le 25 juin 1903 dans les Indes Britanniques. Il suit une brillante scolarité en Grande-Bretagne au collège d'Eton. En 1922, il choisit une carrière militaire afin de repartir en Orient. Après avoir lutté contre l'Empire britannique
en Birmanie alors qu'il est sergent et se confronte à la bestialité de
l'impérialisme britannique ce qui le pousse à démissionner en 1927, mais
aussi pour la justice sociale aux côtés des classes laborieuses de
Londres et de Paris où il vit de petits métiers, sa santé se dégrade
suite à une pneumonie, puis il devient écrivain et parvient à publier
quelques romans (Histoire birmane, 1933 ; la Vache enragée, 1933). Il a participé à la guerre d'Espagne dans les rangs du P.O.U.M. en 1936, alors qu'il est journaliste. Blessé, il retourne à Londres et publie Hommage à la Catalogne en 1938, témoignage de son engagement dans les rangs du P.O.U.M. (Parti Ouvrier d'Unification Marxiste) liquidé par les Staliniens et s'aliène l'intelligentsia dont il critique la prise de distance vis-à-vis de la classe ouvrière.
Il se consacre alors à une œuvre littéraire écrite, "directement ou indirectement, contre le totalitarisme et pour le socialisme démocratique". Avec Un peu d'air, s'il vous plaît
(1939), il fait un pari historique – la lutte contre l'hitlérisme
suppose une révolution en Angleterre – que l'histoire démentira. Témoin
lucide de son temps, auteur notamment de La Ferme des animaux en 1943 pendant la Seconde Guerre mondiale, où il devient journaliste à la BBC,
qui est une fable satirique qui dénonce le stalinisme à travers des
porcs qui s'efforcent de vivre en hommes et de réaliser une utopie,
faisant apparaître sur le mode burlesque la trahison inévitable des
idéaux de toute révolution, et de 1984
en 1949 qu'il rédige au moment où il est malade de la tuberculose, où
il décrit l'avenir totalitaire : l'État prendra le contrôle de la vie
quotidienne, de la mémoire collective, du langage et de la pensée («Big Brother vous regarde»). La «novlangue»
mise au point par le parti rendra impossible l'émergence de pensées
subversives : il n'y aura plus de mots pour les exprimer. Le roman reste
un symbole, non seulement de l'organisation totalitaire, mais encore de
toute forme d'oppression de la pensée au sein des sociétés modernes. Il
meurt à quarante-six ans le 21 janvier 1950, et demande dans son
testament qu'aucune biographie ne retrace sa vie.
Auteur prolifique, journaliste talentueux, militant jusqu'au bout, Orwell est une figure admirable et lucide. Armé d'un socialisme débarrassé "de ses hypocrisies, de ses lâchetés et de ses sottises", il a mené une lutte inlassable contre le totalitarisme. Et chez Orwell, les écrits sont cautionnés par les actes. Toute sa vie fut une quête tendue vers cet "idéal d'un homme déterminé à tout prix à énoncer des vérités pas bonnes à dire". L'œuvre d'Orwell
ne se comprend qu'à partir de l'expérience du déclassement (comme en
témoignent ses premiers romans et enquêtes) et des rencontres avec des
femmes et des hommes luttant pour leur dignité et leur liberté (qu'il
s'agisse des mineurs de Wigan ou des ouvriers espagnols). C'est en
Espagne, aux côtés des milices anarchistes du front d'Aragon, qu'il
prend conscience des méfaits d'une révolution communiste confisquée par
les intellectuels, qu'il n'aura de cesse de combattre au nom du "socialisme démocratique".
Son œuvre sera consacrée, d'une part, à la recherche de ce "socialisme démocratique", qu'il conçoit à l'intérieur d'une tradition civique des "gens ordinaires" et de la common decency ("honnêteté commune")
et d'une tradition libérale de la recherche de la vérité. Et, d'autre
part à la critique impitoyable des contrefaçons du socialisme, soit en
attaquant directement les régimes totalitaires et ceux qui s'en font
directement ou indirectement les complices (notamment les "intellectuels") soit en montrant que certaines tendances totalitaires sont à l'œuvre au sein même de la modernité. La Ferme des Animaux et 1984 illustrent ces deux aspects. L'œuvre d'Orwell pose ainsi la question des conditions à réunir pour que les "gens ordinaires" puissent mener une vie libre et décente.
Pour aller plus loin, je vous conseille ces lectures :
Simon Leys, Orwell ou l'horreur de la politique, Flammarion, 2014,
Stéphane Maltère, George Orwell, Folio, 2015,
Emmanuel Roux, George Orwell, la politique de l'écrivain, Michalon, 2015,
Stéphane Leménorel, George Orwell ou la vie ordinaire, Le Passager Clandestin, 2017,
Merci !
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