Le vote peut-il encore changer les choses ?
Invités :
- Loïc Blondiaux, politiste, enseignant au département de sciences politiques de La Sorbonne, auteur de plusieurs ouvrages sur la démocratie.
- Amandine Crespy, politiste, enseignante à l'Université libre de Bruxelles, rattachée au Cevipol et à l'Institut d'études européennes.
- Dominique Rousseau, constitutionnaliste, professeur de droit constitutionnel à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
Source : https://youtu.be/085o6RUEOwY
Extraits de l'intervention de Loïc Blondiaux :
"Nous vivons dans un système inventé à la fin du XVIIIe s. par des gens qui haïssaient la démocratie."
"Il est un fait qu’aujourd’hui l’Europe mais aussi les gouvernements européens nationaux gouvernent en faveur des catégories les plus dotées, les plus riches de la population et ont très largement abandonnés l’idée de représenter les catégories populaires."
"Je pense qu’il faut aujourd’hui encourager le référendum d’initiative populaire."
"Nous sommes dans un système où la souveraineté du peuple ne s’exerce jamais de manière directe."
"On ne peut plus considérer que le processus de décision est le monopole des élus et que les citoyens sont là pour, tous les 5 ans, se donner des maîtres."
"Cette trahison de la volonté des citoyens on la constate quotidiennement dans le processus électoral. Les représentants interprètent comme ils le veulent le mandat que leur a donné les citoyens."
"On attend de ces expérimentations démocratiques qu’elles produisent de la représentativité, qu’elles soient parfaitement légitime, qu’elles n’aient aucun défaut alors même que les défauts de la « démocratie » représentative sont tout à fait criants."
"On a des acteurs politiques, Nuit Debout en était un exemple, qui ne veulent plus de la représentation, de certaines formes d’autorité, qui croit en la possibilité d’une forme d’inclusion démocratique et d’horizontalité du processus de décision."
9 commentaires:
"Le représentants pensent connaître, mieux que le peuple, ce qui est bon pour le peuple." Vision très paternaliste.
"Le diable se cache dans les détails", dit-on. Le référendum n'est pas forcément un outil démocratique idéal. Tout dépend de :
- qui pose la question,
- pourquoi il pose cette question
- et surtout comment il formule la question.
L'exemple de James Cameron qui a joué avec le référendum sur le Brexit, dans une tactique politicienne, pour asseoir son rôle de dirigeant du Parti Conservateur, lui est revenu dans la figure. Le peuple a "mal" voté (du point de vue de l'Union Européenne).
Mais à la différence de "l'élite" française de 2005, l'élite britannique a cédé devant la volonté du peuple et n'a pas organisé une deuxième vote entre parlementaires pour invalider le choix du peuple.
On ne nait pas citoyen, on le devient.
Et on le devient par la délibération, par la raison.
Depuis 2009, il existe une "initiative citoyenne européenne" mais elle est très encadrée, avec une série de règles pour qu'elle puisse être enregistrée, validée :
- il faut que le comité citoyen rassemble au moins un million de demandeurs
- des demandeurs d'au moins sept États-membres de l'Union Européenne
- avec des minima/seuils selon les États (4500 pour Malte, 75000 pour l'Allemagne, etc.)
- et que l'objet de la demande relève de la compétence de la Commission Européenne puisque le question s'adresse à elle.
Depuis 2012, depuis que le mécanisme est en vigueur :
- vingt initiatives ont été rejetées, invalidées,
- seize ont été validées mais n'ont pas atteint le million de signatures
- et, au final, trois initiatives qui ont été couronnées de succès ... mais la réponse de la Commission Européenne a été "un peu" décevante (pas de résultats en termes de propositions législatives).
Par exemple la campagne de l'eau dont le slogan était : "L'eau n'est pas une marchandise, c'est un droit". Il était demandé à la Commission Européenne de produire un texte contre la libéralisation (mis en concurrence public/privé) et contre la privatisation de la distribution de l'eau.
La Commission, contrainte te forcée, a répondu qu'en terme de règlementation de la qualité de l'eau, les performances européennes étaient excellentes, et qu'en ce qui concerne la distribution d l'eau, c'était de la compétence des gouvernements nationaux de voir s'ils voulaient un service public ou au contraire déléguer ce service à une entreprise privée.
Sur la vivisection ou la recherche sur les embryons, la Commission a répondu qu'un texte entrerait en contradiction avec ce que les États-membres et le Parlement européen ont déjà décidé [quand on sait que le Parlement ne vient que valider les décisions de ... la Commission Européenne] c'est-à-dire le droit primaire, les traités ou la législation européenne déjà existante.
Conflit entre le "participatif" (initiative populaire) et le "représentatif" (élus).
Démocratie continue, démocratie délibérative. Pas simplement du vote. D'abord de la délibération.
Le référendum s'articule sur deux points :
- est-ce simplement binaire "oui"/"non" ou peut-on nuancer, participer à la proposition
- et dans quelle mesure le résultat du référendum lie-t-il les décideurs ?
Il serait intéressant d'utiliser le tirage au sort pour sélectionner un panel de personnes des différents pays européens qui serait convoqué afin de délibérer pendant un temps donné sur un sujet donné.
Les "représentants" ne veulent pas lâcher leur monopole de la création des règles. C'est eux qui verrouillent le système.
On est donc à la croisée des chemins entre :
- les îlots de démocratie réelle/directe
- et un repli autoritaire des représentants.
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