Voilà 200 000 ans que l’Homo sapiens vit en Afrique et ce
n’est que 100 000 à 150 000 ans plus tard qu’il s’est mis à conquérir le
reste la planète. Les hommes du continent noir possèdent donc une
avance évolutionnaire considérable sur les autres et celle-ci se traduit
par une grande diversité culturelle et linguistique. L’Afrique compte
près de 2 000 ethnies différentes et regroupe un tiers des langues du
monde. Et cette diversité s’observe également dans les gènes : nulle
part ailleurs on ne trouve autant de variété dans le génome humain.
Une
étude à grande échelle sur le sujet a été menée par une équipe de
généticiens américains, africains et européens. Ces résultats sont parus
récemment [2009] dans la revue Science. “Parmi les découvertes les plus
importantes que nous ayons faites, on peut citer cette immense diversité
génétique que l’on retrouve non seulement au sein des ethnies, mais
également entre les ethnies”, confie Sarah Tishkoff, de l’université de Pennsylvanie à Philadelphie. “Il n’existe pas de groupe ‘africain type’ qui serait représentatif de tous.”
Pendant près de dix ans, Sarah Tishkoff et son équipe ont collecté des échantillons d’ADN
auprès de 121 groupes ethniques répartis dans toute l’Afrique. Ils ont
ensuite étudié 1 327 marqueurs génétiques. Il s’agit de séquences du
génome humain présentant de très nombreuses variantes. Les similitudes
qu’ils ont découvertes permettent de supposer que les tout premiers
hommes ont vécu dans le sud-ouest du continent, notamment dans la région
délimitant la Namibie et l’Afrique du Sud. C’est dans cette zone que
vit aujourd’hui le peuple des San (Bochimans), dont le génome présente
le plus grand nombre de variations. On peut ainsi supposer qu’ils
seraient les descendants des premiers représentants du genre humain.
Partant
du sud, les hommes auraient ensuite colonisé le reste du continent
africain – en emportant leur langue et leur culture avec eux. On peut
aujourd’hui classer les langues africaines en quatre familles : les
langues khoisan, aux clics caractéristiques, les langues
nigéro-congolaises, les langues nilo-sahariennes et les langues
afro-asiatiques. “Pour qu’une langue arrive dans une nouvelle région, il faut au minimum deux locuteurs”, explique Christopher Ehret, de l’Université de Californie à Los Angeles. “Or,
dans le cadre de migrations, on a souvent un grand nombre de locuteurs
qui s’installent simultanément dans une nouvelle région. Il est donc
normal que les déplacements de population s’accompagnent également d’une
circulation des langues.”
On peut aussi reconstituer des événements récents
Les chercheurs ont toutefois trouvé des cas où le génome ne correspondait pas au modèle linguistique. “Dans
le nord du Cameroun et au Tchad, il y a des personnes qui parlent une
langue afro-asiatique mais ressemblent sur le plan génétique à des
locuteurs de langue nilo-saharienne. Ces populations ont donc dû changer
de langue à un moment de l’Histoire”, confie Sarah Tishkoff. C’est
ce qu’ont dû faire les Pygmées d’Afrique centrale. Ils parlent
aujourd’hui la langue des ethnies voisines, une forme de bantou. Or
l’analyse génétique montre que les Pygmées partagent des ancêtres
communs avec des ethnies qui vivent à des milliers de kilomètres de là.
Sarah Tishkoff et son équipe ne se sont pas seulement intéressés aux
ancêtres communs des populations africaines, ils ont également étudié
les origines d’autres populations humaines du globe.
Il y a 50 000 à
100 000 ans, les hommes sont partis du nord-est de l’Afrique, au niveau
de la mer Rouge, pour conquérir le reste du monde. Ils ont d’abord
colonisé le Proche-Orient et l’Europe. A chaque vague d’émigration, la
diversité génétique s’est peu à peu amenuisée. Les chercheurs appellent
ce phénomène l’effet “goulot de bouteille.” “Ce sont les populations les plus anciennes qui présentent la plus grande diversité génétique”, précise Sarah Tishkoff.
L’étude
du génome africain permet également de reconstituer des événements
historiques plus récents. D’après leur matériel génétique, les
Africains-Américains, par exemple, viennent essentiellement de l’Afrique
de l’Ouest.
Cette étude, la plus grande jamais réalisée à ce jour
sur la diversité génétique en Afrique, pourrait apporter bien plus que
de nouveaux éléments sur les origines géographiques de l’homme. Pour Scott Williams, de l’université Vanderbilt de Nashville (Tennessee), elle constitue aussi une base pour de futures recherches médicales.
“En
retraçant ces variations de génome dans les populations humaines, nous
pourrions identifier des variantes génétiques responsables de
pathologies particulières ou trouver des moyens de protection contre
certaines maladies.”
Les Africains de l’Ouest, par exemple,
présentent une prédisposition particulièrement élevée au cancer de la
prostate et à l’hypertension artérielle, alors que les Kényans et les
Tanzaniens ont une capacité à digérer le lait que l’on ne trouve chez
aucun autre peuple africain, ajoute-t-il.
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