Je vous parle de Bernard Friot depuis des années. Je le trouve épatant, attachant, émancipant… important.
Mon enthousiasme redouble encore, cette fois, avec cette (passionnante) conférence sur… la laïcité. Pourtant, jusque-là je pensais que le concept de laïcité était vraiment « à la marge » de mon travail (je me penche très peu sur les questions religieuses).
Eh bien, vous allez voir comment Bernard replace étonnamment la laïcité (laikos = peuple) au cœur de nos réflexions politiques modernes.
Les conférences de Bernard sont de plus en plus puissantes (et utiles), je trouve.
Bernard Friot: Religion Capitaliste & Laïcité (partie 1/2) : https://www.youtube.com/watch?v=3vW8EoVUaEo
Bernard Friot: Religion Capitaliste & Laïcité (partie 2/2) : https://www.youtube.com/watch?v=oIdzo2HpRYk
Il faudrait retranscrire cette conférence, je crois : sa langue est claire, convaincante, son message est à la fois subversif et émancipant. Mais je n’ai pas le temps.
[Edit (6 mai) : ça y est Nicole a retranscrit toute la partie 1 !
http://etienne.chouard.free.fr/Europe/Bernard_FRIOT_Laicite_vs_Capitalisme_fevrier_2015.pdf
Incroyable cerveau collectif…
Merci Nicole ! ]
J’ai gratté en l’écoutant plus de 30 pages de notes (avec mon écriture de pattes de mouches), et je vais en retranscrire ici les grandes lignes, pour que vous en sentiez l’importance (pour nous tous) :
[Extrait de mes notes, prises au vol :]
Il ne faut pas réduire la laïcité à la seule séparation entre l’Église et l’État ; elle passe par là, bien sûr, mais le
fondement de la laïcité, c’est de rendre possible des lois, des
institutions, qui affirment, contre le pouvoir, la souveraineté
populaire (laikos = peuple).
En effet, le pouvoir exerce toujours son emprise contre la souveraineté populaire par le biais de croyances religieuses, en l’occurrence aujourd’hui des croyances « économiques ».
On va décrire ici 5 croyances religieuses, des croyances qui, aujourd’hui, appuient le pouvoir de la classe dirigeante contre la souveraineté populaire :
1) La croyance (religieuse, irrationnelle) que
« le patrimoine crée de la valeur économique »
(croyance en la légitimité de la propriété lucrative ;
croyance que « il est normal de tirer un revenu d’un patrimoine »,
alors que la seule source de valeur est — exclusivement — le travail vivant).
Antidote laïc : la copropriété d’usage des outils de travail.
2) La croyance (religieuse, irrationnelle) dans
« la nécessité d’un marché du travail »
(marché du travail qui est la cause première du chômage !
croyance qu’il est légitime d’attacher le salaire au poste de travail,
et que seuls les employés subordonnés à un employeur créent de la valeur économique).
Antidote laïc : le droit au salaire à vie, comme matrice universelle du travail, avec qualification de la personne. Nous n’avons pas besoin d’employeurs pour travailler.
3) La croyance (religieuse, irrationnelle) dans
« la nécessité du crédit pour financer les investissements »
(nous pensons « manquer d’argent », alors que ceux qui proposent de nous prêter de l’argent (moyennant un intérêt non nécessaire et ruineux) viennent de nous le piquer !)
Antidote laïc : la subvention de l’investissement, grâce à l’impôt et à la cotisation sociale (dont nous devrions demander l’augmentation massive, pour devenir les souverains de la valeur). Nous n’avons pas besoin de prêteurs pour financer l’investissement. Le Trésor public subventionne, il ne prête pas.
4) La croyance (religieuse, irrationnelle) dans le fait que
« la réduction du temps de travail est la mesure de la productivité »
(croyance qu’il faut travailler plus vite pour travailler mieux ; harcèlement du management).
Antidote laïc : qualification du producteur (et pas du poste) et convention collective (par qui le salaire ne dépend plus du temps passé à travailler)
5) La croyance (religieuse, irrationnelle) dans le fait que
« la Sécurité sociale, c’est de la solidarité »
(croyance que « ceux qui travaillent » paient pour « ceux qui ne travaillent pas »).
Antidote laïc : la cotisation comme salaire signifie que TOUS ceux qui produisent des biens non marchands produisent AUSSI de la valeur économique.
Finalement, la religion du capital, elle nous dit que « ne produit de la valeur économique que celui qui va se vendre sur un « marché du travail » et se soumettre à un propriétaire lucratif, qui a financé son investissement par crédit, et qui mesure la valeur de ce qu’on produit par le temps passé à travailler. En dehors de ça, il n’y a pas de production de valeur, ce n’est que de l’utilité sociale ; donc, tous les autres, qui touchent de l’argent autrement, c’est grâce à la solidarité. »
Et cette religion a des curés, qui viennent prêcher le catéchisme du capital, tous les matins à la radio, au 6-9 : « si vous n’êtes pas sages, vous irez en enfer ».
Déplaçons notre combat laïc ; nos sociétés ne sont qu’à mi-chemin dans la bagarre de la laïcité.
C’est vraiment une bonne synthèse du travail de Friot, je trouve. En effet, le pouvoir exerce toujours son emprise contre la souveraineté populaire par le biais de croyances religieuses, en l’occurrence aujourd’hui des croyances « économiques ».
On va décrire ici 5 croyances religieuses, des croyances qui, aujourd’hui, appuient le pouvoir de la classe dirigeante contre la souveraineté populaire :
1) La croyance (religieuse, irrationnelle) que
« le patrimoine crée de la valeur économique »
(croyance en la légitimité de la propriété lucrative ;
croyance que « il est normal de tirer un revenu d’un patrimoine »,
alors que la seule source de valeur est — exclusivement — le travail vivant).
Antidote laïc : la copropriété d’usage des outils de travail.
2) La croyance (religieuse, irrationnelle) dans
« la nécessité d’un marché du travail »
(marché du travail qui est la cause première du chômage !
croyance qu’il est légitime d’attacher le salaire au poste de travail,
et que seuls les employés subordonnés à un employeur créent de la valeur économique).
Antidote laïc : le droit au salaire à vie, comme matrice universelle du travail, avec qualification de la personne. Nous n’avons pas besoin d’employeurs pour travailler.
3) La croyance (religieuse, irrationnelle) dans
« la nécessité du crédit pour financer les investissements »
(nous pensons « manquer d’argent », alors que ceux qui proposent de nous prêter de l’argent (moyennant un intérêt non nécessaire et ruineux) viennent de nous le piquer !)
Antidote laïc : la subvention de l’investissement, grâce à l’impôt et à la cotisation sociale (dont nous devrions demander l’augmentation massive, pour devenir les souverains de la valeur). Nous n’avons pas besoin de prêteurs pour financer l’investissement. Le Trésor public subventionne, il ne prête pas.
4) La croyance (religieuse, irrationnelle) dans le fait que
« la réduction du temps de travail est la mesure de la productivité »
(croyance qu’il faut travailler plus vite pour travailler mieux ; harcèlement du management).
Antidote laïc : qualification du producteur (et pas du poste) et convention collective (par qui le salaire ne dépend plus du temps passé à travailler)
5) La croyance (religieuse, irrationnelle) dans le fait que
« la Sécurité sociale, c’est de la solidarité »
(croyance que « ceux qui travaillent » paient pour « ceux qui ne travaillent pas »).
Antidote laïc : la cotisation comme salaire signifie que TOUS ceux qui produisent des biens non marchands produisent AUSSI de la valeur économique.
Finalement, la religion du capital, elle nous dit que « ne produit de la valeur économique que celui qui va se vendre sur un « marché du travail » et se soumettre à un propriétaire lucratif, qui a financé son investissement par crédit, et qui mesure la valeur de ce qu’on produit par le temps passé à travailler. En dehors de ça, il n’y a pas de production de valeur, ce n’est que de l’utilité sociale ; donc, tous les autres, qui touchent de l’argent autrement, c’est grâce à la solidarité. »
Et cette religion a des curés, qui viennent prêcher le catéchisme du capital, tous les matins à la radio, au 6-9 : « si vous n’êtes pas sages, vous irez en enfer ».
Déplaçons notre combat laïc ; nos sociétés ne sont qu’à mi-chemin dans la bagarre de la laïcité.
C’est un nouveau bel outil d’éducation populaire que Bernard — et ceux qui l’ont invité et ceux qui ont produit ce film — nous offrent.
À nous, ensuite, de le faire connaître autour de nous.
Faites passer…
Source : http://chouard.org/blog/2015/04/29/passionnant-friot-sur-la-laicite-outil-radical-de-desintoxication-des-croyances-religieuses-capitalistes/
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