jeudi 3 octobre 2024

Réflexions sur la non-violence face à l’ultra-violence étatico-marchande 2ème partie (Günther Anders, Peter Gelderloos & Résistance 71)

 

Nous ouvrons ici une réflexion sur la non-violence d’une résistance au système étatico-marchand dans le contexte moderne avec deux textes, le premier ci-dessous de Günther Anders et le second plus récent de Peter Gelderloos. (Voir ci-dessous) Toute résistance doit réfléchir à cette question : quand la violence soi-disant “légitime” de la répression systémique augmente, comment ceux qui lui résistent doivent-ils se comporter ? Nous pensons qu’une confrontation directe de rue ne peut mener qu’à une violence croissante parce que c’est là où le système affirme sa supériorité physique et technologique. Si le choix tactique est la confrontation de rue, alors la résistance doit se préparer à la guérilla urbaine, Gaza à l’échelle planétaire. Il y a néanmoins une autre solution : celle de changer totalement et en nombre suffisant notre relation avec l’état et la marchandise en créant des associations libres s’associant elle-mêmes en communes, partout, solidairement et développant un mode de vie ignorant le système en place, une société parallèle qui, par l’efficacité de sa coordination sociale, incitera toujours plus de personnes à la rejoindre, alimentant ainsi la nouvelle société des sociétés. Il sera cependant nécessaire de la protéger d’agressions potentielles de l’ancien système disparaissant pas à pas dans les oubliettes de l’histoire, mais s’accrochant à ses privilèges. La violence sera réduite à un strict minimum temporaire, essentiellement de défense du nouveau contrat social, celui-ci volontairement accepté par ses participants et donc tout autant évident que motivant à défendre. Descendre dans la rue confronter l’État pour affirmer son mécontentement est voué systématiquement à l’échec. Défendre ce qu’on a créé, volontairement associés, une nouvelle société solidaire et égalitaire, nous place sur la plus haute marche morale et nous donne l’avantage psychologique… Le problème de la résistance au système aujourd’hui, c’est qu’elle ne fait que contester, sans rien avoir à proposer. Si elle avait une société parallèle fonctionnant à défendre, ce ne serait plus du tout la même limonade… Tout commence par dire NON ! S’associer et créer avec l’idée d’auto-défense. Nous devrons passer par là, bientôt, il en va de la survie de l’humanité qui est menée dare dare à l’extinction par les actions des gardiens psychopathes du système étatico-marchand avides de mettre en place leur dictature planétaire finale.
Tel est l’enjeu et le rôle du peuple en arme sera décisif…
~ Résistance 71 ~

1ère partie : Günther Anders

2ème partie : Peter Gelderloos

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L’alternative au mouvement non-violent : possibilités d’activisme révolutionnaire

Peter Gelderloos

2007

~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~

NdR71 : ce texte ci-dessous est la traduction de la dernière partie du long essai de Peter Gelderloos “Comment la non-violence protège l’État” (2007). L’essai est composé d’une introduction et de 7 parties très argumentées et documentées plus de 230 notes de références), les six parties précédentes ont pour sous-titres : la non-violence est inefficace, la non-violence est raciste, la non-violence est étatiste, la non-violence est patriarcale, la non-violence est stratégiquement et tactiquement inférieure, la non-violence est illusoire. En voici la conclusion alternative… Bonne lecture et merci de diffuser ce texte essentiel d’analyse lucide sur le sujet.

“Avec l’anarchie comme but et comme moyen, le communisme devient possible. Sans cela, il serait forcément la servitude et, comme tel, il ne pourrait exister.”
~ Pierre Kropotkine, 1903 ~

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J’ai fait plusieurs fortes argumentations, parfois au vitriol, contre l’activisme non-violent et je n’ai pas dilué ces arguments. Mon but a été d’insister sur des critiques bien souvent passées sous silence, afin de faire passer par le fenêtre la main mise que le pacifisme possède sur le discours du mouvement ; une main mise qui exerce un tel monopole sur la morale putative et l’analyse stratégique / tactique dans bien des cercles et qui va jusqu’à empêcher même la reconnaissance d’une alternative faisable. Les révolutionnaires en herbe doivent comprendre que le pacifisme est si fade et contre-productif qu’une alternative est un impératif. Ainsi seulement pourrons-nous juger et penser efficacement les différentes voies de lutte et, je l’espère, de manière plus pluraliste et décentralisée par la même occasion, plutôt que de tenter de renforcer une ligne de parti ou de suivre le seul programme révolutionnaire “correct”.

Mon argument n’est pas que tous les pacifistes soient des carpettes ou des vendus sans regagner un mérite ou une place dans un mouvement révolutionnaire. Beaucoup de pacifistes sont des révolutionnaires en herbe de bonne volonté, qui ont simplement été incapables de dépasser leur conditionnement culturel, qui les programme à réagir instinctivement contre les assauts fait au dieu état comme s’agissant du plus haut crime et de la plus haute trahison. Une poignée de pacifistes ont démontré une telle motivation et un tel engagement dans la révolution, ont pris tant de risques et fait tant de sacrifices, qu’ils sont au-dessus de toute critique possible réservée habituellement aux pacifistes et posent même un défi au fonctionnement du statu quo, particulièrement lorsque leur moralité ne les empêche pas de travailler solidairement avec des révolutionnaires non pacifistes. La question est que le pacifisme, en tant qu’idéologie, avec ses prétentions au delà de la pratique personnelle, sert les intérêts de l’État et est enveloppé psychologiquement de manière irrémédiable dans le schéma de contrôle du patriarcat et de la suprématie blanche.

Maintenant que j’ai démontré le besoin de remplacer une pratique révolutionnaire non-violente, je voudrais élaborer sur ce avec quoi on pourrait la remplacer, car de nombreuses formes non-pacifistes de lutte révolutionnaire contiennent aussi des défauts terminaux. Dans un débat, les pacifistes vont typiquement généraliser quelques fautes larges par des exemples de révolutions historiques, éviter toute analyse de détail, et faire leur argumentation. Mais plutôt que de dire par exemple “Vous voyez, la violente révolution russe a mené à un autre gouvernement autoritaire et violent, donc la violence est contagieuse.” Cela aiderait aussi de faire remarquer que tout ce que les léninistes voulaient était un gouvernement autoritaire, capitaliste repeint en rouge avec eux à sa tête et dans leurs propres termes et objectifs, ils furent couronnés de succès.

On pourrait aussi faire remarquer l’existence contemporaine de cette révolution des anarchistes révolutionnaires du sud de l’Ukraine (NdT : mouvement makhnoviste), qui constamment refusèrent le pouvoir bolchévique et pendant des années libérèrent de vastes zones des Allemands, des nationalistes ukrainiens antisémites, des royalistes et des rouges bolchéviques, mais qui n’imposèrent jamais leur volonté à ceux qu’ils libérèrent et qu’ils encourageaient à s’auto-organiser. Brossant de côté plus avant l’analyse généraliste et mystifiante du pacifisme, cela nous ferait du bien de nous salir les mains dans les détails historiques et d’analyser les degrés de violence, peut-être en montrant qu’en termes de dépravation structurelle et de répression d’état, la Cuba de Castro, le produit d’une révolution violente, est sans conteste  bien moins violente que la Cuba de Batista. Mais il y a déjà suffisamment d’adorateurs de Castro, ce qui m’incite à ne pas dépenser mon énergie là-dessus.

Le point commun de toutes ces révolutions autoritaires est leur forme hiérarchique d’organisation. L’autoritarisme de l’URSS ou de la République Populaire de Chine ne fut pas une translation mystique de la violence utilisée, mais une fonction directe des hiérarchies avec lesquelles elles furent mariées dès le départ. Il est vague, sans aucun sens et en fin de compte faux de dire que la violence produit toujours certains schémas psychologiques et relations sociales. Par contre, la hiérarchie est inséparable des schémas psychologiques et des relations sociales de domination. En fait, la plupart de la violence dans une société qui est sans conteste mauvaise provient des hiérarchies coercitives. En d’autres termes, le concept de hiérarchie a plus de précision analytique et morale faisant défaut au concept de violence. Ainsi donc, pour vraiment réussir, une lutte de libération doit utiliser tous les moyens nécessaires consistants avec la construction d’un monde libre de hiérarchies coercitives. (NdT : comme le disait Pierre Clastres, il n’y a pas de société sans pouvoir, mais le pouvoir s’exerce de deux manières possibles : de manière non-coercitive (sans hiérarchie et système d’imposition) et de manière coercitive (hiérarchisé avec système de contrôle). Nous avons analysé et compilé tout cela dans notre “Manifeste pour la société des sociétés” (2017)

Cet anti-autoritarisme doit se refléter à la fois dans l’organisation et dans l’ethos du mouvement de libération. Côté organisationnel, le pouvoir doit être décentralisé, ceci veut dire par de partis politiques ou d’institutions bureaucratiques. Le pouvoir doit se situer le plus près possible de la base populaire (NdT : dilué dans le corps social), les individus et groupes œuvrant dans une communauté (NdT : d’association véritablement  libre). Parce que les groupes populaires et communautés sont confinés par les conditions de vie et sont en contact constant avec des gens en dehors du mouvement, l’idéologie tend à la fluidité verticale, se concentrant dans des “comités nationaux” et autres niveaux centralisés (qui rassemblent des gens pensant de la même façon, théoriciens et éloignés du contact avec le peuple et des réalités de la vie quotidienne). Peu de choses ont plus de potentiel pour l’autoritarisme qu’une forte idéologie.

Ainsi donc, le plus d’autonomie et de pouvoir décisionnaire que possible doivent demeurer au niveau de la base populaire. Quand des groupes locaux ont besoin de se fédérer ou de se coordonner sur une zone géographique plus vaste et la difficulté de cette lutte va demander de la coordination, de la discipline, du partage de ressources et une stratégie commune, quelque soit l’organisation qui en émerge, devra s’assurer que les groupes locaux ne perdent pas leur autonomie et que les organisations plus vastes créées (comités régionaux, nationaux ou une fédération) soient faibles, temporaires, remplacées fréquemment, à mandat révocable et toujours dépendant de la ratification par les groupes locaux. (NdT : ceci est le mode de fonctionnement de gouvernance amérindien au sens large, meilleur exemple, la confédération iroquoise, Haudenausonee avec sa Grande Loi de la Paix, Kaianerekowa. Également l’organisation zapatiste (à base Maya) du Chiapas dans le sud-est du Mexique depuis 1994) Dans le cas contraire, ceux qui remplissent les factions du plus haut niveau ont toutes les chances de développer un état d’esprit de contrôle bureaucratique et l’organisation se développera sans doute de par ses propres intérêts, qui bientôt divergeront des intérêts du mouvement populaire.

De plus, aucune organisation ne doit monopoliser le mouvement. Les organisations ne doivent pas être des empires ; elles doivent être des outils temporaires qui se chevauchent, prolifèrent et meurent, disparaissent quand on en n’a plus besoin. Un mouvement sera bien plus difficile à infiltrer et à coopter s’il y a une diversité de groupes remplissant les niches différentes et poursuivant des objectifs similaires. Ces groupes seront moins prônés à la zizanie si les gens du mouvement tendent à appartenir à de multiples groupes plutôt que d’être fidèle et loyal à un seul groupe.

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“La révolution anarchiste est aujourd’hui la révolution naturelle, celle qui ne peut pas se laisser dériver ou confisquer par des groupes, factions ou partis, classes ou autorités.”
~ López Arangó ~

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La culture ou l’ethos du mouvement de libération est aussi vital. Des structures non-coercitives sont facilement détournées si la culture et les désirs des gens faisant fonctionner ces structures les tirent vers d’autres objectifs. Pour commencer, une culture de libération doit favoriser le pluralisme au monopole. En termes de lutte, ceci veut dire que nous devons abandonner l’idée qu’il ne peut y avoir qu’une seule et unique façon de faire, que nous devons avoir tout le monde à bord de la même plateforme ou rejoindre la même organisation. Au contraire, la lutte bénéficiera d’une pluralité de stratégies attaquant l’État sous plusieurs angles. Ceci ne veut pas dire que tout le monde doit travailler tout seul dans son coin ou avec des objectifs croisés. Nous devons nous coordonner et nous unifier le plus possible afin d’augmenter notre force collective, mais nous devons aussi reconsidérer combien de conformité est en fait possible. Il est impossible d’avoir tout le monde d’accord sur une stratégie de lutte et que celle-ci serait la meilleure, et de fait, cette contention est probablement fausse. Après tout, des gens différents ont des forces et expériences différentes et font face à différents aspects de l’oppression : il ne peut qu’être censé de reconnaître qu’il y ait plusieurs chemins de lutte sur lesquels lutter ensemble, simultanément, vers la libération.

Le monothéisme autoritaire inhérent à la civilisation occidentale nous inciterait à voir d’autres chemins comme étant des détours non-intelligents, des concurrences, nous pourrions même essayer de réprimer ces autres tendances au sein du mouvement. L’anti-autoritarisme demande que nous abandonnions cet état d’esprit, que nous reconnaissions l’inévitabilité des différences et tensions, que les personnes qui dévient de notre façon de faire, sont aussi des alliés. Après tout, nous ne sommes pas en train d’imposer une société nouvelle utopique sur tout le monde après la révolution ; le but est de détruire les structures de pouvoir centralisé de façon à ce que chaque communauté ait l’autonomie pour s’organiser de la façon dont ses membres le décident de manière collective, d’une façon qui leur permettra au mieux de satisfaire leurs besoins tout en rejoignant ou quittant des associations libres d’entraide ayant des communautés autour d’elles.

Tout le monde a un potentiel inné pour la liberté et l’auto-organisation ; ainsi donc, si nous nous identifions comme anarchistes, notre boulot n’est pas de “convertir” tous les autres à l’anarchisme, mais d’utiliser notre perspective et nos expériences collectives pour nous préserver contre les efforts de cooptation de cette gauche institutionnelle et de fournir des modèles de relations sociales autonomes et d’auto-organisation, d’autogestion, dans des cultures où rien de tout cela n’existe.

Il y a aussi la question du leadership dans une lutte anti-autoritaire. L’idée traditionnelle de leadership, en tant que rôle institutionnalisé ou coercitif, de contrôle des gens, est hiérarchique et inhibitrice de la croissance populaire. Mais il est aussi vrai que les personnes ne sont pas égales en termes de capacités, que cette révolution demandera une grande quantité d’expertise et que des gens intelligents, sans ego seront plus enclins à volontairement placer quelqu’un ayant plus d’expertise que d’autres dans une position de leadership temporaire non-coercitif.

L’approche d’un ethos anti-autoritaire envers le leadership est celle qui veut que le pouvoir ait besoin d’être constamment redistribué vers l’extérieur. C’est la responsabilité des gens de se retrouver en position de leadership, de prêter leurs talents au mouvement tout en diffusant leur leadership alentour, enseignant aux autres plutôt que de s’accrocher à leur expertise comme à une forme de pouvoir.

De plus, un ethos anti-autoritaire favorise de combattre sans aucun compromis contre l’oppression, mais s’oppose à l’écrasement de ceux qui sont défaits ; il favorise la réconciliation plutôt que la punition.

Avec ces structures et cette culture, un mouvement de libération a bien plus de chance d’avoir du succès sans avoir à créer un autre système autoritaire. Il y aura toujours une tension entre être efficace et être libérateur et dans la complexité de la lutte, il y a plein d’espace gris, mais cela aide grandement de voir cultiver une pratique anti-autoritaire comme une constante bataille entre deux requis (efficacité et liberté) qui sont en conflit mais ne s’excluant pas mutuellement. La vision pacifiste de la lutte, basée sur une dichotomie polaire entre violence et non-violence, est irréaliste et est une défaite à terme auto-infligée.

Plus concrètement, il est difficile de généraliser sur le comment un mouvement de libération utilisant toute une diversité de tactiques, devrait conduire sa lutte. Des groupes spécifiques doivent décider cela d’eux-mêmes fondé sur les conditions auxquelles ils doivent faire face et non pas basé sur les prescriptions d’une quelconque idéologie. Il est plus que probable qu’un mouvement de libération anti-autoritaire mettrait une certaine emphase sur la construction d’une culture de l’autonomie qui puisse résister au contrôle des esprits des médias de masse et la fondation de centres sociaux, d’écoles libres, de cliniques libres, d’une agriculture de communauté (non-industrielle) et autres structures qui puissent soutenir la resistance des communautés.

Les occidentaux ont aussi besoin de développer des relations sociales collectives. Pour ceux qui grandissent dans le Nord, être anarchiste ne fournit pas d’exception pour ce qui est d’être imbu d’individualisme, de punition et de formes basées sur le privilège d’interactions sociales. Nous avons besoin d’employer des modèles efficaces de justice restauratrice ou transformatrice de façon à ce que nous n’ayons plus besoin de police ni de prisons. Tant que nous sommes dépendants de l’État, nous ne le renverserons jamais. (NdT : Gustav Landauer disait que l’État ne peut être aboli que lorsque nous changeons de relation avec celui-ci et ses institutions. L’État est avant tout un mode relationnel. Changeons e mode de relatons et nous changeons… TOUT…)

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“Vous ne serez et ne demeurerez que des commodités aussi longtemps que l’empire existera…”
~ Russell Means, Oglala, Lakota, fondateur de l’Américain Indian Movement ~

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Les lecteurs auront peut-être remarqué que les requis initiaux majeurs d’un mouvement de libération n’incluent pas d’actions “violentes”. J’espère que dorénavant nous puissions abandonner définitivement la dichotomie entre violence et non-violence. L’utilisation de la violence n’est pas une étape de la lutte que nous devons mettre en place afin qu’elle “passe” et pour gagner. Cela n’aide en rien d’isoler la violence. Nous devons plutôt être conscients de certains types de répression auxquels nous devrons faire face, certaines tactiques que nous devrons probablement utiliser. A chaque étape de la lutte, nous devons cultiver un esprit militant. Nos centres sociaux devraient honorer les activistes militants en prison et ceux qui ont été tués par l’État ; nos écoles libres disent enseigner la self-defense et l’histoire de la lutte. Si nous attendons d’amener le militantisme jusqu’à ce que l’état ait augmenté la répression à un tel niveau que cela devienne évident qu’il nous a déclaré guerre (NdT : nous y sommes, depuis 2019 et l’attaque nano-biotechnologique COVID-19, injections ARNm sur l’humanité… Nous y étions déjà auparavant, mais 2019 est la date historie de la guerre oligarchique contre les peuples. L’oligarchie systémique a déclenché une guerre nano-biotechnologique contre les peuples et il est grand temps de bouger et d’y mettre fin une bonne fois pour toute !), il sera trop tard. Cultiver le militantisme devrait aller de paire avec la preparation et l’embrasse.

Il est dangereux de se retrouver complètement coupé d’une réalité de masse en se précipitant en des tactiques que personne d’autre ne peut comprendre et encore moins soutenir. Les gens qui agissent prématurément et se coupent du soutien populaire seront des proies faciles pour le gouvernement. Ceci dit, nous ne pouvons pas laisser nos actions être déterminées par ce qui est acceptable dans la perception de masse. Les opinions de masse sont conditionnées par l’état, suivre la masse, c’est suivre l’état. Nous devons au contraire augmenter le militantisme, éduquer au travers d’actions exemplaires et augmenter le niveau de militantisme acceptable (à au moins des segments de la population identifiés à des soutiens potentiels). Les radicaux ayant un historique privilégié ont le plus de boulot à faire à cet égard parce que ces communautés ont les réactions les plus conservatrices aux tactiques militantes. Les radicaux privilégiés sont plus enclins à demander “Qu’est-ce que la société penserait ?” Comme excuse à leur passivité.

Augmenter l’acceptation des tactiques militantes n’est pas chose aisée, nous devons amener graduellement les gens à accepter plus de formes militantes dans la lutte. Si nous ne pouvons donner qu’un seul choix entre le lancer de bombe et le vote, pratiquement tous nos alliés choisiront le vote. Et bien que plus de conditionnement culturel doive être dépassé avant que les gens n’acceptent et ne pratiquent des tactiques plus dangereuses, plus mortelles, ces tactiques ne peuvent pas non plus être placées au sommet de quelque hiérarchie. Le fétichisme de la violence ne va jamais améliorer l’efficacité du mouvement ni préserver ses qualités anti-autoritaires.

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A cause de la nature même de l’État, toute lutte de libération deviendra probablement une lutte armée. En fait, bien des gens sont engagés dans une lutte armée pour se libérer dès maintenant, les Irakiens, les Palestiniens, le peuple Ijaw au Nigéria, quelques nations indigènes d’Amérique du sud (NdT : comme les Mapuche au Chili et en Argentine) et de Papouasie Nouvelle-Guinée et de manière moindre des groupes anti-autoritaires en Grèce, en Italie et ailleurs. Alors que j’écris cette phrase, des activistes indigènes, des anarchistes et des syndicalistes, armés de briques et de matraques tiennent des barricades à Oaxaca (NdT : sud-ouest du Mexique, Gelderloos écrit ceci en 2007 rappelons-le…) contre un assaut militaire à venir. Certains d’entre eux ont déjà été tués et alors que l’armée attaque encore et toujours, ils doivent décider pour escalader les tactiques afin d’améliorer leur capacité d’auto-défense, ce au risque de graves conséquences.

Je ne dirai pas que la lutte armée est une nécessité idéologique, mais que pour beaucoup de gens dans beaucoup d’endroits, cela devient une nécessité pour renverser ou simplement se défendre, contre l’État. Ce serait merveilleux si la plupart des gens n’avaient pas à aller au travers de ce processus de lutte armée pour se libérer et, étant donné le niveau d’intégration global des économies et des gouvernements, un bon nombre de gouvernements pourraient bien s’effondrer s’ils étaient déjà bien affaiblis par de grandes vagues de révoltes mondiales. Mais certaines personnes vont devoir faire l’expérience de la lutte armée, certaines maintenant et il serait impardonnable que notre stratégie de révolution ait augmenté la certitude que d’autres personnes mourraient dans des conflits sanglants alors que nous demeurions en parfaite sécurité.

Nous devons accepter de manière réaliste que la révolution est une guerre sociale, pas parce que nous aimons la guerre, mais parce que nous reconnaissons que le statu quo est une guerre de basse intensité et que défier l’État a pour résultat l’intensification de cette guerre. Nous devons aussi accepter que toute révolution nécessite un conflit inter-personnel pace que certaines catégories de gens sont employées à défendre les institutions centralisées que nous devons détruire. Les gens qui continent à se déshumaniser en tant qu’agents des forces de “l’ordre” et de la loi (NdT : étatico-marchands) doivent être vaincus par quelques moyens nécessaires jusqu’à ce qu’ils ne puissent plus empêcher la réalisation autonome des besoins du peuple.

J’espère que durant le processus nous pourrons construire une culture du respect pour nos ennemis (un nombre de cultures non-occidentales a montré qu’il est en fait possible de respecter une personne ou un animal que vous devez tuer..), ce qui permettra d’éviter les “purges” ou la mise en place d’une nouvelle autorité lorsque l’état actuel aura été vaincu. Par exemple, on pourrait concevoir comme acceptable de tuer un ennemi plus puissant (par exemple, quelqu’un qui devrait être ciblé de manière clandestine par crainte des représailles de l’état), défavorable de tuer quelqu’un qui est également puissant et vu comme complètement immoral et préjudiciable de tuer quelqu’un de plus faible (comme par exemple quelqu’un de vaincu).

Nous pouvons être couronné de succès quant à un activisme révolutionnaire faisable en poussant pour des buts à long terme non-dilués. Mais nous ne devons pas oublier les victoires du court-terme. Dans le même temps, les gens ont besoin de survivre et de se nourrir. Nous devons reconnaître que la lutte violente contre un ennemi très puissant contre lequel une victoire à long terme paraît impossible, peut mener à des victoires sur le court-terme. Perdre des combat peut être mieux que de ne pas se battre du tout ; le combat donne du pouvoir aux personnes et nous enseigne comment combattre. En référence à la défaite de la bataille de la montagne Blair dans la guerre des mines en Virginie occidentale en 1921, le cinéaste John Sayles écrit : “La victoire psychologique de ces jours violents a peut-être été plus importante. Quand un peuple colonisé apprend qu’il peut lutter ensemble en retour, la vie ne peut plus jamais être aussi confortable pour les exploiteurs.

Avec suffisamment de résistance ferme et motivante, nous pouvons progresser au delà des petites victoires et parvenir à une victoire de longue durée contre l’État, le patriarcat, le capitalisme et la suprématie blanche. La révolution est impérative et elle nécessite la lutte. Il y a plusieurs formes efficaces de lutte, et certaines de ces méthodes peuvent mener aux mondes dont nous rêvons. Pour trouver un des bons chemins y menant, nous devons observer, évaluer, critiquer, communiquer et par dessus tout, apprendre en faisant.

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“Plus le péril grandit et plus grandit ce qui sauve.” (Hôlderling)

“La force est le devoir de l’État, pas du Hezbollah” (Hassan Nasrallah)

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Lectures complémentaires :

EZLN_Chiapas_Une-communaute-en-armes-tikva-honig-parnass

ZOMIA

Gustav_Landauer_Ultime_Compilation_pour_une_societe_des_societes

Dr_Bones_compilation

DrBones_Insurrection et Utopie

Reflexions-sur-le-peuple-en-armes-la-resistance-et-la-rebellion-3 textes

Rojava-Entretien-avec-TA

TAZ_Fr

Chiapas-Feu-et-Parole-dun-Peuple-qui-Dirige-et-dun-Gouvernement-qui-Obeit

Ricardo_Flores_Magon_Textes_Choisis_1910-1916

kaianerekowa Grande Loi de la Paix

Il n’y a pas de solution au sein du système, n’y en a jamais eu et ne saurait y en avoir ! (Résistance 71)

Source :  https://resistance71.wordpress.com/2024/10/01/reflexions-sur-la-non-violence-face-a-lultra-violence-etatico-marchande-2eme-partie-gunther-anders-peter-gelderloos-resistance-71/

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